Novecento Pianiste – Récit Jazz – d’après Alessandro BARICCO au Théâtre de l’ESSAION 6 rue Pierre au lard 75004 PARIS du 17 Juin au 30 Juillet et du 25 Août au 8 Octobre 2022 – Les jeudis, vendredis et samedis à 21h15.

  • Auteur : Alessandro BARICCO, traduction Françoise BRUN

Voir la bande annonce

Mise en scène : Pascal GUIN

Distribution : Pascal GUIN et Christofer BJURSTRÖM

Novecento ! Le mot glisse sur les lèvres, il a l’accent chantant. Il n’est pas besoin d’en connaitre le sens, il illusionne comme ces rues ou ces avenues ou ces impasses que l’on ne connait que grâce à l’association de quelques syllabes et qui lorsqu’on les découvre pour de vrai pourraient nous choquer parce qu’elles ne coïncident pas avec nos rêves.  

Le porteur de ce nom, Novecento, va manifester cet ailleurs, l’autre part, l’incarner en répondant à l’appel du large de Mallarmé : Fuir ! là-bas fuir! Je sens que des oiseaux sont ivres D’être parmi l’écume inconnue et les cieux !

Le conte est une petite dynamite pour l’imaginaire. Son auteur Alessandro BARICCO s’est laissé emporter par son inconscient avec un grand I, car sa créature résiste à toutes les analyses. En résumé, Novecento rassemblerait nos désirs les plus chers de liberté, de création, d’amour de la musique avec une onde de mélancolie, celle que peut éprouver n’importe quel individu face à l’immensité de la mer, face à la multitude des êtres et de histoires qui se bousculent dans la tête et la mémoire de Novecento qui refuse de son vivant de n’être que de passage sur un paquebot.

 Novecento a été découvert bébé, abandonné probablement par des émigrants ou des voyageurs clandestins, dans une boite en carton dans la salle de bal d’un paquebot. C’est son ami, un trompettiste qui raconte l’histoire de cet enfant devenu un génial pianiste.

Sur scène Pascal GUIN, passionnément, investit pleinement le rôle de conteur c’est-à-dire qu’il donne l’impression de vivre chacun des évènements qu’il déroule. Il est celui que fascine et fascinera toujours Novecento, l’être paradoxalement le plus désintéressé du monde, seulement attaché à son instrument le piano qui permet « de danser avec l’océan ».

Le piano c’est également un personnage qui a la classe et le talent de Christofer BJURSTRÖM . Quel plaisir d’écouter ces notes qui fourmillent dans l’espace, se cognent à la coque du paquebot, glissent sur le front du conteur, frôlent sa silhouette et se confondent avec le bruit de la mer si bien que l’on se surprend à penser : c’est la mer qui joue du piano.

Novecento se confond lui aussi avec la mer. Il est à l’horizon ce qui fait dire à Rimbaud : L’éternité c’est la mer allée avec le soleil.

Eternité, instant ! Dans la belle cave de l’ESSAION, Pascal GUIN et Christofer BJURSTRÖM convient le public à un impressionnant et envoûtant voyage musical.

Le 19 juillet 2022

Evelyne Trân

N.B : Pascal GUIN et Christofer BJURSTRÖM étaient les invités de l’émission « Deux sous de scène » sur Radio Libertaire. 89.4, en 2ème partie le samedi 9 Juillet 2022, en podcast sur le site de Radio Libertaire.

N.B : Article initialement publié sur le MONDE LIBERTAIRE.NET

Toxique de Françoise SAGAN au Festival off d’Avignon du 17 au 26 Juillet 2022 à 17 H 30 – Relâche le 20 Juillet – Théâtre des Lilas 8, rue Londe 84000 AVIGNON.

 

https://youtu.be/St_Fq-f_QUI 

Interprètes / Intervenants

  • Mise en scène : Cécile Camp
  • Interprète(s) : Christine Culerier

Adaptation : Michelle Ruivo
Création lumières : Dominique Fortin
Création musicale et sonore : Victor Paimblanc
Scénographie : Eric Den Hartog

Nous pénétrons comme par effraction dans le journal intime de Françoise SAGAN couvrant une courte période, celle de son séjour dans une clinique de désintoxication du palfium qui lui fut administré à haute dose, après un terrible accident de voiture.

