En ce temps là, l’amour de Gilles SEGAL – Mise en scène de Christophe Gand avec David Brécourt du 7 au 31 JUILLET 2021 à 18 H 45 – Relâches : 13, 20, 27 juillet – THEATRE LA LUNA – 1 Rue Séverine 84000 AVIGNON –

David BRECOURT était l’invité de l’émission DEUX SOUS DE SCENE, sur Radio Libertaire 89.4,  le samedi 26 Octobre 2019, ci-dessous en podcast 

« Comme j’ai envié ce père capable de susciter un tel regard d’admiration dans les yeux de son fils » Ce cri du cœur émane d’un individu qui sait faire partie du commun des mortels avec cette particularité cependant, celle d’avoir connu l’enfer, un enfer justement inimaginable pour le commun des mortels.

 L’individu en question « Z » dans la pièce est redevenu un homme normal sans histoires, invisible. Non certainement, il ne s’est pas épanché sur sa dramatique expérience de la shoah auprès de son fils qui a été épargné. La vie a repris son cours. Ce fils est loin désormais qui lui envoie d’Amérique, une photo de son petit-fils.

 Bien sûr, il songe sur les rapports entre père et fils qui à distance peuvent devenir conventionnels, distraits, banaux. C’est implicite, il n’en dit mot à ce fils, mais il y a ce déclic que représente, tombée du ciel une photo de son petit-fils. Et lui revient en boomerang, le souvenir d’une rencontre dans un train en partance pour Auschwitz, avec un père et un fils, extraordinaires.

 Qui ne s’est pas plu à observer dans les transports en commun ces relations intimes entre un parent et son enfant qui passent parfois juste par des regards, des attentions lesquelles peuvent éblouir l’observateur parce qu’elles ne sont pas criantes, seulement naturelles.

 Dans le train de la mort, Z a décidé de ne plus penser, ne plus penser à lui, durant les 7 jours du voyage, il va vivre d’une certaine façon par procuration, à travers un père et son fils d’une douzaine d’années.

 Le récit de ce voyage qu’il enregistre pour son fils, devient en quelque sorte anachronique. Qui parle, le père qu’il aurait voulu être, le père qu’il a rencontré ? Et le fils, celui d’Amérique n’aurait-il pas pu être celui du train de l’enfer ? Qui parle, le vieil homme ou le jeune homme qu’était Z à l’époque ?

 Les réactions de Z sont sans fard, il ne comprend pas tout d’abord, comment le père peut faire abstraction de la situation insupportable à laquelle sont confrontés les voyageurs, la promiscuité, l’odeur des excréments, la mort des plus faibles, les cris des survivants. Le père durant tout le voyage déploiera toute son énergie à occuper l’esprit de son enfant, un peu comme Shéhérazade des Mille et Une Nuits, pour l’étourdir, le faire sourire, le voir heureux jusqu’au bout de la nuit et de la mort …

 Alors étonnamment, le récit qui aurait pu prendre la tournure d’une oraison funèbre, devient un hymne à la vie, à sa poésie, à l’amour simplement entre un père et son fils.

 David Brécourt rayonne dans ce rôle de conteur. Nous oublions complètement qu’il s’agit d’un seul en scène tant son interprétation est vivante et l’histoire captivante.

 Gille Segal, comédien et dramaturge, d’origine juive romaine a certainement puisé dans son histoire personnelle. Il signe avec cette pièce, un bijou de tendresse et d’humanité, en donnant la parole à Z, un commun des mortels par défaut, auquel nous pouvons tous nous identifier, face à son double « extraordinaire ».

 Que ceux qui viennent au théâtre avant tout pour se distraire et se changer les idées, ne soient pas rebutés par le thème de la shoah.

La pièce, mise en scène par Christophe Gand diffuse une lumière qui ne cesse de chatoyer, mettant en valeur son interprète David Brécourt, tout juste fascinant.

 Paris, le 25 Octobre 2019

Mis à jour le 10 Juillet 2021

 Evelyne Trân

ZAZA VIDE SON SAC du 7 Juillet au 18 Juillet 2021 A 20 H 30 – Relâche le 12 Juillet – Au théâtre HUMANUM 149- 149 Rue de la Carreterie 84000 AVIGNON

Comédienne, clown, poétesse, lectrice (et chanteuse depuis peu), Isabelle Sprung cumule les avantages…Elle a travaillé sous le signe de la diversité : Elie Semoun, Etienne Chatiliez, Coline Serreau, Jean-Claude Penchenat, Jérôme Deschamps, Macha Makeieff…De la troupe théâtrale ou du plateau de cinéma il n’y a qu’un pas vers le « Seul(e) en scène ». Qu’elle maîtrise à l’évidence de bout en bout.

