FAUSSE ADRESSE de Luigi Lunari – Mise en scène de Gilles GOURMELEN au Théâtre le Ranelagh – 5,rue des Vignes Paris 16 (75016) – Lundi 4 Novembre, Mardis 12 Novembre et 19 Novembre 2019 à 20 H 30 –

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Gilles Gourmelen et Moa Abaïd étaient les invités de l’émission DEUX SOUS DE SCENE sur Radio Libertaire 89.4 le samedi 26 Octobre 2019 en podcast ci-dessous (extrait) : 

Dossier de presse : FAUSSE ADRESSE

Metteur en scène : Gilles Gourmelen

Assistante à la mise en scène Anne-Sophie Garrigues

Distribution :

Luc de Belloy, François de la Bigne, Moa Abaïd et Anne-Sophie Garrigues

Le surnaturel ou toute pensée qui pourrait être qualifiée d’irrationnelle ont-ils leur place dans nos sociétés matérialistes ? Il est évident que ce que l’on ne comprend pas qui fait partie de l’inconnu bornant notre appréciation, suscite la peur. En même temps, l’homme a toujours été fasciné par l’inconnu, une curiosité insatiable le pousse à explorer des planètes et également à essayer de vaincre tous les maux qui ont pour finalité la mort.

Le bon sens qui a valeur de pragmatisme moral ne saurait être dévoyé par des considérations hors de sa portée, qui en tout cas ne servent pas l’homme de tous les jours, accaparé par des problèmes matériels certes mais essentiels.

L’intérêt philosophique de la pièce Fausse adresse de Luigi Lunari, c’est qu’elle confronte l’homme de bon sens à l’homme émotif, celui qui se laisse submerger par ses émotions, hors quoi de plus irrationnel qu’une émotion. Il va sans dire que cette émotion peut traduire un manque, un vide existentiel, elle peut placer l’individu en question devant un précipice à moins de prendre conscience qu’il n’est pas seul et qu’au lieu de cultiver ses propres peurs, il aurait intérêt à observer comment les autres se débrouillent dans leur vie.

Luigi Lunari est un dramaturge italien, traducteur des pièces de Molière et de Shakespeare, longtemps collaborateur de Giorgio Strehler au Piccolo Teatro de Milan. L’influence de Pirandello est palpable. Dans cette pièce qui s’apparente à un huis clos, l’inconnu a force de personnage, il s’incarnera d’ailleurs en partie à la fin. Trois individus, un industriel, un professeur auteur de romans policiers et un ancien militaire se retrouvent bloqués dans une pièce suite à une alerte anti-pollution. Chacun y est entré par une porte différente avec une adresse différente et les personnes avec lesquelles ils avaient rendez-vous brillent par leur absence.

Les rendez-vous manqués font partie du leurre dont ils sont victimes. L’adresse celle qui les a conduits dans une pièce vide juste appareillée de quelques portes est également un leurre, ce style de leurre qui confondrait un revenant dans un lieu connu qui ne porte plus la même adresse. Voilà qui brouille les cartes, celles de nos repères en soi très fragiles puisqu’ils dépendent avant tout de notre perception laquelle n’est pas immuable.

Les réactions des trois protagonistes diffèrent évidemment. Comment ne pas perdre la face vis-à-vis des autres sinon en marquant sa différence. Ce n’est qu’au pied du mur qu’ils devront admettre qu’ils se trouvent tous les trois dans la même situation, égaux en quelque sorte face à ce qui les dépasse et qui va s’incarner providentiellement et éphémèrement dans un quatrième personnage comme s’ils avaient appelé cette présence (sans le dire) pour surseoir à l’angoisse du vide, en somme de la mort, ce butoir impensable.

Il s’agit de rôles en or pour des comédiens car les dialogues de Luigi Lunari à la fois substantiels et très vifs, permettent de cerner tout autant que l’apparence physique, les traits de caractère des personnages qui selon Luigi Lunari représenteraient « le Pouvoir Economique, la Connaissance Philosophique et Rationnelle, la Force des Armes et enfin le Peuple Travailleur ».

Il s’agit d’une piste car l’auteur reconnait avoir donné libre cours à son inconscient lors de l’écriture de cette pièce, avec une totale liberté.

La mise en scène concentrée sur la direction d’acteurs est lumineusement sobre. Sensible à la dimension métaphysique et tragique indéniable de cette pièce, le metteur en scène Gilles Gourmelen ne surenchérit  pas sur son aspect fantastique et surnaturel qui a pour effet de divertir comme cet étrange frigo qui n’offre que la boisson voulue par chacun même s’il s’agit d’un chocolat chaud !

