Le corps de mon père de Michel Onfray – Mise en scène et interprétation : Bernard Saint Omer . Du 21 au 26 juillet 2020 aux Estivades du Verbe Fou à 11 Heures – 95 rue des infirmières 84000 Avignon –

le corps de mon père

Il n’est pas besoin de connaître l’œuvre philosophique de Michel ONFRAY pour s’attacher à ce texte extrait du journal hédoniste du tome 1 « le désir d’être un volcan » paru en 1996.

Ce texte est en écho à sa vision d’enfant, relayée certes par des mots d’adulte mais c’est ce regard d’enfant qui transperce la page se juxtaposant en ligne de mire au portrait du père.

Bernard Saint Omer sculpteur et comédien l’appréhende comme un poème ou peut être bien une sculpture car tandis qu’il parle, ses mains et c’est un passionnant voyage, sont toujours occupées.

Des gestes frugaux comme celui de couper une pomme, malaxer une pâte, ôter un vêtement, sont en adéquation muette avec les mots du fils qui scrute presque en apnée le silence du père.

Si cette expérience, Michel ONFRAY tient à la raconter c’est qu’il croit qu’elle est à l’origine « de manière réactive» à son goût pour les mots.

Michel ONFRAY a été lui même silencieux enfant un peu malgré lui et le silence était la tierce personne. Il ne faut pas croire que le silence soit vide bien au contraire, il permet à l’esprit de s’engager vers de multiples directions, de s’attacher aux détails, de devenir réceptif aux moindres bruits, d’observer, de se laisser toucher, accrocher, impressionner par toutes ces choses qui ne parlent pas et notamment le corps du père.

Présence inéluctable du père qui s’offre en paysage à l’enfant qui le découvre, le devine, le guette, à l’affût de son mystère.

Dans ce regard du fils plein d’amour, on entend la volonté de l’auteur de parler de l’homme tout court tel qu’il lui est apparu à travers son père. Pour redonner du sens au mot humain. Celui qu’il décrit est particulier, mais il est d’autant plus éloquent qu’il est silencieux.

Ce père ouvrier agricole, taciturne, bourreau de travail, exploité et fataliste est un peu l’opposé de ce que va devenir l’auteur intellectuel prolifique, rebelle :

« Nos trajets nous ont conduits lui et moi sur deux planètes étrangères l’une à l’autre, l’une d’immanence, de silence, de paix, de générosité, de sérénité, l’autre de mots, d’idées, de ferme, de mouvements, d’inquiétude… » .

Le corps du père aboie comme une souche d’arbre. Ici, il est arbre feuillu dans ses plusieurs saisons, il peut ouvrir ses branches à l’intérieur de n’importe quel regard, il est au cœur des choses, du toucher et des songes.

Un spectacle exceptionnel, nous n’avons pas d’autre mot pour qualifier le travail de Bernard Saint Omer qui réunit le père et le fils par sa seule présence.

Paris, le 17 Septembre 2016

Mise à jour le 28 Juin 2020      Evelyne Trân

Les Estivades du Verbe Fou à Avignon du 15 au 31 Juillet 2020.

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Le Verbe Fou ré-ouvrira ses portes pour une quinzaine de jours du 15 au 31 juillet avec : 

 » Les Audacieux  » de Colette/Debussy par la compagnie Imagine
 » Le corps de mon père  » de Michel Onfray par la compagnie Rhizomes
 » Amor Sulfurosa « , écrits licencieux et complaintes vénéneuses d’Alain Klinger et Lionel Damei par la compagnie Chansons de Gestes
 » Requiem, ou le Louis d’Or  » de Alphonse Allais, Villiers de l’Isle-Adam, Gaston Leroux et Guy de Maupassant par la compagnie Laventurine
 » Le dindon  » de Feydeau par la compagnie les Joyeux de la Couronne (sortie de résidence en soirée de clôture)
 » Sang négrier  » de Laurent Gaudé par la compagnie les Apicoles (sous réserve)

EN JEUNE PUBLIC DES 5 ANS à 14h45

 » Loup cherche beurre désespérément  » de Manuelle Molinas par la compagnie Fantasio
 » L’Avare de Molière  » par la compagnie les Joyeux de la Couronne

Dossier de presse : spectacles juillet verbe fou

FORCIOLI chante et dit BRASSENS : LE SENS DE L’IMAGE par Laurent Gharibian

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Ce spectacle a connu sur Paris une seule représentation le 30 janvier 2020 dans un lieu intimiste dont l’acoustique permet de se produire sans micro : « Les rendez-vous d’ailleurs ». Accueil chaleureux, programmation originale (1).