Cf article de Laurent GHARIBIAN

https://theatreauvent.com/2019/11/13/isabelle-sprung-de-frehel-a-nos-jours-le-14-novembre-et-le-12-decembre-2019-a-20-h-30-au-piano-patrick-langlade-dernieres-irrevocables-le-connetable-55-rue-des-archives-75003-paris-m-ra/

N.B : Isabelle SPRUNG était l’invitée de Laurent GHARIBIAN dans l’émission Juste une chanson sur RADIO LIBERTAIRE le Jeudi 17 Juin 2021 de 12 H a 14 H, en podcast sur le site de Radio Libertaire 89.4 .

Proudhon modèle Courbet de Jean PETREMENT au Festival Off Avignon 2021 Du 7 au 31 juillet à 18 H 35 au Théâtre des Corps Saints 76 Place des Corps Saints 84000 AVIGNON A 18H35

Texte et Mise en scène : Jean PÉTREMENT
Avec : Xavier LEMAIRE, Jean PÉTREMENT, Lucile PÉTREMENT, Léonard STÉFANICA

Nul n’est censé ignorer la loi. Nul  non plus n’est censé ignorer que  PROUDHON, père de l’anarchisme et COURBET peintre du réalisme étaient amis. Leurs noms nous sont familiers mais nous devons surfer sur plus de 150 pages de notre histoire avant de pouvoir poser un doigt sur leur rencontre. Grâce à Jean PETREMENT, nous voici transportés un jour d’hiver 1854, à ORNANS, dans le DOUBS, dans l’atelier de COURBET qui reçoit en compagnie de sa modèle Jenny, son respectable ami PROUDHON.

Nous savons que les deux hommes chacun dans leur domaine, ont bouleversé l’histoire. Ce que nous ignorons véritablement, c’est ce qu’ils se sont apporté, l’un à l’autre.

 Extérieurement, COURBET a l’allure d’un paysan rougeaud, bon vivant et PROUDHON d’un pasteur ou d’un professeur plutôt renfrogné et peu amène. Ce qui les réunit, c’est ce qui se trame dans leurs corps respectifs, c’est leurs combats, leur idéal qui pousse l’un à bâtir une œuvre picturale destinée à exprimer son propre vécu, pour rendre l’art au peuple d’une certaine façon, et pousse l’autre à rêver de nouvelles fondations pour une société plus juste.

 Nous savons grâce aux correspondances échangées entre les deux amis qu’ils se sont toujours soutenus, PROUDHON ayant salué l’esprit novateur de COURBET, ce dernier l’ayant fait figurer notamment dans sa fameuse toile de l’Atelier.

 Jean PETREMENT s’est intéressé davantage aux différences de ces grands hommes qui sauteraient à l’œil d’un enfant. Différences de sensibilités, de tempéraments, l’un est introverti, l’autre extraverti. C’est assez banal en somme, cela le devient moins si l’on considère que ce qui est inné en soi peut conditionner sinon notre existence, sinon notre manière de penser et d’agir.

 Dans ce court spectacle d’une heure environ, nous pourrions craindre d’assister à des joutes oratoires un peu intello. Il n’en est rien parce que les escarmouches et la vivacité de la discussion entre les personnages restent très naturelles.

 On adore la bonhomie impétueuse de COURBET, le pinceau à la main. Proudhon, le visage circonspect, aux allures pudibondes est  moins sympathique. Survient aussi, le braconnier de passage, qui va réconcilier tout le monde avec sa liqueur à la mirabelle et son pâté de lapin. Et puis surtout, il y a Jenny, la jolie modèle qui entend faire crépiter son existence dans un monde d’hommes.

 Un cocktail très  explosif ! Pas simple l’espèce humaine, avec toutes ses contradictions, oscillant toujours entre la chair et l’esprit, le fond et la forme, entendez par là, pourquoi pas, Proudhon et son associé, Courbet,  et regardez Jenny;  tous arrivent  tout de même à tenir devant et derrière une même toile, celle de « L’atelier » allégorie réelle, d’une page de vie. C’est formidable !

Jean PETREMENT nous invite à la tolérance et la réflexion, c’est jouissif, et ça s’avale cul sec !

Merci, Jean PETREMENT pour cette comédie très vivante, instructive et éloquente !

