LES PIEDS TANQUES – Quand les mémoires s’entrechoquent … Comédie dramatique écrite et mise en scène par Philippe CHUYEN au Théâtre 12 – 6 Avenue Maurice Ravel 75012 PARIS – Du 24 Septembre au 11 Octobre 2020

Avec
Gérard Dubouche (dans le rôle de Zé, le pied-noir)
Thierry Paul (dans le rôle de Loule, le Provençal «de souche»)
Philippe Chuyen (dans le rôle de Monsieur Blanc, le Parisien)
Mourad Tahar Boussatha (dans le rôle de
Yaya, le Français issu de l’immigration algérienne)

Interview de Philippe CHUYEN dans le cadre de l’émission DEUX SOUS DE SCENE sur Radio Libertaire 89.4 le samedi 3 Octobre 2020.

Entretien de Philippe CHUYEN avec Michel TOURTE

Synopsis
En Provence, sur un terrain de boules, quatre joueurs s’affrontent : Zé, le pied-noir; Yaya, le Français né de parents algériens ; Loule, le Provençal «de souche» et Monsieur Blanc, le Parisien fraîchement arrivé dans la région. On pourrait croire à une simple partie de pétanque entre amis. Mais ce sont toutes les souffrances de la guerre d’Algérie et les questions d’identité qui nous sautent soudain à la figure. Au gré des boules pointées ou tirées, le passé resurgit et on découvre les blessures secrètes de chacun, leur lien filial et intime avec cette guerre : ils s’opposent, se liguent, livrent leur vérité mais tous ont à cœur de finir cette partie, sur ce terrain qui les rassemble et les unit…
Texte puissant, interprétation musclée, mise en scène inventive, Les Pieds Tanqués propose un grand moment de théâtre à la fois historique et jubilatoire : une comédie dramatique forte, sur l’identité et le vivre ensemble, dans laquelle les mémoires s’entrechoquent et où la gravité des propos n’exclut pas l’humour. Grosses engueulades garanties et fous rires assurés !

Note d’intention de l’auteur
Depuis le 50e anniversaire de l’indépendance de l’Algérie, célébré en 2012,
j’avais le désir et l’impérieuse nécessité de produire un spectacle ayant
pour décor cette guerre «qui ne dit pas son nom», période hautement
douloureuse de l’Histoire de France. Sans désir de polémique, de mise
en accusation ou construction d’un discours culpabilisateur, l’objectif de
Les Pieds Tanqués est de montrer qu’un juste travail de mémoire peut
constituer une arme d’apaisement face à des batailles mémorielles qui sont
souvent sources de haines et de conflits identitaires. Dépassionner le débat,
c’est ce qu’attache à faire la pièce.

Les quatre personnages à la fois attachants et drôles vont nous montrer que
dans une guerre il n’y a pas de vainqueur et que, près de 60 ans après les
«évènements», leur victoire à eux sera de continuer la partie, de ce jeu de
boules aussi futile qu’il nous est utile.

Philippe Chuyen

HEDDA de Sigrid Carré-Lecoindre -Mise en scène et interprétation Lena Paugam – Mardi 3 novembre 2020 à la Scène nationale de l’Essonne, Agora – Desnos à Evry (91) –

Tournée

Mardi 3 novembre 2020 Scène nationale de l’Essonne – Evry (91)
Dimanche 7 mars 2021 Théâtre d’Etampes (91)
Vendredi 2 avril 2021 Théâtre Le Rayon vert – St-Valery-en-Caux (76)
Du 6 au 8 avril 2021 Théâtre de Verdun (55)

Texte Sigrid Carré-Lecoindre
Mise en scène et interprétation Lena Paugam
Dramaturgie Sigrid Carré-Lecoindre, Lucas Lelièvre, Lena Paugam
Création sonore Lucas Lelièvre
Chorégraphie Bastien Lefèvre
Scénographie Juliette Azémar
Création Lumières Jennifer Montesantos
Production Théâtre de Belleville et la Compagnie Alexandre
Coproductions La Passerelle – scène nationale de Saint-Brieuc, Théâtre du Champ-au-Roy (Guingamp),
Quai des Rêves (Lamballe), Théâtre de La Paillette (Rennes)
Accompagnement et diffusion CPPC – Rennes
Soutien Spectacle Vivant en Bretagne, SPEDIDAM, L’Aire Libre (St-Jacques de la Lande)

Voix ou voie intérieure mise à nu sans d’autre réceptacle que la douleur, ce serait méchant de dire que le personnage d’Hedda cultive la douleur. Mais il y a des terrains, des huis clos, ceux qu’entretiennent des couples qui favorisent les poussées de fièvre quand l’intimité ou la fusion entre deux personnes dégénère en hostilité, faute de respiration, faute de pouvoir aller voir ailleurs.

