Frankenstein, le cabaret des âmes perdues de Thierry Surace d’après Mary Shelley au Théâtre du Balcon 38, rue Guillaume Puy 84000 – Avignon du 7 au 26 juillet 2023 à 14 Heures – Relâches : 13, 20 juillet.

Interprètes / Intervenants

  • Mise en scène : Thierry Surace
  • Interprète(s) : William Mesguich, Thierry Surace, Sylvia Scantamburlo, Jessica Astier, Thomas Santarelli, Julien Faure
  • Chansons : Yanowski et Pierre-François Blanchard
  • Scénographe : Bastien Forestier
  • Costumière : Alice Touvet, Sonia Bosc
  • Masques : Jean-Baptiste Nallino

Nous le savons, nous confondons souvent le créateur avec ses créatures. Ainsi dès que nous entendons parler de Frankenstein, nous croyons qu’il s’agit de ce monstre malheureux, rejeté de tous qui finira par tuer son « géniteur ». Remettons les pendules à l’heure, Frankenstein, c’est le savant qui a créé de toutes pièces, hélas avec les membres de tristes cadavres récoltés dans les cimetières, un être artificiel issu des entrailles de la mort. Comment s’appelle-t-il au fait ce monstre ? Eh bien, il n’a pas de nom parce qu’il est innommable !

Cette histoire que nous devons à une jeune femme de 19 ans Mary Shelley épouse du célèbre poète Percy SHELLEY, avait pour but de faire peur.

Pari réussi au-delà de ses espérances puisque ce roman l’a rendue célèbre et a fait et fait toujours l’objet d’adaptations cinématographiques ou théâtrales.

Thierry SURACE, auteur et metteur en scène du spectacle doit prendre un malin plaisir à faire valser sur scène les protagonistes du roman, tous fardés ou masqués, et avantageusement vêtus.

On se croirait au choix soit au cirque (le Cirque des mirages) soit dans un théâtre de tréteaux, ou bien au Carnaval de Venise, ou bien encore dans le théâtre des funambules des Enfants du Paradis.

Tous les visages ont un côté inquiétant et étrange, notamment celui du maître de cérémonie.

L’on rit et on s’amuse de voir le monstre (pas si antipathique) endosser la figure de l’étranger, honni par tout le monde.

Avec ses airs gothiques et ses chansons enflammées, il faut reconnaitre que ce spectacle a beaucoup de charme. Il séduit aussi par son humour. N’induit-il pas que le monstre, enfin celui que l’on désigne ainsi, se trouve parmi nous ?

Le 25 juillet 2023

Evelyne Trân

Au Théâtre du Balcon 38, rue Guillaume Puy 84000 – Avignon du 7 au 26 juillet 2023 à 14 Heures -Relâches : 13, 20 juillet.

La couleur des souvenirs de Fabio MARRA au Théâtre des Halles rue du Roi René 84000 AVIGNON du 7 au 29 Juillet 2023à 21 H 30. Relâches les 13 et 20 Juillet.

Interprètes / Intervenants

  • Interprète(s) : Dominique Pinon, Catherine Arditi, Fabio Marra, Sonia Palau, Floriane Vincent, Aurélien Chaussade
  • Régisseur : Pierre Mille
  • Scénographie : Audrey Vuong
  • Costumes : Alice Touvet
  • Tableaux : Pasquale Mascoli, Fadeev Alexander
  • Vidéo : Prova Films
  • Lumières : Kelig Le Bars
  • Diffusion : Sylvie Vaillant

« Fabio MARRA défend une certaine idée de l’homme, celle de l’homme nature, tous les personnages de ses pièces sont « nature », leurs affects sont souverains, ce sont eux qui leur dictent leurs choix de vie, qui leur assurent cette liberté d’être, de s’exprimer comme ils le sentent et d’échapper aux moules qu’impose la société qui privilégie la norme et met de côté ceux qui n’y répondent pas. »

C’est ce que j’écrivais à propos de la pièce « L’ensemble » créée en 2017 au Petit-Montparnasse.

