LIZA ET MOI, HISTOIRES DE MÈRES ET DE FILLES – CHŒUR DE FEMMES POUR TROIS GÉNÉRATIONS –

TEXTE : Sandrine Delsaux

MISE EN SCÈNE : Sophie Thebault

ASSISTANAT À LA MISE EN SCÈNE : Mathilde Chabin-Guignard

COLLABORATION ARTISTIQUE : Anaïs Coq

AVEC Sandrine Delsaux + Marthe Drouin + Marie Griffon en alternance avec Marine Vellet + Cécile Martin + Agnès Pichois + Catherine Piffaretti

LUMIÈRES : Zizou

RÉGIE : Raphaël Bertomeu

Teaser de LIZA ET MOI — Histoires de mères et de filles https://www.youtube.com/embed/yEZl4jTCFCg

Le spectacle qui a eu lieu au *Théâtre de la Reine Blanche * ( du 24/11/2021 au 16/01/2022 ) est terminé à ce jour mais fera très certainement l’objet d’une reprise. La pièce de Sandrine DELSAUX est publiée aux Editions Les Ames libres.

La metteure en scène Sophie THEBAULT dans sa note d’intention explique que le spectacle a pour origine son désir d’interroger sa propre histoire avec sa mère et sa fille. Elle s’est adressée à l’autrice Sandrine DELSAUX et à six comédiennes dont « le travail à la fois personnel et collectif … est parti de l’intime pour tendre vers l’universalité de ces relations mères/filles. »  

Elle est très étonnante cette exploration des relations entre mères et filles sur trois générations !

Etonnement d’entendre des phrases qu’on a déjà entendues et qui mettent le doigt sur la plaie et donc pour imager les blessures consécutives à la rupture du cordon ombilical entre une mère et sa fille :

– Je vais devoir prendre de la distance avec toi, Maman, je préfère qu’on ne se voie plus.

La mère envahisseuse :

– Qu’est ce qui t’arrives ?

– Tu sors de mon ventre ma fille.  

Il y aurait une relation privilégiée entre mère et fille qui ne serait pas du même type que celle entre mère et garçon.

Dans ce chœur de femmes, les mères crient leur amour à leurs filles et cela résonne de façon poignante car parfois les filles refusent cet amour trop accaparant à leur gré.  

Il ne sera pas question dans les six scènes du spectacle des filles mal aimées ou qui ont été marquées par l’indifférence de leur mère. Cela existe aussi. Mais même quand l’amour est là, la difficulté de la relation subsiste.

Mais revenons aux origines, à la naissance au fatidique « Ah zut c’est une fille ! ». Mais n’est ce point un peu ridicule cette distinction identitaire entre fille et garçon. C’est tout de même pile ou face cette histoire, juste une histoire de chromosome. Quel fardeau que celui d’une représentation négative de la femme depuis des générations !

Mais voilà c’est inscrit dans la mémoire générationnelle, la société depuis la nuit des temps a considéré qu’il fallait un dominant, le sexe mâle et un dominé le sexe féminin.

Puisque les femmes font partie du genre dominé, le sentiment de devenir ou de pouvoir devenir mères d’une fille les renvoie à leur propre condition de femme et à la tentation de projeter sur l’enfant fille sa propre histoire.

Ce cordon ombilical identitaire est à la fois source de renaissance et d’inquiétude. Mère et fille peuvent-elles se reconnaitre, s’accepter dans le même miroir, celui imposé par la société, celui mental tracé par l’histoire familiale.

Dans ce spectacle, il est question de ce rapport privilégié entre mère et fille avec toutes ces ambivalences.

On y entend des drames mais ceux-ci sont évoqués en douceur, parce qu’au fond comme dans toutes les relations, il s’agit de s’apprivoiser l’un et l’autre, l’une et l’autre, oublier la notion d’alter égo, pour se réjouir des différences et communiquer sur le mode de l’altérité.  

Partir de l’intime pour toucher l’universel, oui, nombre de mères et de filles se reconnaitront dans les divers propos échangés.