Au-delà de la dénonciation des violences conjugales, la pièce de Sigrid Carré-Lecoindre parle de l’incommunicabilité entre les êtres, des rapports de domination affectifs qui finissent par créer de tels nœuds qu’à la fin même si cela ne casse pas, le foyer de souffrance qui s’est installé envenime les relations.

Le personnage d’Hedda, timide, qui intériorise aussi bien le bonheur que la cruauté de la vie d’un couple interpellera nombre de femmes mais aussi des hommes. Ce n’est pas une question de sexe. Ceux qui ne peuvent répondre à la violence par la violence sont-ils condamnés au silence ?

Il s’agit d’un témoignage de femme inspiré d’Hedda Nussbaum, accusée par son mari d’avoir tué sa fille adoptive et dont le procès fit scandale aux Etats Unis dans les années 80. Ses défenseurs la présentèrent comme victime de violences physiques et psychologiques exercées sur elle par son mari. Elle a écrit en 2005 un livre Surviving Intimate Terrorism.

Alors que personne ne crie dans cette pièce, que nous ne voyons pas les coups portés par l’époux sur sa femme, les spectateurs sont amenés à se demander comment Hedda et l’homme qu’elle aime en sont arrivés à ce point de non-retour.

La présence de l’interprète et metteure en scène Lena Paugam séduit par sa finesse, sa délicatesse. Sa voix se fraie un chemin non pas dans les buissons ardents mais à travers les obscurités lumineuses de sa perception. Elle retentit sans bruit pour exprimer les émotions douloureuses, ces bleus à l’âme qui condamnent sans appel la violence d’où qu’elle vienne.

Eze, le 14 Octobre 2020

Evelyne Trân

Article précédemment publié dans LE MONDE LIBERTAIRE en ligne

https://www.monde-libertaire.fr/?article=Double_visite_du_brigadier

SORCIÈRE – Textes de Marguerite DURAS -Mise en scène Stéphan DRUET -Avec Macha MÉRIL au Théâtre de Poche-Montparnasse – 30 représentations exceptionnelles du 15 Septembre au 18 Octobre 2020 – Représentations du mardi au samedi 19 h, dimanche 15 h –

Textes de Marguerite DURAS
Mise en scène Stéphan DRUET
Musiques Michel LEGRAND
Avec
Macha MÉRIL
Lumières, François Loiseau

Entrer dans la forêt de Marguerite Duras, pieds nus ce n’est pas un exercice pour Macha Méril mais un exploit, exploit dans son sens le plus humble, peut-être ce sentiment d’avoir réussi le saut vers l’inconnu.

Il y a toujours cet inconnu qui rôde dans l’univers de Marguerite Duras. La sorcière est-elle celle qui jette un sort ? Il y a ce rapport intime avec les mots, insaisissable ; ils peuvent aussi bien paraître lourds lorsqu’on les soulève qu’inattendus lorsqu’il faut les lâcher sans se soucier des malentendus. N’est-ce point l’intention qui compte ?
Dans le spectacle, ils font penser à des feux follets qui vous mordent les chevilles et pourraient vous faire danser comme Macha Méril dans une forêt heureuse et magique.
Des mots donc, des phrases lâchées qui deviennent une nébuleuse avec pour fil rouge le mot sorcière à connotation tapageuse. L’écrivaine a écrit pour la revue « Sorcières ». Il faut jeter un sort au mot sorcière, rappeler ce qu’il évoque et qui il désigne.

Poings serrés qui se détendent au fur et mesure pour dire ces émotions propres aux femmes, la perte d’un enfant, les humiliations que des hommes infligent aux femmes parce qu’elles sont des femmes et puis les échappées belles de celle qui regarde mourir une mouche, raconte une recette de soupe aux poireaux, et comment, elles, les sorcières ont commencé à parler aux arbres en l’absence des hommes partis à la guerre ; enfin le rappel d’instants d’enfance enchantée au Vietnam « on est le même corps étranger ensemble soudé fait de riz et de mangue… ».


