De et avec Kelly Rivière Collaboration artistique Jalie Barcilon, David Jungman, Suzanne Marrot, Sarah Siré Collaboration artistique à la lumière et à la scénographie Anne Vaglio Scénographie Grégoire Faucheux Costumes Elisabeth Cerqueira Administration et diffusion Histoire de… – Clémence Martens et Alice Pourcher – alicepourcher@histoiredeprod.com Production Théâtre de Belleville et Histoire de… en collaboration avec la Compagnie Innisfree Soutiens Festival IF, Maison Maria Casarès, Château de Monthelon, Studio Thor (Bruxelles), Samovar, Théâtre de la Girandole, SPEDIDAM, Fonds de soutien AFC, Groupe Leader Interim et Fondation E.C.Art-POMARET
A chacun son roman, son histoire familiale, la plupart endormis au pied d’un arbre. A vrai dire, c’est au moment où la vie se soulève que les adolescents croient pouvoir embrasser aussi bien une partie du passé que leur avenir, avec une magnifique inconscience.
Souvenons de Rimbaud, dans une saison en enfer qui confessait :
« J’ai de mes ancêtres gaulois l’œil bleu blanc, la cervelle étroite, et la maladresse dans la lutte »
Nous ne naissons pas de rien tout de même ! Dans cette autofiction sur la quête de ses origines, Kelly Rivière raconte comment une adolescente Kelly Ruisseau a laissé grandir en elle le fantasme d’un grand-père inconnu dont la disparition fait partie des non-dits familiaux.
Un secret de famille, en quelque sorte, enflammant l’imagination de Kelly qui entreprend de faire parler sa mère, sa grand-mère d’origine irlandaise et la mènera en Irlande pour rencontrer sa famille de souche qui avant cette démarche n’avait jamais entendu parler d’elle.
La grande mer de l’oubli a englouti le grand-père mais Kelly ne se résout pas à la résignation. Sa quête initiatique qui n’aboutira pas concrètement est bouleversante et rare.
Tout se passe en définitive comme si Kelly voulait ressusciter ce grand-père, en recherchant ses traces dans la mémoire de ses proches.
Kelly donne l’impression de battre contre des moulins à vent mais si le vent sème des illusions, il soulève aussi la poussière, il déterre des émotions inimaginables et lui apportera une ultime révélation, son grand père irlandais qui a migré en Angleterre pour échapper sans succès à la misère, a aimé d’un amour fou sa grand-mère Margaret, restée murée dans son silence.
A partir du récit d’une histoire familiale en hommage à un authentique grand- père irlandais, Kelly Rivière rejoint l’universelle quête des origines quelles qu’elles soient.
Kelly RIVIERE est une inoubliable conteuse, toute l’écume de la grande vague de l’oubli, elle la transcende en portant à la scène tous les personnages pittoresques de son roman familial avec des joyeux accents irlandais, une fraîcheur et un humour désarmants !
La douleur n’est pas toujours audible. C’est le corps qui en parle le mieux. La voix doit se frayer un passage sur un terrain inconnu, vaste comme une forêt, une plage déserte, ou bien des sanglots sans suite. Il y a des voix qui tremblent au fond du puit. Certains diront que ce n’est pas du ressort du théâtre de leur offrir un lieu pour s’exprimer.
Nous dirons le contraire. Une scène de théâtre peut devenir un lieu intime, un lieu de rendez-vous avec des voix sensibles inaudibles de l’extérieur, éjectées sur les bords de trottoirs parce que dit-on, elles ne participent pas à l’effervescence des activités humaines, elles ne promeuvent aucun monument, elles n’ont pas de vitrines, elles se déposent comme un tas de feuilles mortes dans nos rêves et seul parfois un courant d’air de soleil semble pouvoir les ranimer.
Il est certain que ces voix font partie du champ intérieur de l’être avant même de se muer en paroles, elles résonnent dans la solitude et s’y complaisent même sachant que toute intervention extérieure pourrait les faire fuir. Mais après tout, ne s’expriment -elles pas pendant qu’un enfant dessine, qui oserait interrompre un enfant en train de dessiner. Quel est donc ce miracle qui a permis aux peintres de cavernes de s’abandonner à leur imaginaire, aux artistes dits primitifs de créer leurs masques et leurs totems ?