Dans ce nouvel opus qui constitue une sorte de roman familial, Fabio MARRA dresse le portrait d’un marginal, un artiste peintre, Vittorio qui n’a jamais osé peindre en son nom propre ou dévoiler ses œuvres, préférant rester à l’ombre de grands maîtres dont il copie le style en y ajoutant cependant sa propre inspiration. Il devient la proie d’un trafiquant de tableaux qui l’exploite sans vergogne. Nous le découvrons au moment où menacé d’expulsion et aux abois financièrement, il doit demander de l’argent à sa sœur. Il a quasiment rompu les ponts avec sa famille, sa sœur, son fils qui ayant eu connaissance de son séjour à l’hôpital viennent à son secours.

L’homme étant devenu acariâtre, la sœur Clara jouée par la pétulante Catherine ARDITI devra s’armer d’une patience angélique.

Mais cet homme subit la pitre épreuve pour un peintre, il devient aveugle suite à une DMLA (Dégénérescence maculaire liée à l’âge). Une maladie qui pourrait symboliser l’aveuglement mental de Vittorio.

Si les dialogues sont d’une simplicité désarmante et concrète, le mélodrame pointe son nez. Pourtant Fabio MARRA ne sombre jamais dans le pathos, sa couleur des souvenirs est aussi vaporeuse que celle des rêves et n’est-ce point dans les rêves que les personnes aimées peuvent réapparaître, ainsi la mère aimante de l’artiste.

Le prosaïsme des situations, un certain manichéisme avec un méchant pointé du doigt, l’odieux marchand d’art, et les visions de plus en plus troublées du peintre où refont surface les bons et mauvais souvenirs et surtout la figure idéale de la mère, fusionnent dans un tableau familial particulièrement touchant.

La scénographie confiée à Audrey VUONG est un plaisir pour l’œil qui passe de l’atelier du peintre à l’appartement de la sœur Clara et la galerie où vont être exposés les tableaux de l’artiste.

Dans cette histoire où tous les personnages et les situations nous interpellent grâce aussi à une excellente distribution, il va de soi que le monde décrit par l’auteur est bourré de petites et grandes adversités. Mais il est possible d’y faire front persiste à écrire Fabio MARRA.

Un spectacle qui a de la gueule et de la poésie, celle du génial Dominique PINON en l’occurrence. Oh foutue tendresse, faut-il donc que tu t’exprimes dans ce monde de brutes !

Le 25 juillet 2023

Evelyne Trân

LES COEURS ANDALOUS de Estelle Andrea, D’après Carole Martinez du 7 au 29 juillet 2023 à 18 H. (Relâches les mardis : 11, 18, 25 juillet) à l’Espace Roseau Teinturiers 45 Rue des Teinturiers 84000 AVIGNON.

Interprètes / Intervenants

  • Mise en scène : Estelle AndreaMagali Paliès
  • Interprète(s) : Estelle Andrea, Magali Paliès, Karine Gonzalez, Cristóbal Corbel
  • Création lumière : Anne Gayan

« Nous sommes faits de l’étoffe dont sont tissés les songes » (Shakespeare, la Tempête)

En Andalousie, les femmes avant de mourir ont coutume de broder un cœur en tissu pour y enfouir des écrits secrets. Chaque fille aînée en hérite « avec l’interdiction de l’ouvrir, sinon malédiction ! ». Curieuse et cruelle coutume qui en dit long sur les interdits et secrets de famille qui à défaut d’être levés finissent par asphyxier la mémoire transgénérationnelle.

Il y a des douleurs, des émotions difficilement communicables. Faut-il les transmettre à sa descendance ou les garder pour soi ?

« Sommes-nous écrits par ceux qui nous ont précédés » se demande Carole MARTINEZ l’auteure des Roses fauves, un roman dont « l’épine dorsale » fait l’objet de l’adaptation théâtrale et musicale Les cœurs andalous d’Estelle ANDREA.

