Les Frères Karamazov d’après Fédor Dostoïevski -mise en scène Sylvain Creuzevault – Création au Théâtre de l’Odeon dans le cadre du Festival d’Automne du 22 Octobre au 13 Novembre 2021 puis en tournée. Durée 3h15 (avec un entracte) –

traduction française André Markowicz
dramaturgie Julien Allavena
scénographie Jean-Baptiste Bellon
lumière Vyara Stefanova
création musique Sylvaine Hélary, Antonin Rayon
maquillage Mytil Brimeur
masques Loïc Nébréda
costumes Gwendoline Bouget
son Michaël Schaller
vidéo Valentin Dabbadie

production Le Singe

Teaser Les Frères Karamazov|_@_|Trailer Les Frères Karamazov

Voilà déjà plus d’un mois que j’ai assisté au spectacle mis en scène par Sylvain Creuzevault  Les Frères Karamazov . Ce spectacle créé à l’Odéon dans le cadre du Festival d’Automne fait l’objet d’une tournée et je voulais me donner du temps pour lire le livre dont est tiré cette adaptation théâtrale.

Dostoïevski dans tous ses états ai-je envie de résumer au pied comme à la lettre. Aller à la rencontre de Dostoïevski, c’est à tous les points de vue et surtout mental, aller au charbon. Pour une raison simple, c’est que cet écrivain   met en place dans ce roman un véritablement éclatement des perspectives à travers des personnages qui n’ont pour seul point commun que d’être issus de la même famille. Il n’y a pas de commune mesure entre le père présenté comme un débauché et un lâche qui a abandonné ses enfants, Aliocha le croyant, Yvan l’intellectuel athée, Dimitri, l’opposant au père et son rival amoureux et Smerdiakov le fils batard.

A la lecture où la voix intérieure des personnages tient une grande place, le thème de l’angoisse parait au cœur de l’œuvre, elle est un manifeste des propres interrogations de Dostoïevski. Cette angoisse liée à des évènements traumatiques, la mort du père, la mort d’un enfant, l’imminence de la mort qu’il a connue en tant que condamné, devient le moteur, le terrain d’une remise en question permanente.

Il est possible d’aborder cette œuvre monumentale à la lumière des concepts de pulsion de mort et de pulsion de vie de Freud.  Par ailleurs cette phrase « Dieu est mort, tout est permis » interroge aussi bien les croyants que les athées. Adolescente et inculte, je me souviens de l’avoir entendue de la bouche d’un prêtre et j’avais été saisie par son exclamation parce que   soudain le prêtre avait laissé tomber son habit pour ne plus parler qu’en tant qu’homme.  Entendre parler un homme au-delà de son rôle social, sa position du plus petit échelon au plus grand, c’est impressionnant.

Mais je reviens aux Frères Karamazov à sa dimension théâtrale à travers la vision qu’en offre la mise en scène de Creuzevault.

Tous les personnages se frappent ou s’invectivent les uns les autres, ont toujours « mal au cœur » et hurlent leur solitude chacun à sa façon. La fraternité c’est celle de la solitude. Qui écoute qui ? Ce qui frappe dans cette famille, c’est tout de même l’absence des mères, à tel point que l’on peut se demander si ce n’est pas cette absence criante qui serait à l’origine de sa débandade. Dostoïevski ne fait pas seulement le procès du meurtrier du père mais aussi celui de toute la famille qui n’oublions pas constitue la première société, sa démarche est donc aussi politique. Ce faisant, il fait sauter tous les gonds de la bienséance en mettant en scène des prostituées, des débauchés, un batard etc. et comble de l’inconvenance, quand il s’agit de relater la mort du starets, un moine saint, il parle du scandale de la puanteur propagée par son cadavre alors que tous les disciples attendaient un miracle. Cet évènement est particulièrement saillant dans la mise en scène.

Quelle plaie la famille, plaie béante, incicatrisable. Cela donne à penser que Dostoïevski écrivait avec ce sang là non par masochisme mais dans le dessein, l’espoir ou le désespoir d’y voir plus clair. Alors fallait-il le meurtre du père pour rasséréner les esprits, pour entendre quelque part plus loin Nietzsche déclarer « Dieu est mort ».  Où se trouvent-elles la justice et la vérité ? Ebullition des consciences, collectives et individuelles, la marmite est toujours prête à exploser. Les comédiens interprètent de façon poignante tous les personnages. De l’excès ressort le comique, la farce et il faut être cru comme la chair est crue. Montrer ce que l’on ne peut pas dire par exemple des individus encagés dans de sinistres cages suspendues dans le vide. Faire chanter quelques protagonistes sous des airs d’opéra rock, donner l’envie aux spectateurs de les dépenailler, oui puisque l’habit ne fait pas le moine.  Evidemment que c’est fort, que ça bouscule, qu’il y a quelque chose d’insensé qui flotte dans l’air. Oui, les comédiens se donnent à fond, ils exécutent un psychodrame déroutant et vivifiant.  Et le cri devient force de vie, un hymne à la vie.