Ces réflexions à l’emporte-pièce nous viennent à l’esprit à propos du spectacle proposé par Céline PITAULT « Celle qui revient là, celui qui la regarde » qui constitue une belle approche de l’écrivaine russe Marina TSVETAEVA à partir de ses carnets et du livre de confessions « Vivre dans le feu ».
Tzvetan TODOROV nous dit dans sa préface qu’un grand écrivain est celui qui parvient à trouver les mots pour exprimer ce qui avant lui était indicible.
Marina Tsvetaeva croyait au vivre-écrire. Elle dit ce qu’elle ressent et ce faisant elle témoigne de toutes les douleurs qu’aucun cri, aucune parole ne peuvent résorber. Elle nous touche au-delà de nous-mêmes, il y a de l’inconnaissable, inconnu en elle-même, qui questionne nos limites, brave la réalité et d’une certaine façon la mort, car la mort c’est aussi l’indifférence.
N’avoir le droit d’être soi-même que caché, exilé, ignoré, Marina Tsvetaeva a vécu ce sentiment d’injustice jusqu’au bout, jusqu’à l’épuisement de sa force morale.
Tzvetan Todorov le souligne, le destin de Marina Tsvetaeva est «inextricablement mêlé à l’histoire contemporaine de l’Europe, marqué par deux guerres mondiales et par l’avènement de de deux régimes totalitaires ». Elle a connu la famine, la guerre civile pendant la Révolution d’Octobre puis l’exil à Paris et enfin à nouveau la misère et la solitude de retour en Russie en 1941 pendant l’invasion allemande.
N’est-ce point un luxe de se vouloir poète dans un monde bouleversé. Plusieurs fois Marina Tsvetaeva mettra entre parenthèses ses créations pour mieux se consacrer à ses proches. Mais il est évident qu’écrire lui permet de raviver sa propre flamme, et dès lors que ce désir d’écrire n’est plus là, elle entrevoit la fin, le bout.
La mise en scène de Ludovic LONGELIN met l’accent sur les circonstances les plus tragiques de son existence, notamment sa fin de vie lorsqu’elle se retrouve seule avec son fils ( Renaud HEZEQUES, saisissant ). Celui-ci est représenté par un personnage quasi grotesque qui ricane, incarnant de façon hallucinatoire cette frontière indissoluble entre le monde extérieur et le monde intérieur de Marina Tsvetaeva.
Un personnage que seule sa voix habille de pensées qui ont arpenté toutes sortes de courants des meilleurs aux pires. Il importe de découvrir son livre « Vivre dans le feu » pour être saisi par sa vivacité.
Nous avons envie d’imaginer Marina Tsvetaeva heureuse, elle est une main tendue à ceux qui ne croient pas pouvoir communiquer leurs souffrances.
« La blessure de l’immortelle conscience, comment y faites-vous face ? »
C’est un chemin de vie parcouru par une conscience entière et rare que nous donne à découvrir ce spectacle exigeant, austère mais pénétrant !
Telle une flamme vacillante que seuls ses mots habillent, ainsi apparaît Marina Tsvetaeva incarnée par Céline PITAULT.
texte David Lescot mise en scène Jean-Pierre Baro musique Loïc Leroux collaboration artistique et régie générale Franck Gazal avec Amine Adjina, Rodolphe Blanchet
Le rap, manifestation artistique urbaine plutôt récente – il a pris naissance aux Etats Unis dans les années 70, dans les ghettos – volontiers subversive, véritable appel d’air de toutes les paroles de révoltés contre le racisme, la pauvreté, l’exclusion, insoumis et rebelles à toute forme d’autorité sinon celle de la création, pourrait-il devenir une matière intégrée aux programmes scolaires ?
Il est comique et grinçant, ce face-à-face entre un professeur de rap et son élève, imaginé par David LESCOT dans un sketch ahurissant intitulé THE MASTER.
Nous retiendrons de cet affrontement que le rap se vit plutôt qu’il ne s’enseigne ou que l’érudition d’un maître sur le sujet pèse bien moins que le ressenti de l’élève contraint de réagir et de remettre à sa place un maître impudemment autoritaire.
Jusqu’à quel point sous couvert de l’autorité un maître peut-il se permettre d’humilier et rabaisser un élève coupable d’ignorance, de paresse, d’indifférence etc.