Parce que cet événement a suscité grand intérêt, une reprise reste fort probable dans la capitale ou en régions dans les mois à venir. Raison de plus pour signaler, encore aujourd’hui, l’existence de ce moment d’exception malgré les effets collatéraux qu’a provoqués la pandémie actuelle sur l’économie des arts de la scène, en particulier. Restons optimistes.
Ecrivain de chansons et interprète, Philippe Forcioli est aussi compositeur. Parmi ses multiples réalisations, il a mis en musique le poète René-Guy Cadou dans un triple CD…depuis longtemps épuisé (2). En quatre décennies, Forcioli aura publié plus de 15 albums de textes et chansons de son cru. Dans le disque « Il est passé par ici » il avait réuni les « poètes de son coeur » soit Joseph Delteil, Paul Fort, Arthur Rimbaud, Francis Jammes, Rainer-Maria Rilke, Jean Malrieu, François d’Assise… au même titre qu’un certain Georges Brassens.
A Brassens, Forcioli consacre enfin un spectacle intégral. Dans cette salle propice à la confidence, la voix gagne encore en authenticité et se fait entendre avec toutes les nuances voulues. Pour l’heure, ce travail de création ne fait pas l’objet d’une captation vidéo ou d’un enregistrement en studio. Priorité à la magie de l’éphémère qui produit auprès du public un éventail de sensations puis de souvenirs vivaces. Un public exigeant qui a noué de véritables liens d’amitié avec l’homme de plume (pour sa grâce aérienne) et l’homme de scène (pour sa faconde terrienne).
Un copieux DVD (3) célèbre avec panache les 40 ans de chanson de Forcioli lequel compte parmi ses admirateurs Anne Sylvestre, Francesca Solleville, Jacques Bertin et fut très estimé des regrettés Georges Moustaki, Allain Leprest ou Nilda Fernandez.
Brassens, Forcioli le porte haut dans son coeur. Au travers de cette fresque intimiste où se succèdent des tableaux riches de sens, Forcioli compose un fidèle portrait du Sétois dont on retrouve, ici, l’essentiel des thèmes propres à ce que l’on peut qualifier de « grand’ oeuvre ».
Parmi les six chansons inscrites au programme (plus le dernier couplet du « Testament ») « La maîtresse d’école » (mis plus tard en musique par Jean Bertola).Titre édité à titre posthume et repris par Maxime Le Forestier. Forcioli y apporte une autre couleur, plus sensuelle encore. A noter la belle mélodie de Gérard Quillier sur « L’enterrement de Paul Fort ». On redécouvre « Le bout du coeur » rare sur une scène ou bien – sur le texte inspirant de l’ami Pierre Louki – ce bijou qu’est « Le coeur à l’automne. A vrai dire peu de grands succès mais des séquences d’humour tendre ou vachard alternant avec l’émotion en demi-teinte. Un ensemble cohérent, sensible et, pour tout dire, finement ouvragé.
Quant aux textes dits, ils sont la charpente de cette proposition poétique en tous points novatrice. Titres connus ou plus discrets, Forcioli les enchaîne sans transition aucune, mêlant les époques et les styles. Du contraste, du relief, du rythme surtout. On savoure ainsi la « substantifique moëlle » d’une langue puissamment évocatrice, tantôt saisissante par sa verdeur tantôt tout en camaïeu : Brassens connaissait son affaire…
Ici, Forcioli porte les mots par la magie d’une voix au grain si singulier, cette voix frémissante à même de transmettre l’ironie, l’humour, l’espoir autant que l’intranquillité de la condition humaine.
La gestuelle, d’un naturel accompli, dessine avec pertinence le climat de chaque saynète tandis que le regard achève de séduire par tant d’humanité : entre chaleur, douceur et fermeté.
L’homme de scène, tout empli d’une énergie fiévreuse et pourtant apaisante, parvient à donner au texte d’une chanson comme une musique nouvelle. Il agit sur l’auditoire tel un révélateur : tout en connaissant par coeur certains passages des chansons, on reste captivé de bout en bout tant par la force du propos, la poésie des images que par le mouvement quasi-cinématographique des situations évoquées. Il y a tout cela. Mais bien davantage. La joie de vivre, le spleen, la tendresse surtout brillent comme des bulles d’intelligence flottant dans l’air du temps. Philippe Forcioli ou l’art d’un baladin unique en son genre. Cinq fois le mot « coeur » apparaît dans cette chronique : le hasard n’existe pas!
                                                                                                           Laurent GHARIBIAN
(1) 109, rue des Haies – Paris 20ème.
(2) Le CD 3 est constitué de pièces de J.-S. Bach jouées au piano par Clara Saussac.

(3) DVD « La fête aux amis » disponible sur commande :  forciolichante@gmail.com

Dernière minute : Philippe Forcioli est programmé au Festival Brassens de Vaison-La-Romaine le lundi 5 octobre 2020 à l’Auditorium Léo Lagrange : 22h00 .