Textes de : Jehan-Rictus (issus du recueil « Le cœur populaire »)
Mise en scène : Guy-Pierre Couleau
Avec le soutien de l’ADAMI dans le cadre du dispositif déclencheur théâtre.
Ces histoires issues du recueil « Le Cœur populaire » sont un manifeste en faveur du Pauvre, ce bon vieux Pauvre dont tout le monde parle et qui se tait toujours ; ce Pas-de-Chance que tout le monde voit mais que personne ne regarde. Jehan-Rictus décrit des personnages du peuple avec une vérité qui bouleverse et surprend. Seule en scène, Agathe Quelquejay offre à notre écoute une langue populaire haute en couleur, fascinante invitation à revisiter le français d’aujourd’hui.
Faire résonner la voix des pauvres pour qu’enfin on l’entende ! Est-ce donc possible du beau langage avec la langue des pauvres, des miséreux, celle de l’argot. Oh oui et c’est Jehan-Rictus, celui qu’on surnomme le Rossignol à la langue pourrie qui va l’honorer cette langue. Il la connait si bien qu’elle enchante son inspiration.
Mais qui connait Jehan-Rictus (1867-1934) ? Certes il a droit à une page sur Wikipédia mais figure-il dans les manuels scolaires ? Jehan-Rictus « enfant de l’amour », non reconnu par son père, exerça mille métiers, il fut S.D.F et connut la misère avant le succès avec le Soliloque du Pauvre.
C’est lui rendre grâce que d’interpréter au théâtre quelques unes de ses poésies tirées du recueil LeCœur Populaire . Dans une mise en scène très épurée de Guy-Pierre COULEAU, Agathe QUELQUEJAY s’y consacre avec bonheur. De toute évidence, elle la vit complètement cette poésie . Ce sont des mots qui sortent de la bouche d’enfants maltraités, que l’on entend gémir, soupirer, haleter, souffrir, des gueulantes de miséreux mais qui parlent aussi d’amour. Cette langue des pauvres, Agathe Quelquejay peut la mimer, la danser aussi. C’est une langue vivace qui vous regarde en face et qui a ses beautés. Elle frotte les murs, les trottoirs, la poussière, en un mot, elle est physique.
Jehan-Rictus devait être un fieffé slameur lui qui joua et chanta les chansons du Soliloque dupauvre dans des cabarets de la Butte Montmartre dont le Chat Noir. Il emploie la forme octosyllabique qui « rend admirablement l’expression dolente musicale » de la langue parlée par l’ouvrier des faubourgs parisiens et qui s’oppose au vers alexandrin « qui est un cercueil dans lequel on couche la poésie française ».
Comment résister à vous livrer un extrait de Berceuse pour un Pas-de-chance :
Le turbin a pris ma jeunesse,
Ma santé, ma joie, mes désirs ;
Et vioque on m’a laissé moisir,
Seul et nu devant la Richesse.
Et quand à ces gas économes
J’ai d’mandé un d’pain ou d’pèze ;
Y m’ont cité les « droits de l’homme
Et m’ont chanté « La Marseillaise’.
Agathe Quelquejay nous parle de « remettre en lumière les merveilles de notre langue ». Les poésies de Jehan-Rictus en font partie, elles sont à découvrir ou redécouvrir sans modération avec ce spectacle prochainement au Festival off d’Avignon
François Frapier, Marieva Jaime-Cortez, Nathalie Jeannet, Susana Lastreto, Tibor Radvanyi
Chant
Mona Faruel
Scénographie
Rodolfo Natale
Bande-son
Michel Bertier
Lumières et régie
Antoine Duris
Production
GRRR | Groupe Rires, Rage,Résistance
Dans un lieu qui pourrait être un grand hôtel de villégiature, ou un immeuble labyrinthique, la nuit, une adolescente n’arrive pas à dormir. Les yeux grands ouverts dans le noir elle écoute. Des adultes font la fête, font l’amour, font la guerre… Elle se lève, sort de sa chambre, déambule, espionne. Elle surprend des bribes de conversations, des confessions, des étreintes, des fous rires, des larmes. L’intimité des adultes qui s’aiment, se séparent ou restent ensemble cent ans. Des couples de tout genre. L’adolescente assiste à une sorte d’ inventaire des relations amoureuses contemporaines et porte sur elles un regard curieux, amusé, parfois critique. Elle poursuit un parcours initiatique dans les sentiers de l’amour et ce faisant elle grandit, quitte l’adolescence, devient femme, part découvrir par elle-même le monde, l’amour, les mystères des passions humaines.