Les élèves ont assisté incrédules et médusés au clash entre un des leurs, inconnu qui s’est assis comme les autres devant son pupitre affichant un visage fermé avant d’être interpellé par le maître décidé à lui tirer les vers du nez.
Bénéficiant d’une complicité d’une enseignante, ledit prof de rap connait le nom des élèves qu’il désigne. L’assemblée n’a guère le temps de se demander d’où vient ce prof extravagant.
Du théâtre, pensons-nous, c’est du théâtre qui frôle ou même bouscule la réalité, celle d’une classe prenant conscience de son rôle, de son implication, prise à témoin, d’un véritable clash entre un des leurs et celui qui joue le rôle de prof.
Voilà une expérience étourdissante et ma foi instructive.La performance théâtrale des deux comédiens qui finissent par donner un aperçu de leurs talents de rappeurs est suivie d’un débat animé avec les élèves heureux de faire valoir leurs propres connaissances !
Mise en scène et adaptation : Jean-Philippe DAGUERRE
Assistant à la mise en scène : Grégoire BOURBIER
Avec : Simon LARVARON, Teddy MELIS, Vanessa CAILHOL, Grégoire BOURBIER, Nathalie KANOUI, Charlotte RUBY, Tonio MATIAS, André-Marie MAZURE
Musiciens : Tonio MATIAS (accordéon, harmonica, banjo et cajon), André-Marie MAZURE (trompettes et cajon), Charlotte RUBY (violoncelle, xylophone et chant)
Création & direction musicale : Petr RUZICKA
Costumes : Corinne ROSSI
Chorégraphie : Mariejo BUFFON
Scénographie : Sophie JACOB
Lumières : Idalio GUERREIRO
Faut-il prendre au sérieux Dom Juan ou au contraire tirer parti de sa désinvolture et de sa suffisance pour en faire un clown blanc, faire valoir de l’auguste Sganarelle ?
Jean-Philippe DAGUERRE a choisi d’illustrer de façon fantaisiste la tragi-comédie de Molière. Tournez manège ! Il convoque tous les personnages au cirque, Elvire devient une danseuse délicieuse incarnée par Vanessa CAILHOL, la mère de Dom Juan une dompteuse etc. dans une sorte de ballet incongru arrosé par un imperturbable orchestre juché sur un podium multicolore trop mignon, le tout sans doute pour vérifier si l’artifice bling bling peut résister aux tirades hautement dramatiques ou philosophiques d’Elvire, Dom Juan ou Sganarelle.
A ce jeu-là, le clown Sganarelle interprété par Teddy MELIS, excellent, se donne à fond. Dom Juan incarné par Simon LARVARON, quant à lui fait plutôt figure d’un Casanova paumé, qui ne comprend rien aux femmes, simples objets de désir et par ailleurs victime d’une mère abusive qui lui assène des coups de cravache en guise de semonces.
Pauvre gosse ! Ce Dom Juan là a perdu de sa superbe, certes il connait sur le bout des doigts le discours toujours actuel sur l’hypocrisie ambiante, mais il est tellement guindé dans son costume de dandy qu’il fait plus pitié que peur.
Celles qui rêvent d’un Dom Juan, « Johnny fais-moi mal » en seront pour leurs frais, la vedette décidément c’est Sganarelle, le valet ulcéré de se trouver asservi à un homme fantoche sans foi ni loi.
L’oreille et l’œil se délassent avec plaisir dans ce spectacle onirique et musical, le privilège de la forme l’emporte sur le fond que seule la substance du texte de Molière rappelle.
« Tout est vanité » semble nous dire Jean-Philippe DAGUERRE, Dans ces conditions, continuons à faire appel à nos sens les plus immédiats, est-ce à dire qu’il nous est impossible aujourd’hui de nous identifier à Sganarelle ou à Dom Juan sinon en nous jouant de leurs mots, leurs délétères professions de foi. Au public d’en juger !
Distribution : Philippe Catoire, Vincent Violette ou Guillaume Van’t Hoff, Jean-Jacques Nervest, Dominique Ratonnat.
Durée :1h50
N.B : Jean-Claude SACHAT était l’invité de l’émission DEUX SOUS DE SCENE sur l’antenne de RADIO LIBERTAIRE 89.4, en Mars 2016
La salle du Théâtre ESSAION où se donne actuellement « En attendant Godot » à la fois modeste et belle nous paraît tout à fait appropriée pour accueillir cette portion d’humanité imaginée par Beckett qui n’en finit pas de se demander ce qu’elle fout là, en conversant de tout et de rien, histoire de passer le temps.