Luigi Lunari n’a certainement pas voulu plomber les esprits et donne l’impression de s’amuser avec ses personnages. Le titre même de la pièce « Fausse adresse » en dit long sur son humour ravageur.

Et les comédiens, tous excellents, rendent si humains leurs personnages que nous croyons bien réelle leur mésaventure, elle nous interpelle et nous captive comme un véritable thriller.

Paris, le 31 Octobre 2019

Evelyne Trân

Je m’appelle Erik Satie, comme tout le monde.Une pièce écrite et mise en scène par Laetitia GONZALBES – THÉÂTRE DE LA CONTRESCARPE 5, rue Blainville 75005 PARIS (M° Place Monge ou Cardinal Lemoine) – DU 3 OCTOBRE 2019 AU 4 JANVIER 2020 Mardi au samedi 19 h – Durée : 1 h 10 (RELÂCHE LES 10 OCTOBRE, 8 NOVEMBRE ET 6 DÉCEMBRE).

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Avec Elliot JENICOT et Anaïs YAZIT

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Photo (Copyright Fabienne Rappeneau)

« Et pour qui te prends tu ? – Je me prends pour Erik Satie, ne vous en déplaise » Certains se prennent pour Dieu et celui-là pour Erik Satie. Evidemment, l’énergumène a élu domicile dans un asile psychiatrique où seule une gracieuse et douce infirmière semble le prendre au sérieux. Les bouffées délirantes de ce fou dansant se révèlent très instructives sur la vie d’Erik Satie qui probablement n’aurait pas défrayé les chroniques si l’homme n’avait pas composé ses fameuses gymnopédies. L’homme fait figure d’ovni dans le paysage musical de son époque. Incompris, méprisé par ses pairs, il réussit cependant à passer la rampe, heureusement accueilli par Picasso, Jean Cocteau, les ballets russes de Serge Diaghilev avec lesquels il crée un spectacle « Parade » en 1917 qui fit scandale.

Cela doit être un bonheur de se prendre pour Erik Satie, le poète musicien d’Arcueil; il y vécut une trentaine d’années jusqu’à sa mort dans un logement sans eau ni électricité. Sa richesse était ailleurs dans ces notes de musique anarchiste qu’il distribua généreusement et dont les airs nous saisissent par leur joyeuse et mélancolique fantaisie.

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Photo D.R.

Qui aurait pu imaginer la misère noire de l’homme qui avait étrange allure avec son pince-nez, son chapeau melon et sa barbe en pointe.

 Son interprète sur scène, Elliot JENICOT est irrésistible de faconde et de drôlerie. Anaïs YAZIT, sa partenaire à qui il revient d’endosser à la fin de la pièce, l’aspect dépressif du personnage, l’est tout autant irrésistible de grâce et luminosité. La scénographie est illustrée par de joyeux dessins sur écran.

 Laetitia GONZALBES signe avec ce spectacle une délicieuse parade à la morosité ambiante avec à l’honneur un chef d’orchestre hors du commun, Erik Satie !

 Paris, le 30 Octobre 2019

 Evelyne Trân

Et là-haut les oiseaux – Spectacle musical -Création collective de la compagnie EL DUENDE au Théâtre EL DUENDE -23, rue Hoche 94200 Ivry sur Seine. Métro : terminus Mairie d’Ivry (ligne 7) Bus : ligne 132/323 arrêt Jean Le Galleu Vélib : station n°42012 – 1, rue Henry barbusse Télephone : 01 46 71 52 29 – Du 12 Octobre au 14 Décembre 2019 – Les samedis à 20h30 et dimanches à 17h30 et à partir du 22 novembre les vendredis et samedis à 20h30 –

AFFICHE LA HAUT

Ecriture collective avec les comédiens et les musiciens du Théâtre El Duende
Equipe technique : Célia Riffaud, Vanina Adrover

Création sonore : Mathias Pradenas
Création lumière : Romain Thomas

Affiche : Jeanne de Bergevin

Diffusion : Antisthène

Presse : Catherine Guizard

Relations publiques : Clara Normand

Production : – Scop Théâtre El Duende
Remerciements :  Jean-Jacques DeReyer, FCB – Varembert – Ferme Culturelle du Bessin, Association Les Amis du Duende

Toutes les Dates

  • 14 décembre 2019 20 :30
  • 13 décembre 2019 20 :30
  • 7 décembre 2019 20 :30
  • 6 décembre 2019 20 :30
  • 30 novembre 2019 20 :30
  • 29 novembre 2019 20 :30
  • 23 novembre 2019 20 :30
  • 22 novembre 2019 20 :30
  • 17 novembre 2019 17 :30
  • 16 novembre 2019 20 :30
  • 10 novembre 2019 17 :30
  • 9 novembre 2019 20 :30
  • 2 novembre 2019 20 :30
  • 27 octobre 2019 17 :30
  • 26 octobre 2019 20 :30
  • 20 octobre 2019 17 :30
  • 19 octobre 2019 20 :30
  • 18 octobre 2019 20 :30
  • 13 octobre 2019 17 :30
  • 12 octobre 2019 20 :30

« Est-il encore possible de créer ensemble, sans chef ? » . La réponse est oui bien évidemment mais à condition de ne pas s’endormir sur ses lauriers, de s’engager individuellement car le collectif c’est un plus rappelle un comédien.