Dans la petite salle au parquet qui craque du Théâtre de l’Epée de bois, nous avons été bien heureux de retrouver Susana et la belle équipe de la compagnie GRRR.
Susana LASTRETO dont nous avions beaucoup aimé le désopilant spectacle SexEden, il y a quelques années, s’interroge toujours sur le couple, les couples tant il est vrai que sans cet alliage entre un homme et une femme (hormis la préoccupation d’assurer sa descendance) , un homme et un homme, une femme et une femme , la littérature amoureuse serait réduite aux monologues et Feydeau et toutes les comédies de boulevard seraient rayés de la carte.
Il faut le reconnaitre, les scènes de ménage auxquelles personne n’échappera au cours de sa vie, sont souvent d’une cruelle banalité mais dès lors qu’elles sont interprétées par François FRAPIER et Nathalie JEANNET, elles explosent de fraicheur, tout en conservant le sel de la mauvaise foi de chaque partenaire pour nous faire rougir de plaisir.
Le sexe, ce mot mystérieux que ne comprend pas l’enfant, ne sera jamais vulgaire, Susana Lastreto s’émerveille qu’à chaque âge, l’amour ait son mot à dire et si l’état de grâce d’une rencontre, la fulgurance du début laissent place aux chamailleries et désagréments de la cohabitation, ne serait-ce point que le fait de supporter l’autre est une preuve d’amour sur la branche d’un je t’aime, d’un jeu t’aime.
La mise en scène de Susana Lastreto est fluide et les scènes où interviennent le couple, l’adolescente, la vieille dame, l’ami , s’enchainent librement. « Dans les plis de mon âme, je gardais un secret » nous dit la vieille dame (qui n’est pas si vieille car elle est interprétée par Susana elle même) , une chose est sûre, ce secret a du charme, nostalgie et fraicheur se partagent son parfum à la fois sucré et piquant, hors normes !
Makbeth est l’histoire d’un tyran, une spirale de violence qui mène à la folie. Alors que la guerre déferle sur une lande indéfinie, le général Makbeth apprend que la couronne pourrait être bientôt sienne. Épaulé par son épouse et pressé par son ambition, il assassine le roi Duncan. Arrivé sur le trône, il n’aura de cesse de vouloir accroître son pouvoir et éliminer un par un ses potentiels ennemis.
Distribution et production
Une création du Munstrum Théâtre D’après William Shakespeare Mise en scène Louis Arene
Avec Louis Arene, Sophie Botte, Delphine Cottu, Olivia Dalric, Lionel Lingelser, Anthony Martine, François Praud, Erwan Tarlet
Musique originale & création sonore Jean Thévenin & Ludovic Enderlen – Costumes Colombe Lauriot Prévost assistée de Thelma Di Marco Bourgeon & Florian Emma
Macbeth vu et adapté par le Munstrum Théâtre devient MaKbeth, le K étant une référence à Kafka.
Makbeth donc, un personnage qui se dépouille très rapidement de son humanité, celle qui transparaissait dans les propos empreints de philosophie et de poésie que lui prêtait Shakespeare. Ce Makbeth là fait penser à un pantin sans âme.
Il ne faut plus penser qu’au spectacle. Les personnages de la tragédie de Shakespeare se donnent en spectacle éperdument de façon effroyable, c’est à dire grotesque, et on ne cesse d’entendre glousser la grenouille celle qui voulait devenir plus grosse qu’un bœuf, tapant sur les épaules de Lady Makbeth sculpturale qui s’offre le luxe d’avoir une traine aussi longue qu’un rideau de scène.
Le bouffon lunaire qui orchestre mine de rien les boucheries de la guerre est aussi inquiétant qu’un personnage de Stéphen King.
Où se niche donc l’humanité de ces étranges humanoïdes qui avancent masqués. Sommes- nous dans un film de science fiction ou un film d’horreur.