Opération à cœur ouvert mais non chirurgicale. S’acheminer vers les profondeurs, tenter l’exploration en invoquant son aïeule, c’est le choix de Lola qui décide de s’affranchir des lourds secrets de son histoire familiale d’autant qu’elle se sent coupée de ses origines. Elle porte en réalité le prénom de Dolores, transmis de génération en génération. Dolores signifie douleur.    

La transgression de l’interdit, en l’occurrence la levée d’un secret familial, nous en avons l’écho dans les tragédies grecques, celles de Sophocle, Euripide, Eschyle etc. De nos jours, elle peut emprunter le chemin de la fiction. Dans les cœurs andalous elle devient possible grâce au dialogue fictif entre Lola et l’aïeule que 4 générations séparent.

Les deux femmes qui se font face à face, chacune de leur côté sans se voir, s’expriment par le chant. Au centre de la scène, une danseuse de flamenco, Karine GONZALES virtuose, traduit leurs émotions. Discrètement, dans l’obscurité, Cristóbal CORBEL les accompagne à la guitare.

Les compositions d’Estelle ANDREA aux accents gitans et flamencos sont très sensuelles et chaudes. Sa voix très claire et celle de Magali PALIES plus grave remuent parce qu’elles semblent venir de très loin. Elles marquent à la fois les distances et les similitudes qui les rapprochent.

La puissance émotionnelle du flamenco recouvre dans les cœurs andalous, les tragédies qu’ont pu connaitre des femmes depuis des générations. Notamment les filles-mères abandonnées ou contraintes d’élever seules leur enfant à la suite du décès de leur amant.

Se peut-il que la flamenco puisse exprimer la douleur de l’enfantement ? De fait, dans cette histoire générationnelle, Lola est en train d’accoucher du secret d’une aïeule.

Le flamenco devient le porte flamme de destinées de femmes résistantes, fières et passionnées, dont Lola qui réussit à braver l’interdit.

« Nous sommes faites de l’étoffe dont sont tissés les sentiments » disent-elles dans ce spectacle musical bouleversant.

Le 23 juillet 2023

Evelyne Trân

L’île des esclaves de Marivaux du 7 au 29 juillet 2023 à 19 H 30 – Relâches : 11, 18, 25 juillet. Condition des soies 13 rue de la Croix 84000 AVIGNON.

Interprètes / Intervenants

  • Mise en scène : Christophe Lidon
  • Interprète(s) : Valérie Alane, Thomas Cousseau, Armand Eloi, Morgane Lombard, Vincent Lorimy
  • Adaptation : Michael Stampe
  • Textes additionnels : Valérie Alane
  • Lumières : Cyril Manetta
  • Costumes : Chouchane Abello
  • Musique : Cyril Giroux
  • Ass mise en sc : Mia Koumpan
  • Création : CADO Centre National Orléans Loiret
  • Prod : François Volard – Acte 2
  • Contact Pro : 06 64 54 42 15

Nous voici au 3ème millénaire et voilà que MARIVAUX, fort de son ancienneté, auréolé de sa réputation d’auteur classique, bercé par le siècle des lumières, nous fait signe.

Eh bien, soulignons-le d’emblée, ce qui ressort de la mise en scène de Christophe LIDON, c’est la modernité de sa pièce la plus courte (1 acte et 11 scènes) l’Ile des esclaves. Il est vrai que le terme modernité est aussi vieux que le monde !

Oui cette pièce nous parle sans doute parce que nous n’en aurons jamais fini avec la Commedia dell’arte, avec Molière et ces histoires de valets et maîtres ridicules et parce que les personnages ont cet avantage sur nous de ne pas mourir et de continuer à nous interpeller siècle après siècle au nom de la Comédie humaine.

Que penser de cette Ile aux esclaves sinon qu’elle est totalement utopique. Un maitre Iphicrate, une maitresse Euphrosine, deux esclaves, Arlequin et Cléanthis, victimes d’un coup du sort deviennent à la suite d’un naufrage les hôtes d’une Ile des esclaves dont le gouvernement représenté par Trivelin a pour mission de renverser les rôles entre esclaves et maitres et d’éduquer ces derniers coupables de comportements odieux.