Qu’il soit possible d’évoquer ce dont il est si difficile de parler (parce que ça fait mal, parfois trop mal) c’est certainement une avancée dans la connaissance ou reconnaissance de soi et des autres.

Mais est-ce un détail, il nous parait que ce chœur de femmes pourrait accueillir le genre mâle ne serait-ce que pour entendre son avis.

La complicité entre les comédiennes entretient la fluidité de la mise en scène dans un va-et-vient de questions empoignantes qui troublent les relations mères/filles.

Une musique évoque les battements de cœur et on entend la chanson « Que sera, sera » de Doris Day et Frank de Vol et il y a les cris des gosses à la récréation !

Le 28 Janvier 2022

Evelyne Trân

* Au théâtre de la Reine Blanche – Scène des Arts et des Sciences 2 Bis Passage Ruelle 75018 PARIS – du 24 Novembre 2021 au 16 Janvier 2022.

Liza et moi. Histoires de mères et de filles de Sandrine DELSAUX aux Editions les Ames libres.

CAHIERS DE NIJINSKI- Texte de Vaslav NIJINSKI, adapté par Christian Dumais LVOWSKI Samedi 29 janvier – 21h00 Dimanche 30 janvier – 16h00 au Théâtre de La Reine Blanche – 2 bis, passage Ruelle, 75018 Paris – en Grande Salle avec Denis LAVANT.

Galilée, le mécano

Voix et corps Denis Lavant
Saxophone, clarinette basse et électronique, direction artistique Matthieu Prual
Violoncelle et électronique Gaspar Claus – Regard chorégraphique Jérémie Bélingard – danseur étoile de l’Opéra de Paris

Une co-production des Mouflons avec La Grande Boutique, Plages Magnétiques et le Mac Orlan
Partenaires : Ville de Nantes, Les Fabriques de Nantes, La Muse en Circuit ,Conseil Départemental de Loire-Atlantique, Région Pays de La Loire, DRAC des Pays de la Loire, SPEDIDAM
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TEASER 1 – « Au hommes »
 https://www.youtube.com/watch?v=QwpEEJFuxm0
 
TEASER 2 – « La chair »
https://www.youtube.com/watch?v=J0FV4ZMsv_0

N.B : Denis LAVANT était l’invité de l’émission DEUX SOUS DE SCENE sur RADIO LIBERTAIRE 89.4
le Samedi 5 Février 2022 en podcast sur le site de Radio Libertaire . Lien ci-dessous .


Quelle belle idée de confier à Denis LAVANT les cahiers de NIJINSKI adaptés par Christian DUMAIS LVOWSKI. Nous avions pu apprécier l’extraordinaire composition de Denis LAVANT dans le spectacle FIGURE de Pierre CHARRAS en 2003 où la chair et le corps dansant semblaient frôler les peintures de Francis BACON . Après ce spectacle, la peinture de BACON apparaissait soudain plus perméable.

Les Cahiers de Nijinski ont été interprétés par Laurent TERZIEFF. Comment ne pas évoquer ses propos lors d’un Bouillon de Culture de Bernard Pivot en 1995 « Il (Nijinski) s’exprime par les larmes et le sang… Pour lui, la vie civilisée est une sorte de mort… C’est lorsqu’il est le plus incohérent qu’il nous livre les vérités les plus profondes ».

Sans nul doute que Denis LAVANT qui est lui même poète et danseur saura soulever le texte de NIJINSKI tel un champ ouvert où le souffle de la parole rejoint l’esprit de la danse.

Le 27 Janvier 2022

Evelyne Trân




 
























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Emission DEUX SOUS DE SCENE sur Radio Libertaire du Samedi 5 Février 2022 avec pour invité Denis LAVANT.

Une Bouteille à la mer – Adaptation de Camille Hazard – d’après Une Bouteille dans la mer de Gaza de Valérie Zenatti – mise en scène Camille Hazard – Au THEATRE 12 – 6 Avenue Maurice Ravel 75012 PARIS – Du 20 Janvier au 6 Février 2022 – Du Jeudi au Samedi à 20 H 30, le Dimanche à 15 H 30.