L’excès finit par faire rire et le public rit beaucoup. Du sang, du sang, du sang, c’est trop ! Ces humanoïdes vomissent du sang. Makbeth ensanglanté en proie à des cauchemars dignes d’un délirium tremens se retrouve pendu par les pieds comme Mussolini ou bien il est assailli par des hommes devenus les tentacules visqueuses d’une pieuvre prête à l’engloutir.
Démonstration visuelle et stupéfiante de la monstruosité humaine. Les images sont là pour se fixer sur la rétine. Comme si les discours humanistes ne payaient pas et qu’il fallait regarder en face les horreurs dont sont capables les humains plus bestiaux que jamais.
Mais planera toujours cette dichotomie entre les aspirations spirituelles de l’humain et ses instincts bestiaux. Cet humain qui pense s’élever grâce à l’art et son intelligence au-dessus de la bête, est-il donc ridicule à ce point ?
Il y a vraiment le plaisir d’assister à un spectacle visuellement grandiose, servi par une troupe talentueuse et aguerrie. Ensuite, il faut digérer l’impact des images. Le Munstrum Théâtre mise sur le pouvoir de la dérision et du fantastique qui permet à la folie et aux fantasmes de se libérer plutôt que de sombrer dans la spirale meurtrière dont est à la fois responsable et victime Makbeth.
« Qui a éteint la la lumière » se plaint Lady Makbeth. Voilà que son époux devient philosophe, il était temps et c’est juste à la fin avant sa mort, ses derniers mots en somme :
« La vie n’est qu’une ombre qui marche. C’est une histoire racontée par un crétin. »
Et doucement le bouffon murmure : « Qu’est-ce qui est devant nous et que nous ne voyons pas… l’avenir ».
Evelyne Trân
Le 11 Mai 2025
TOURNÉE 2025-2026
22 et 23 mai 2025 – La Filature, scène nationale de Mulhouse
10 au 13 juin 2025 – Théâtre du Nord – CDN de Lille
5 au 7 novembre 2025 – Malakoff Scène nationale
12 au 14 novembre 2025 – Théâtre Varia (Bruxelles)
20 novembre au 13 décembre 2025 – Théâtre du Rond-Point (Paris),
Printemps 2026 : MC2 : Grenoble, Le Carreau – Scène nationale de Forbach et de l’Est mosellan… (en cours) .
Un cœur simple est une nouvelle de Gustave Flaubert tirée du recueil Trois contes, qui retrace l’histoire d’une servante au 19ème siècle, en Normandie, Félicité de son prénom…
Adaptation : Isabelle Andréani
Mise en scène : Xavier Lemaire
Une production Les larrons en accord avec le Théâtre de Poche Montparnasse.
Comment rendre croustillante, émouvante, voire extraordinaire l’histoire d’une servante au 19ème siècle ? C’est tout l’art de Flaubert et c’est aussi grâce à l’intelligence et le talent de de la comédienne Isabelle ANDREANI qui incarne Félicité.
Félicité fait partie de ces personnes « invisibles », celles qui n’ont pas vraiment le droit à la parole parce qu’elles sont en bas de l’échelon social. Pourquoi Flaubert s’est-il attaché à ce personnage ? A t-il rencontré dans sa propre vie une servante lui ayant servi de modèle ? C’est une autre histoire . Le fait est que Flaubert est un véritable portraitiste qui a un sens aigu de l’observation et en filigrane est un critique des mœurs de son époque, souvent avec humour. Il ne dit pas « Je » pour donner la parole à ses personnages. Alors s’il est vrai qu’il est l’auteur de cette réplique « Madame Bovary, c’est moi », pourrait-on penser qu’il se reconnait aussi dans le cœur simple de Félicité ?
En vérité, incarnée par Isabelle ANDREANI, Félicité devient une personne « pas comme les autres » qui déborde d’énergie, qui ne se laisse jamais abattre, toujours dévouée, courageuse, héroïque lorsqu’elle protège sa maitresse et les enfants lors de l’assaut d’un taureau.