La musique sensuelle fleurie de Michel Legrand exprime « une joie d’exister sans recherche de sens… en inventant des solutions personnelles à l’intolérable du monde ».
Redevenir paysage dans l’esprit de Duras, l’esprit de la forêt, être femme dans l’invisible nuit, la scruter cette nuit en se rappelant qu’on est femme après tout, choisie par la forêt, un instant prodigieux, enchanté, délivré. S’inventer femme avec cette douceur perméable de celle qui entend revenir à la source, se dit femme non pas seulement à travers le regard de l’homme mais à travers son corps indéfinissable, jouissif et libre.

Le spectacle suggère tout cela et nous aimons cette femme que nous ne connaissions pas, une femme qui témoigne pour les femmes, celles qui ont préféré être désignées sorcières et ont tenu tête aux mâles et à cette invention de la virilité qui ignore la féminité des hommes, en soi, une autre gageure.

Il faut toujours oser regarder à travers la forêt aussi obscure soit-elle car il n’y a pas d’autre issue que celle de l’apprivoiser, et l’entendre et l’écouter comme nous l’avons fait au cours de ce spectacle si gracieusement incarné par Macha Méril.

Eze, le 2 Octobre 2020

Evelyne Trân

Article précédemment publié dans le MONDE LIBERTAIRE

https://www.monde-libertaire.fr/?article=le_brigadier_et_la_SORCIERE

Les Ecchymoses Invisibles – Drame de Djamel Saïbi – Durée 1h05 – Du 10 Octobre au 19 décembre 2020 Samedi 19h sauf le 24/10, 14/11, 05/12 au Théo Théâtre 20 Rue Théodore Deck 75015 Paris.

Compagnie La Déesse Compagnie
Mise en scène Djamel Saïbi
Avec Emma Dubois – Eric Moscardo

Scènes de la vie conjugale, nous voilà bien loin de l’univers d’Ingmar Bergman dans cette pièce de Djamel Saïbi qui pourrait servir de pièce à conviction dans un procès soit de divorce soit de condamnation d’un homme pour harcèlement moral de son épouse.

Les spectateurs assistent d’une part au monologue d’une femme terrorisée par son mari et ce après 24 ans de mariage et d’autre part à des scènes de ménage où la brutalité de l’homme s’exerce de façon abjecte vis à vis de sa femme avec une violence verbale insoutenable.

A priori l’homme a tellement l’habitude de traiter sa femme comme une domestique qu’il ne se contient plus . La personne qu’il a en face de lui n’est plus une femme mais un paillasson, un objet de défouloir, méprisable .

La femme sous l’emprise d’un homme qu’elle a aimé, est d’autant plus vulnérable qu’elle n’a pour miroir qu’une image dépréciée d’elle même.

Il faut imaginer les conditions d’existence de toutes ces femmes durant des siècles, prisonnières de l’autorité d’un mari, économiquement et moralement puisque considérées comme des êtres inférieurs.

Cela laisse des traces dans la mémoire et même les hommes les plus évolués inconsciemment peuvent avoir des réflexes machistes.

Le dogme de la bonne épouse, la bonne mère, aux petits soins de son mari, rôde toujours dans les cervelles.

C’est ce que met en évidence ce docufiction à travers le personnage de Michel dont le comportement totalement primaire frôle la caricature.

Mais la réalité peut dépasser la fiction. L’auteur des ecchymoses invisibles s’appuie sur des témoignages .

C’est brutal mais cela a force de résonance. Réveillez-vous les femmes, ne vous laissez pas faire. Si l’homme qui est en face de vous, est aussi odieux que le personnage de la pièce, prenez votre courage à deux mains, réagissez ! Quant à votre cher mari, il devra changer de disque et réfléchir un peu !

Les comédiens interprètent ce psychodrame avec conviction. La scène du Théo théâtre étant assez étroite, on se croirait dans un ring et si on a l’idée de s’identifier aux personnages, attention aux coups !

Eze, le 2 Octobre 2020

Evelyne Trân

Des étoiles plein les poches de Simon EINE (Archimbaud Editeur, Riveneuve Editions).

En souvenir de Simon EINE qui s’en est allé vers d’autres horizons, je republie l’article que j’avais écrit lors de la parution Des étoiles plein les poches.

J’ai eu la chance de découvrir le théâtre, dans les années soixante dix en assistant à une représentation de « Ruy Blas » mise en scène par Raymond Rouleau à la Comédie Française. J’ai été captivée bien sûr par la pièce et les décors mais ce qui m’a le plus surprise c’est la force des sentiments exprimée par les comédiens.

