Jean- Marie Blanche dit Le Cormoran un poème qu’il a écrit et dédié à Jean Richard.

L A     N U I T     D U     C O R M O R A N

Un petit homme s’ennuie à jouer les prophètes

Et lance dans la nuit des oiseaux à fléchettes

Quand sa poule, très cool, enfile des bas de soie.

À l’ambre de la vie exploitée de devis,

Cerné par le devoir qui le met au défi,

Il ne pourra jamais ensevelir la foi

Si son si lancinant, silencieux navire

Ne l’emporte à ravir aux nues des Cormorans.

Regardez le puissant navire dans les dunes de sable :

Dansez sirènes à l’horizon.

Sans cœur pour ses ancêtres, imprécateurs, devins,

Exécuteurs publics des grands maux de demain,

 Ce petit homme en vient à ne penser qu’à soi.

Aux embruns de l’envie perdus dans le désert,

Les gardiens de l’amour qui parfume les airs

Allument dans les cieux l’étoile d’autrefois

Si leur si lancinant, silencieux navire

Les emporte à ravir aux nues des Cormorans.

Regardez le puissant navire dans les dunes de sable :

Dansez sirènes à l’horizon.

Au coucher du soleil sur la rose des sables,

Ses graffitis d’amour sur son château de sable

Font chanter les couleurs des reflets de la vie.

Le Cormoran du ciel s’envole et fait la fête

Dans une nuit sublime de lunes et comètes.

Le petit homme a ri et puis il est parti

Sur son si lancinant, silencieux navire

Qui l’emporte à ravir aux nues des Cormorans.

Regardez le puissant navire dans les dunes de sable :

Dansez sirènes à l’horizon.

Dit pendant l’émission « Deux sous de scène »

sur Radio Libertaire au mois de mai 2010 par Jean-Marie Blanche.

Jean-Marie Blanche dit Arlequin un poème de Francis Blanche.

Paroles: Francis Blanche

 Arlequin
Arlequin poignardé
Sur les quais du vieux Londres
L’enquête est mal conduite
Et Scotland Yard s’y perd
On a fouillé en vain la chambre
Addlestone Square
La dame de l’hôtel refuse de répondre
On recherche un vieux clown
Qui le soir du crime
Réparait sur les docks
Un cerceau en papier
Car en effet, lui seul pourrait
Nous révéler quelle était la chanson
Que chantait la victime

Interpol a lancé trois agents sur l’affaire
On a interrogé les amis du défunt
Polichinelle à Rome
Colombine à Berlin
Et Pierrot, Pierrot qui faisait
Du ski à Val d’Isère

Tous trois ont répondu
D’un air un peu bizarre
Car ils savent déjà
Que ce sera bientôt leur tour
Ils connaissent le nom du tueur de guitare
Mais pendant ce temps–là
L’assassin court toujours
L’assassin court encore
Il s’appelle « chacun »…

Chacun de nous, de vous
Aux treize coins du monde
Chacun a plus ou moins
Dans les brouillards de Londres
Un soir sans le savoir
Poignardé Arlequin…

JUDITH MAGRE DIT APOLLINAIRE EN DUO AVEC ERIC NAULLEAU tous les lundis à 19 H au Théâtre Poche Montparnasse 75 Bd du Montparnasse 75006 PARIS.

Lumière : Alireza KISHIPOUR

Photographie Sébastien TOUBON

Ne vous est-il pas familier ce visage d’Apollinaire portraitisé par Picasso, Marie Laurencin et Jean Cocteau avec cet air bonhomme voire jovial ? Cet homme là est poète et d’après Eric NAULLEAU de nature à nous faire signe tous les jours . Rappelons nous la chanson de Charles TRENET, L’âme des Poètes :

Longtemps, longtemps, longtemps
Après que les poètes ont disparu
Leurs chansons courent encore dans les rues

Apollinaire fait partie de ces poètes et ces poèmes ont été mis en musique par Léo FERRE !

Apollinaire a écrit les plus beaux poèmes d’amour de la langue française, il a ouvert la porte à la poésie en prose, il a inventé le mot surréalisme pour qualifier son drame Les Mamelles de Tirésias « drame surréaliste en deux actes et un prologue ».