L’ordre du jour, hélas, est universel. Oui, il y a des choses à dire sur cette planète qui se porte mal. Il y a même urgence. Alors une troupe de théâtre qui vient de recevoir une subvention pour créer un spectacle en sept jours, relève le défi.

Elle choisit le thème de la peur. Le spectacle se met en place avec ardeur sous les yeux du public, il s’échafaude en imaginant un immeuble à plusieurs étages, à partir des histoires de leurs occupants.

Des histoires simples, des scènes de la vie quotidienne, une mère divorcée avec ses deux filles en colère contre son ex-mari qui ne paie pas la pension alimentaire, deux fillettes qui font faire une traversée de boat people à leurs poupées, un rentier idiot, un militaire, trois petites vieilles, un couple de migrants etc.

LA HAUT TER

Il s’agit de les prendre à bras le corps toutes ces peurs, ces angoisses et inquiétudes qui bistrent le quotidien et ce à tous les étages. Chacun y va de sa petite idée qui vient s’inscrire sur un écran de cinéma où flottent de jolis dessins animés. Il y a foule d’idées et c’est le chahut. Pour se donner du courage face à l’ennemi numéro 1, la peur, les comédiens dansent et font la fête, ils empoignent un frigo, symbole du système capitaliste.  L’orchestre mime en musique toutes les secousses de la peur et puis un conteur s’avance pour calmer la troupe, il raconte comment un oiseau survole l’immeuble, se faufile dans tous les étages pour observer leurs habitants. Le manège durera sept jours. 

LA HAUT BIS

Ah s’il pouvait nous faire part de ses impressions l’oiseau ! En vérité, il participe à toute l’effervescence humaine et il suffit de lever le nez pour comprendre qu’il dessine notre avenir dans le ciel. Plus d’oiseau, plus d’espèce humaine. Là-haut, mais oui bien sûr, il y a tous ces oiseaux qui mesurent les battements de cœur des autres volatiles sur terre, ces pauvres humains privés d’ailes qui communiquent leurs sentiments grâce à la musique, la danse et même leurs mots qui se bousculent en chantant.

La troupe de la compagnie EL DUENDE a réussi son défi celui de créer à plusieurs voix un spectacle unique, original et plein de cette poésie ardente qui libère les corps et rassérène les esprits, les esprits libres cela va soi !

Paris, le 30 Octobre 2019

Evelyne Trân

 

 

Le double de Dostoïevski au Théâtre LE RANELAGH – 5, rue des Vignes – 75016 Paris – Adaptation et mise en scène : Ronan Rivière – Durée du spectacle 1h25 DU 14 SEPTEMBRE 2019 AU 12 JANVIER 2020 – Du mercredi au samedi à 19h et le dimanche à 15h Relâches les 9, 24 et 25 octobre, 29 novembre, 25 décembre et 1er janvier Supplémentaire exceptionnelle le mardi 31 décembre à 19h –

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Auteur : Fiodor Dostoïevski

Adaptation et mise en scène : Ronan Rivière

En collaboration avec : Amélie Vignaux

Avec : Ronan Rivière, Xavier Lafitte, Michaël Giorno-Cohen, Jérôme Rodriguez, Jean-Benoît Terral, Laura Chetrit

Au piano : Olivier Mazal

Musique : Léon Bailly

Décor : Antoine Milian

Costumes : Corinne Rossi

Lumière : Marc Augustin-Viguier

 

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Dostoïevski n’avait que 25 ans lorsqu’il écrit son 2ème roman « Le double » qui reçut un accueil glacial. Inspiré par Gogol auquel il a été comparé lors de la parution de son premier roman à succès « Les pauvres gens » Dostoïevski s’immisce à fond dans le registre fantastique. C’est qu’il vient de se découvrir « double », le succès lui a monté à la tête mais peut-il oublier l’homme qu’il était avant sa réussite ? Il fallait donc que Goliadkine surgisse pour remettre les pendules à l’heure.

 Monsieur Goliadkine, banal fonctionnaire à l’instar du héros des carnets du sous-sol, publiés 20 ans plus tard, fait partie de ces personnages qui ne cessent de clamer leur existence le plus souvent désespérément, déchirés par cette curieuse ambivalence de vouloir attirer l’attention ou au contraire passer inaperçus.