Marivaux se demande ce qu’il adviendrait des uns et des autres s’ils échangeaient leurs rôles dans la société. Le dénominateur commun entre un dominé et son dominant ne peut être que leur origine humaine. Dans cette pièce ce sont les esclaves devenus maîtres qui se révèlent les plus humains parce que devenus libres, épouser les comportements de leurs maîtres déchus ne les intéresse pas. Par ailleurs, le repentir d’Iphicrate. et d’Euphrosine est trop conventionnel pour être convaincant.

En vérité, Marivaux déplace sur des rapports paternalistes entre valets et maîtres la question de la domination d’une classe sociale sur une autre.

« La différence des conditions n’est qu’une épreuve que les dieux font sur vous : je ne vous en dis pas davantage » (Trivolin scène 11)

Une conclusion de nature à faire bondir ceux qui rêvent de révolution sociale.   

Les quelques allusions à la république, la cité idéale selon Platon de cette pièce philosophique, sociale et humaniste ne passent pas inaperçues mais elles sont juste évoquées.

Il s’agit d’une comédie qui reprend les archétypes de la commedia dell’arte, tout en faisant passer les idées de liberté, de justice défendues notamment par Voltaire et Montesquieu. A noter que le personnage d’Arlequin qui jubile de pouvoir se moquer d’Iphicrate et celui de Cléanthis qui clame son indignation « Voilà de nos gens qui nous méprisent dans le monde, qui font les fiers, qui nous maltraitent, qui nous regardent comme des vers de terre, qui sont trop heureux dans l’occasion de nous trouver plus honnêtes qu’eux. » s’avèrent bien plus forts que ceux d’Iphicrate et Euphrosine.

Christophe LIDON s’aligne sur l’air du temps de Marivaux, voyant dans l’Ile des esclaves une comédie, voire une satire sociale mais assurément pas un pamphlet révolutionnaire.

Ce qui n’empêche pas le clin d’œil. Sont insérées dans la pièce avec habilité des scènes de dissension entre comédiens.nes et metteur en scène de façon à exprimer que les rapports de force entre dominés.es /dominants.tes sont toujours d’actualité.

On parle de théâtre dans le théâtre ou de mise en abyme. Quoiqu’il en soit, il en résulte une mise en scène très alerte avec une équipe de comédiens.nes vraiment épatante.

Petit bouchon de champagne qui pète que cette Ile des Esclaves en plein festival. Pour vous rafraichir les idées !

Le 21 juillet 2023

Evelyne Trân

N.B Cet article a également été publié dans LE MONDE LIBERTAIRE.FR

Déraisonnable de Denis LACHAUD avec Florence CABARET au Théâtre ARTEPHILE 5 bis, 7 rue Bourg Neuf 84000 – Du 7 au 26 juillet 2023 – Relâches : 13, 20 juillet .

Interprètes / Intervenants

  • Mise en scène : Catherine Schaub
  • Interprète(s) : Florence Cabaret
  • Directrice de production : Agnès Harel
  • Régisseur : Alexis Queyrou
  • Assistante de production : Céline Pierron
  • Attachée de diffusion : Marie Barbet-Cymbler

Photo Emilie BROUCHON

Une respiration, un air frais et salutaire en plein festival caniculaire que ce seule en scène de Florence CABARET  ! Alors que le rôle qu’elle incarne dans la pièce Déraisonnable de Denis LACHAUD mise en scène par Catherine SCHAUB s’avère hors normes.  

Nous le savons le personnage, Florence, comédienne diagnostiquée bipolaire à 39 ans,  est en quelque sorte le double de Florence Cabaret mais pas seulement.

Denis Lachaud réussit dans un texte très aéré et cohérent à aborder un sujet tabou, la maladie psychique suffisamment handicapante pour entraver la vie professionnelle, en un mot vous exclure de la société.