Avec : Eva FreitasAurélien Vacher

Nous en avons tant entendu parler dans les médias de la guerre entre les Israéliens et les Palestiniens, le sujet est brûlant, terrible et la vérité, c’est que nous avons la tentation de le chasser de l’esprit. Qui sait, si nous abordions le sujet, nous pourrions être pris à partie par les intéressés qui vivent réellement cette guerre depuis déjà plus d’un demi siècle.

Valérie ZENATTI, l’auteure d’une bouteille dans la mer de Gaza, qui a vécu son adolescence en Israël, fait partie de ceux qui n’ont pas choisi cette situation de guerre infernale. Un événement a déclenché l’écriture de son roman, un attentat le 9 Septembre 2003 au Café Hillel où une jeune fille la veille de son mariage et son père trouvèrent la mort. C’était le jour du 10ème anniversaire des accords d’Oslo en 1993 qui devaient conclure la paix mais restèrent sans effet suite à l’assassinat de Yitzhak Rabin.

Son roman donne d’emblée la parole à Tal, une adolescente israélienne. C’est sa voix intérieure que nous entendons, ses pensées, ses peurs, ses angoisses. Tal se rêve une amie à qui elle pourrait se confier. Alors un jour elle décide d’envoyer une lettre qu’elle enfouit dans une bouteille et confie à son frère soldat à Gaza, lui demandant de la jeter dans la mer. Cette bouteille qui n’est pas innocente – il s’agit de celle qu’avait bue ses parents le jour des accords d’Oslo – tombe entre les mains d’un jeune homme palestinien Naïm.

Naïm, également adolescent, en plein questionnement, va répondre à Tal par emails, tout d’abord un peu brutalement, sans doute par méfiance ou pour se protéger de son émotion. Progressivement, un véritable dialogue s’instaurera entre les deux adolescents. C’est une merveilleuse chance pour eux que cette rencontre. Comment être à l’écoute de l’autre sans le voir, comment croire pouvoir être entendu. Mais les jeunes découvrent rapidement qu’ils ont en commun les mêmes doutes, les mêmes frustrations, les mêmes révoltes. A travers leurs échanges, c’est la vie quotidienne de part et d’autre de la frontière, rythmée hélas par des attentats, que nous découvrons.

Camille HAZARD a adapté de façon remarquable pour le théâtre ce roman, de façon amoureuse pour reprendre les termes de Valérie ZENATTI vis à vis de ses personnages . Amoureuse dans le sens de la délicatesse affranchie de toute mièvrerie, celle la même contre laquelle se cabre le jeune Naïm conscient de l’hypersensibilité de son interlocutrice Tal.

Naim est volontiers provocateur dans ses propos mais Tal trouve toujours le change dans la douceur, obstinément. L’un et l’autre s’apprivoisent et l’on pressent que chacun va finir par accueillir l’autre comme une 2ème voix intérieure.

Dans la mise en scène de Camille HAZARD, l’on assiste comme à un véritable ballet de voix qui se raccordent quasi musicalement. Tal et Naïm sont juste séparés par des barbelés, leurs voix s’élèvent au-dessus, elles se répondent et s’expriment aussi solitairement. Tal et Naïm ne se disent pas tout, ce n’est pas possible, alors leurs échanges sont d’autant plus précieux !

Quelques séquences vidéo permettent aux spectateurs d’être associés à l’ambiance qui règne à Jérusalem ou à Gaza.

Nous avons eu l’impression d’assister à un opéra à mi-chant d’une grande pureté, ouvrant son espace à de jeunes voix, celles de la jeunesse étant les plus révolutionnaires assure Valérie ZENATTI.

C’est à travers ces voix que la paix se récoltera. Et nous saluons à ce titre et pour leur talent, ces magnifiques graines de comédiens, Eva FREITAS et Aurélien VACHER ainsi que la jeune metteure en scène si bien inspirée Camille HAZARD.