 Si le personnage de Goliadkine est si attachant c’est qu’il incarne la toute-puissance du délire, celui-là même qui nous permet de rattacher le rêve à la réalité. Bien avant Freud, Dostoïevski s’attaque à travers Goliadkine à l’inconscient qui se découvre dans les rêves mais n’a pas droit de cité à l’état de veille. Goliadkine a cette particularité de ne pouvoir repousser ce désir quasi sado masochiste d’être déboulonné par le double de lui-même. Il héberge en lui un monstre qu’il expulsera quitte à devoir subir sa présence.

 Goliadkine est un être complexé qui a le délire de la persécution, en résumé tout le monde veut sa peau, il est sans cesse moqué par ses collègues qui le jugent ridicule. Mais au fond Goliadkine est juste un original qui refuse de composer « Je ne porte de masque qu’en carnaval, je n’en porte pas quotidiennement devant les gens » Son double fera exactement le contraire.

 La mise en scène de Ronan Rivière est à l’image du personnage qu’il incarne par ailleurs parfaitement. C’est l’espace mental de Goliadkine qui s’y exprime comme dans le brouillard d‘un rêve où le rêveur ne sélectionne, il va sans dire inconsciemment, que les figures qui l’obsèdent.

 On y entend la douloureuse incantation d’un homme qui ne réussit à s’imposer que par l’intermédiaire d’un double et qui poursuit cependant sa méditation personnelle, en s’assumant hors sujet dans un monde où la vanité bat son plein.

Dominée par son ambiance onirique, cadencée musicalement avec ses décors amovibles, cette mise en scène du « double » se révèle très pénétrante, elle ne force pas le trait offrant juste au spectateur ces coulures de rêve qui s’estompent ou débordent à l’entrée d’un miroir. La buée qui s’y installe, c’est celle de la respiration d’un homme imaginaire.

Paris, le 27 Octobre 2019

Evelyne Trân

En ce temps là, l’amour – Une pièce de Gilles SEGAL – Mise en scène par Christophe GAND avec David BRECOURT au Théâtre des Mathurins – 36, rue des Mathurins 75008 Paris – A partir du 11 octobre 2019 – Du mercredi au samedi à 21h , le dimanche à 16h30 –

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David BRECOURT était l’invité de l’émission DEUX SOUS DE SCENE, sur Radio Libertaire 89.4,  le samedi 26 Octobre 2019, ci-dessous en podcast 

« Comme j’ai envié ce père capable de susciter un tel regard d’admiration dans les yeux de son fils » Ce cri du cœur émane d’un individu qui sait faire partie du commun des mortels avec cette particularité cependant, celle d’avoir connu l’enfer, un enfer justement inimaginable pour le commun des mortels.

 L’individu en question « Z » dans la pièce est redevenu un homme normal sans histoires, invisible. Non certainement, il ne s’est pas épanché sur sa dramatique expérience de la shoah auprès de son fils qui a été épargné. La vie a repris son cours. Ce fils est loin désormais qui lui envoie d’Amérique, une photo de son petit-fils.

 Bien sûr, il songe sur les rapports entre père et fils qui à distance peuvent devenir conventionnels, distraits, banaux. C’est implicite, il n’en dit mot à ce fils, mais il y a ce déclic que représente, tombée du ciel une photo de son petit-fils. Et lui revient en boomerang, le souvenir d’une rencontre dans un train en partance pour Auschwitz, avec un père et un fils, extraordinaires.

 Qui ne s’est pas plu à observer dans les transports en commun ces relations intimes entre un parent et son enfant qui passent parfois juste par des regards, des attentions lesquelles peuvent éblouir l’observateur parce qu’elles ne sont pas criantes, seulement naturelles.

 Dans le train de la mort, Z a décidé de ne plus penser, ne plus penser à lui, durant les 7 jours du voyage, il va vivre d’une certaine façon par procuration, à travers un père et son fils d’une douzaine d’années.

 Le récit de ce voyage qu’il enregistre pour son fils, devient en quelque sorte anachronique. Qui parle, le père qu’il aurait voulu être, le père qu’il a rencontré ? Et le fils, celui d’Amérique n’aurait-il pas pu être celui du train de l’enfer ? Qui parle, le vieil homme ou le jeune homme qu’était Z à l’époque ?

 Les réactions de Z sont sans fard, il ne comprend pas tout d’abord, comment le père peut faire abstraction de la situation insupportable à laquelle sont confrontés les voyageurs, la promiscuité, l’odeur des excréments, la mort des plus faibles, les cris des survivants. Le père durant tout le voyage déploiera toute son énergie à occuper l’esprit de son enfant, un peu comme Shéhérazade des Mille et Une Nuits, pour l’étourdir, le faire sourire, le voir heureux jusqu’au bout de la nuit et de la mort …

 Alors étonnamment, le récit qui aurait pu prendre la tournure d’une oraison funèbre, devient un hymne à la vie, à sa poésie, à l’amour simplement entre un père et son fils.

