Sur un fil tendu, entre la Peinture et la Poésie nous glisserons de l’une à l’autre, comme des funambules, en compagnie de : Vincent Van Gogh, Arthur Rimbaud, Jean-Roger Caussimon, Auguste Macke, Marie Laurencin, Guillaume Apollinaire, Wim Wenders ,Paul Cézanne, Louis Aragon, Auguste Renoir, Leo Ferré……
Frédérique, d’origine bretonne, débute au théâtre en 1973. En 1978, elle rencontre Gérard Pierron en tournée avec son spectacle sur Gaston Couté, ce fut le début d’une belle histoire d’amitié avec Gérard mais aussi avec Couté…. Frédérique a par la suite chanté ce poète notamment dans un spectacle intitulé « La Chanson des Mauves » puis dans « Gaston Couté, Jour de Lessive » présenté avec Bruno Daraquy à Publico, l’année dernière.
Les mélomanes se souviennent de György CZIFFRA (1921-1994) , le pianiste aux 50 doigts. Avant de devenir un virtuose consacré, l’on peut dire de CZIFFRA qu’il fait partie de ces migrants réfugiés politiques que la France s’enorgueillit d’avoir accueillis.
D’origine tzigane, né dans un quartier pauvre de Budapest en 1921, CZIFFRA a commencé sa carrière de pianiste à 5 ans dans un cirque itinérant avant d’être admis dans la prestigieuse académie de Franz Liszt de Budapest. Lors de la 2ème guerre mondiale, il est mobilisé par les nazis dans l’armée hongroise puis fait prisonnier par les partisans russes. Après la guerre, opposé au régime communiste il est condamné aux travaux forcés. Puis à l’insurrection de Budapest, en 1956, il demandera l’asile politique en France.
Pascal AMOYEL qui fut son disciple rend hommage à cet artiste en puisant dans le répertoire de ce dernier pour illustrer les récits de sa vie.
Une vie marquée par la misère, les guerres et aussi ses bonheurs d’artiste. Il est possible de tout exprimer en musique : la colère, la joie, l’émerveillement, l’angoisse, la tristesse, la souffrance, le malheur.
C’est une banalité que de le dire mais l’éprouver lors d’un concert, cela n’a pas de prix. Pascal AMOYEL également virtuose se donne à fond dans ce spectacle où il a pour interlocuteur CZIFFRA lui-même.
Certains morceaux de choix, ceux que mélomanes ou pas nous avions mémorisés, tout à coup prennent un visage, celui de CZIFFRA qui respirait l’humilité. Il n’aimait pas le terme virtuose. Il parlait de travail et consentait juste à dire « J’ai une souplesse, je suis né avec, c’est tout ».
« Pour lui la musique était comme le prolongement de l’amour et la fraternité humaine ».
En tant que disciple et témoin de la personnalité de György CZIFFRA, Pascal AMOYEL réussit à faire de son spectacle une véritable lettre d’amour musicale à son maître.
J’ai côtoyé Hugo, Zola, Sand, Flaubert, Musset, Rostand, Louise Michel et tant d’autres encore. Je vous offre ma folle vie de siècle. En 5 actes !
31 déc 1900. La foule célèbre déjà mon départ en grandes pompes mais avant de tomber, j’ai envie de vous raconter celles et ceux que j’ai croisés et aimés : Hugo, Zola, Sand, Flaubert, Musset, Rostand, Louise Michel et tant d’autres. Ma sublime tragédie de siècle en 5 actes. Moi, le romantique !
N.B : Christophe DELESSART était l’invité de l’émission Deux sous de scène sur Radio libertaire 89.4 le samedi 20 janvier 2024, en podcast sur le site de Radio libertaire.
Mise en scène : Johannes Colin, Victoria Corda, Aimée Fleury Avec : Nancy Loïs, Ambre Lhomme, Marko Filipovic, Delphine Macia, Andréa Furet Scénographie : Aimée Fleury Musique : Marko Filipovic, Nancy Loïs Catégorie : Drame
Stigmates de la gloire, le titre de la pièce que nous propose la Compagnie Amours de Chiennes est de ceux qu’on n’oublie pas. La référence obligée est d’ordre religieux. Les stigmates ce sont les blessures infligées au Christ sur la croix. Le Christ, icône de la religion chrétienne ! La référence s’arrête là car l’héroïne de Stigmates de la gloire est une icône d’une autre espèce, celle que le marketing du showbiz produit pour enflammer les foules, quitte à la jeter comme un kleenex lorsque ladite icône a vieilli.
Johannes Colin, Victoria Corda, auteur et autrice du spectacle se sont inspirés notamment de la vie d’une star des années 2000, Britney SPEARS qui fit grand bruit avec son tube Toxic.
