ET MA CENDRE SERA PLUS CHAUDE QUE LEUR VIE D’APRÈS LES CARNETS DE NOTES DE MARINA TSVETAEVA AU THEATRE DU LUCERNAIRE – 53 Rue Notre-Dame des Champs 75006 PARIS – 1H15 / DU 13 FÉVRIER AU 6 AVRIL 2019 DU MARDI AU SAMEDI À 21H –

D’APRÈS LES CARNETS DE NOTES DE MARINA TSVETAEVA
ADAPTÉ DU RECUEIL VIVRE DANS LE FEU PRÉSENTÉ PAR TZVETAN TODOROV
TRADUCTION NADINE DUBOURVIEUX © ÉDITIONS ROBERT LAFFONT
MISE EN SCÈNE MARIE MONTEGANI
AVEC
CLARA PONSOT
IMAGES EXTRAITES DE JAMAIS LA MER SE RETIRE DE ANGE LECCIA
LUMIÈRE-VIDÉO : NICOLAS SIMONIN
SON : M A R I A N N E P I E R R É
PRODUCTION : CIE LES BACCHANTES
CORÉALISATION : THÉÂTRE LUCERNAIRE, LIEU PARTENAIRE DE LA SAISON ÉGALITÉ 3 INITIÉE PAR HF ÎLE-DE-FRANCE

Marina TSVETAEVA (1892-1941) est aujourd’hui reconnue comme l’une des plus grandes poétesses russes.

 La force des carnets de notes de Marie TSVETAEVA est de s’enraciner dans la source la plus intime de la pensée, celle qui prend souche au ras du sol, juste la peau d’une page de papier. Combien d’anonymes se sont un jour épanchés sur un cahier pour témoigner de leur désespoir, leurs angoisses, leurs rêves confus. Marie TSVETAEVA le dit, elle écrit pour toutes ces femmes qui se sont tues. A travers sa voix, ce sont des milliers d’êtres anonymes contraints au silence, à l’exclusion que nous entendons.

 A-t-on le droit d’être poète dans une vie marquée par la misère, les bouleversements politiques, la révolution d’Octobre, les exils, la dictature stalinienne ? Marina TSEVETAEVA revendiquait ce droit, celui de ne pas savoir ce qu’était un kolkhoze « Si les masses sont en droit de s’affirmer, pourquoi les individus ne le seraient-ils pas . » 

 Lucide sur elle-même, Marie TSEVETAEVA disait « Un poète n’est dangereux que lorsqu’il n’écrit pas ». La poésie serait le bastion de défense d’une âme écorchée vive qui ne peut vivre qu’en rêve.

 Marie TSEVETAEVA marche sur des charbons ardents, non par masochisme, mais pour subvenir à sa nature ardente, exprimer sa révolte, son indignation, son effarement et un immense sentiment de solitude face aux épreuves, la mort de sa fille cadette Irina, morte de faim, l’exil, l’arrestation de sa fille Alia et de son mari Sergueï Efron, fusillé deux semaines avant son suicide le 31 Août 1941.

 Ces lettres à Boris Pasternak, Rilke et à d’autres amis amants, résonnent aussi comme des charbons ardents, elle écrit à l’un d’eux « Je suis déjà toute en vous au point de ne plus avoir ni yeux, ni lèvres ni mains rien que le souffle et le battement du cœur ».

 La voilà qui témoigne d’une certaine façon, le poing levé, qu’elle n’était pas faite pour ce monde, et curieusement sa voix rejoint celle de Léo FERRE lorsqu’il s’exclame « Poètes, vos papiers ! ».

La mise en scène de Marie MONTEGANI met en valeur la présence magnétique de Clara PONSOT. D’une voix ferme et passionnée, elle traverse nos chairs, elle a pour horizon le soleil, celui qui laisse bouillonner les larmes autour du rocher, elle incarne une poétesse à pieds nus, désespérément humaine !

 Paris, le 27 Février 2019

 Evelyne Trân

Edna délinquante de Martine Pouchain – Spectacle tout public (à partir de 11 ans), bilingue en Français et Langue des signes – Mise en scène : Annie Mako – A LA MANUFACTURE DES ABESSES 7 Rue Véron 75018 PARIS – Du 20 février au 23 mars 2019. Les mercredis, jeudis, vendredis et samedis à 19h.

  • Auteure: Martine Pouchain

  • Mise en scène: Annie Mako

  • Avec: Cécile Morelle, Julia Pelhate

  •  La pièce Edna délinquante, adaptée du roman pour la jeunesse de Martine POUCHAIN « Délinquante » donne la parole à une jeune fille Edna qui se remémore l’époque où en pleine crise d’adolescence, pour se distinguer auprès de ses potes, elle commettait des vols dans les magasins surtout pour le plaisir de la transgression, celui de ne pas se faire prendre « Une sensation de puissance m’envahissait, je me sentais comme un chat dans le soleil ».