 David Brécourt rayonne dans ce rôle de conteur. Nous oublions complètement qu’il s’agit d’un seul en scène tant son interprétation est vivante et l’histoire captivante.

 Gille Segal, comédien et dramaturge, d’origine juive romaine a certainement puisé dans son histoire personnelle. Il signe avec cette pièce, un bijou de tendresse et d’humanité, en donnant la parole à Z, un commun des mortels par défaut, auquel nous pouvons tous nous identifier, face à son double « extraordinaire ».

 Que ceux qui viennent au théâtre avant tout pour se distraire et se changer les idées, ne soient pas rebutés par le thème de la shoah.

La pièce, mise en scène par Christophe Gand diffuse une lumière qui ne cesse de chatoyer, mettant en valeur son interprète David Brécourt, tout juste fascinant.

 Paris, le 25 Octobre 2019

Mis à jour le 28 Octobre 2019

 Evelyne Trân

 

DIEU BRANDO ET MOI de Gilles Tourman au Studio Hébertot 78 bis Boulevard des Batignolles – 75017 Paris – Du 28 Août 2019 au 17 Novembre 2019 – Mercredi et jeudi à 19 Heures – Vendredi et samedi à 21 Heures Dimanche à 15 Heures –

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Mise en scène et scénographie de Patrick Simon et Maurice Zoui

Avec Patrick Simon

La pièce nous conte l’histoire du comédien Daniel Milgram qui l’interpréta lui-même au festival d’Avignon en 2017, quelques mois avant de décéder. Daniel Milgram devait avoir du panache sur scène, empreint de mélancolie, un peu comme le Cyrano de Rostand, une belle flamme, celle-là même qui anime Patrick Simon dans ce seul en scène radieux et offensif, ourdi d’exclamations, d’invectives affectives émanant d’un homme tatoué à la naissance par l’étoile de la judaïté.

« Quand on est juif, on n’a pas le choix, on le reste. Mais je suis quand même athée et je ne crois plus en Dieu après Auschwitz« , confiait Daniel Milgram.

S’il n’a jamais voulu ou pu couper le cordon ombilical avec son héritage parental, Daniel Milgram utilise cette corde comme une sorte de lasso pour embrasser à la fois son histoire et celle des autres pour témoigner comment il a réchappé de la shoah, ce tsunami de la haine, grâce à une famille de la communauté protestante de Chambon sur Lignon qui l’a accueilli à l’âge de 8 mois, en 1943 jusqu’à la fin de la guerre.

Daniel Milgram est devenu un artiste engagé, à vrai dire tout comédien l’est dans son essence. Son dialogue avec son père en fin de vie représenté par une chaise vide lui permet de rebondir sur les influences, les rencontres qui ont jalonné son parcours d’homme et de comédien.

En questionnant son père et le Dieu de son père et Brando la vedette, il se questionne lui-même évidemment, avec un formidable humour qui rend perceptible un message humaniste où la compassion prend tout son sens lorsqu’il s’agit de parler des autres, ceux auxquels nous sommes inextricablement liés.

« Il y a les autres, donc je suis » ou « moi avec les autres ». La confession de Daniel Milgram émeut profondément parce qu’au fond s’il parle de lui, c’est surtout pour témoigner de cette famille humaine qui borde chaque destin individuel.

Patrick Simon donne toutes ses tripes pour incarner ce personnage impénitent dont le message de vie est ulcérant de vérité !

Paris, le 24 Octobre 2019

Evelyne Trân

L’ÉTRANGER d’ALBERT CAMUS – mise en scène NORDINE MAROUF au Théâtre des Déchargeurs – 3, rue des Déchargeurs 75001 PARIS – Du 8 novembre au 21 décembre 2019, les vendredis à 19h et les samedis à 18h – En alternance avec LA PESTE –

Nordine MAROUF dans "L'Etranger" d'Albert CAMUS, au théâtre L'Avant-scèneREPRÉSENTATIONS – L’ETRANGER
LES DÉCHARGEURS – PARIS – SALLE VICKY MESSICA (80 PLACES)
samedi 16 novembre, samedi 30 novembre et samedi 14 décembre
LES DÉCHARGEURS – PARIS – SALLE LA BOHÈME (19 PLACES)
vendredi 8 novembre, vendredi 22 novembre, vendredi 6 décembre, vendredi 20 décembre