 Eze, article mis à jour le 7 Juillet 2021

Evelyne Trân

La Putain respectueuse de Jean-Paul Sartre – Un spectacle de la Compagnie STRAPATHELLA dans une mise en scène de Lætitia Lebacq – A LA FOLIE THEATRE – 6, rue de La Folie Méricourt 75011 PARIS du 22 Mai au 20 Juin 2021.

Avec Lætitia Lebacq / Lizzie
Baudouin Jackson /Le Nègre
Bertrand Skol /Fred
Philippe Godin / Le Sénateur
Assistante à la scènographie Carole Damet
Création lumière et sonore Johanna Legrand

Cette œuvre théâtrale de jeunesse de Jean-Paul Sartre (publiée en 1947 et représentée en 1948) n’a rien perdu de son piquant. Écrivain engagé, Jean-Paul Sartre s’est inspiré d’un fait divers particulièrement odieux qui a défrayé les chroniques aux États-Unis dans les années 30, l’affaire des Scootsboro Boys, accusés du viol d’une « blanche » et injustement condamnés.

Le Pouvoir et la Justice voilà 2 entités dans la balance. Aujourd’hui même en France, la magistrature n’a de cesse de se déclarer indépendante des pouvoirs en place. En tant que citoyens lambda, nous voulons croire à l’intégrité des juges mais quand d’une vérité énoncée ou passée sous silence dépend notre tranquillité et plus grave encore le destin d’un homme ou d’une femme, nous pouvons saisir ce que signifie « sauver sa peau » dans un système oppressif où c’est toujours la loi du plus fort qui s’exerce.

En résumé, Jean-Paul Sartre à travers le portait d’une putain naïve et sympathique, démontre qu’en dépit de sa bonne foi, de son sens inné de la justice, elle va être acculée à faire un faux témoignage, abusée par les discours d’un sénateur qui va flatter son désir de reconnaissance par un milieu Respectable.

Écrasée par son complexe de classe inférieure, par les rapports de domination masculine qu’elle a intériorisés comme indépassables, la Putain n’a pas de liberté de pensée, parce qu’elle se trouve isolée, qu’elle est dépendante pour survivre des bonnes ou mauvaises volontés de ses supérieurs, condamnée en somme à la boucler.

Cette constatation tragique est le pendant d’une autre réalité celle qui dénie au « Nègre » l’égalité des droits avec un « Blanc » parce que considéré inférieur.

Nous voyons la Putain pleine de vie, enjouée et tendre vis à vis d’un client qu’elle vient d’adopter. Nous la devinons généreuse par nature mais guère réfléchie. Ses réactions sont spontanées, elle promet au « Nègre » de ne pas témoigner contre lui puis plus tard, oubliant sa promesse, elle adhère au discours du Sénateur parce qu’il a touché sa corde sensible, en lui demandant de sauver un « Blanc ».

Cette Putain, peut susciter les moqueries du spectateur, quelle cruche n’est-ce pas ? Mais la vérité, c’est qu’elle fait pitié. Cette pitié, elle s’adresse à nous-mêmes. Comment aurions-nous réagi à sa place, aurions-nous résisté à la tentation de faire un faux témoignage pour sauver notre peau ?

La pièce sur la forme est tout à fait avenante. La mise en scène de Laetitia Lebacq est vive et fort bien rythmée, on entend même des spectateurs rire dans la salle. Allons-nous rire du pauvre « Négre » qui va jusqu’à prier une « Blanche » de le cacher ? Nos instincts primaires vont-ils se réveiller ? Chasse à l’homme, à l’animal, à la Putain ?

Sommes-nous « Blancs » ou « Noirs » ou « Blancs » et « Noirs » ? Elle a quelle couleur notre bonne conscience ? Nous rions noir et blanc pour ne pas pleurer.

Car que voyons-nous sinon deux personnes, une Putain et un « Nègre », prises au piège comme des rats par des hommes masqués au pouvoir.

La cage est attrayante, elle a un côté kitsch de boîte à musique des années trente, la souris bien jolie, le « Nègre » vraiment noir. Les spectateurs pourraient aisément se laisser abuser par « l’ambiance moite » qui rappelle l’univers d’Elia Kazan. C’est toute la réussite de ce spectacle captivant et percutant servi par une belle distribution de comédiens et la présence de Laetitia Lebacq.

Le spectacle à ce jour est terminé mais étant donné le bel accueil du public,
il devrait faire l’objet d’une reprise très prochainement.