Un portrait idyllique qui laisserait supposer que c’est très bien comme çà qu’il y ait d’un côté les maîtres et de l’autre les domestiques ? Pas vraiment car suffisamment de drames « ordinaires » ont fait quelques trouées dans sa vie toute tracée comme dans celle de sa maitresse. Un amour déçu, des deuils, et les petites humiliations qu’il faut bien oublier …
Elle remonte toujours la pente Félicité jusqu’à monter au ciel avec Loulou son perroquet !
Félicité un cœur simple, sans doute, mais également extraordinaire telle l’interprétation d’Isabelle ANDREANI. Un seule en scène sous le regard de Xavier LEMAIRE à ne pas manquer !
Bach, Gotainer, Chopin, Polnareff, Mozart, Biolay, Wagner et tant d’autres opérassemblés dans une même partition ! Airs classiques et variété, rapiécés ensemble, tournoient dans le vaste dédale de la mémoire.
Deux chanteuses inventent des paroles originales que leur inspirent les thèmes classiques, et les répertoires, habilement revisités, fusionnent et s’entrechoquent. L’accordéon, véritable orchestre à bretelles, auréolé de son parfum nostalgique offre un décalage inattendu à cet univers hétéroclite.
Une Opéralchimie du Souvenir où le rire et l’émotion se télescopent avec malice, une madeleine de Proust aux pépites musicales qui ravive l’âme !
Un opéra sans aucun air d’opéra où classique et variété fusent à pleins tubes !
De Aurore Bouston et Marion Lépine Mise en scène William Mesguich Direction musicale Louis Dunoyer Avec Aurore Bouston, Marion Lépine, Jonas Vozbutas ou Vincent Carenzi Costumes Marie-Caroline Béhue – Black Baroque Chorégraphies Eva Tesiorowski Construction décor Thierry Deroche Vidéo Boris Carré Diffusion L’Impertinente, Stéphanie Gesnel Production ABML Productions Coproduction Canal 33 Partenaires Centre Culturel Marcel Pagnol, Bures-sur-Yvette / Espace Bernard Dague, Louvres Soutiens Centre National de la Musique – CNM – Avec le soutien de la Ville de Bois-Colombes
Aurore BOUSTON et Marion LEPINE, voilà 2 chanteuses aux voix puissantes qui emportent le public dans un tourbillon hallucinant de chansons puisées dans notre mémoire collective.
Elles sont carrément déchainées ! A peine avons nous eu le temps de reconnaitre une chanson qu’elles enchainent sur une autre… Une foire aux chansons, pour nous rappeler que les chansons ça pousse comme les fleurs, les fruits, les légumes et qu’il faut les apprécier et surtout les cultiver.
Les jeunes seront heureux de les découvrir et les anciens se diront qu’ils ne sont pas si vieux si leurs chansons du siècle dernier résistent au temps qui passe…
Et elles n’ont pas seulement des belles voix Aurore et Marion, ce sont de fameuses comédiennes qui se déguisent en un tour de main en Nana MousKouri, Polnareff, le chanteur de Mexico et savent même danser le French cancan.
Bref, nous avons passé avec Aurore et Marion un super moment , du rire aux larmes toujours avec le sourire. C’est tout de même étonnant de retrouver dans cette cohue musicale des chanteurs aussi différents que Piaf, Biolay, Halliday etc.
Mais le thème de la mémoire ou de l’oubli qui rime avec nostalgie donne des ailes à l’imaginaire audacieux de ces deux chanteuses que la mise en scène de William MESGUICH met tout à fait en valeur.
Il faut également saluer l’équipe artistique qui les entoure généreusement, l’accordéoniste, la costumière, la chorégraphe !
C’est le genre de spectacle qu’il faut revoir plusieurs fois comme on effeuille une marguerite, beaucoup, passionnément. Allez y sans hésiter !
Evelyne Trân
Le 7 Mai 2025
N. B :OPERAPIECE sera à Avignon pour un concert gratuit le vendredi 13 juin à 12 H 30 à la Salle des préludes Opéra Avignon Place de l’horloge puis le spectacle sera au Festival off d’Avignon du 5 au 26 Juillet 2025 à 17 H 55 au Théâtre EPISCENE 5 rue Ninon Vallin 84000 AVIGNON.