REPRÉSENTATIONS – LA PESTE
LES DÉCHARGEURS – PARIS – SALLE VICKY MESSICA (80 PLACES)
samedi 9 novembre, samedi 23 novembre, samedi 7 décembre, samedi 21 décembre
LES DÉCHARGEURS – PARIS – SALLE LA BOHÈME (19 PLACES)
vendredi 15 novembre, vendredi 29 novembre, vendredi 13 décembre

Texte Albert Camus
Adaptation, mise en scène Nordine Marouf
Lumières Doriane Genet
Décor et costumes Association Éducation Populaire
Avec Nordine Marouf
Coréalisation La Reine Blanche – Les Déchargeurs & Les Molières

L’étranger d’Albert Camus fait partie de ces livres qui peuvent se relire facilement. Les mots y coulent doucement, délivrés par la voix intérieure d’un homme plutôt calme et posé. C’est un homme solitaire qui n’élève pas la voix et dont la vie banale ne présage aucune surprise.

La solitude, grain de sable de tout individu, va devenir aux dépens du narrateur, ce qui va l’éjecter du monde des vivants. Il y a toujours ce qui vous sépare des autres mais auquel on ne pense pas. Cela peut se traduire par un éblouissement, un vertige, une absence, c’est ce qui arrive à M.Meursault qui devient meurtrier par mégarde.

Ses juges ne lui pardonnent pas de ne pas jouer le jeu pendant sa défense, de rester juste l’homme qu’il est, sans émotions particulières. Le fait qu’il n’ait versé aucune larme lors de l’enterrement de sa mère devient une preuve de son insensibilité et donc de sa cruauté.

A travers le portrait de cet homme, Camus s’insurge contre le poids des conventions qui étouffent la liberté. Meursault n’a pas de sens moral, les notions de bien ou de mal ne le tourmentent pas. Il n’est pas insensible pour autant, sa conscience reste un lieu d’accueil de toutes sortes de sensations mais il ne les rattache à aucune valeur sociétale.

Cet homme sera condamné non pas pour son geste meurtrier, mais pour son absence d’étiquette qui le rend indéchiffrable aux yeux de tous, tel un étranger.

Dans la langue de cet étranger, il y a le roulis des mots, étranges motifs de contemplation qui tels des aiguilles d’une montre dans l’obscurité, relaient les mouvements intérieurs du narrateur.

Les mots, cette obscure matière qui résonne. L’interprète, Nordine MAROUF les incorpore, les transporte dans l’ailleurs d’une petite salle intime pour faire chanter, juste le temps d’un éblouissement, le grain de sable de l’étranger.

Paris, le 25 Mars 2018

Mis à jour le 23 Octobre 2019

Evelyne Trân

TOUTES LES CHOSES GÉNIALES – Texte Duncan Macmillan avec Jonny Donahoe au Théâtre la Reine Blanche 2 bis, passage Ruelle 75018 Paris – Métro : La Chapelle ou Marx Dormoy -Du mardi 19 novembre au samedi 28 décembre Mardi, jeudi, samedi à 19h Durée : 1h –

TOUTES LES CHOSES GENIALES (c) Bruno Dewaele (2) - min

Photo : Bruno Dewaele

Le sujet de la pièce de Duncan MACMILLAN, la dépression d’un proche, à laquelle s’est trouvé confronté un enfant, est grave. Comment formuler la mélancolie, la tristesse que peut nous renvoyer le comportement d’un parent. L’auteur donne la parole à un homme anonyme qui se confie sur son parcours du plus jeune âge à l’âge adulte.

 Comment l’enfant qui a assisté à l’hospitalisation de sa mère après une tentative de suicide peut-il réagir ? Un homme se confesse, raconte comment la mort lui est apparue, brutale à travers celle de son chien. Sachant que sa propre mère voulait mourir, il n’a eu de cesse de combattre cette angoisse parce qu’il aimait la vie.

 Elles sont là devant soi ces choses de la vie qui, à tout moment, impromptues et passagères comme des pensées, des fugaces émotions, des surprises, sont susceptibles de vous faire sourire, rire, chanter, voyager, taper sur l’épaule de votre voisin « Vous avez vu ça ! ».

 L’enfant sent que tous ses petits bonheurs enfantins, légers, innocents, volatiles, étranges, farfelus, si personnels, peuvent lui échapper, disparaître. Alors, il les note sur une liste qui finit par grossir à vue d’œil.

 Une véritable armée de post-its de bons souvenirs qu’il collectionne et se met à inscrire un peu partout à l’intérieur de la boite de corn flakes, sous le couvercle d’un pot de confitures, etc. Ces post-its sont destinés à dérider sa mère dépressive, à lui offrir quelques bulles de bonne humeur, en silence, sans la forcer.