« Ne criez pas si fort » vous asséneront quelques juges mais si pour vous faire entendre il faut crier, faisons-nous les chantres de la liberté d’expression selon Dostoïevski.

Il n’y a pas de faux fuyants dans la mise en scène de Creuzevault, visuellement, cela parle et nous choque comme devraient nous choquer les tristes mises en scène des politiques de nos jours, une autre histoire ou toujours la même.

Eze, le 30 Novembre 2021

Evelyne Trân

Représentations en tournée :

L’Empreinte – Scène nationale Brive-Tulle
les 23 et 24 novembre

Théâtre des 13 Vents – CDN de Montpellier
du 12 au 14 janvier 2022

Points communs – Scène nationale de Cergy-Pontoise
les 17 et 18 février

Théâtre national de Strasbourg
du 11 au 19 mars

N. B : Article publié également sur le Monde Libertaire

https://monde-libertaire.net/index.php?articlen=6123

EXIL POUR 2 VIOLONS – Texte et mise en scène Jean Pétrement – Musique Béla BARTOK au Théâtre de l’ESSAION 6, rue Pierre au lard 75004 PARIS – Du 23 Novembre 2021 au 18 Janvier 2022. Les mardis à 19 H 00.

  • Auteur : Texte Jean Pétrement
  • Musique : Béla Bartok
  • Mise en scène : Jean Pétrement
  • Avec : Léonard Stéfanica, Clément Wurm, Jean Pétrement

Voir la bande annonce

Les 44 duos pour violons de Béla BARTOK sont de véritables petites perles musicales, à l’état brut, inspirées des airs populaires de la musique paysanne hongroise s’étendant aux territoires slovaques,serbes et roumains.

 A la faveur d’une commande pour une nouvelle méthode de violon, Béla BARTOK composa ce bouquet de duos en 1931, puisant, dans le vivier des mélodies paysannes, les airs les plus représentatifs d’une musique qui renferme en quelque sorte l’âme de tous ceux qui l’ont véhiculée et qui semble rejaillir des racines mêmes de leur terre, pour devenir leur langue musicale.

 Il est possible d’écouter seulement la musique, mais il faut reconnaitre que l’on assiste aussi à une sorte de chorégraphie naturelle des archets sur les violons, ce qui plonge l’oreille dans le mouvement inouï des êtres et des choses. Etrange sollicitation de tous les sens à  partir de quelques bulles d’air qui tirent leur résonance, on le sent, aussi bien de l’impact de la main sur la charrue, que du ressenti rude, chargé d’embruns et de soleil, émulsionné, presque sauvage. C’est l’oreille qui travaille la terre, qui y plonge physiquement avec pour seul ferment l’âme de la musique.

 La mise en scène de Jean PETREMENT, sorte de clin d’œil à BARTOK nous décrit un personnage entier, en quelques évocations de sa vie difficile (Il quitta sa chère Hongrie à 58 ans parce qu’il refusait le régime nazi) dévouée à l’exploration de cette musique paysanne peu connue. Ces évocations s’intercalent à travers les 44 duos qui forgent le dialogue entre deux jeunes musiciens très inspirés, soucieux d’exprimer,  aujourd’hui, à partir de leurs propres expériences, leur bonheur de toucher cette matière si  riche, si dense, si physique.

 Un spectacle à l’essence de Béla BARTOK, secrète et profonde, mais aussi ruisselante de fraicheur par sa simplicité. Car ces mélodies, disait-il, doivent être « des exemples pour la qualité et la densité sans égale de la pensée musicale qui s’exprime sans détail superflu ».

 Une grande leçon de musique !

 Article mis à jour le 26 Novembre 2021                Evelyne Trân

Léo et lui – Textes de Léo Ferré – Adaptation de Jean Pétrement au Théâtre de l’ESSAION 6, rue Pierre au lard 75004 PARIS – Du 22 Novembre 2021 au 17 Janvier 2022. Les lundis à 19 H 00.