Il doit y avoir mille et mille manières de monter Beckett, mais celle qu’a choisie Jean-Claude SACHOT nous a réjouis parce qu’elle nous a divertis, émus, sans que nous ayons eu besoin de nous creuser la tête ou de nous la cogner contre les murs.
Les vieilles chaussures qui torturent Estragon en disent aussi long que de grands discours et il n’est peut être pas nécessaire de chercher Midi à 14 heures pour comprendre que nous avons affaire à quelques misérables échantillons de l’humanité auxquels nous pouvons bon gré, mal gré nous identifier.
Dans leur cour de récréation désertique, ces gueux d’Estragon, Vladimir, Pozzo et Lucky, poussent leurs gueulantes en geignant, en s’échappant vers la folie, en réchauffant leurs solitudes par quelques étreintes ou par quelques coups de fouet.
Des échantillons à poil certes, des va-nu-pieds mais qui ont la consistance de nous parler de nos pauvres corps exposés à la maladie, la vieillesse, la dépression, la mort… Cela est si peu gai que cela en devient risible.
Cette désespérance comique, les comédiens l’expriment à fond, et l’on en arrive à se demander si tous ces personnages qui n’ont rien à perdre – sinon en ce qui concerne Estragon et Vladimir attendre Godot – se prennent vraiment au sérieux. De la vie à la comédie, il n’y a qu’un pas. La comédie que se jouent ces personnages leur est inspirée par les tracas de leur condition, par leur sentiment de tourner à rond, comme des ânes.
Il y a ce moment irrésistible où Pozzo qui tient en laisse Lucky lui ordonne de penser. Comme si l’on pouvait ordonner à quelqu’un de penser ! A travers cet ordre infâme résonne déjà toute la folie humaine !
Guillaume van’t Hoff est prodigieux en Lucky atteint de logorrhée. Philippe CATOIRE et Dominique RATONNAT, respectivement Estragon et Vladimir, à la fois drôles et touchants, par certains aspects rappellent Laurel et Hardy, Jean-Jacques NERVEST est un imposant et inquiétant POZZO. Il y a aussi cette jolie idée de faire jouer le petit garçon par une marionnette très expressive.
Voilà un « En attendant Godot » où l’on ne s’ennuie pas une seconde, heureux de constater que décidément la pièce n’a pas vieilli, n’a pas eu le temps de vieillir. C’est tant mieux pour cette excellente équipe que nous avions déjà appréciée dans « Fin de partie » et que nous applaudissons de plus belle !
N.B Eliane Le Van Kiem et Claude Zaretti étaient les invités de l’émission DEUX SOUS DE SCENE sur RADIO LIBERTAIRE 89.4 , le Samedi 15 Juin 2019, en première partie.
C’est tout de même loin Saïgon de Paris, plus de 10000 Km à vol d’oiseau entre les deux villes. Si une histoire commune à Saïgon ( aujourd’hui Hô-Chi-Minh-Ville) et à Paris pouvait être racontée, elle trouverait sa source dans la mémoire de quelques vietnamiens déracinés amenés à quitter leur terre natale sans jamais pouvoir y revenir.
A une époque où les individus privilégient toutes ces informations qui leur sautent au visage grâce à leur portable et les réseaux sociaux, nous voudrions faire l’éloge de la lenteur, du silence, de l’émotion retenue, de cela qui ne vous éblouira pas, qui définit l’intériorité de quelques êtres, parle de destinée, un grand mot certes, mais qui a tout de même du sens.
En nous racontant l’histoire de son père Louis, Eliane Le Van Kiem recouvre son intimité et la sienne propre grâce à la musique et le chant, et justes sont ces chemins qui permettent d’appréhender la présence d’un homme en évoquant ce qu’il aime, avec pudeur, sans le sortir de l’ombre qu’il a toujours souhaitée.
Son père avait le Vietnam dans la peau, l’écorce de son enfance et adolescence. Arrivé en France en 1947 pour faire ses études, il s’est intégré professionnellement et a épousé une Française. Mais sa vie durant, il a porté en lui comme un lourd secret, la nostalgie de son pays.