     Mais un jour, heureusement pour elle, elle finit par se faire prendre et réaliser que son comportement était de nature à mettre en danger sa relation de confiance avec son père, un homme intègre qui aurait été bouleversé s’il avait appris la conduite de sa fille. La réaction positive de sa belle-mère lui permettra de mettre fin à son addiction au vol.

     Qui n’a pas volé un jour ? La question peut faire sourire un bon nombre d’adultes qui se souviennent avoir chipé occasionnellement soit un disque, soit un bouquin, soit du rouge à lèvres au cours de leur jeunesse. Chez Edna, le plaisir et l’obsession du vol révèle un trouble affectif, un manque de confiance en elle qu’elle compense en devenant une sorte d’héroïne, seule contre tous.

     Pour traiter ce sujet complexe sous l’angle de la sensibilité frémissante d’Edna, plutôt que sous celui de la morale rigide, Annie MAKO, directrice artistique de la Compagnie de théâtre gestuel CLAMEUR PUBLIC, a fait appel à deux interprètes, l’une s’exprimant en français et l’autre en langue des signes qui incarnent en miroir le personnage d’Edna.

     Il importe de souligner que l’interprète en langue des signes Julia PELHATE joue véritablement. Son rôle n’est pas celui d’une traductrice à l’intention d’un public de personnes sourdes ou malentendantes.

     La perception du public entendant, sourd et malentendant s’enrichit de cette sensation d’assister à un spectacle bilingue où les deux comédiennes réunies par la même intention se renvoient la balle dans l’espace pour faire rebondir le personnage d’Edna sous ses différents angles, intérieurs ou démonstratifs.

     Nous pourrions parler de mise en abyme bien que l’expression soit galvaudée et dénote dans ce spectacle épuré, mais c’est pour témoigner d’un petit vertige d’interprétation qui remet en question nos perceptions figées malgré soi par les consensus, les injonctions sociales morales ou religieuses, par rapport au thème du vol – un acte parait-il assez banal commis par les adolescents – et nous ouvre l’accès à une langue universelle, celle des signes qui sans avoir l’abondance du vocabulaire français, est d’une richesse visuelle expressive sans égale.

     Nous recommandons vivement ce spectacle d’une grande délicatesse, interprété par un duo de comédiennes talentueuses Cécile MORELLE, Julia PELHATE. Les yeux et les oreilles s’ouvrent simultanément ravies de communiquer sur les mêmes ondes, celles de la poésie, du partage des sensations. Ne soyons plus jaloux des oiseaux, nous avons nos propres ailes, il suffit de les faire battre, nous suggère si subtilement cette Edna délinquante !

     Paris, le 25 Février 2019

    Evelyne Trân

Breaking the Waves – Adapté d’après le scénario de Lars von Trier, David Pirie et Peter Asmussen et le film de Lars von Trier – Mise en scène et adaptation Myriam Muller – CREATION en langue française – AU GRAND THEATRE DE LA VILLE DE LUXEMBOURG – LE 1er Février 2019 – du mer. 27/02/19 au sam. 02/03/19 au Théâtre de Liège, Centre Scénique de la Fédération Wallonie-Bruxelles

Tournée :

Saint-Etienne du jeudi 14 Mars au vendredi 15 Mars 2019

Rouen du  du jeudi 21 Mars au Vendredi 22 Mars 2019

Avec Louis Bonnet, Mathieu Besnard, Olivier Foubert, Brice Montagne, Valéry Plancke, Clotilde Ramondou, Brigitte Urhausen, Jules Werner, Chloé Winkel

Mise en scène Myriam Muller
Assistants à la mise en scène Antoine Colla & Sally Merres
Scénographie & costumes Christian Klein
Création lumières Renaud Ceulemans
Lumière Steve Demuth
Création sonore
Bernard Valléry
Son Patrick Floener
Vidéo
Emeric Adrian
Cadre Sven Ulmerich

Adaptation théâtrale Vivian Nielsen
Traduit de l’anglais par Dominique Hollier
Dominique Hollier est représentée par l’Agence MCR. 
Présenté en accord avec Nordiska ApS, Copenhague
Relecture de la traduction
Marianne Segol
Presse française La Strada et Compagnies

Construction du décor Atelier des Théâtres de la Ville
Peintures Noémie Toudoux, Tiziana Raffaelli
Habillage Manuela Giacometti
Maquillage Claudine Moureaud
Accessoires Marko Mladjenovic

Préparation & régie des surtitres Claire Northey, Lydie Pravikoff, Richard Neel

 

Il n’est pas nécessaire d’avoir vu le film de Lars Von Trier « Breaking the waves » qui date de 1996 et reçut le grand prix du Jury au festival de Cannes pour être interpellé par la proposition  théâtrale de Myriam MULLER. En l’occurrence, la comparaison entre le film et la pièce tirée du scénario nous amènerait à superposer une perception cinématographique à une perception théâtrale, ce qui n’est évidemment pas l’objet de la mise en scène de Myriam MULLER.