Elle est si belle Bella, l’icône de toute une génération. Les jeunes auteurs ont à cœur de dénoncer les bas-fonds de l’industrie du showbiz dans lesquels s’enlisent inexorablement les paillettes artificielles qui continuent à séduire les âmes naïves telles celle de June une jeune fan de Bella.
Abus sexuels, pression et engrenage mortel vont conduire la talentueuse Bella dévorée par de multiples addictions, à être crucifiée sur « l’autel de la célébrité ».
La mise en scène offensive (musique, lumières et décorum se répondent) qui s’emploie par exemple à caricaturer la manager outrageusement maquillée, avec une ambiance « Moulin rouge » quelque peu kitsch et trash, est arcboutée sur un sentiment de révolte mu par une ambiguïté, celle de pouvoir être à la fois subjugué par une star et dégoûté par le système qui l’a fait naître.
Enfer et damnation ! Sans doute Johannes COLIN et Victoria CORDA tout « en œuvrant pour la création de spectacles originaux qui se veulent des miroirs tendus » à leur génération et à notre époque, ont dû se faufiler dans les couloirs des drames d’illustres dramaturges, Shakespeare, Goethe… Cela dit, leur langue ne s’embarrasse pas de litotes, elle est parfois franchement crue !
Tchao le romantisme ! Petites âmes fleurs bleues, prenez-en de la graine !
Gageons que celles semées par la jeune compagnie issue de comédiens et comédiennes du Cours Florent porteront leurs fruits !
Souhaitons bon vent à cette pièce qui entend déborder des sentiers battus de façon spectaculaire, tout en abordant un thème devenu classique, celui de la chute d’une star.
Le 15 janvier 2024
Evelyne Trân
N.B : Article également publié sur le Monde Libertaire.fr
N.B : Johannes COLIN et Victoria CORDA étaient les invités de l’émission Deux sous de scène en 2ème partie le samedi 30 décembre 2023 sur Radio Libertaire 89.4, en podcast sur le site de Radio Libertaire.
« Tout le monde veut être Madame MARGUERITE ». Il y a des enseignants tous genres confondus qui se croient au théâtre sur le devant de la scène, face à un public privilégié, la classe.
Madame MARGUERITE en fait partie, son public, une classe de CM2 n’a qu’à bien se tenir, elle aura droit à un cours inaugural exceptionnel de nature à les vacciner contre toutes les vacheries que se permettent certains adultes au nom de l’autorité.
Madame MARGUERITE, cette créature exubérante, cinglée et insupportable qui s’écoute parler telle la grenouille qui veut se faire aussi grosse que le bœuf est la personnification des années de plomb au Brésil (1964-1985) sous la dictature militaire.
L’auteur de la pièce éponyme, Roberto ATHAYDE avait 21 ans lors de sa création. En pleine dictature, la pièce a connu un grand succès, car elle exprimait probablement le ras de bol de toute une population condamnée au silence, en se moquant allègrement des tenants du pouvoir, à travers la caricature d’une maitresse d’école gagnée par la folie.
Le personnage, particulièrement cocasse et ridicule, profite de son statut pour terroriser d’innocentes brebis, ses élèves en dégoupillant vérités et contre-vérités sur la vie, la mort, le sexe.
« Vous allez tous mourir » leur assène-t-elle, les enjoignant à « cultiver l’obéissance reine de toutes les vertus ».
Qui ne se souvient pas de la sonnerie exaspérante de la fin de cours et du bruit de la craie sur le tableau noir sans éprouver quelques frissons ? Il est tellement facile de terroriser un enfant. Ils appellent ça l’école de la vie. En même temps, Madame MARGUERITE est si pitoyable qu’elle en devient touchante. Elle s’enlise dans ses délires, d’autant plus que son public est réduit au silence.
La mise en scène bien rythmée de Michel GIES met en valeur le jeu de la pétulante Emilie CHEVRILLON qui fait entendre la folie et la fragilité de cette dame-là, basculant de l’intonation infantile au rugissement animal avec une aisance incroyable.
Le spectacle délivre vigoureusement son message « Toute dictature est folie, signe que l’humanité est malade, à l’école de la vie il devrait être toujours possible de réagir ! ».
Le 8 janvier 2024
Evelyne Trân
N.B : L’article a également été publié sur LE MONDE LIBERTAIRE.FR
N.B : Un entretien avec Emilie CHEVRILLON a été diffusé lors de l’émission Deux sous de scène à Radio Libertaire 89.4 (15 H 30 à 17 H) , le 30 décembre 2023, en podcast sur le site de Radio Libertaire.
Entretien à la sortie de la représentation du 22 décembre 2023 avec Emilie CHEVRILLON