  • Auteur : Textes Léo Ferré
  • Adaptation Jean Pétrement
  • Mise en scène : Lucile Pétrement
  • Avec : Léonard Stéfanica, Jean Pétrement

L’espace d’une génération, elle n’est pas si grande la distance entre un père et un fils, elle est même bienvenue lorsqu’elle permet au père de jouer le rôle d’éclaireur sur les sentiers de la poésie perchée dans les étoiles.

Le père voudrait partager avec son fils la passion qu’il éprouve pour la poésie de Léon FERRE, il lui offre son cœur en vérité mais le fils musicien, debout sur son cheval fougueux, regarde les pierres qui se dressent sur son chemin. Il est découragé, il perçoit le gouffre entre son désir de création et le monde qui l’entoure. Il est prêt à lâcher les rênes, à renoncer. La voix de son père, trop lointaine, il l’associe à son désenchantement.

Mais le père, lui, sait bien que le doute fait partie du processus créatif de tout artiste et l’exhorte de plus belle à s’exprimer.

Etonnamment à partir des seuls textes de Léo FERRE, tirés principalement des Chants de la fureur, Jean PETREMENT réussit à instaurer le débat entre un père et un fils en quête de retrouvailles, la sensation du passé étant elle toujours à venir.

D’ailleurs, le temps pour le poète est d’ordre musical et qu’importe les ritournelles, Léo FERRE n’a cessé de piaffer mais sous les sabots du cheval au galop, nous avons tellement entendu  la terre soulevée, celle qui soupire, gémit, rote et soudain peut devenir élégiaque, lyrique, parler des larmes dans la poussière !

Le spectacle réellement intense permet de découvrir le talent de Léonard STEFANICA qui interprète des chansons de Léo sur des musiques électro-acoustiques

 Jean PETREMENT quant à lui dans le rôle du père, donne toute sa dimension intérieure aux poèmes qui se déploient sur le mode de la pensée, intemporelle.

 Mise en scène avec une belle sobriété par Lucile PETREMENT, cette création originale et bouleversante immerge le spectateur dans l’univers de Léo FERRE avec une saisissante profondeur.

Nous voici en quelque sorte au cœur du bateau ivre de Rimbaud, dont la proue serait Léo FERRE lui-même.

Article mis à jour le 26 Novembre 2021

Evelyne Trân

Là-bas, de l’autre côté de l’eau de Pierre-Olivier SCOTTO avec le regard complice de Xavier LEMAIRE au Théâtre de la Bruyère 5, rue de la Bruyère 75009 PARIS – Du mercredi 17 Novembre au samedi 18 Décembre 2021.

Les mardis et mercredis : 19h30
Les jeudis et vendredis : 20h45
Le samedi : 15h30 et 20h45

Soirée-débat le mardi 23 novembre
Représentation à 19h suivi d’un débat à 21h45 sur le thème « Mémoires traumatisées et réconciliation », animé par Olivier Barrot.

MISE EN SCENE DE XAVIER LEMAIRE
Avec

Isabelle ANDREANI, Hugo LEBRETON, Kamel ISKER, Noémie BIANCO, Karina TESTA, Maud FORGET, Teddy MELIS, Franck JOUGLAS, Patrick CHAYRIGUES, Julien URRUTIA, Laurent LETELLIER, Xavier KUTALIAN

« Là-bas, de l’autre côté de l’eau est une histoire d’amour et de passion entre trois jeunes gens. Une fresque épique autour d’une L’histoire saga familiale, entre les deux rives de la Méditerranée. »

Donner à entendre la vie, les sentiments, la chair celle absente dans les livres d’histoires.

Combien il doit être difficile pour ceux qui ont vécu la guerre d’Algérie aussi bien du côté des pieds-noirs que des Algériens ou des jeunes appelés – qui ne comprenaient rien à cette guerre – de l’évoquer sinon en réveillant des souvenirs douloureux

Donc pour la rendre vivante cette histoire de la guerre d’Algérie aux jeunes générations, il y a la flamme du théâtre.

Scotto qui se présente comme un Français d’Algérie affirme qu’il n’est pas question dans cette pièce de prendre parti. Avec Xavier Lemaire, il a recueilli des témoignages de Français et d’Algériens qui « ont toujours beaucoup de mal à s’exprimer ».

Les pensées, les paroles qu’endossent les protagonistes sont évidemment inspirées de ces témoignages. Scotto a choisi le prisme de la fresque théâtrale pour libérer une parole « cette parole que seul le théâtre peut mettre en scène ».