 Cette liste débutée dans l’enfance, il l’oubliera puis la retrouvera à l’âge adulte, elle tracera sa route comme les petits cailloux étincelants semés sur son chemin par un Petit Poucet.

 Toute la force du conte de Perrault irrigue cette pièce. Par analogie s’y exprime diffus, le sentiment d’abandon de l’enfant par ses parents, son désir d’indépendance, d’affranchissement, de découverte, son espoir de redonner le bonheur à a sa famille.

 Mais L’homme anonyme ne revêtira pas de bottes de sept lieues. Il continuera à butiner comme une abeille les multiples bonheurs à sa portée, qui conversent de tout et de rien, qui soulèvent des émotions infinitésimales, particulières ou banales, incongrues, familières.

 C’est cette familiarité avec les choses que l’homme cultive sans violence. Parce qu’il a intériorisé le silence de ses parents et qu’il le respecte, l’enfant a multiplié les tentatives d’approche par l’intermédiaire de petites pensées, des offrandes innocentes, spontanées, extraordinaires à ses yeux.

 Elle ne peut que grossir cette montagne de petits plaisirs pour  faire face au sentiment d’impuissance de l’enfant confronté au malheur.

 Dans le spectacle le comédien Didier COUSIN, remarquable, dirigé par Arnaud ANCKAERT, distribue quelques rôles aux spectateurs installés en cercle et les convie à lire à haute voix certains messages. C’est à travers des lèvres inconnues qu’ils s’échappent dans l’espace. Une façon de les faire éclore, d’évoquer leur manège intime. Sans doute parce qu’il y a des choses qui ne peuvent être dites qu’à travers des mots glissés sous la porte qui attendraient l’éblouissement d’un rayon de soleil ou simplement que quelqu’un les lise. Quel privilège que celui de la lecture d’ouvrir un champ de liberté quand les mots vous dévisagent un peu de la même façon que tout objet familier par sa seule présence.

 Chaque message constitue une petite bouteille à la mer. Il peut échoir entre n’importe quelle main inconnue. De l’inconnu au familier tout le chemin est là, celui d’une vie, celui d’un spectacle, où le spectateur complice suit le parcours d’un curieux collectionneur, participe au concert d’une myriade de petites choses géniales.

 Un concert orchestré par un enfant devenu adulte qui agite sa baguette magique de récolteur de bonheurs sinon pour effacer le malheur, lui résister de bonne guerre.

 Paris, le 21 Octobre 2018

Mise à jour le 23 Octobre 2019

 Evelyne Trân

TOURNÉE 2020

23 Janvier
Culture Commune, Scène
Nationale du bassin minier
9 > 12 avril
Le Bellovidère, Beauvoir
25 avril
Communauté de Commune
Osartis-Marquion, Quéant
29 mai
Le Fil et la Guinde,
Wambrechies
5 juin
Festival Traverse, Festival
Itinérant des Arts de la Parole
du Haut Val de Sèvre
Août
Festival l’été de Vaour
Communauté de Commune
du Pays Solesmois
(date en cours)

 

 

 

TANT QU’IL Y AURA DES COQUELICOTS… de Cliff Paillé au théâtre de l’ESSAION – 6 rue Pierre au lard 75004 PARIS – Du 05 septembre au 23 novembre 2019, • les jeudis, vendredis, samedis • à 19h30 • Genre : Théâtre contemporain- tout public, à partir de 8 ans •Durée : 75 mn

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N.B : Cliff PAILLE était l’invité de l’émission DEUX SOUS DE SCENE sur RADIO LIBERTAIRE 84.4 en 0ctobre 2019, en podcast sur le site de Radio Libertaire.

  • Auteur : Cliff Paillé
  • Mise en scène : Cliff Paillé
  • Distribution : Pauline Phélix, Cliff Paillé

Lire, lire, lire !!! Entrer dans un livre comme on entre dans la mer, après avoir marché les pieds nus sur un sable humide parfois dur et collant. Alors, l’on ne sait qui pénètre qui, les vagues ou soi la mer. Enchantement solitaire, allez savoir, il n’y a personne entre soi et un livre, juste le bruit du silence et un sentiment de liberté incroyable. Il n’y aura personne pour vous dire comment il faut lire Rimbaud, comment il faut regarder la mer, vous êtes seul avec vous-même et le temps n’existe plus, celui de la contrainte, vous êtes juste un matelot qui scrute l’horizon vers une terre inconnue où l’imagination sera reine.

 Les écrivains sont juste des lecteurs qui voudraient communiquer aux autres le bonheur qu’ils ont éprouvé lors de leurs premières lectures, celui de pouvoir se transporter ailleurs, hors de sa chambre, de son lit, hors d’atteinte des paroles de ses proches qui devront se satisfaire de la seule réponse qui vaille « Laissez-moi tranquille, je lis ».