Article mis à jour le 20 Janvier 2022                        Evelyne Trân

LE HORLA de Guy de Maupassant – Adaptation de Frédéric Gray à La FOLIE MERICOURT – 6, rue de la Folie Méricourt 75011 PARIS – Du 11 novembre 2021 au 30 janvier 2022 Jeudi à 19h30, samedi à 18h et dimanche à 16h30 –

Mise en scène : Frédéric Gray assisté d’Olivier Troyon
Avec : Guillaume Blanchard et Olivier Troyon en alternance avec Frédéric Gray

Il est en chair et en os cet étrange personnage jailli d’une nouvelle de Maupassant « LE HORLA » justement célèbre. Le théâtre permet cela, l’aventure sur une scène d’un personnage en quête de lumière, d’écoute, et son message résonne comme une bouteille jetée à la mer de spectateurs non virtuels mais vivants.

La mise en scène et l’adaptation de Frédéric GRAY ne manquent ni de chair ni de fantaisie. Elles illuminent la noirceur de l’histoire d’un homme malheureux qui consigne dans son journal de bord le récit de son naufrage parce qu’il est hanté par la présence invisible et sournoise d’un parasite étranger.

Dans cette nouvelle fantastique, le narrateur qui reste lui-même un étranger pour le lecteur, se présente comme un homme « étonné » un poète en quelque sorte, qui s’enthousiasme devant les beautés de la nature, et qui est heureux de vivre. Mais les gens heureux n’ont pas d’histoire et voici cet homme frappé par un sentiment obscur, la mélancolie puis l’angoisse et finalement la peur voire la terreur.

A la lecture ce qui interpelle, c’est la solitude de cet homme et cela à tel point que nous pourrions imaginer que la présence du Horla n’est pas tombée du ciel, elle s’impose pour combler le vide affectif et moral qui accable sans qu’il puisse le définir le narrateur.

A cette époque, il n’y avait pas les réseaux sociaux, la radio et la télévision pour se distraire, juste la fée providentielle ou maudite de l’imagination et Moustaki ne chantait pas « Ma solitude ». Toutes les interprétations sont permises. Cette présence du Horla est-elle le fruit d’un fantasme, d’hallucinations, d’une matérialisation de son angoisse ?

La frontière n’est-elle point ténue entre le rêve et la réalité, la vie et la mort, la bonne santé mentale et la folie, entre l’invisible et le visible ? Ces questions visiblement sont au cœur des préoccupations de Maupassant – dont le frère a été interné en hôpital psychiatrique – qui a suivi les cours de Charcot. Par ailleurs, il est difficile de ne pas faire un rapprochement entre les pensées du narrateur de la nouvelle avec celles de Maupassant qui sombra lui-même dans la folie ou l’inconscience quelques années après sa publication en 1886 et en 1887 (Il y eut 2 versions).

Il n’est pas besoin d’être psychanalyste ou médecin pour être touché par la souffrance dont témoigne le personnage qui lutte contre un ennemi invisible. Grâce à l’interprétation poignante de Guillaume BLANCHARD, le spectateur éprouve de l’empathie pour ce fou, voire de la compassion. Et les personnages secondaires fort bien joués par Olivier TROYON détendent l’atmosphère.

La représentation de cadres suspendus comme des miroirs sans fond, fort éloquente, fait judicieusement appel à l’imagination du spectateur. Comme si le metteur en scène l’invitait à jouer à cache avec le fantasme du narrateur anonyme, à y croire sans y croire, car après tout l’invisible est là, il ne peut être confondu, il est juste tangible.

En résumé, voilà un spectacle bien trempé dans la plume de Maupassant où l’imagination agit comme une loupe lumineuse permettant de sortir des sentiers battus de la censure. Quiconque prendrait à sa charge les propos de cet anonyme serait pris pour un fou. Il y aura toujours des réponses convenues. Mais l’homme serait-il humain s’il n’était que raisonnable ?  

Eze, le 10 Janvier 2021

Evelyne Trân

N.B : L’article a été publié également sur LE MONDE LIBERTAIRE.NET

https://www.monde-libertaire.fr/?article=Le_Brigadier_a_perdre_la_raison