Chaque cas est particulier et s’il n’est pas possible de généraliser à propos de maladies que les médecins honnêtes reconnaissent avoir du mal à cerner, la libération de la parole de ceux et celles qui les vivent au quotidien doit permettre pourtant de mieux les comprendre plutôt que de les juger sans connaissance de cause.

On se dit « Quel courage, venir sur scène pour parler de son handicap. N’est-ce point une exhibition ? ». En fait pas du tout, il s’agit du partage d’une expérience, d’un vécu difficile d’une personne avec ses congénères de façon à faire sortir de sa cachette où il est reclus un mal existant, ne serait-ce que pour le contrer.  Aujourd’hui encore bien des maladies sont tabou. On peut évoquer le Sida mais aussi des maladies psychiques ou mentales.  Bien sûr on en parle à la télévision, il y a des articles dans les médias mais dans la réalité c’est autre chose.

Avisez-vous de déclarer que vous êtes bipolaire et vous observerez le regard fuyant de votre interlocuteur.

L’expérience de Florence Cabaret traduite par Denis Lachaud rappelle curieusement, toutes proportions gardées, une nouvelle « fantastique » de Maupassant Le Horla où s’exprime la panique d’un individu en proie à un dédoublement de la personnalité.

Il y a quelque chose de fascinant quand même dans ce que nous raconte Florence Cabaret alors même qu’elle nous apparait très naturelle, en fait aux antipodes de la personne borderline qu’elle nous décrit.

Elle jouait au théâtre Marie Tudor, un rôle dans lequel elle s’était complètement investie. Un jour, elle s’est prise vraiment pour Marie Tudor, a enterré ses papiers d’identité et a erré dans la ville en plein délire durant trois jours avant d’être retrouvée.

Je est un autre disait Rimbaud. Les comédiens.nes doivent savoir qu’il y a une frontière entre sa propre personnalité au quotidien et le personnage incarné. Le savoir est une chose, le vivre en est une autre.

Dans ce seule en scène où elle interprète non seulement son propre personnage mais aussi sa mère et des médecins, elle tient les rênes de son histoire avec humour et fair play. Elle rend hommage à cet art théâtral qui permet de se dépasser en invoquant des personnages, miroirs tendus vers le public qui toujours en redemandera.

Car les spectateurs.trices savent combien ils.elles doivent aux artistes et gens de théâtre en particulier, ces moments uniques d’évasion à la rencontre « d’un  double et même plusieurs : le petit bonhomme dedans qui crie au secours, et toute une foule de sosies bien différents les uns des autres «  ( André Benedetto)  et parfois reconnaissons-le de nos fantasmes les plus enfouis. Quand cela se passe au théâtre et nulle part ailleurs !

Le 20 Juillet 2023

Evelyne Trân

N. B : L’article est publié également sur LE MONDE LIBERTAIRE.FR

ELEVAGE – Théâtre musical en plein air à la Scierie 15 bd du quai St Lazare 84000 – Avignon du 8 au 19 juillet 2023 à 20 H – Durée 1 H 20 – Relâches les 12 et 16 juillet.

Auteurs

Hervé ChartonXavier Nuñez Lizama

Interprètes / Intervenants

  • Mise en scène : Camille Lucas
  • Interprète(s) : J. Aguera, P.M. Bommier, H. Charton, N. Jacobée, M. Latrémolière, M. Prost
  • Régie : Z. Vuaillat
  • Masque : I. Bougnoux
  • Com : Kaleïdoskop L. Cartillier
  • Presse : D. Sublet 0687026941
  • Diffusion : 0658547102

Cie Animaux de la Compagnie (les) L-R-22-9783

Basés dans le Doubs, Les Animaux de la Compagnie cherchent à concrétiser des formes d’art vivants en cohérence avec les enjeux sociaux et environnementaux de l’époque actuelle.