 Les livres ne sont pas des mirages, ce sont de véritables embarcations, des bateaux en papier certes, mais qui peuvent vous entraîner très loin, à la rencontre de voyageurs de la pensée, de rêves ou d’idées de toutes sortes qui réalisent ce miracle de communiquer avec vous, sans frontières ou sans d’autres obstacles que ceux que vous devrez franchir pour avancer, vous laisser interroger, interpeller, émouvoir.

 Cliff Paillé est un amoureux transi des livres. Son histoire ressemble à un conte de fées. Il se remémore le petit garçon qui ne voulait pas lire qui préférait bien davantage son ballon pour s’évader. L’un n’empêche pas l’autre d’ailleurs. Grâce à sa grand-mère et à une institutrice zélée, tel le petit Poucet, il n’a de cesse de découvrir « les cailloux qu’elles ont semé pour moi dans les livres ». Elles furent des guides précieux, inespérés d’une certaine façon pour l’enfant solitaire, confronté à l’absurdité d’un monde qui vante le bonheur à la publicité et aux actualités parle du chômage, de la misère, la pollution, les guerres.

Comment s’y retrouver ? « Tant qu’il y aura des coquelicots » est le témoignage ému de cet enfant qui a réussi à espérer, à respirer à travers ses découvertes, en passant par Barbara, Proust, Philippe Claudel, Zola, Pagnol etc.

Accompagné de Pauline Phélix qui interprète les deux fées, il campe un attendrissant matelot qui agite avec fougue un mouchoir de livre, debout face à la mer et ses vagues de mots qui scintillent, qui annoncent le voyage à perte de vue !

 « Fuir ! là-bas fuir ! Je sens que des oiseaux sont ivres
D’être parmi l’écume inconnue et les cieux ! » (Mallarmé)

 Cliff Paillé, c’est aussi un terrien poète, grâce à son ballon. Dites « Coquelicots » et laissez-vous rêver !  

Paris, le 22 Octobre 2019

Evelyne Trân

L’HISTOIRE D’UNE FEMME – Texte et mise en scène Pierre Notte Texte publié aux éditions quatre-vents/avant-scène – Au Théâtre du Rond-Point 2 bis, av. Franklin Roosevelt 75008 Paris Métro : Franklin Roosevelt – 75008 Paris – Avec Muriel Gaudin – MERCREDI 6 NOVEMBRE > DIMANCHE 1ER DECEMBRE mardi > samedi à 20h30 dimanche à 17h30 Relâche le lundi – Durée 1h10 –

histoire dune femme

« L’histoire d’une femme qui n’en peut plus d’avoir à supporter une société d’hommes » C’est ce qu’a voulu écrire Pierre NOTTE. Toutes les femmes ne s’identifieront pas forcément au personnage qui n’a pas de nom, incarné par Muriel GAUDIN.

S’agit-il d’un transfert de féminité ? Paradoxalement, il y a des hommes encore plus sensibles que les femmes elles mêmes au machisme qu’elles subissent.

Il serait intenable dans la réalité de se focaliser de façon obsessionnelle sur le geste déplacé de quelques hommes vulgaires qui croient qu’en mettant la main aux fesses d’une jolie femme, ils affirment leur virilité. Le machisme est tellement véhiculé au cinéma, dans les western notamment, à la publicité, qu’il est en effet insupportable. Mais les hommes n’ont pas l’apanage du désir. Il y a des femmes qui souhaiteraient bien, elles aussi, mettre la main aux fesses de quelques mâles.

« Qu’attends-tu de moi » pourrait dire une femme à un homme et inversement l’homme à la femme. Identité sexuelle, identité morale, identité tout court !!! « Je suis une femme », « Je suis un homme » quelle déclaration d’identité ! Dans nos grammaires, la loi du genre continue à nous rappeler que le masculin l’emporte sur le féminin.

Sans conteste, Pierre NOTTE a capté cette émotion qui ronge beaucoup de femmes, le sentiment d’être brimé, humilié à cause de leur sexe. C’est leur identité de personne qui se révolte parce qu’elles se retrouvent face à un mur.

Il est salutaire de pouvoir exprimer un tel émoi.L’épreuve de l’humiliation concerne aussi bien les hommes que les femmes d’ailleurs. Sur le terrain de l’émotion, il n’est pas évident que les défenses individuelles se relâchent tout de go, mais cela peut enclencher une prise de conscience.

Muriel GAUDIN qui devient la porte-parole d’une émotion partagée par nombres de femmes et d’hommes est bouleversante.

Paris, le 26 Mars 2017

Mis à jour le 16 Octobre 2019

Evelyne Trân