Frédérique Forgeard, « Frédérique » , d’origine bretonne, débute au théâtre en 1973. En 1978, elle rencontre Gérard Pierron en tournée avec son spectacle sur Gaston Couté, ce fut le début d’une belle histoire d’amitié avec Gérard mais aussi avec Couté…. Frédérique a par la suite chanté ce poète notamment dans un spectacle intitulé « La Chanson des Mauves » puis dans « Gaston Couté, Jour de Lessive » présenté avec Bruno Daraquy à Publico en 2023. Elle y a égalelement présenté ce spectacle, le 28 Janvier 2024, en avant-première.
Mots et Musiques et Publico présentent Vendredi 16 Mai à 19h Le Voyage Suspendu, Spectacle de Peinture Parlante.
Depuis l’Antiquité, la Poésie est dite peinture parlante et la Peinture poésie muette. (Simonide de Céos)
Sur un fil tendu, entre Peinture et Poésie, nous glisserons de l’une à l’autre, comme des funambules. De là-haut, nous verrons les corbeaux de Rimbaud, s’échapper de la toile de Van Gogh.
Suspendus par les mots, nous irons vers le Nord, danser la Maclotte et un peu plus loin, dans un ciel de confettis, nous apercevrons la Montagne Sainte-Victoire…en pointillé, puis nousdéjeunerons sur l’herbe et terminerons notre voyage en bord de mer.
Un itinéraire poétique en Toiles et en Chansons, de Vincent van Gogh à Paul Klee, en passant par Marie Laurencin et Caspar David Friedrich
« Tout le monde veut être Madame MARGUERITE ». Il y a des enseignants tous genres confondus qui se croient au théâtre sur le devant de la scène, face à un public privilégié, la classe.
Madame MARGUERITE en fait partie, son public, une classe de CM2 n’a qu’à bien se tenir, elle aura droit à un cours inaugural exceptionnel de nature à les vacciner contre toutes les vacheries que se permettent certains adultes au nom de l’autorité.
Madame MARGUERITE, cette créature exubérante, cinglée et insupportable qui s’écoute parler telle la grenouille qui veut se faire aussi grosse que le bœuf est la personnification des années de plomb au Brésil (1964-1985) sous la dictature militaire.
L’auteur de la pièce éponyme, Roberto ATHAYDE avait 21 ans lors de sa création. En pleine dictature, la pièce a connu un grand succès, car elle exprimait probablement le ras de bol de toute une population condamnée au silence, en se moquant allègrement des tenants du pouvoir, à travers la caricature d’une maitresse d’école gagnée par la folie.
Le personnage, particulièrement cocasse et ridicule, profite de son statut pour terroriser d’innocentes brebis, ses élèves en dégoupillant vérités et contre-vérités sur la vie, la mort, le sexe.
« Vous allez tous mourir » leur assène-t-elle, les enjoignant à « cultiver l’obéissance reine de toutes les vertus ».
Qui ne se souvient pas de la sonnerie exaspérante de la fin de cours et du bruit de la craie sur le tableau noir sans éprouver quelques frissons ? Il est tellement facile de terroriser un enfant. Ils appellent ça l’école de la vie. En même temps, Madame MARGUERITE est si pitoyable qu’elle en devient touchante. Elle s’enlise dans ses délires, d’autant plus que son public est réduit au silence.
La mise en scène bien rythmée de Michel GIES met en valeur le jeu de la pétulante Emilie CHEVRILLON qui fait entendre la folie et la fragilité de cette dame-là, basculant de l’intonation infantile au rugissement animal avec une aisance incroyable.
Le spectacle délivre vigoureusement son message « Toute dictature est folie, signe que l’humanité est malade, à l’école de la vie, il devrait être toujours possible de réagir ! ».
Une histoire d’amour « merveilleuse » entre une mère et son fils ! Un merveilleux qui transite par la lucidité de l’enfant saisi de honte lorsque sa mère annonce à qui veut bien l’entendre, les voisins, les professeurs : Mon fils sera ambassadeur de France, mon fils sera un grand écrivain français.