Vous rêvez de campagne hors les murs de cette chaleur étouffante qui règne à Avignon, ELEVAGE ce spectacle en plein air créé par les Animaux de la Compagnie, une jeune troupe de théâtre musical vous transportera dans le monde rural.

Très sympathique et curieux ce trio musical composé d’un renard violoniste, un sanglier à la cornemuse et d’un cerf contrebassiste qui commentent musicalement cela va de soi, l’histoire de Jacques fils de paysan et de sa femme dont la ferme vient de brûler. Survient le frère présentateur à la télévision qui propose de les aider mais se voit débouté. Jacques hurle son désarroi en buvant tandis que sa jolie femme compense en dansant.

Il s’ensuit des échauffourées épiques au cours desquelles les protagonistes envoient tout valser avec grand remuement de poussière et de fumée. Notre trio animal qui ne bronche qu’en musique enchaine quelques chants de labour pour calmer les esprits.  

Habilement la metteure en scène, Camille LUCAS réussit à juxtaposer les scènes d’un psychodrame familial avec les partitions d’un bestiaire fabuleux.

A la fin du spectacle, les artistes invitent le public à former des rondes en chantant.

Le texte ELEVAGE a été écrit « A quatre mains, sept cerveaux et douze pieds » à partir de différents entretiens avec les agriculteurs-rices et les « anciens » pour réfléchir sur l’évolution de leur condition.

A la situation dramatique à laquelle le milieu agricole se trouve trop souvent confronté, les Animaux de la Compagnie entendent réagir par « la force du bal » et le souffle impétueux d’un théâtre musical convivial.

Pari réussi ! C’était un bonheur de partager cette création en terminant la soirée en dansant avec des troubadours du 21ème siècle aussi percutants et démonstratifs – je l’imagine – que nos aïeux !

Avignon, le 15 juillet 2023

Evelyne Trân

Article également publié dans LE MONDE LIBERTAIRE.FR

Silences amusants d’un couple en blanc. INSIDE. Du 7 au 29 juillet – Relâches : 11, 18, 25 juillet. A l’ espace Roseau Teinturiers 45, rue des Teinturiers 84000 AVIGNON.

Auteur

Sivouplait


Interprètes / Intervenants

  • Chorégraphie : Nozomi Horie
  • Mise en scène : Takeshi Shibasaki
  • Interprète(s) : Nozomi Horie, Takeshi Shibasaki
  • Régisseur : Gérald Molé
  • Lumière : Keiichi Koda

Elles nous accueillent avec un Pom Pom Pom ridicule et charmant. Deux silhouettes blanches découpées au ciseau, oui des ombres chinoises qui par la grâce d’un magicien ont pris chair.

Jaillissent-elles de la lune ou d’une autre planète ?  Le couple qu’elles forment, tout de blanc immaculé, vient tout droit du Japon et a fondé la Compagnie Sivouplait en 2000.

Ce couple a la politesse pour devise et la maladresse pour excuse. Quand Madame prononce le mot Pardon, celui-ci fond délicieusement dans nos oreilles, tandis que son époux lui se distingue par ses postures acrobatiques catastrophiques.

Nozomi et Takeshi, c’est ainsi qu’ils se prénomment, ont en mémoire les roucoulades des vieux crooners tels que Sinatra et les chansons à l’eau de rose du siècle dernier qui excitent leurs âmes énamourées et se traduisent en danses affreusement burlesques.

Leur spectacle est interactif car ce couple comique n’hésite pas à choisir un spectateur ou une spectatrice pour les accompagner dans leur chorégraphie douteuse. Une occasion unique de devenir mime. Deux ou trois gestes suffisent pour entrer dans la danse : un doigt posé sur le front ou deux poings levés pour dire Yes.

Ce sont des joueurs de tennis spectaculaires et imprévisibles : les raquettes se transforment en ailes sur le dos de Nozomi.