Lumineuse et poète, Eliane Le Van Kiem, fait penser à un Petit Poucet adulte, émerveillé par tout ce qui peut lui servir à se rapprocher de ce père trop silencieux.
Le spectacle parlé, chanté, est à la fois ludique et bouleversant. Il dégage un charme audacieux, celui de la force des sentiments qui abolit toute frontière.
Auteur-compositeur et interprète, Irat Haddad est né en 1968 à Tizi Ouzou. C’est dans la capitale de la Région de Kabylie « Fief de l’évolution » que s’exprimèrent, un certain 20 avril 1980, les revendications en faveur de l’autodétermination du peuple berbère qui aboutirent, en 1985, à la création de la Ligue Algérienne des Droits de l’Homme. Cet événement aura coûté la prison à tous les responsables de cet organisme.
IRAT chante depuis 1990 et s’établit en 2001 dans notre pays pour, dit-il, « avoir la possibilité d’interpréter toutes mes chansons… sans exception ». Cependant il retourne régulièrement sur sa terre natale retrouver famille et amis. Et participer à plusieurs émissions sur les radios et télévisions nationales.
IRAT puise son inspiration dans le patrimoine musical berbère traditionnel pour composer et écrire avec une sensibilité d’aujourd’hui. Auteur de plus de 200 chansons, il revendique l’influence de prestigieux aînés : Djamel Allam, Idir, Ferhat (Imazighen Imula) et leurs illustres devanciers Slimane Azem ou Cheikh El Hasnaoui.
Quant aux arrangements, le compositeur imagine tout d’abord le rôle de chaque instrument – flûte, percussions traditionnelles – et y ajoute batterie, piano ou guitare pour orienter son travail de création vers la modernité.
La thématique des chansons, quelques exemples :
IRAT, comme auteur, aborde dans son oeuvre diverses thématiques que l’on retrouve, nouvellement déclinées, parmi les titres récemment enregistrés.
Une réflexion sur des questions de société
Les droits de la femme : Yellis n’ Tmurt (Les filles de mon pays).
L’identité berbère : Adrar (Montagne).
La désillusion de certains compatriotes après leur fuite vers l’Occident : Zin L Paris (Beauté de l’Occident).
Le désespoir de la jeunesse de Kabylie qui la pousse à « vivre à côté de la vraie vie » : Eadith (Allez -y, passez). En résumé : « Quand on vit dans la politique du mensonge, celui-ci peut parfois rejaillir sur l’individu ».
Les amours contrariées par la rigidité des codes sociaux-culturels importés depuis quatorze siècles au sein d’une société pré-hellénistique avant tout laïque : Anfiyi Ruh (Laisse moi et pars).
L’hommage à la mère disparue : Yemma (Mère).
Enfin, voici – traduit par son auteur – un extrait de la chanson La canne de protection qui sera créée à la librairie Publico, lors du concert du 20 avril 2019 :
Chaque colline attend l’espoir
D’où qu’il vienne.
La peur a grillé les coeurs
En l’absence de fraternité
Et à cause de l’égoïsme
Installé dans les esprits.
Si les peuples se lèvent
Comme un seul homme,
Alors Vendredi deviendra Dimanche…
IRAT et HILLAL (à la guitare Godin, avis aux connaisseurs) furent tous deux très remarqués, le 6 octobre dernier ici-même, pour leur participation au spectacle poétique conçu autour du poète kabyle francophone Abder Zegout qui eut l’idée de les inviter. Ce tandem nous revient pour un concert où seront créés plusieurs titres portant l’empreinte du folk.
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Comment les hommes parlent-ils des femmes lorsqu’ils sont seuls ? Les fantasmes ont la vie dure et nous aurons beau récurer les casseroles, ne nous attendons pas à faire de grandes découvertes sur leurs sentiments, même déguisé en petite souris.
Dans le Jeu de la vérité de Philippe LELLOUCHE, mis en scène par Marion SARRAUT, il faut reconnaître que les mâles en prennent vraiment pour leur grade mais nous devinons et c’est l’intérêt de cette comédie que derrière les lourdes vannes qu’ils s’échangent, sourd une réelle pudeur, un certain effroi vis-à-vis de la femme idéalisée, inaccessible.
Trois amis quinquagénaires, un célibataire, un divorcé et un époux rangé vont vivre un fantasme des plus excitants, celui des retrouvailles avec une femme idéale, celle dont ils ont tous été amoureux au lycée ou à l’université, une trentaine d’années auparavant.