« Son regard de fierté et d’admiration me suivait partout » confie Romain Gary dans ce roman autobiographique La promesse de l’aube écrit à l’âge mûr, à 45 ans. Le titre, juste le titre que l’on peut glisser sur ses lèvres, il est possible de l’associer à une caresse ultime, celle que procure au narrateur la présence inaliénable de cette mère, chevillée au corps et à l’esprit. Elle préside à la destinée de son fils.
D’un naturel exubérant Mina Owczynska née en Lituanie et émigrée en France (à l’adolescence de Romain) douée d’une énergie hors normes, consacra sa vie à l’éducation de son fils au point de l’étouffer, ce dernier se prenant à regretter qu’elle n’ait point eu d’amant.
Cette mère extravagante qui déclarait avoir été une grande actrice avait une personnalité encombrante mais si pleine de vitalité qu’elle l’a manifestement transmise au narrateur dont l’œuvre révèle bien des aspects tourmentés, voire désespérés. Gary lui fait dire que « La mort est une formalité désagréable mais où tous les candidats sont reçus ».
Il fallait exprimer cette promesse de l’aube avec cet humour destiné à « désamorcer le réel » Franck DESMEDS s’y emploie en donnant le ton de l’invraisemblance du souvenir. C’est que Gary n’analyse pas ses souvenirs, il les vit comme de véritables flashbacks émotionnels, comme au cinéma certaines scènes de film où sa mère jouerait le rôle principal. A croire que sa mère était une véritable actrice dans la vie. Pour celle qui était dans la misère, seule pour élever son fils, il s’agissait de réinventer la vie.
Franck DESMEDS met en évidence les anecdotes les plus croustillantes du roman, celle par exemple où l’enfant Gary est contraint de jouer au tennis devant sa majesté Gustave V de Suède pour ne pas décevoir sa mère qui entendait l’inscrire gratuitement à un cours célèbre ou encore celle où il s’apprête à aller tuer Hitler à la demande de sa mère qui finit par le prier de « renoncer à ce projet héroïque ».
L’on y croit à ces scènes et on les visualise à travers la voix de Franck DESMEDS tour à tour aimable, sémillante, colorée, grasseyante ou pointue, qui interprète aussi bien Gary que sa mère et d’autres personnages.
Et l’on rit pendant le spectacle, ce qui fait un bien fou, avec indulgence pour les fantasmes d’une mère si originale, si pittoresque. Romain Gary écrit avec une pointe d’amertume :
« Avec l’amour maternel, la vie vous fait à l’aube une promesse qu’elle ne tient jamais. On est obligé ensuite de manger froid jusqu’à la fin de ses jours ».
Or, c’est à travers cette promesse de l’aube que Mina Owczynska apparaît comme pour fortifier l’image du narrateur qui se confondrait alors avec celle de la mère, letemps d’un sentiment de tendresse retrouvée, le temps d’un geste de bienveillance.
L’on ressort du spectacle l’esprit apaisé et heureux !
https://www.youtube.com/watch?v=shk0aIYhdEY&t=8s C’est l’histoire d’un homme qui a choisi les mots comme rempart à la libéralité de nos émotions, à cet aléatoire, ce rien confus qui parfois nous trouble. Le narrateur raconte sa curieuse confrontation avec la solitude et une nature difficile, voire hostile ; il fait affreusement froid là-bas en Sibérie, non sans se départir d’un certain humour « Je vais enfin savoir si j’ai une vie intérieure ».
Nous ne pouvons-nous empêcher de penser qu’il prête de l’esprit aux montagnes, à la banquise, au soleil et plus largement à la nature d’une présence d’autant plus prégnante que l’homme qui l’éprouve a pour partenaire cette étrange maîtresse, la solitude.
Pourquoi donc raconter cette aventure qui a duré six mois, pour avoir suffisamment de matière pour écrire un livre ? Nous pensons que Sylvain Tesson poète dans l’âme, a écrit ce livre pour fixer une véritable histoire d’amour avec un paysage, une nature foisonnante de mystère devenue sa compagne.
William Mesguich tour à tour émouvant, drôle, lyrique, laisse fuser toute cette sensualité propre aux mots qui fondent dans la bouche et suggèrent toutes sortes de sensations qui vont bien au-delà de la pensée. Car il faut quelque peu la faire exploser cette intériorité de la pensée qui épouse l’austère nature et se rêver animal homme pour faire battre son cœur !