Toujours fleuri l’arbre de poésies d’Apollinaire, et il suffit d’en cueillir quelques unes pour imaginer l’homme. C’est toute la puissance de la poésie de pouvoir évoquer un homme ou une femme .

Par la voie, la voix de Judith MAGRE, comment ne pas être saisi par une lettre d’amour à Lou, écrite dans une tranchée bombardée d’obus. Mais il ne faut pas croire qu’Apollinaire, l’auteur du mélancolique Pont Mirabeau soit toujours triste . Des extraits de Zone nous le prouvent, l’artiste était un bon vivant, curieux de tout, toujours prêt à mordre la vie à pleines dents.

La causerie sur Apollinaire concoctée par Judith MAGRE et Eric NAULLEAU recèle des anecdotes savoureuses que nous ne vous dévoilerons pas, il suffit d’aller les applaudir pour en apprécier la substantifique moelle.

Eric NAULLEAU tout en finesse communique son admiration pour le poète et Judith MAGRE possède cet art unique, propre à l’artiste : faire entendre l’âme du poète !

Une causerie ? Le terme est léger mais il convient tout à fait à Apollinaire. A l’issue de la représentation, on croit encore l’entendre converser derrière nous. Vive Apollinaire !

Evelyne Trân

Le 27 Mai 2025

LISTE DES POÈMES DITS PAR JUDITH MAGRE

Le Pont Mirabeau
Zone (I et II)
Hôtels
Marizibill
La Chanson du mal-aimé
Sur les prophéties
À la Santé

Réponse des Cosaques
Zaporogues au Sultan de Constantinople
Le Chat
Le Serpent
Le Lion
L’Éléphant
La Puce
Le Poulpe

Scène du 22 avril 1915
Poème à André Billy
La Loreley

ZOOM​ de Gilles GRANOUILLET avec Pamela RAVASSARD au Théâtre des Gémeaux Parisiens dans le cadre du Festival du Seul.le en scène – 15 Rue du Retrait 75019 PARIS – Vendredi 16.05 à 19 H et Dimanche 25.05 à 15h.

© Photo : Alejandro Guerrero

Mise en scène : Pamela Ravassard

C’est l’histoire de l’amour incommensurable d’une mère pour son fils. C’est l’histoire d’une mère qui est prête à tout pour offrir la meilleure vie à son fils. C’est l’histoire d’une réussite…

Fin septembre, réunion de parents d’élèves : elle est là, « la mère du Burt ». Celle qu’on n’a pas vue depuis des années, celle qu’on aurait sans doute préféré ne pas revoir. Elle n’a plus aucune raison d’être là, pourtant elle s’est invitée. Alors, comme le prof principal est en retard, elle se lève et parle. En combat contre les mots, elle se raconte, raconte son Burt, cet « enfant difficile ». Dans ce texte ciselé et haletant, cette mère courage n’a aucune limite pour son fils qu’elle embarque sur les routes de France, en quête d’un rêve hollywoodien. Et au fil de ce parcours entre musique, danse et cinéma, une vraie émotion se dévoile peu à peu. On comprend alors qui elle est, et pourquoi elle est là…

Equipe artistique

Interprétation: Pamela Ravassard
Violoncelliste: Nathan Minière
Collaboration artistique : Garlan Le Martelot
Collaboration artistique et création lumière: Cyril Manetta
Création sonore et arrangements: Frédéric Minière:
Scénographie et costumes: Hanna Sjödin
Chorégraphie : Johan Nus
Coach vocal: Stéphane Corbin

Le spectacle ZOOM de Gilles GRANOUILLET interprété et mis en scène par Pamela RAVASSARD donne tout son sens ( c’est le cas de le dire car nous l’avons découvert au Festival SENS ) au qualificatif de Seule en scène .

Qu’attendrions nous d’un seul.e en scène s’il était proposé au quidam auquel chacun.e de nous pourrait s’identifier ? Il y a une bonne quinzaine d’années au Théâtre Le Lucernaire grâce à la bienveillance de son directeur Christian LE GUILLOCHET, le dernier dimanche du mois un poète slameur Vincent JARRY organisait une scène ouverte permettant à « n’importe qui » de s’exprimer . De fait cette scène était réservée aux personnes n’ayant pas les moyens de payer pour la scène suivante destinée aux professionnels.