Iront-ils au bout de leur surprise ? Le couvercle de la casserole en train de bouillir se soulève, glisse de côté et tous le rattrapent à tour de rôle, brûlant, avant de le reposer.
Voici imagé le jeu de la vérité consistant à poser les questions les plus embarrassantes à ses partenaires qui s’engagent à y répondre sans faux fuyants.
A condition de n’être pas allergique aux horrifiques vannes des trois compères, à moins d’être insensible au charme féminin, comment ne pas succomber à celui de cette femme idéale incarnée avec grâce et subtilité par Mélanie PAGE.
Au demeurant, un grain de folie, celui d’une histoire d’amitié entre trois hommes, celui d’un amour impossible pour une femme trop belle, purifie l’atmosphère.
Vincent LAGAF’ est étonnant en célibataire en quête d’âme sœur, Christian VADIM très attachant en divorcé paumé et David BRECOURT, mi-figue, mi-raisin dans ce rôle ingrat d’époux fonctionnaire, tient parfaitement la chandelle.
La vérité grésille au coin du feu. » Louve y es-tu ? » s’inquiètent trois hommes qui guettent son apparition. Gageons que le public partagera leur émotion !
Du 2 au 6 avril 2019 : Le Théâtre du Nord, Centre dramatique nationale Lille-Tourcoing (59) •
Le 16 et 17 mai 2019 : Théâtre du fil de l’eau, Pantin (75), dans le cadre de la Biennale internationale des arts de la marionnette de Paris •
Entre le 20 et le 29 septembre 2019 : La compagnie sera le fil rouge du Festival Mondial des Théâtres de Marionnettes, Charleville-Mézières (08) •
Fin 2019 : Le Boulon – Centre nationale des arts de la rue et de l’espace public de Vieux-Condé (59), en partenariat avec Le Phénix – Scène nationale Valenciennes • Début décembre 2019 : EPCC la Barcarolle – Spectacle vivant Audomarois (62), Le Palais du Littoral à Grande-Synthe (59)
Distribution
Mise en scène | Scénographie Claire Dancoisne
Adaptation Francis Peduzzi
Assistante à la mise en scène Rita Tchenko
Avec Jaï Cassart, Manuel Chemla, Anne Conti, Thomas Dubois, Hugues Duchêne, Gaëlle Fraysse, Gwenael Przydatek, Rita Tchenko
Création musicale Bruno Soulier
Création lumières Emmanuel Robert
Collaboration artistique Hervé Gary
Création des marionnettes Pierre Dupont
Création costumes Claire Dancoisne, Chicken, Jeanne Smith, Perrine Wanegue
Constructions Bertrand Boulanger, Chicken, Grégoire Chombard, Alex Herman, Olivier Sion
Régie générale et lumières Vincent Maire
Régie son François-Xavier Robert
Régie plateau Hélène Becquet
Ce qui crève les yeux, la misère, la douleur, la méchanceté ou l’amour, Victor Hugo l’a exploré tout au long de ses œuvres romanesques, théâtrales et poétiques. L’émotion a toujours guidé sa plume, elle est vitale,débordante, primaire. Pour la représenter, on peut la raccorder à cette grande vague d’Hokusai, saisie dans l’instant ou l’éternité.
L’onde de choc toujours qui stimule l’imagination, transfigure le blafard, illumine l’inerte, choque la raison, est manifeste dans l’Homme qui rit, écrit en deux années de 1866 à 1868, un roman baroque, philosophique, politique, poétique qui met en scène un personnage embrassant tous les malheurs du monde.
Il s’agit de Gwynplaine, abandonné par sa famille noble, défiguré par des comprachicos (voleurs d’enfants), sauveur d’un bébé orphelin et aveugle, Déa, recueilli par un vagabond libertaire Ursus. Devenu Lord, Gwynplaine a toute légitimité pour prendre la parole au nom de la misère et dénoncer la décadence de l’aristocratie en Angleterre, au 18ème siècle, sous le royaume de la reine Anne, représentée notamment par les personnages de Josiane et de Barkilfedro.
Cette trame complètement romanesque, invraisemblable, devient le levier des considérations philosophiques et politiques heureusement relevées par l’inspiration poétique, visionnaire de Hugo.