Françoise SAGAN n’avait que 22 ans mais elle était déjà SAGAN avec bonheur celui de pouvoir jouir de sa drogue la plus dure, l’écriture.

Le journal est un à mi-chemin vers la littérature. Beaucoup d’écrivains s’y sont exercés n’ignorant pas que leurs journaux pourraient être publiés.

Dans ce cahier, témoin de sa réclusion forcée dans une clinique, la jeune femme avait un étrange interlocuteur, le temps celui qu’on ne pense pas mais qui s’impose naturellement dans la chambre de la solitude, une solitude qu’il faut s’employer à distraire sans autres béquilles que celles de sa pensée, des objets qui flottent devant soi, des moindres événements qui prennent des proportions incroyables parce qu’ils ne tiennent qu’au regard qu’on leur porte, suspendus en quelque sorte dans le temps intrigant, parfois même insupportable lorsqu’il rime avec ennui, insomnie, angoisse ou souffrance.

L’esprit de la jeune femme se déploie dans ce labyrinthe avec subtilité, curiosité et un vague effroi comme si elle tournait les pages d’un abyme intérieur qui exigerait d’elle qu’elle se sonde, se regarde en face sérieusement.

Mais justement la jeune femme n’est pas sérieuse, elle se préoccupe davantage de la légèreté au sens noble du terme, celui de la liberté.

« Il y avait longtemps que je n’avais pas vécu avec moi-même » se dit-elle. Elle s’épie, « elle est une bête au fond d’elle-même ».

Mais étonnamment, ses notes impromptues ou plus réfléchies restent dominées par un insatiable désir de vivre expressément chaque minute, fût-elle douloureuse.

Elle est un animal à l’affût de n’importe quelle surprise, bonheur, réjouissance des sens.

La fermeté de la voix de la comédienne Christine CULERIER, son énergie et par moments quelques intonations enfantines, donnent la mesure de ce buisson ardent que constitue ce journal de l’écrivaine à 22 ans, un journal susceptible de toucher cette solitude que chacun porte en soi et qui regorge de ressources pour peu qu’on l’apprivoise.

La performance de Christine CULERIER ainsi que l’accompagnement musical de Victor PAIMBLANC qui accentue la dramaturgie de ce huis clos, offrent un prodigieux instant d’intimité, voire d’éternité avec cette grande artiste Françoise SAGAN.

Article mis à jour le 16 Juillet 2022

Evelyne Trân

LA VIE MATERIELLE de Marguerite DURAS – Avec Catherine ARTIGALA – Mise en scène William MESGUISCH au Festival off d’Avignon au PETIT LOUVRE 23 Rue Saint-Agricol, 84000 Avignon Salle VAN GOGH – Du jeudi 7 juillet au samedi 30 juillet 2022 à 15 H 20. Relâche le mardi (12, 19 et 26 juillet) ainsi qu’une relâche exceptionnelle le 25 juillet. Durée 1 Heure.

Adaptation de Michel Monnereau
Création lumière : William Mesguich
Création sonore : Matthieu Rolin
Costume : Sonia Bosc

Avez-vous lu DURAS ? Le spectacle La vie matérielle conçu par Michel MONNEREAUqui a fait un travail remarquable d’adaptation du recueil éponyme des entretiens de Marguerite Duras avec le journaliste Jérôme BEAUJOUR, paru en 1987, projette d’emblée les spectateurs dans une sorte de montagne Duras non point inaccessible mais intrigante, qui plante le décor, celui d’une solitude ivre.

C’est une femme assurée de son prestige qui s’exprime, elle a intériorisé sa notoriété, sorte de pied de nez à une petite fille qu’on imagine timide, ébahie devant sa mère « ogresse » guerrière impénitente qui s’est battue contre vents et marées pour survire avec ses 3 enfants (cf. (Un Barrage contre le Pacifique) cette mère qu’elle dit folle.