Cette opportunité de s’exprimer face à un public, sans détenir les codes des artistes professionnels, il fallait la saisir car elle était exceptionnelle . Imaginez le fantasme, se retrouver seul.e face à un public inconnu pour délivrer quelque chose d’intime qui nous tient au cœur, ou un message urgent qui nous relie à la vie.

Ce personnage de Zoom, une mère qui vient frapper à la porte d’un public inconnu, ici, un groupe de parents d’élèves pour lui raconter son histoire de mère avec un enfant « difficile » évoque cette émotion de se retrouver seul.le pour raconter l’inaudible qui a pourtant un lien avec la société, qui se trouve sans doute en dessous du goudron de la rue, parcouru par tout le monde, qui est comme le terre plein du coeur qui bat à tout rompre, dans l’urgence, mais dans l’urgence de quoi ?

Cette femme qui s’est complètement identifiée à son rôle de mère a oublié qu’elle était une personne à part entière . Elle s’est effacée de son propre miroir pour se projeter sur le destin de son fils Burt devenu la prunelle de ses yeux. Elle rêve pour lui la gloire d’un acteur tel que Burt LANCASTER, parce qu’elle l’a conçu lors de la projection au cinéma du film « Tant qu’il y aura des hommes ».

La confession de cette femme est bouleversante parce qu’elle n’est pas lisse. Nous sommes tellement habitués au langage conventionnel, suffisamment léché pour entrer dans les oreilles de quiconque, que nous sursautons dès que nous entendons une personne qui parle trop fort, qui crie, lance des insultes etc.

« Passez votre chemin » aura-t-on envie de dire à cette dame. Vous nous importunez avec votre histoire. Pauvre femme ! » On pourrait la qualifier de toxique la mère de Burt parce que c’est évident à cause de son manège insensé elle a rendu la vie de son gosse impossible. Et si nous essayions de faire Zoom comme Gilles GRANOUILLET sur ces détails qui prennent une importance inouïe sans même que l’on s’en rende compte.

Nous ne sommes pas psychiatres, nous n’avons pas les codes pour juger et comprendre sans doute, mais cela nous fait du bien de l’entendre cette femme parce qu’elle nous renvoie à des fantasmes que nous avons peut être eu en tant que parents, parce qu’elle nous parle de la vie tout simplement.

Et puis cette pauvre femme est aussi une mère courage, nous laissons au public imaginer la suite…

Gilles GRANOUILLET sait trouver le langage qui ne coule pas de source mais qui est révélateur de la vie intérieure de la mère de Burt jusqu’à ce qu’elle arrive à se dire. Pamela RAVASSARD est saisissante. Elle crache le morceau mais il est de taille à nous subjuguer.

Evelyne Trân

Le 26 Mai 2025

N.B : Paméla RAVASSARD était l’invitée de l’émission DEUX SOUS DE SCENE sur Radio Libertaire 89.4, le samedi 24 Mai 2025, en podcast sur le site de Radio Libertaire.

Le spectacle aura lieu Festival off d’Avignon du 4 Juillet au 26 Juillet à 10 H (relâche les 8, 15, 22 juillet) au Théâtre GIRASOLE 24 Bis rue Guillaume Puy 8400 AVIGNON

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Madeleine Béjart, une femme libre. Une fable de Pierre Olivier Scotto. Seule en scène avec Isabelle ANDREANI au Théâtre des Gémeaux Parisiens 15, rue du Retrait 75020 PARIS – Samedi 24 Mai à 18 H 30, Jeudi 29 Mai à 18 H 30, samedi 31 Mai à 17 H.

Une fable de : Pierre Olivier Scotto

Equipe artistique

Xavier Lemaire – Mise en scène

Isabelle Andreani – Interprétation

Didier Brun – Création lumière

Caroline Mexme – Scénographie

Christine Vilers – Costumes

Franck Willig – Régie

Production : Compagnie Les larrons

​​BANDE ANNONCE MADELEINE BEJART

https://www.youtube.com/watch?v=MijGFGHhOVk

Ce sont les 7 derniers jours de Madeleine Béjart, première compagne de Molière, qui a été sa « mentor », sa muse, sa compagnonne de route, son ombre…

Madeleine Béjart est une femme moderne. Elle s’aventure sur des chemins qu’aucune femme de son époque n’a empruntés. Elle est une interprète de génie, elle écrit des vers, elle invente la mise en scène, elle construit, finance et dirige la troupe qui deviendra le Théâtre Français en 1680. La Comédie Française devrait s’appeler la maison de Molière et de Madeleine Béjart !