Paris, le 21 juin 2021

Evelyne Trân

N.B : Article précédemment publié dans le MONDE LIBERTAIRE.NET

https://monde-libertaire.net/?article=Le_brigadier_pour_ce_premier_jour_dete

LABEL ILLUSION par le Collectif Label Brut au festival off d’Avignon du 7 au 28 Juillet 2021 à 17 H 30 au Nouveau Grenier – Collège de La Salle – 9 Rue de Notre Dame des 7 Douleurs.

Crédit photos Sylvain Séchet

Conception, mise en scène, écriture d’images et interprétation : collectif Label Brut (Laurent Fraunié, Harry Holtzman &
Babette Masson)
Écriture textuelle : Solenn Jarniou
Regard extérieur, direction d’acteur : Jonathan Heckel
Création lumières : Sylvain Séchet
Son & recherche musicale : collectif Label Brut & Xavier Trouble

P.S : Harry Holtzman était l’invité de l’émission DEUX SOUS DE SCENE sur Radio libertaire, le 29 Mai 2021, en podcast sur le site de Radio Libertaire. 89.4.

Ceux qui croient à la réincarnation ne verraient guère d’inconvénient à se réincarner en alouette, en lion ou en sauterelle et pourquoi pas en baguette de pain, en bouteille d’Evian ou en sac de farine. Vous voulez rire, vous voulez vraiment vous moquer !

Souvenez-vous de Roland Topor qui faisait parler des fourchettes ou de Jean-Christophe Averty qui jetait un bébé (en plastique) dans une moulinette ! A notre sens , le collectif Label Brut est le digne héritier de ces hurluberlus. Cependant, il n’use d’aucun artifice. Pour raconter comment « les utopies se manifestent dans un monde désenchanté depuis la fin des années 60 – ah la glorieuse année 1968 ! – jusqu’à nos jours, il choisit les outils les plus élémentaires voire alimentaires donc des objets comestibles pour nous représenter dans la foire sinon aux vanités, la foire aux illusions. Il n’y a pas d’artifice, disais-je, il ne dispose que de vulgaires aliments pour le visuel et d’un texte original en rimes concocté par Solenn Jarniou.

Impossible de décrire ce collectif sans nommer ses membres qui travaillent ensemble depuis 15 ans : Laurent Fraunié, Harry Holtzman & Babette Masson et ont eu cette révélation d’un organe invisible siégeant dans notre corps : l’espoir .

L’espoir qui fait vivre, oui parce que nous avons tous faim de liberté, d’égalité, de justice etc. De l’espoir à l’illusion, le fil se crispe. Tout de même, qu’est-ce qui a changé depuis la révolution de 1789, 3 Français sur 4 jugent leur pays inégalitaire, 80 % de la population mondiale vit avec moins de 10 dollars par jour, 6 enfants sur 10 ont peur de de devenir pauvres un jour. L’organe espoir est-il bien nécessaire ?

Les membres du Collectif Label brut sont de véritables chalands, des bateleurs qui s’amusent comme des enfants, il y a un siècle, qui voyaient rayonner l’univers dans un bout de ficelle. Car l’enfance est là, simple et lumineuse. Ils sont de la génération des années 60, sans smartphones et tablettes. Soixante-ans plus tard, il n’y a pas à discuter : la bouteille d’Evian, la moulinette, la farine ou la baguette de pain sont encore susceptibles de nous parler.

Crédit photos Sylvain Séchet

Imaginez une baguette de pain candidate à la Présidence de la République ! Elle se dresse au-dessus des épaules de Sarkozy ou de Hollande ! Elle fait partie du M.L.F, elle est écolo etc. Elle est la fille d’une certaine Francine qui a connu le milieu hippie et que l’on voit sur une photo ( il s’agit probablement de Jan Rose Kasmir) avec une fleur rose face à des soldats armés jusqu’aux dents .

Peace and love, Flower power ! Et zut, il y a de quoi froisser notre épiderme. Quelle épopée en passant par l’époque hippie, l’ère Mitterrand puis l’ère Obama jusqu’à nos jours, judicieusement bercée par la musique de Hair, des années 80 et de l’éternel Bob Dylan.

Ah, cette baguette de pain qui veut faire de la politique ! Une baguette croustillante qui lève les yeux au ciel en criant : j’espère !

Elle mérite bien quelques applaudissements et nous l’espérons un public chaleureux . Le spectacle est fort et très original, il donne de l’appétit à l’Espoir !

Eze, le 2 Juillet 2021

Evelyne Trân