Ladite fresque épique est fort bien illustrée grâce à la mise en scène de Xavier LEMAIRE. Les tableaux très vivants font penser à un grand livre ouvert théâtral à vocation pédagogique d’où jailliraient des bribes d’instants et d’émotions destinées à nous interpeller et à frapper notre imaginaire .

Une énergie chaleureuse traverse l’équipe des 12 comédiens et comédiennes. Comment ne pas être touchés par la présence d’Isabelle Andréani qui interprète la matriarche pied-noir à la tête d’une entreprise d’huile d’olive et celle de Noémie Bianco, intense qui exprime toute la fougue de la jeune fille en quête de liberté.  Le scénario nous fait penser à certaines sagas télévisuelles dont l’ingrédient porteur est souvent l’histoire d’amour contrariée. Mais comment s’en passer !

La pièce séduit aussi par son côté mélo qui brasse sans complexes les bons sentiments lesquels n’empêchent pas la réflexion, sinon l’engagent.

Eze, le 22 Novembre 2021

Evelyne Trân  

TREWA – Spectacle de la metteuse en scène et militante chilienne mapuche Paula Gonzalez Seguel le 24 Octobre 2021 au Théâtre Jean Vilar 1, place Jean-Vilar – 94400 Vitry-sur-Seine – Spectacle en espagnol et mapudungun Surtitrages : Français.

TOURNÉE– Théâtre Durance (Château-Arnoux-Saint-Auban) – 20 octobre
– Théâtre Vitry sur Seine – 24 octobre
– Théâtre National Populaire de Villeurbanne (dans le cadre du Festival Sens Interdits de Lyon) – 28, 29 octobre
– Scène Nationale du grand Narbonne – 9 novembre
– L’Estive, Scène Nationale (Foix) – 12 novembre
– Théâtre Michel Portal (Bayonne) – 16 novembre
– Théâtre Molière, Scène Nationale de Sète – 19 novembre

Flûte traversière, cuatro venezolano, ron roco, cuenco, choriste : Evelyn Gonzalez / Actrice, chanteuse, percussions latino-américaines, productrice : Nicole Gutiérrez Perret / Régisseur son et vidéo : Roberto Collío / Violoniste, choriste : Sergio Ávila / Cordes latino-américaines : Juan Flores / Violoncelliste, choriste : Ángela Acuña / Régisseur son : Ivan González / Régisseur lumière : Francisco Herrera / Scénographie : Natalia Morales Tapia / Assistante à la mise en scène, production, surtitres : Andrea Osorio Barra

Metteure en scène Paula González Seguel
Directrice musicale Evelyn González
Avec Amaro Espinoza, Benjamín Espinoza, Constanza Hueche, Norma Hueche, Juan Carlos Maldonado, Vicente Larenas, Francisca Maldonado, Hugo Medina, Rallen Montenegro, Elsa Quinchaleo y Paula Zúñiga.

Synopsis :


En 2016, Yudith Macarena Valdès Munoz, militante environnementale, est tuée dans des
circonstances suspectes alors qu’elle résiste contre l’installation d’un barrage au sud du Chili,sur les terres mapuches : c’est le point de départ de Trewa, État nation ou le spectre de la trahison. Le spectacle explore les mécanismes de la violence subie par le peuple Mapuche au Chili depuis le XVème siècle. Résultat d’un travail d’investigation de plusieurs années, il mêle perspectives historiques, ethnographiques et politiques grâce à une pratique multidisciplinaire qui réunit une trentaine de professionnels. À partir du dispositif de fiction documentaire, les musiciens, performeurs, écrivains, cinéastes qui ont participé à l’enquête donnent un aperçu de ce que provoque la violence dans leur quotidien et témoignent d’une culture et d’un mode de vie en lutte constante pour leur reconnaissance. Le geste de création, en soi révolutionnaire, confère sa valeur à la forme créée : pour ce peuple discriminé et violenté, ce qui était un projet artistique est devenu une lutte sociale et politique contre l’injustice et l’invisibilité forcée.

Le spectacle actuellement en tournée constitue un évènement aussi bien pour le public français que pour les communautés mapuches qui continuent à lutter pour se faire entendre. Fondée en 2008, par Paula González Seguel, d’origine mapuche, metteure en scène, actrice, réalisatrice, la compagnie KIMVN Teatro a à son actif une dizaine de mises en scène. L’équipe théâtrale s’est spécialement formée pour ce spectacle dans une démarche aussi bien politique qu’artistique. C’est dire que tous les artistes sont engagés et certains ont même dû faire face à des intimidations et des persécutions pour avoir participé aux mouvements sociaux au Chili.  