Madeleine BEJART, voilà un nom qui résonne dans notre mémoire scolaire mais pas davantage. Pierre Olivier SCOTTO se penche sur le destin de cette femme « saltimbanque » qui fut la compagnonne de Molière à ses tout débuts jusqu’à sa mort.

Il ne s’agit pas d’une hagiographie mais du portrait d’une comédienne qui consacra toute sa vie au théâtre et qui déballe son amour pour cet art de façon bouleversante.

Histoire de vie, leçons de théâtre s’entremêlent allègrement. Si vous ne savez pas rire, vous découvrirez avec Isabelle ANDREANI toute la gamme des rires indispensable dans une comédie. Si vous n’avez jamais fait de théâtre, Madeleine BEJART incarnée par Isabelle ANDREANI vous donnera sûrement envie de monter sur les planches, ne serait-ce qu’en artiste amateur. Car la passion est contagieuse, et chez cette femme elle parle surtout de bonheur. L’auteur de la pièce Pierre Olivier SCOTTO nous fait grâce de ses malheurs ou ne les évoque qu’en sourdine. Madeleine BEJART, fille mère, mal aimée par Molière dut accepter que ce dernier épousa sa propre enfant Armande. Dans l’ombre de Jean-Baptiste qu’elle déniaisa et qu’elle sauva de la déroute financière à ses débuts -puisque Molière apprend-on a fait de la prison pour dettes – participa même à l’écriture de certaines pièces, Madeleine fut en somme la colonne vertébrale de Molière comparé à un homard enveloppé d’une carapace mais mou à l’intérieur.

Franchement Isabelle ANDREANI est fabuleuse dans ce rôle. Elle apparait d’ailleurs toute émue lorsqu’elle vient saluer le public sous un tonnerre d’applaudissements. C’est comme si Madeleine réincarnée sortant de l’ombre du souverain Molière, accédait enfin à la reconnaissance . Qu’on se le dise sans Madeleine, nous n’aurions pas eu Molière.

Un seule.en scène idéalement mis en scène par Xavier LEMAIRE à ne pas manquer !

Evelyne Trân

Le 25 Mai 2025

N.B : Le spectacle sera au Festival d’Avignon de 5 au 26 Juillet 2025 à 11 H 45 – Durée 1 H 15 – relâche les 11, 18 juillet- à LA LUNA 1 rue Séverine 84000 AVIGNON.

 

L’ARLÉSIENNE de Alphonse Daudet – Jeu et mise en scène de Daniel Mesguich – Dans le cadre du Festival SENS du seul.e en scène au Théâtre des Gémeaux Parisiens 15, rue du Retrait 75020 PARIS -Vendredi 2.05 à 19 H, Samedi 10.05 à 16h45, Dimanche 25.05 à 17h15, Vendredi 30 Mai à 20 H 45.

Photo D.R.

C’est comme si c’était l’histoire d’un homme qui se racontait une pièce de théâtre. Ou c’est comme si une pièce de théâtre traversait un seul homme. Dans les deux cas, le présent a un goût de souvenir. Théâtre radical : de quoi s’agit-il là, sinon de voir les voix, et de tenter de les faire voir ? L’art de la « mise en scène  » attendra. Nous arrêtons ici le « spectacle  » à sa seule rêverie. Dans la pièce de Daudet, on ne voit jamais L’Arlésienne, n’est-ce pas ? Cette fois, on ne verra pas davantage les autres, Frédéri, Vivette, Rose Mamaï, le Gardian ou Balthazar… mais on entendra leurs spectres. Et pourquoi L’Arlésienne ? Parce que c’est la Provence et, derrière la naïveté apparente de ses accents, tendez l’oreille, plusieurs Provence. Et parce que c’est autrefois et, tendez l’oreille, c’est encore maintenant. Et parce que c’est l’amour, enfin. Tendez l’oreille : celui, ici, maladie infantile et mortelle, de tous pour tous.