Elle est un personnage. Il n’y a pas de limites pour un personnage sauf, allez savoir, lorsque la bougie vacille sous l’influence de l‘alcool. Se serait-elle reconnue si elle s’était rencontrée par hasard ?  Dans ces entretiens elle donne toujours l’impression de se projeter dans quelque chose qui la dépasse. Et c’est ce sentiment de dépassement qui confine à l’émerveillement qui la rend terriblement touchante.

Est-il encore possible de se rappeler la parfaite petite fille inconnue, étrangère parmi les indigènes serviteurs de sa mère lorsqu’on s’appelle Duras. Parce qu’elle s’appelle Duras, des inconnus la recherchent, s’approchent d’elle et elle reconnait parmi eux Yann ANDREA.

Peut-on juger un personnage ? Nenni. Duras personnage, actrice se donne à ceux qui lui tendent la perche. Elle se donne à elle-même aussi avec une sorte d’espièglerie. C’est un jeu ; on la croirait à la marelle en train de lancer des cailloux ou des galets pour jeter un sort aux cases de souvenirs. Elle a le geste sûr ce qui lui permet ensuite de céder à l’exaltation.

Bizarrement, il semble qu’il ne soit pas nécessaire d’avoir lu Duras ou vu un de ses films pour l’entendre dans ce spectacle.  Duras interprétée par Catherine ARTIGALA fait penser à une héroïne de tragédie, elle est une ogresse comme sa mère qui s’assume comme telle. N’a-t-elle point accouché au réel, au théâtre, au cinéma de tant de personnages dont elle a souligné la détresse, la folie. Quant à l’Amour toujours avec un grand A, c’est le point culminant d’une rêverie, celle de la musique d’India song.

Oui alors, il faut peut-être avoir lu Duras pour la comprendre.

William MESGUICH certainement imprégné par cet univers accueille Marguerite Duras avec une mise en scène discrète et chaleureuse.

Catherine ARTIGALA ressemble physiquement à Duras sexagénaire mais c’est surtout sa présence qui impressionne. Elle incarne justement une écrivaine pour laquelle « Le dire » importe plus que la véracité des faits. Comme si sans passion, il n’y a pas d’évocation possible. La parole travestit la réalité. Duras est bien plus romancière que journaliste. Elle ne tricote pas, elle orchestre.

Bête de scène, magnifique croqueuse de mots, croqueuse de vie, Catherine ARTIGALA livre les souvenirs de Duras, bec et ongles tendus pour en découdre avec le rideau sale de la réalité, pour chasser les nuages, retrouver devant elle et chez l’autre le bonheur d’exister.

Article mis à jour le 11 Juillet 2022

Evelyne Trân

N.B : Article initialement publié sur le Monde Libertaire en ligne

https://www.monde-libertaire.fr/?article=Marguerite_et_le_brigadier

LES CRAPAUDS FOUS – Une pièce écrite et mise en scène par Mélody MOUREY au théâtre LE SPLENDID 48 rue du Faubourg Saint Martin 75010 Paris du 3 Juin au 4 Septembre 2022 – Mercredi, jeudi, vendredi, samedi à 21 h et le Dimanche à 15 H.

(en alternance) : Benjamin Arba ou Blaise Le Boulanger, Charlotte Bigeard ou Claire-Lise Lecerf, Constance Carrelet ou Tadrina Hocking ou Laurence Gray,  Hélie Chomiac ou Alain Bouzigues, Gaël Cottat ou Rémi Couturier, Charlie Fargialla ou Paul Delbreil, Damien Jouillerot ou Thibaud Pommier, Lydie Misiek ou Charlotte Valensi, Christian Pelissier ou Olivier Claverie.Chorégraphie : Reda Bendahou – Scénographie : Hélie Chomiac – Musiques : Simon Meuret

Avez vous déjà entendu parler des « crapauds fous » ? Dire que le crapaud réputé pour sa laideur et sa bave empoisonnée a depuis la nuit des temps impressionné la gente humaine ! Wikipedia vous viendra sûrement en aide pour vous expliquer ce qu’est « un crapaud fou ».

