
GENESE DU POEME LA ROSE DE CHENINI
Ils se sont croisés par hasard. Etincelles d’une rencontre, comme « un bref instant de splendeur »(1), entre une touriste européenne et un enfant du soleil. Quelques minutes d’éternité que symbolise un « geste pur » : la rose des sables offerte, ce jour-là, à l’insu de tous.
Tunisie, printemps 2011 :
Isaline Rémy, poétesse, écrivaine, est aussi journaliste. A ce titre elle fut invitée officiellement, en compagnie de plusieurs confrères, à effectuer un voyage de presse à travers le pays.
La mission achevée, les autorités organisent, en guise de remerciement, une visite dans un lieu touristique hautement réputé : le village berbérophone de Chenini, proche de Tataouine au seuil du désert.
Fin de la visite. Tous se retrouvent au Bazar, véritable paradis de l’artisanat local traditionnel. C’est l’occasion pour chacun de rapporter en France un souvenir de ce site exceptionnel, témoin d’une culture séculaire. Soudain, les confrères d’Isaline sont saisis d’une irrépressible fièvre consumériste pour le moins frénétique.
Notre visiteuse, quant à elle, jette son dévolu sur… une simple paire de babouches.
Le tout jeune vendeur, qui n’a rien perdu de la scène, lui fait signe de patienter. Il revient lui rendre la monnaie, accompagné de son grand frère auquel il a, d’évidence, parlé de cette cliente pas tout à fait comme les autres…
En elle, le grand frère, lui aussi, remarque un petit quelque chose de différent.
Impression réciproque : regards, sourires. Silence… C’est alors que le jeune homme glisse dans la main d’Isaline une rose des sables. Elle tient juste “au coeur de la paume”…
Tout est dit.
Dans les jours suivants, Isaline me fait le récit par téléphone de ce contact si intense dans sa brièveté ; un moment de grâce inscrit dans la mémoire de notre poétesse.
De son récit, j’ai tenté de capter l’essentiel au moyen d’une transposition. Celle qu’exige, bien souvent, la forme poétique.
Mon tout premier poème, La rose de Chenini, fut composé fin juin de la même année, remanié successivement en 2015 puis en 2019 quant à son vers final : plusieurs options offertes aux traducteurs se sont alors révélées nécessaires.
Un poème à géométrie variable, en quelque sorte. Une chute modifiée, en forme d’imprévisible accomplissement…
Grégoire Collon.
(1) – Le texte ci-dessus a été légèrement révisé en janvier 2021 suite à la parution chez Gallimard du roman Un bref instant de splendeur dont le titre – et lui seul – m’a semblé entrer pleinement en résonance avec mon propre ressenti quant à l’action décrite dans le poème La rose de Chenini.
Signé Ocean Vuong, le livre précité a pour titre original : On Earth We’re Briefly Gorgeous. Il a été publié en 2019 aux Etats-Unis.
La rose de Chenini*
A Isaline Rémy, Femme de l’être
Au cœur de la paume
A surgi la rose.
De son sable antique
La fleur de sagesse
Fait briller la main
Qui sut deviner
La beauté d’une âme.
Brisant les frontières
Deux regards intenses
Dialoguent au désert.
Le sourire des cœurs
Invite au silence.
Ils se sont rejoints
Ces deux univers
Dans le vrai langage
Qui unit sans trêve
Les humains en marche.
Ils se reverront
Elle, automne clair
D’un pays nanti.
Lui, enfant-promesse
Dont le geste pur
A dit la grandeur
D’un peuple au futur
Prêt pour l’infini…
Paroles : Grégoire Collon (pseudonyme de Laurent Gharibian)
Musique : Catherine Bedez
*Chenini, village troglodytique berbérophone sis dans un désert pierreux à 18 kilomètres de Tataouine, au sud de la Tunisie. A ne pas confondre avec son homonyme berbère, oasis verdoyante, située au sud-ouest de Gabès
La rose de CHENINI – Interprète : Justyna BACZ (chant)
La rose de CHENINI – Interprète : Philippe FORCIOLI