 » l’Arlésienne » Qui ne connait pas cette expression concernant une personne dont tout le monde parle mais qu’on ne voit jamais ? Cette Arlésienne, elle existe pourtant bel et bien dans une nouvelle des Lettres de mon Moulin d’Alphonse DAUDET qui fut adaptée pour le théâtre sur une musique de Georges Bizet. La pièce n’a guère été jouée, aussi l’initiative de Daniel MESGUICH d’offrir au public une représentation de cette pièce en interprétant tous les protagonistes est particulièrement bienvenue. Et puis c’est une expérience unique pour les spectateurs. Imaginez une pièce avec de multiples personnages sortant de la bouche d’un seul interprète qui réussit à captiver son auditoire, sans quitter son tabouret, en jouant seulement de sa voix , l’indispensable instrument de l’acteur.

En fond de scène , mouvementée par quelques silhouettes apparait la ferme « maudite » qui conserve le souvenir d’un mélodrame, sujet de l’Arlésienne. Car l’Arlésienne est un mélodrame qui raconte l’amour malheureux d’un homme pour une femme . C’est un mélodrame collectif car tout l’entourage du héros Fréderi est suspendu à cette histoire d’amour et jusqu’au bout, il espère une issue heureuse.

Et le conteur de maintenir la tension et le suspense. « Bon Dieu, se demande le public, que se passe t-il dans la tête de tous ces gens et surtout dans celle de Fréderi ?  » Les commentaires, nous les garderons pour nous, l’issue du mélodrame est écrite n’est-ce pas ? Or nous continuons à espérer jusqu’à la fin, jusqu’à la fin , les larmes aux yeux.

Tous ces ruisseaux de voix, celles de Vivette, Balthazar, Fréderi, Jeannet, Rose etc. réunies par Daniel MESGUICH recréent l’écho d’une histoire qui vient juste d’avoir lieu. Comment ne pas être bouleversés !

Evelyne Trân

Le 19 Mai 2025

ROSSIGNOL À LA LANGUE POURRIE – Textes de Jehan-Rictus avec Agathe Quelquejay au Théâtre des Gémeaux Parisiens 15, rue du Retrait 75020 PARIS dans le cadre du Festival SENS du Seul.e en scène du 1er au 17 Mai 2025 puis au Festival off d’Avignon du 5 au 26 Juillet 2025 au Théâtre du Balcon. ​

© Photo : Laurencine Lot

Textes de : Jehan-Rictus (issus du recueil « Le cœur populaire »)

Mise en scène : Guy-Pierre Couleau

Avec le soutien de l’ADAMI dans le cadre du dispositif déclencheur théâtre.

Ces histoires issues du recueil « Le Cœur populaire » sont un manifeste en faveur du Pauvre, ce bon vieux Pauvre dont tout le monde parle et qui se tait toujours ; ce Pas-de-Chance que tout le monde voit mais que personne ne regarde. Jehan-Rictus décrit des personnages du peuple avec une vérité qui bouleverse et surprend. Seule en scène, Agathe Quelquejay offre à notre écoute une langue populaire haute en couleur, fascinante invitation à revisiter le français d’aujourd’hui.

Faire résonner la voix des pauvres pour qu’enfin on l’entende ! Est-ce donc possible du beau langage avec la langue des pauvres, des miséreux, celle de l’argot. Oh oui et c’est Jehan-Rictus, celui qu’on surnomme le Rossignol à la langue pourrie qui va l’honorer cette langue. Il la connait si bien qu’elle enchante son inspiration.

Mais qui connait Jehan-Rictus (1867-1934) ? Certes il a droit à une page sur Wikipédia mais figure-il dans les manuels scolaires ? Jehan-Rictus « enfant de l’amour », non reconnu par son père, exerça mille métiers, il fut S.D.F et connut la misère avant le succès avec le Soliloque du Pauvre.

C’est lui rendre grâce que d’interpréter au théâtre quelques unes de ses poésies tirées du recueil Le Cœur Populaire . Dans une mise en scène très épurée de Guy-Pierre COULEAU, Agathe QUELQUEJAY s’y consacre avec bonheur. De toute évidence, elle la vit complètement cette poésie . Ce sont des mots qui sortent de la bouche d’enfants maltraités, que l’on entend gémir, soupirer, haleter, souffrir, des gueulantes de miséreux mais qui parlent aussi d’amour. Cette langue des pauvres, Agathe Quelquejay peut la mimer, la danser aussi. C’est une langue vivace qui vous regarde en face et qui a ses beautés. Elle frotte les murs, les trottoirs, la poussière, en un mot, elle est physique.