 Il y avait donc un lieu sur terre où l’on pouvait faire parler son cœur bruyamment. A vrai dire, c’est le personnage de Don Salluste joué par Simon EINE qui m’a le plus impressionnée. En dépit de sa méchanceté, je trouvai le personnage humain. Je ne pouvais m’empêcher de penser que le personnage cachait un mystère.

Simon EINE, est donc lié à ma première émotion théâtrale. Je l’ai découvert ensuite interprétant Valère dans l’Avare, dans la mise en scène de l’ile aux esclaves de Marivaux, dans Richard III et j’ai eu aussi le privilège de l’entendre faire résonner la « Légende des siècles » un certain 14 Juillet.

 Cela dit, les spectacles que j’ai pu voir ne représentent qu’une goutte d’eau parmi la centaine des pièces qu’il a jouées et la dizaine de mises en scènes qu’il a réalisées.

 Personnellement, je pense qu’être comédien ce n’est pas tout à fait un travail comme les autres. C’est un sacerdoce.

 Comment les spectateurs pourraient-ils se rendre compte de la masse de travail, que représente le montage d’une pièce. Ils consomment ou ils apprécient globalement un spectacle, mais ont-ils conscience de tout le chemin parcouru par les artisans du spectacle pour leur communiquer le sentiment d’avoir assisté à quelque chose de magique, une rencontre avec des personnages, un drame, une comédie,  sur l’instant. Car la représentation à laquelle ils assistent, elle est unique, elle est datée, et elle dépend aussi des états d’âme du public…

 Le livre de Simon EINE, a l’aspect d’une grande table d’orientation  offerte aux visiteurs venus contempler un superbe panorama.

A l’intérieur de cet immense paquebot que représente la Comédie Française, Simon EINE a tenu un livre de bord durant 44 ans. Toutes ses notes et impressions de comédien et metteur en scène donnent de précieuses indications aux comédiens qu’ils soient confirmés ou novices.

 Un capitaine même aguerri doit toujours avoir à l’esprit qu’il traverse une mer toujours pleine d’inconnus. La mer peut être calme mais elle peut être aussi mouvementée, et l’on entend sourdre ses vagues contre les flancs du navire.

 Très scrupuleuse, la plume de Simon EINE, ménage les pleins et les déliés de son voyage dans le temps où plusieurs voix se mêlent, celle de l’enfant, de l’adolescent,  de l’homme adulte, mais un même esprit les anime qui permet au lecteur, hôte privilégié,  de se laisser submerger par  l’émotion mais aussi pénétrer par de profondes réflexions.

 Sans nul doute Simon EINE est un homme pudique. Ce qui le pousse à sortir de sa réserve, c’est quelque chose qui va plus loin que lui-même, c’est le sentiment de reconnaissance à l’égard de ses parents juifs polonais émigrés, son père, tailleur, qu’il sait si bien décrire, et sa mère partie trop tôt, tuée dans le camp d’Auschwitz.

 C’est pourquoi aussi Simon EINE est resté insensible aux sirènes de la vanité. Il lui convient amplement de rester du côté des humbles artisans, de partager toujours et encore, leur pain quotidien.

 Mais son livre s’adresse aussi à tous ceux qui envisageraient  d’écrire leur autobiographie. Je crois  bien que l’autobiographie est un genre littéraire très difficile. Il faut être écrivain pour s’embarquer dans une telle entreprise. Qu’est-ce qu’un écrivain, c’est quelqu’un qui  respire avec les mots, sans d’autre artifice que  cette respiration même qui demande du travail. Et  c’est là aussi où l’acteur rejoint  l’auteur, grâce à  cet art suprême qui consiste à placer sa voix.

 De très belles pages, dignes des grands poètes qu’a côtoyés Simon Eine, traversent ce livre.

 Vais-je en dire davantage sachant que Simon Eine n’aime pas les louanges.

 Oui tout de même, en tant spectatrice et lectrice, je persisterai à dire que le livre de Simon EINE a réveillé chez moi la même émotion  que j’ai eue jadis, il y a quarante ans au théâtre en le découvrant en Don Salluste et aussi en Valère, amoureux transi d’Elise, puisque c’est avec les  mêmes accents passionnés qu’il peut écrire à  propos d’une scène d’amour avec Micheline BOUDET dans les « Fausses Confidences » de Marivaux :

 « C’est un moment magnifique à jouer. Un de ces moments que seul le théâtre procure, moments magiques d’abandon, d’ivresse  de pur délire, où l’on cesse d’être seulement soi-même ».

 Paris, le 25 Décembre 2012  

Mis à jour le 1er Octobre 2020

 Evelyne Trân

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