Pour Paula Gonzáles Seguel, le théâtre est devenu un outil de lutte : « La compagnie explore une « dramaturgie de la résistance » qui vise à l’autodétermination et la reconnaissance des Mapuches par la société chilienne. Venue pour la première fois en 2011 à Sens Interdits avec la création de Ñi pu tremen, elle poursuit ici son travail documentaire avec Trewa, spectacle issu d’un projet de recherche-création en collaboration avec le CIIR (Centro de Estudios Interculturales e Indígenas). »

Nous avons très sensibles à l’orchestration musicale et aux chants qui ponctuent les scènes du quotidien d’une famille Mapuche confrontée à l’assassinat de Yudith Macarena Valdés Muñoz, militante écologiste. Le seul témoin était un enfant en bas âge et le meurtre maquillé en suicide. Tandis que les proches discutent, l’on voit errer sur la scène la militante. Pour les Mapuches, ceux qui pratiquent le culte des ancêtres et aussi celui de la nature, les morts ne sont pas morts.

Mapuche signifie « Gens de la terre ». en amérindien. Encore nombreuses sont les communautés de paysans pêcheurs attachés à leurs traditions.

A l’issue de la représentation, des spectateurs Mapuches ont souligné que le spectacle était le reflet de la force de leur peuple, la force de ce lien sacré qu’il a avec la terre et qui le détermine à lutter contre ceux qui la saccagent et empoisonnent l’eau.

L’une des artistes a été choquée lors de son passage à Paris par tout le luxe produit par notre pays. Pour produire tout ce luxe dit-elle, des peuples d’Amérique, Afrique, Asie et les communautés indigènes sont en train de le payer. Des personnes commeYudith Macarena Valdés Muñoz, ont sacrifié leur vie pour la défense d’une rivière. Elle a demandé que l’on réfléchisse à propos de chaque privilège qui coûte seconde par seconde la vie à « notre mère terre, des gens de leurs peuples ».

La doyenne de la compagnie a clos cette belle rencontre avec le peuple Mapuche avec un chant ancestral de toute beauté.

Eze, le 15 Novembre 2021

Evelyne Trân

N.B : Article également publié sur le site du MONDE LIBERTAIRE

https://monde-libertaire.net/index.php?articlen=6093

SKAPIN d’après Les Fourberies de Scapin de Molière – Mise en scène de Claude BROZZONI du 9 au 18 novembre 2021 : création à Bonlieu Scène nationale Annecy MAR.16 et MER.17 NOV À 20H30 et JEU.18 NOV. À 19H. 27 et 28 janvier 2022 : Scènes du Golfe Théâtres Arradon-Vannes.

Photo Fanchon BILBILLE

PRODUCTION ET CRÉATION

Résidence de création du 6 au 15 septembre 2021 à Scènes du Golfe Arradon Vannes
spectacle coproduit par Bonlieu Scène nationale Annecy, résidence de création du 25 octobre au 8 novembre 2021.

Un théâtre pauvre, de résistance, un théâtre du collectif, drôle, féroce et jubilatoire
Un théâtre de la simplicité
Où le verbe se suffit à lui seul, où la place est donnée à la langue.
Un texte, un lieu, des acteurs où interviennent la musique, le chant et le mouvement.