 Jehan-Rictus devait être un fieffé slameur lui qui joua et chanta les chansons du Soliloque du pauvre dans des cabarets de la  Butte Montmartre dont le Chat Noir. Il emploie la forme octosyllabique qui « rend admirablement l’expression dolente musicale » de la langue parlée par l’ouvrier des faubourgs parisiens et qui s’oppose au vers alexandrin « qui est un cercueil dans lequel on couche la poésie française ».

Comment résister à vous livrer un extrait de Berceuse pour un Pas-de-chance :

Le turbin a pris ma jeunesse,

Ma santé, ma joie, mes désirs ;

Et vioque on m’a laissé moisir,

Seul et nu devant la Richesse.

Et quand à ces gas économes

J’ai d’mandé un d’pain ou d’pèze ;

Y m’ont cité les « droits de l’homme

Et m’ont chanté « La Marseillaise’.

Agathe Quelquejay nous parle de « remettre en lumière les merveilles de notre langue ». Les poésies de Jehan-Rictus en font partie, elles sont à découvrir ou redécouvrir sans modération avec ce spectacle prochainement au Festival off d’Avignon

Evelyne Trân

Le 17 Mai 2025

COUPLES, ETC. de Susana Lastreto au Théâtre de l’Epée de Bois à la Cartoucherie de Vincennes Route du Champ de Manœuvre 75012 PARIS – Du 02 au 25 mai 2025. Du jeudi au samedi à 21h. Samedi et dimanche à 16h30.

Écriture et mise en scèneSusana Lastreto
AvecFrançois Frapier, Marieva Jaime-Cortez, Nathalie Jeannet, Susana Lastreto, Tibor Radvanyi
ChantMona Faruel
ScénographieRodolfo Natale
Bande-sonMichel Bertier
Lumières et régieAntoine Duris
ProductionGRRR | Groupe Rires, Rage,Résistance

Dans un lieu qui pourrait être un grand hôtel de villégiature, ou un immeuble labyrinthique, la nuit, une adolescente n’arrive pas à dormir. Les yeux grands ouverts dans le noir elle écoute. Des adultes font la fête, font l’amour, font la guerre… Elle se lève, sort de sa chambre, déambule, espionne. Elle surprend des bribes de conversations, des confessions, des étreintes, des fous rires, des larmes. L’intimité des adultes qui s’aiment, se séparent ou restent ensemble cent ans. Des couples de tout genre. L’adolescente assiste à une sorte d’ inventaire des relations amoureuses contemporaines et porte sur elles un regard curieux, amusé, parfois critique. Elle poursuit un parcours initiatique dans les sentiers de l’amour et ce faisant elle grandit, quitte l’adolescence, devient femme, part découvrir par elle-même le monde, l’amour, les mystères des passions humaines.

Dans la petite salle au parquet qui craque du Théâtre de l’Epée de bois, nous avons été bien heureux de retrouver Susana et la belle équipe de la compagnie GRRR.

Susana LASTRETO dont nous avions beaucoup aimé le désopilant spectacle SexEden, il y a quelques années, s’interroge toujours sur le couple, les couples tant il est vrai que sans cet alliage entre un homme et une femme (hormis la préoccupation d’assurer sa descendance) , un homme et un homme, une femme et une femme , la littérature amoureuse serait réduite aux monologues et Feydeau et toutes les comédies de boulevard seraient rayés de la carte.

Il faut le reconnaitre, les scènes de ménage auxquelles personne n’échappera au cours de sa vie, sont souvent d’une cruelle banalité mais dès lors qu’elles sont interprétées par François FRAPIER et Nathalie JEANNET, elles explosent de fraicheur, tout en conservant le sel de la mauvaise foi de chaque partenaire pour nous faire rougir de plaisir.

Le sexe, ce mot mystérieux que ne comprend pas l’enfant, ne sera jamais vulgaire, Susana Lastreto s’émerveille qu’à chaque âge, l’amour ait son mot à dire et si l’état de grâce d’une rencontre, la fulgurance du début laissent place aux chamailleries et désagréments de la cohabitation, ne serait-ce point que le fait de supporter l’autre est une preuve d’amour sur la branche d’un je t’aime, d’un jeu t’aime.