Parfois nous ne comprenons pas où ils veulent en venir. Pourquoi Madame au sourire impeccable exhibe-t-elle un mari dont le corps a tout l’air d’une chiffe molle ? Quand soudain la voix acidulée de France Gall résonne : Poupée de son …

« Chassez le naturel, il revient au galop » Voilà un proverbe qui va comme un gant à ce couple fantaisiste qui sait si bien mimer le galop … à perdre haleine.

Chez Nozomi et Takeschi, le naturel pétille de poésie, de candeur et de drôlerie. C’est l’enfance, celle du jeu qu’ils n’ont pas réussi à chasser qui fait tout le charme de ce spectacle. A ne pas manquer !

Avignon le 14 juillet 2023

Evelyne Trân

Amour de Jokin Oregi par la Compagnie Marie de Jongh à la Factory – Théâtre de l’Oulle 19 Place Crillon 84000 AVIGNON du 7 au 29 juillet 2023 – Relâches : 10, 17, 24 juillet à 10 H 50.

Interprète(s) : Ana Meabe, Ana Martínez, Javier Renobales, Jokin Oregi, Anduriña Zurutuza

Si vous vous contentiez de regarder et si vous faisiez abstraction pendant 5 mn voire 10 mn de tout le bruit autour de vous, tout à coup vous basculeriez sur un autre mode perception, vertigineux cela va de soi.

Amour le spectacle  que nous offre la Compagnie Marie de Jongh, une troupe de théâtre basque et espagnole dont les créations reposent sur la gestuelle sans aucun dialogue, entraîne le public dans un autre monde où la violence sonore est abolie.

Les artistes portent des masques singulièrement humains dont l’expression s’accorde à toutes les émotions. Ils sont si talentueux que chacun de leurs  gestes créent l’illusion de la mobilité des masques.

Le synopsis est simple. Il parle tout simplement de la vie, de l’enfance à la vieillesse de 4 personnages qui jouent et rêvent ensemble, se disputent, forment des couples, se déchirent , se retrouvent, s’unissent et font la paix.

Enfance/vieillesse, jour/nuit, lumière obscurité, amour/fâcherie. Toutes ces oppositions sont bien banales mais elles nous raccordent à la dimension cosmique de notre présence au monde où tout parle de création, de la plus simple fleur à un concerto de Mozart.

On est ému parce qu’en une heure de temps, seulement concentré sur les mouvements des personnages, on a l’impression d’avoir fait le tour d’une vie, celle d’une famille, d’un lotissement.

On a des yeux qui pépient qui n’en peuvent plus d’épier tous les gestes de ces drôles d’humains. La vie sous le signe de l’émotion, de la plus  discrète à la plus véhémente avec de la musique cependant (non la musique ne rime pas avec bruit) presque ironique ou placide, allez savoir, comme l’œil bienveillant d’une lune au soleil ou du soleil à la lune qui fait rebondir les notes joyeuses, vives et tendres de ces gosses-adultes que la vie étonne, étonnera toujours. Il est vrai qu’ils disposent d’une craie magique, celle de l’imagination et de l’amour.

Dîtes-vous que tous ces êtres ne s’adressent qu’à vous spectateurs, spectatrices, ils demandent juste que vous les observiez sans crainte, sans pudeur. Nous sommes au théâtre après tout. Ils nous disent « Profitez en, vous pouvez être voyeurs ou voyeuses sans scrupules, car nous n’avons rien à cacher, la vie nous parle comme elle parle aussi aux chats et aux fleurs comme vous voudrez … ».

Coup de cœur pour ce spectacle d’une délicatesse infinie. Du grand art !

Avignon, le 12 Juillet 2023

Evelyne Trân

Nuit blanche chez Francis par la Cie La Belle Equipe – Avec les textes de Francis Blanche au Théâtre ESSAION 33, rue de la Carreterie 84000 AVIGNON du 7 au 29 Juillet 2023 à 22 H 15. Relâches les 12, 19, 26 Juillet.