𝗠𝗮𝗶𝘀 𝗱’𝗼𝘂̀ 𝘃𝗶𝗲𝗻𝘁-𝗶𝗹, 𝗰𝗲𝗹𝘂𝗶-𝗹𝗮̀ ? 𝗦𝗸𝗮𝗽𝗶𝗻 𝗮 𝘁𝗼𝘂𝘁 𝘃𝘂, 𝘁𝗼𝘂𝘁 𝘃𝗲́𝗰𝘂. 𝗠𝗮𝗶𝘀 𝗾𝘂𝗮𝗻𝗱 𝗶𝗹 𝘀’𝗮𝗴𝗶𝗿𝗮 𝗱𝗲 𝘀𝗮𝘂𝘃𝗲𝗿 𝗹’𝗮𝗺𝗼𝘂𝗿, 𝗶𝗹 𝗺𝗲𝘁𝘁𝗿𝗮 𝘁𝗼𝘂𝘁𝗲 𝘀𝗼𝗻 𝗶𝗻𝗴𝗲́𝗻𝗶𝗼𝘀𝗶𝘁𝗲́ 𝗲𝗻 œ𝘂𝘃𝗿𝗲. 𝗔𝗽𝗿𝗲̀𝘀 𝗠𝗼𝗹𝗶𝗲̀𝗿𝗲 𝘃𝗼𝗹𝗮𝗻𝘁 𝗲𝘁 𝗟𝗲 𝗥𝗼𝗺𝗮𝗻 𝗱𝗲 𝗺𝗼𝗻𝘀𝗶𝗲𝘂𝗿 𝗱𝗲 𝗠𝗼𝗹𝗶𝗲̀𝗿𝗲, 𝗖𝗹𝗮𝘂𝗱𝗲 𝗕𝗿𝗼𝘇𝘇𝗼𝗻𝗶 𝘀𝗲 𝘀𝗮𝗶𝘀𝗶𝘁 𝗱𝘂 𝗺𝘆𝘁𝗵𝗶𝗾𝘂𝗲 𝗦𝗰𝗮𝗽𝗶𝗻 𝗽𝗼𝘂𝗿 𝗻𝗼𝘂𝘀 𝗲𝗻𝘁𝗿𝗮𝗶̂𝗻𝗲𝗿 𝗱𝗮𝗻𝘀 𝘂𝗻𝗲 𝗺𝗲́𝗰𝗮𝗻𝗶𝗾𝘂𝗲 𝗳𝗲́𝗿𝗼𝗰𝗲 𝗲𝘁 𝗷𝘂𝗯𝗶𝗹𝗮𝘁𝗼𝗶𝗿𝗲. 𝗟𝗮 𝗰𝗼𝗺𝗲́𝗱𝗶𝗲 𝗵𝘂𝗺𝗮𝗶𝗻𝗲 𝗱𝗲́𝘃𝗼𝗶𝗹𝗲 𝘀𝗲𝘀 𝗿𝗼𝘂𝗮𝗴𝗲𝘀 𝗾𝘂𝗲 𝗦𝗸𝗮𝗽𝗶𝗻, 𝗵𝗼𝗺𝗺𝗲 𝗱𝗲 𝘁𝗼𝘂𝘁𝗲𝘀 𝗹𝗲𝘀 𝘀𝗶𝘁𝘂𝗮𝘁𝗶𝗼𝗻𝘀, 𝗻’𝗮𝘂𝗿𝗮 𝗱𝗲 𝗰𝗲𝘀𝘀𝗲 𝗱𝗲 𝗴𝗿𝗶𝗽𝗽𝗲𝗿 ! 𝗙𝗼𝘂𝗿𝗯𝗲𝗿𝗶𝗲𝘀, 𝗱𝗶𝘁𝗲𝘀-𝘃𝗼𝘂𝘀 ? 𝗢𝘂𝗶, 𝗺𝗮𝗶𝘀 𝗽𝗼𝘂𝗿 𝗹𝗲 𝗺𝗲𝗶𝗹𝗹𝗲𝘂𝗿 𝗲𝘁 𝗽𝗼𝘂𝗿 𝗹𝗲 𝗿𝗶𝗿𝗲 !

Cie Brozzoni

Les fourberies de Scapin, la trame

C’est une histoire d’amours contrariés, ceux de deux fils de famille, Octave et Léandre.
Octave s’est marié en secret avec Hyacinte, une jeune fille pauvre au passé mystérieux. Or son père, Argante, de retour de voyage, veut lui en faire
épouser « une autre ».
Léandre, fils de Géronte, lui, est tombé amoureux d’une Egyptienne, Zerbinette, enlevée par des bohémiens qui exigent une rançon.
Craignant l’emportement de leurs pères respectifs, les deux jeunes gens paniqués demandent de l’aide à Skapin, personnage ambigu au probable passé de « délinquant », marginal dans la société.


Distribution

Argante : Francisco Gil
Géronte : Christian Lucas
Octave : Romain Blanchard
Léandre : Zacharie Féron
Zerbinette : Cyrielle Rayet
Hyacinte : Loulou Hanssen
Skapin : Stéphane Peyran
Silvestre : Christophe Truchi
Mise en scène : Claude Brozzoni
Coordination artistique : Dominique Vallon
Musiciens : Claude Gomez et Fabio Gallucci
Chef de chant : Pasqualino Frigau
Costumes : Pascale Robin
Assistante costumes : Caroline Dumoutiers-Truchy
Lumière : Pierre Marchand
Son et régie : Pipo Gomes
Aide technique : Emanuel Coelho
Construction décors : Espace et Cie

Liste des chants traditionnels du spectacle :
1 – Luna miezzo’u mare – Chant traditionnel sicilien
2 – El Currucha – Chant traditionnel venezuelien
3 – Njetsvoda – Chant traditionnel slave
4 – Usküdara – Chant traditionnel turc ottoman du Xe siècle
5 – Mari mome – Chant traditionnel bulgare

Horváth, apatride de Matéo Troianovski à la Comédie nation 77 Rue de Montreuil 75011 PARIS du 12 au 20 Novembre 2021, les vendredis à 19 H, les samedis à 18 H 30.