La mise en scène de Susana Lastreto est fluide et les scènes où interviennent le couple, l’adolescente, la vieille dame, l’ami , s’enchainent librement. « Dans les plis de mon âme, je gardais un secret » nous dit la vieille dame (qui n’est pas si vieille car elle est interprétée par Susana elle même) , une chose est sûre, ce secret a du charme, nostalgie et fraicheur se partagent son parfum à la fois sucré et piquant, hors normes !

Evelyne Trân

Le 15 Mai 2025

Makbeth Une création du Munstrum Théâtre D’après William Shakespeare du 29 Avril au 15 Mai 2025 au Théâtre de Montreuil Salle Jean-Pierre Vernant, 10 place Jean-Jaurès 93100 MONTREUIL.

Photo : Jean-Louis Fernandez

→ Dossier de presse — Makbeth

Makbeth est l’histoire d’un tyran, une spirale de violence qui mène à la folie. Alors que la guerre déferle sur une lande indéfinie, le général Makbeth apprend que la couronne pourrait être bientôt sienne. Épaulé par son épouse et pressé par son ambition, il assassine le roi Duncan. Arrivé sur le trône, il n’aura de cesse de vouloir accroître son pouvoir et éliminer un par un ses potentiels ennemis.

Distribution et production

Une création du Munstrum Théâtre
D’après William Shakespeare
Mise en scène Louis Arene

Avec
Louis Arene, Sophie Botte, Delphine Cottu, Olivia
Dalric, Lionel Lingelser, Anthony Martine,
François Praud, Erwan Tarlet

Musique originale & création sonore Jean Thévenin & Ludovic Enderlen – Costumes Colombe Lauriot Prévost assistée de Thelma Di Marco Bourgeon & Florian Emma 

Masques Louis Arene – Coiffes Véronique Soulier Nguyen – Chorégraphie Yotam Peled

Assistanat à la mise en scène Maëliss Le Bricon

Photo Jean-Louis Fernandez

Macbeth vu et adapté par le Munstrum Théâtre devient MaKbeth, le K étant une référence à Kafka.

Makbeth donc, un personnage qui se dépouille très rapidement de son humanité, celle qui transparaissait dans les propos empreints de philosophie et de poésie que lui prêtait Shakespeare. Ce Makbeth là fait penser à un pantin sans âme.

Il ne faut plus penser qu’au spectacle. Les personnages de la tragédie de Shakespeare se donnent en spectacle éperdument de façon effroyable, c’est à dire grotesque, et on ne cesse d’entendre glousser la grenouille celle qui voulait devenir plus grosse qu’un bœuf, tapant sur les épaules de Lady Makbeth sculpturale qui s’offre le luxe d’avoir une traine aussi longue qu’un rideau de scène.

Le bouffon lunaire qui orchestre mine de rien les boucheries de la guerre est aussi inquiétant qu’un personnage de Stéphen King.

Où se niche donc l’humanité de ces étranges humanoïdes qui avancent masqués. Sommes- nous dans un film de science fiction ou un film d’horreur.

L’excès finit par faire rire et le public rit beaucoup. Du sang, du sang, du sang, c’est trop ! Ces humanoïdes vomissent du sang. Makbeth ensanglanté en proie à des cauchemars dignes d’un délirium tremens se retrouve pendu par les pieds comme Mussolini ou bien il est assailli par des hommes devenus les tentacules visqueuses d’une pieuvre prête à l’engloutir.

Démonstration visuelle et stupéfiante de la monstruosité humaine. Les images sont là pour se fixer sur la rétine. Comme si les discours humanistes ne payaient pas et qu’il fallait regarder en face les horreurs dont sont capables les humains plus bestiaux que jamais.

Mais planera toujours cette dichotomie entre les aspirations spirituelles de l’humain et ses instincts bestiaux. Cet humain qui pense s’élever grâce à l’art et son intelligence au-dessus de la bête, est-il donc ridicule à ce point ?