Interprètes / Intervenants

Interprète(s) : Jean-Baptiste Artigas, Guillaume Destrem, Alain Dumas, Didier Le Gouic

Nuit Blanche chez Francis Bande-annonce 2012.mov – YouTube

Francis BLANCHE c’est de l’intemporel, un comique penseur et par-dessus le marché un poète. Il a à son actif tant de sketches et chansons qu’ils ne seront pas tous au rendez-vous mais vous entendrez probablement La Truite de Schubert, la Pince à linge sous des airs de Beethoven, La fille de gangster, le Cintre, le Parti d’en rire etc. La Compagnie La Belle Equipe s’en donne à cœur joie dans ce spectacle mené tambour battant. Les interprètes rappellent les Frères Jacques mais donnent libre cours à leur imagination. C’est délicieux (Je l’ai déjà vu 3 fois). A ne pas manquer !

Le 6 Juillet 2023

Evelyne Trân


L’ANALPHABETE Adaptation de Nabil El Azan d’après L’Analphabète de Agota Kristof avec Catherine SALVIAT au Théâtre de l’Atelier Florentin 28 rue Guillaume Puy 84000 AVIGNON du 7 au 18 juillet . Relâches: 10, 17 juillet.

Adaptation de Nabil El Azan

d’après L’Analphabète de Agota Kristof

mise en scène Nabil El Azan

Les amoureux des livres le savent, ils ne peuvent pas se passer de mots et surtout des lettres qu’ils ont brassées avec les yeux, avec les doigts avant qu’elles ne produisent du sens. L’émotion date de l’enfance, de cette intimité souveraine avec des objets lettres qui permet à l’enfant de voyager seul et libre, indépendamment du regard des adultes.

Agota KRISTOF raconte son enfance dans une famille pas très riche mais cultivée en Hongrie dans les années trente, ses souvenirs de misère à l’adolescence, en internat, lorsqu’elle fut séparée de sa famille et puis sa fuite avec son mari et sa fille à 21 ans, en 1956, lorsque la révolte des conseils ouvriers fut écrasée par l’armée soviétique. Ne parlant pas un mot de français, elle s’est retrouvée en Suisse dans la situation d’une analphabète.

Curieux destin que celui d’Agota KRISOF devenue écrivain dans sa langue d’adoption, le français, qui a su irriguer de son savoir, son intelligence et son amour, cette terre nouvelle, pour y bâtir quelques livres.

Agota KRISTOF est une ouvrière des lettres. Elle n’est pas devenue écrivain par un coup de baguette magique, elle s’est mise à l’épreuve dans une longue randonnée avec pour seul horizon, le bonheur de la lecture et de l’écriture.

Sous les traits de Catherine SALVIAT, son parcours de l’enfance à l’âge adulte, est particulièrement lumineux. La voix de l’enfance perce les nuages de la longue ascension d’Agota KRISTOF qui est toujours cette petite fille malicieuse qui se dégourdit avec des histoires vraies ou fausses pour le plaisir de bouger son petit monde.

Fière et robuste, Agota KRISTOF est une écrivaine à mains nues qui connait la valeur des mots qu’elle déterre à la racine. Sa langue est simple, oui, elle sent la terre et le corps. Car on ne le dira jamais assez, les mots passent par le corps qui est en quelque sorte leur véritable foyer et lorsqu’ils arrivent à la surface, lorsqu’ils s’éclairent sous les yeux des lecteurs ou les oreilles des lecteurs, ils respirent.

Catherine SALVIAT est l’interprète rêvée de ce personnage, Agota KRISTOF. La mise en scène suggestive et scrupuleuse de Nabil El Azan épouse à la fois sa sensibilité  et son énergie.  

Dans la pénombre de l’intimité d’une écrivaine, c’est la voix de Catherine SALVIAT qui ouvre les portes, qui respire sous leurs fentes et converse avec nos fantômes,  ceux qui ont fait trembler les murs de notre enfance « analphabète ». C’est Diane souriante, juchée sur quelques livres, en lettres et en chair.

 Paris, le 1er Novembre 2014 

Mise à jour le 6 juillet 2023           Evelyne Trân