Mise en scène : Elie Rofé
Avec Fanny Le Pironnec, Juliette Derkx, Matéo Troianovski

« Je n’ai pas de pays natal et bien entendu je n’en souffre aucunement. Je me réjouis au contraire de ce manque d’enracinement, car il me libère d’une sentimentalité inutile… »

« Le concept de patrie, falsifié par le nationalisme, m’est étranger. Ma patrie c’est le peuple. »

 Ainsi se présente Ödön von Horvath, né à Fiume le 9 décembre 1901, près de Trieste sur l’Adriatique, dans l’empire austro-hongrois qui sera démembré en 1918. Son père étant diplomate, il grandit dans différentes villes : Belgrade, Budapest, Vienne, Presbourg, Munich.

Balloté entre plusieurs pays et plusieurs langues, il se déclarera lui-même comme un pur produit de l’empire Austro-Hongrois – qui avait réuni plus de 200 nations – Un commentateur dira de la patrie d’Horvath qu’elle est utopique. Elle s’appelle : liberté.

Ecrivain d’expression allemande (Il est auteur de 17 pièces et de quelques romans dont Jeunesse sans Dieu), il décide d’écrire très tôt, ses premières publications datent de 1922. En 1927, a lieu la création de Révolte à la cote 3018 à Hambourg et une nouvelle version en 1928 sous le titre. Le Funiculaire (inspiré d’un fait divers) à Berlin.  Une maison d’édition lui offre un contrat qui lui permet de vivre de sa plume. Il recevra le prix Kleist pour la pièce légendes de la vie viennoise à Berlin. Sa notoriété grandissante coïncide avec l’avènement du nazisme et l’arrivée d’Hitler au pouvoir. Ses écrits font l’objet d’un autodafé et il doit s’exiler.

C’est tout de même une gageure que celle de mettre en scène la vie d’un écrivain tel qu’Horvath. Chez cet écrivain, la vie et l’œuvre sont étroitement liées. C’est ce que met en évidence Matéo Troianovski , l’auteur de la pièce Horvath l’apatride qui relate son parcours d’écrivain résistant, parsemé d’embûches, en y incluant sa relation amoureuse avec une comédienne Hertha Pauli. Un personnage qui est selon l’auteur, un lien entre le rêve et la réalité, l’aspect conscience de la pièce.

Interprété par Matéo Troianovski, Horvath apparait comme un jeune homme « bélier » consumé par l’œuvre qu’il est en train de créer. Du coup, la personnalité d’Hertha Pauli par contraste ne diffère pas de l’ordinaire et de cette fameuse réalité qui permet de garder les pieds sur terre.

Le spectateur reste suspendu aux paroles du jeune homme qui incarne la fébrilité de la jeunesse, sa vitalité. Oui, dans Horvath coulait le sang d’un révolutionnaire !

Sans doute, l’auteur veut-il aussi signifier qu’Horvath était également un jeune homme comme les autres qui n’entendait que vivre libre. Les circonstances seraient responsables de sa révolte et de ses combats d’écrivain dont les écrits ont tout de même fait l’objet d’un autodafé, un événement absolument choquant pour un jeune dramaturge.

Nous saluons le jeu des comédiens, très justes et la mise en scène d’Elie Rofé. Sobre et fluide, elle adoucit la perception du personnage d’Horvath. De sorte que la pièce ne revêt pas un caractère didactique, elle parle aussi à l’imaginaire d’une époque révolue dont nous gardons des traces grâce notamment à la musique.

Le décor, celui d’une pièce de vie réduite à son strict minimum, bureau et vieille machine à écrire reflète la précarité matérielle de l’écrivain mais aussi sa seule préoccupation, l’écriture.

 Les circonstances de la mort d’Horvath, survenue le 1er Juin 1938, ajoutent encore au caractère romanesque et tragique de sa vie. Lors d’une escale à Paris, venant d’assister à une projection de Blanche-Neige de Walt Disney (né le 5.12.1901), il est fauché par la branche d’un marronnier foudroyé devant le Théâtre de Marigny. Faut-il que le destin soit aveugle ou ironique ?