Il y a vraiment le plaisir d’assister à un spectacle visuellement grandiose, servi par une troupe talentueuse et aguerrie. Ensuite, il faut digérer l’impact des images. Le Munstrum Théâtre mise sur le pouvoir de la dérision et du fantastique qui permet à la folie et aux fantasmes de se libérer plutôt que de sombrer dans la spirale meurtrière dont est à la fois responsable et victime Makbeth.

« Qui a éteint la la lumière » se plaint Lady Makbeth. Voilà que son époux devient philosophe, il était temps et c’est juste à la fin avant sa mort, ses derniers mots en somme :

« La vie n’est qu’une ombre qui marche. C’est une histoire racontée par un crétin. »

Et doucement le bouffon murmure : « Qu’est-ce qui est devant nous et que nous ne voyons pas… l’avenir ».

Evelyne Trân

Le 11 Mai 2025

TOURNÉE 2025-2026

22 et 23 mai 2025 – La Filature, scène nationale de Mulhouse

10 au 13 juin 2025 – Théâtre du Nord – CDN de Lille

5 au 7 novembre 2025 – Malakoff Scène nationale

12 au 14 novembre 2025 – Théâtre Varia (Bruxelles)

20 novembre au 13 décembre 2025 – Théâtre du Rond-Point (Paris),

Printemps 2026 : MC2 : Grenoble, Le Carreau – Scène nationale de Forbach et de l’Est mosellan… ​(en cours) .

UN CŒUR SIMPLE​ de Gustave Flaubert avec Isabelle Andreani au Théâtre des Gémeaux Parisiens 15, rue du Retrait 75020 PARIS dans le cadre du Festival SENS – Seul.e en scène – Samedi 3.05 à 18 H 30, Dimanche 4 Mai à 18 H 30, Vendredi 9 Mai Mai à 20 H 45, Dimanche 11 Mai à 19 H.

Un cœur simple est une nouvelle de Gustave Flaubert tirée du recueil Trois contes, qui retrace l’histoire d’une servante au 19ème siècle, en Normandie, Félicité de son prénom… 

Adaptation : Isabelle Andréani

Mise en scène : Xavier Lemaire

Une production Les larrons en accord avec le Théâtre de Poche Montparnasse.

Bande annonce

https://www.youtube.com/watch?v=YHYWAi4xmAY

Comment rendre croustillante, émouvante, voire extraordinaire l’histoire d’une servante au 19ème siècle ? C’est tout l’art de Flaubert et c’est aussi grâce à l’intelligence et le talent de de la comédienne Isabelle ANDREANI qui incarne Félicité.

Félicité fait partie de ces personnes « invisibles », celles qui n’ont pas vraiment le droit à la parole parce qu’elles sont en bas de l’échelon social. Pourquoi Flaubert s’est-il attaché à ce personnage ? A t-il rencontré dans sa propre vie une servante lui ayant servi de modèle ? C’est une autre histoire . Le fait est que Flaubert est un véritable portraitiste qui a un sens aigu de l’observation et en filigrane est un critique des mœurs de son époque, souvent avec humour. Il ne dit pas « Je » pour donner la parole à ses personnages. Alors s’il est vrai qu’il est l’auteur de cette réplique « Madame Bovary, c’est moi », pourrait-on penser qu’il se reconnait aussi dans le cœur simple de Félicité ?

En vérité, incarnée par Isabelle ANDREANI, Félicité devient une personne « pas comme les autres  » qui déborde d’énergie, qui ne se laisse jamais abattre, toujours dévouée, courageuse, héroïque lorsqu’elle protège sa maitresse et les enfants lors de l’assaut d’un taureau.

Un portrait idyllique qui laisserait supposer que c’est très bien comme çà qu’il y ait d’un côté les maîtres et de l’autre les domestiques ? Pas vraiment car suffisamment de drames « ordinaires » ont fait quelques trouées dans sa vie toute tracée comme dans celle de sa maitresse. Un amour déçu, des deuils, et les petites humiliations qu’il faut bien oublier …

Elle remonte toujours la pente Félicité jusqu’à monter au ciel avec Loulou son perroquet !

Félicité un cœur simple, sans doute, mais également extraordinaire telle l’interprétation d’Isabelle ANDREANI. Un seule en scène sous le regard de Xavier LEMAIRE à ne pas manquer !

Evelyne Trân

Le 8 Mai 2025