Production : Artistic Scenic, Ada Productions et DB&A
Le 30 juin 1984, l’enfance de Thelma, 11 ans, s’arrête. Comment fait-on pour se reconstruire après une vérité cachée ? D’une adolescente survoltée, à la jeune femme qui monte à Paris pour réaliser son rêve, de la femme prise en étau par son corps et ses amours, grâce à la scène, Thelma va trouver en elle, la force de grandir… Du rire aux larmes, par le récit de personnages sensibles, redoutables et parfois drôles, Cache Cache nous percute en plein cœur.
Une production Les larrons en accord avec le Théâtre de Poche Montparnasse.
Un cœur simple est une nouvelle de Gustave Flaubert tirée du recueil Trois contes, qui retrace l’histoire d’une servante au 19ème siècle, en Normandie, Félicité de son prénom… Ce spectacle a été nommé en 2019 aux Molières dans la catégorie Meilleur Seul en Scène, joué plus de 400 représentations en France et à l’étranger, il revient pour notre plus grand plaisir !
Ce sont les 7 derniers jours de Madeleine Béjart, première compagne de Molière, qui a été sa « mentor », sa muse, sa compagnonne de route, son ombre…
Madeleine Béjart est une femme moderne. Elle s’aventure sur des chemins qu’aucune femme de son époque n’a empruntés. Elle est une interprète de génie, elle écrit des vers, elle invente la mise en scène, elle construit, finance et dirige la troupe qui deviendra le Théâtre Français en 1680. La Comédie Française devrait s’appeler la maison de Molière et de Madeleine Béjart !
Il voulait être seul. Et puis elle entre dans son compartiment. Elle ne le regarde pas. Pire encore, c’est comme s’il n’existait pas. Elle lit. Qui est-elle ? A quoi joue-t-elle ? Qui est cette inconnue, proche de la « passante » de Baudelaire ? Que cache-t-elle ? Aussitôt, des textes sur les femmes et la séduction surgissent, se recoupent et se contredisent. Le jeu est grave et rieur. Le spectacle est comme une boîte dont on sort des cartes imprévues, mais de la même famille, celle du cœur.
Production : Le Grenier de Babouchka, Scène Productions et A&P Productions
Le 25 avril 1974, au Portugal, la révolution des œillets fait chuter la plus longue dictature d’Europe. Des milliers de Portugais marchent ensemble, vers leur destin pour écrire, la fleur au fusil, une sublime histoire d’union, d’amour et de paix. Ces hommes et ces femmes réussissent ainsi à gagner leur liberté sans qu’aucune goutte de sang ne soit versée. C’est l’histoire d’une démocratie qui se gagne par l’union d’un peuple et qui se conquiert avec des fleurs. Quand son petit-fils l’interroge sur sa vie, Céleste, émigrée portugaise en France, convoque en sa mémoire les souvenirs passés de sa jeunesse muselée par la dictature de Salazar…
Ce soir le théâtre se transforme en salle de classe. Celle de Madame Marguerite, institutrice mégalomane et tyrannique. Elle est investie d’une mission : faire de vous des élèves obéissants. Inexpressifs. Impuissants. Un monologue critique de la dictature, intense et caustique, sans tabou, qui secoue la morale avec une insolence vivifiante, mis en scène avec finesse par Michel Giès et interprété par l’époustouflante Emilie Chevrillon. Un moment jubilatoire.
Romain Gary raconte sa jeunesse, son déracinement, sa relation à sa mère qui l’élève seule. Elle rêve de grandeur pour lui. Il n’aura de cesse d’essayer d’être à la hauteur de ce rêve. Passant de la mère étouffante d’amour à la femme de ménage espiègle, du grand De Gaulle à une galerie de petits Parisiens qui traversent la terrible guerre, Franck Desmedt retrace avec virtuosité l’itinéraire de l’un des auteurs les plus mystérieux, le seul à avoir obtenu deux fois le prix Goncourt.