Dans le spectacle qui réunit deux marionnettes celle de Gwynplaine et de Déa et plusieurs comédiens, la metteure en scène Claire Dancoisne s’est visiblement imprégnée de la charge éruptive et baroque du verbe hugolien avec son propre imaginaire où se mêle sa fascination pour les créatures qu’elles soient objets, humaines ou marionnettes.
L’étoffe du merveilleux est un tissu ardent mais arrache-t-on son voile à une montagne, il faut laisser faire les nuages ou le soleil ou la neige pour comprendre que même une montagne, semble -t-il, immobile, n’est jamais tout à fait la même à nos yeux.
Mais en vérité pour parler d’une même chose, nous nous référons toujours à une première impression. D’où un décalage fortuit qui freinera nos perceptions futures. L’humain est ainsi, il s’immobilise pour ne pas être appelé par le vertige ou la grande vague. C’est toujours l’histoire d’un fétu de paille ébloui par des forces cosmiques qui le dépassent :
« Avoir sur soi l’infini comme un cachot, avoir autour de soi l’immense évasion des souffles et des ondes, et être saisi, garroté, paralysé, cet accablement stupéfie et indigne …On se sent jouet. Jouet quel mot indigne ! »
« L’âme de l’homme redoute cette confrontation avec l’âme de la nature »
Cette attraction pour le mystère qui découle des éléments de la nature est d’ordre animiste. C’est la souffle, l’intention qui prédomine. A ce stade dans son lyrisme, le poète Hugo fait figure de celui qui entend abolir toutes les frontières entre l’inanimé et l’animé puisque le souffle, l‘anima touche toutes les créatures.
Photo Christophe Loiseau
Les personnages s’affirment en tant que créatures. Ils se délogent de leurs cadres, ils entrent en scène. Ils déboulent d’une galerie de caricatures car c’est leur expression qui importe, il s’agit d’être vu, montrer, être montré, d’annoncer ses goûts et ses couleurs et surtout ses sentiments comme dans un bal masqué.
Photo Christophe Loiseau
Les monstres ne sont pas ceux que nous croyons. Après avoir parlé avec la metteure en scène, une évidence s’est imposée, le moins monstre de tous les personnages, c’est L’homme qui rit, Gwynplaine représenté par une marionnette, la créature la plus humaine de tout le spectacle.
Le spectacle essentiellement visuel nous offre des tableaux sublimes avec une sobriété de décors indiscutable. Quelle magnifique scène que celle de la tempête où l’on voit juste des silhouettes accrochées à des planches qui se déhanchent sous les vagues.
La scène finale où Gwynplaine devenu Lord prend la parole et devient la risée de la chambre des lords et de la reine est fabuleuse.
Il semble que Victor Hugo quasiment submergé par sa vision de L’hommequi rit n’ait pas réussi à le faire descendre sur terre sans doute parce que voulant représenter la misère, il savait qu’elle n’avait pas sa place dans l’arène politique. Gwynplaine est un personnage fantastique, une sorte de Frankenstein, il est seul. Qui invitera de nos jours un SDF à la tribune du parlement ou du sénat ?
Gwynplaine fait partie du quart monde. Enfant issu d’une famille noble, abandonné, devenu monstre de foire après subi la défiguration de son visage, élevé par un forain sans toit ni loi, il cumule tous les attributs d’une destinée tragique et marginale.
Tel quel, absolument romanesque, il peut continuer à hanter les esprits. D’ailleurs, derrière l’épouvantail, se dresse la silhouette de Victor Hugo, c’est son propre discours politique qu’il prête à L’Homme qui rit, et la risée que subit le personnage, Victor Hugo l’a lui-même éprouvée.
Derrière L’homme qui rit, il y a l’homme blessé dans sa propre représentation, le mystère propre à Hugo, grand bourgeois, bouleversé par le spectacle de la misère. Il eut pu dire « L’homme qui rit, c’est moi »
Photo Christophe Loiseau
Impressionnant par la beauté de ses tableaux tous inspirés par les descriptions effarantes de Hugo, l’inquiétante étrangeté des créatures monstrueuses et comiques, mouvementée par une musique très éclectique, le spectacle de Claire Dancoisne et de toute son équipe, constitue une magnifique récréation de L’homme qui rit magnifié par une marionnette tragiquement humaine.