Par sa vibrante mise en scène, le spectacle donne furieusement l’envie de découvrir ou redécouvrir Horvath l’apatride dont l’engagement contre le fascisme ne peut que nous interpeller hélas de nos jours.

Paroles de jeune, paroles d’aujourd’hui :

« Je ne me soucie pas de ce qui peut arriver, je me soucie seulement de ce qui ne devrait pas être ». « Il ne se peut pas que l’individu ne joue aucun rôle. »

Eze, le 12 novembre 2021

Evelyne Trân

N.B : Article également publié sur le site du Monde libertaire

https://monde-libertaire.net/index.php?articlen=6093

Elie ROFE était l’invité de l’émission DEUX SOUS DE SCENE en 2ème partie sur RADIO LIBERTAIRE 89.4, le samedi 13 Novembre 2021, en podcast sur le site de RADIO LIBERTAIRE.

Cendres sur les mains de Laurent Gaudé – Mis en scène par Alexandre Tchobanoff au Studio Hébertot 78 bis Boulevard des Batignolles – 75017 Paris – Du 05 septembre au 28 novembre 2021 – Lundi 21 H – Mardi 19 H – Dimanche 17 H.

Avec Arnaud Carbonnier, Olivier Hamel et Prisca Lona
Assistante mise en scène : Prisca Lona

Il est possible de se déplacer de l’univers de Beckett à celui de la tragédie grecque. C’est le tour de force de cette pièce « Les cendres sur les mains » de Laurent GAUDE qui met en scène à la fois des personnages rappelant ceux de la pièce « En attendant Godot » de Beckett et une femme qui cumule la charge dramatique d’une Antigone ou d’une Cassandre pour exprimer l’horreur et l’absurdité de la guerre.

La pièce est bâtie sur deux oppositions de comportements, d’attitudes, de réactions par rapport à la mort et à la guerre.

D’une part une femme (le personnage aurait été inspiré du témoignage d’une réfugiée du Kosovo) à qui il incombe de faire parler la mort et les morts, d’autre part deux fossoyeurs qui n’ont pour d’autre mission que celle de faire disparaitre les cadavres comme les éboueurs enfouissent nos déchets sans états d’âme.

La mort et la guerre ne font qu’une dans l’esprit de la femme – venue de nulle part sinon de la mort, elle faisait partie d’un monceau de cadavres mais elle s’est réveillée comme le phénix renait de ses cendres – qui donne l’impression de s’adresser à une entité obscure qui vient de la plonger dans la désolation. Des réminiscences de tragédies d’Eschyle ou Sophocle nous reviennent en sursaut à travers les incantations, les lamentations de cette femme qui se dresse au milieu des morts.

 Les fossoyeurs quant à eux n’ont également pour champ de vision qu’une hécatombe. Ils sont payés pour déblayer. C’est le salaire de la mort, de la guerre. S’ils font penser aux héros de Beckett, leur Godot n’a rien de spirituel et eux-mêmes sont dépourvus d’imagination, ils ne sont pas des clodos bohèmes juste des employés abêtis par leur travail harassant et mortifère. Leur patron n’a pas de chair, il ne se manifeste que par quelques ordres élémentaires, pragmatiques. Comment auraient-ils le temps de rêver ?

Deux formes de langage s’opposent. Il y a celui familier et pauvre des employés d’une part et de l’autre celui lyrique et poétique de la femme qui telle Antigone n’a de cesse d’honorer les morts en les touchant, en les caressant ou en les embrassant.

L’opposition très marquée entre les fossoyeurs et la femme ennemie s’avère très efficace mais quelque peu manichéenne.

Le spectacle bénéficie d’une excellente distribution. L’interprétation quasi truculente des deux comédiens Arnaud Carbonnier, Olivier Hamel est très attrayante et celle dramatique de Prisca Lona, impressionnante. La mise en scène d’Alexandre Tchobanoff souffle le chaud et le froid avec une belle maitrise.

La pièce constitue une violente charge contre la bêtise humaine incarnée par ces deux fossoyeurs pitoyables et misérables, des morts-vivants qui ne peuvent se dépêtrer de la mort. Alors comment, pourquoi les humains continuent-ils à se tuer les uns les autres au mépris de la vie magicienne ? C’est la question qui nous assaille à l’issue de la représentation comme un poing levé contre la dictature de la guerre.

Eze, le 8 Novembre 2021

Evelyne Trân

N.B : Article publié également sur le Monde Libertaire.net

https://monde-libertaire.net/index.php?articlen=6073