L’expérience sera beaucoup plus vivante et instructive si vous vous laissez transporter au théâtre pour assister à l’aventure de deux valeureux médecins polonais en pleine seconde guerre mondiale, qui ont imaginé un stratagème particulièrement audacieux pour éviter la déportation dans les camps des nazis de 8000 habitants de confession juive de leur village Rozwadow.

Les deux médecins ont vraiment existé. L’un d’eux Eugène LAZOWSKI est considéré comme un héros mais reste inconnu du grand public. Pour rendre hommage à ces deux personnages de la grande et petite histoire Mélody MOUREY a créé une belle comédie qui illustre la capacité de rebondissement et de résistance humaine face à l’adversité. On pourrait dire que l’ambiance de la pièce est à l’image de ces crapauds bondissants qui refusent de se ranger .

Une histoire vraie ou un conte de fée ? L’auteure a dû songer qu’il fallait à tout prix éloigner les larmes du crapaud car le contexte est sombre. Le ton de la pièce est enjoué et les 9 comédiens, comédiennes qui interprètent une quinzaine de rôles rivalisent d’inventivité pour rendre comiques des situations dramatiques.

Parce le passé ne peut rester figé, il revient aux jeunes de l’interroger. C’est dans cet état d’esprit au début de la pièce qu’une jeune étudiante en psychologie, petite fille de Eugène LAZOWSKI part aux États Unis rencontrer le vieil ami de son grand-père, Stanislaw MATULEWICZ qui va lui raconter comment Eugène et lui ont réussi à berner ces criminels de nazis.

Une question turlupine l’étudiante, celle de l’expérience des électrochocs de MILGRAM qui dévoile comment le réflexe d’obéissance peut transformer en bourreaux des individus ordinaires. Seul un petit pourcentage de personnes testées refuseraient d’obéir aux ordres qui mettent en danger la vie d‘autrui. On peut se souvenir à ce propos avec terreur de certaines scènes du film Orange mécanique de Stanley KUBRICK.

Après un tour dans un pub américain, changement de décor , les spectateurs sont transportés dans un village de Pologne où s’affairent les 2 médecins « crapauds fous ».Un paysan tout affolé vient trouver Eugène pour lui demander de l’amputer d’un bras car il veut échapper au camp de travail forcé (situation moliéresque). La perspective est si atroce que Stanislaw a l’idée de lui inoculer le vaccin du typhus, sachant qu’en infime dose, il n’y a pas de danger mais qu’il sera néanmoins testé positif à la maladie et donc pestiféré. Par la suite ce sont tous les ressortissants juifs qui seront vaccinés pour abuser les nazis. Difficile cependant de faire comprendre le stratagème à la population sensée être en quarantaine et avoir le typhus sans en présenter les symptômes. Les deux médecins en viendront à faire appel à des comédiens pour interpréter des individus malades de façon à convaincre les nazis de s’éloigner du village.

Les spectateurs, bien entendu, éprouvent les angoisses des médecins qui doivent affronter les interrogatoires des nazis, lesquels n’hésitent pas à les menacer de mort sur le champ. A vrai dire dire ces soldats sont tellement ridicules qu’ils prêtent à rire.

La scénographie est étonnante avec ses décors en tourniquets qui valsent au quart de tour et la musique est chatoyante.

Menée tambour battant, sans aucun temps mort, la pièce déborde de vitalité, elle est piquante, aussi vivace qu’un crapaud bondissant dont la bave est porteuse de ce savoureux message « Ne renoncez jamais, ne vous résignez pas, le cœur a plus d’intelligence que le mal  ». Qu’on se le dise « Il ne faut pas désespérer de la nature humaine ! ».

Un spectacle à ne pas manquer !

Paris, le 11 Juillet 2022

Evelyne Trân

N.B Article initialement publié sur le MONDE LIBERTAIRE.NET