Production : Atelier Théâtre Actuel, Samsha Films, Pony Production, Qui Vive !, SPJL Production, Avec le soutien de la ville de Romainville — Coup de cœur du Festival BeFOre le OFF – Saint-Cloud
Une jeune femme tombe malade. La grippe, quoi de plus banal. Mais la maladie s’aggrave et elle est transportée d’urgence à l’hôpital. Son pronostic vital est engagé, son cœur très affaibli : l’équipe médicale décide de lui greffer une machine de circulation extra corporelle. Comme c’est étrange, à 29 ans, d’avoir le cœur qui flanche… Comment faire pour survivre ? Comment revenir au monde ? Une histoire de montagne à gravir, de brouillard à traverser, de résilience et d’amour. Une plongée dans l’univers surréaliste, épique et désespérément drôle de la réanimation. D’après une histoire vraie.
C’est comme si c’était l’histoire d’un homme qui se racontait une pièce de théâtre. Ou c’est comme si une pièce de théâtre traversait un seul homme. Dans les deux cas, le présent a un goût de souvenir. Théâtre radical : de quoi s’agit-il là, sinon de voir les voix, et de tenter de les faire voir ? L’art de la « mise en scène » attendra. Nous arrêtons ici le « spectacle » à sa seule rêverie. Dans la pièce de Daudet, on ne voit jamais L’Arlésienne, n’est-ce pas ? Cette fois, on ne verra pas davantage les autres, Frédéri, Vivette, Rose Mamaï, le Gardian ou Balthazar… mais on entendra leurs spectres. Et pourquoi L’Arlésienne ? Parce que c’est la Provence et, derrière la naïveté apparente de ses accents, tendez l’oreille, plusieurs Provence. Et parce que c’est autrefois et, tendez l’oreille, c’est encore maintenant. Et parce que c’est l’amour, enfin. Tendez l’oreille : celui, ici, maladie infantile et mortelle, de tous pour tous.
Production : Compagnie de l’Étreinte. Pierre Bonnier – Théâtre de la Huchette – Théâtre du Poche Montparnasse
William Mesguich nous fait revivre sur scène l’expérience exceptionnelle de l’écrivain-aventurier Sylvain Tesson. Parti loin de la cité et de la foule, il fait le choix de s’isoler au milieu des forêts de Sibérie, là où ses seules occupations sont de pêcher pour se nourrir, de couper du bois pour se chauffer. Il réapprend le bonheur de la lecture et de la réflexion solitaires. Avec poésie et humour parfois, il nous entraine dans sa cabane : « Et si la liberté consistait à posséder le temps ? Et si la richesse revenait à disposer de solitude, d’espace et de silence, toutes choses dont manqueront les générations futures ? »
Textes de : Jehan-Rictus (issus du recueil « Le cœur populaire »)
Mise en scène : Guy-Pierre Couleau
Avec le soutien de l’ADAMI dans le cadre du dispositif déclencheur théâtre.
Ces histoires issues du recueil « Le Cœur populaire » sont un manifeste en faveur du Pauvre, ce bon vieux Pauvre dont tout le monde parle et qui se tait toujours ; ce Pas-de-Chance que tout le monde voit mais que personne ne regarde. Jehan-Rictus décrit des personnages du peuple avec une vérité qui bouleverse et surprend. Seule en scène, Agathe Quelquejay offre à notre écoute une langue populaire haute en couleur, fascinante invitation à revisiter le français d’aujourd’hui.
C’est l’histoire de l’amour incommensurable d’une mère pour son fils. C’est l’histoire d’une mère qui est prête à tout pour offrir la meilleure vie à son fils. C’est l’histoire d’une réussite…
Fin septembre, réunion de parents d’élèves : elle est là, « la mère du Burt ». Celle qu’on n’a pas vue depuis des années, celle qu’on aurait sans doute préféré ne pas revoir. Elle n’a plus aucune raison d’être là, pourtant elle s’est invitée. Alors, comme le prof principal est en retard, elle se lève et parle. En combat contre les mots, elle se raconte, raconte son Burt, cet « enfant difficile ». Dans ce texte ciselé et haletant, cette mère courage n’a aucune limite pour son fils qu’elle embarque sur les routes de France, en quête d’un rêve hollywoodien. Et au fil de ce parcours entre musique, danse et cinéma, une vraie émotion se dévoile peu à peu. On comprend alors qui elle est, et pourquoi elle est là…