 Myriam MULLER s’attache essentiellement à l’intrigue du scénario, spectaculaire du point de vue émotionnel. En résumé, la pièce raconte la vie d’une femme « atteinte d’une maladie rare et grave, la bonté ». Cette bonté, elle trouvera l’occasion de l’exprimer contrairement à la morale et au rigorisme de la communauté religieuse de son berceau. Par amour pour son époux, un étranger, devenu tétraplégique, elle acceptera de se donner à d’autres hommes de façon à convaincre son mari qu’il peut continuer à vivre à travers elle.

 Le contexte est celui du mélodrame plutôt brut. La difficulté ou l’intérêt est d’en dégager les archétypes irrationnels.

Dans sa note d’intention Myriam MULLER l’énonce d’ailleurs clairement « La mise en scène devrait exprimer des sentiments forts et bruts, sans se soucier d’aucune logique et d’aucune loi ».

 Myriam MULLER et l’équipe théâtrale font donc confiance au charisme de leurs propres émotions pour porter sur scène une histoire incroyable, voire choquante d’une femme sous l’emprise de la bonté, une bonté perçue comme diabolique par sa confrérie.

 La mise en scène nous fait penser à une peinture expressionniste avec ses couches de pinceau sombre soulignant la terrible  pression religieuse, et les percées de lumière, ses gouttes de transpiration, à travers le seul corps d’une femme, son corps est un cri !

 Les esprits cartésiens se cabreront volontiers. A vrai dire, nous ne pensons pas que l’intention de Myriam MULLER soit de produire du spectaculaire scandaleux. Sa démarche est d’explorer les aspects considérés comme subversifs de la nature humaine. La bonté, ce n’est par normal dans un monde de brutes et le parcours de don de soi de Bess remet en question des valeurs féministes. Quant au miracle peut-il avoir une autre résonance que religieuse ?

 Au-delà de sa forme, le spectacle sur le fond suscite bien des questions. C’est tout le mérite et la force de ce « Breaking the waves » – Briser les vagues – . Un exercice accompli par une belle équipe théâtrale en osmose avec l’interprète principale Chloé WINKEL dont la performance nous laisse pantois !

Paris, le 19 Février 2019

Evelyne Trân

LE PARADOXE DES JUMEAUX – LA VIE PASSIONNEE DE MARIE CURIE – De Jean-Louis Bauer et Élisabeth Bouchaud – FESTIVAL OFF AVIGNON – du 5 au 26 juillet à 16h45 à Avignon-Reine Blanche 16 Rue De La Grande Fusterie 84000 –

MISE EN SCÈNE=Bernadette Le Saché

Illustration de Clément Vuillier

Marie Curie

AVEC : Claire Aveline, Élisabeth Bouchaud et Karim Kadjar

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LE PARADOXE DES JUMEAUX – LA VIE PASSIONNEE DE MARIE CURIE – De Jean-Louis Bauer et Élisabeth Bouchaud au THEATRE DE LA REINE BLANCHE – 2 Bis Passage Ruelle 75018 PARIS – du 25 Janvier au 3 Mars 2019 – Du Mercredi au samedi à 20 H 45 et les dimanches à 15 H –

MISE EN SCÈNE=Bernadette Le Saché

Illustration de Clément Vuillier

AVEC :Sabine Haudepin, Élisabeth Bouchaud et Karim Kadjar

DÉCORS : Juliette Azémar.

CONSTRUCTION DÉCORS :Félix Baratin

PEINTURE :Lisa Favreau et Juliette Azémar

TEXTILES : Adèle Arnaud

COSTUMES : Karen Serreau

CRÉATION SONORE : Stéphanie Gibert

CRÉATION LUMIÈRE : Paul Hourlier

 « Le paradoxe des jumeaux » le titre de la pièce de Jean-Louis BAUER et Elisabeth BOUCHAUD est une véritable énigme. Il importe de lui conserver son mystère car il infuse tout son charme à un fait divers qui a fait scandale à l’époque où Marie Curie se préparait à recevoir son 2ème prix Nobel.

 Jusqu’à sa mort et bien au-delà, Marie Curie a toujours été associée à son mari Pierre Curie. Dès lors, la liaison amoureuse qu’elle eut avec Paul Langevin, un ancien élève de de Pierre Curie, fait tache et ternit le tableau de la veuve austère ne vivant qu’à travers l’aura de son illustre époux.

 Il fallait rendre justice à Marie Curie, bousculer quelque peu son image officielle pour humaniser cette personnalité hors du commun.

 Marie Curie était veuve depuis 5 ans lorsqu’elle entama sa brève liaison avec Paul Langevin, juste un éclair de passion, un mirage « radioactif » dont la révélation dans des journaux de scandales ébranla cette nature fière et passionnée. Elle fut trainée dans la boue, elle était devenue « L’Etrangère » qu’il fallait expulser.

 La pièce qui relate donc ce fait divers sentimental et scandaleux s’appuie essentiellement sur les personnalités de Marie Curie, sa sœur Bronia et Paul Langevin.

 La couleur dramatique revient à Marie Curie incarnée de façon bouleversante par Elisabeth BOUCHAUD et à Bronia sa sœur, interprétée si justement par Sabine HAUDEPIN. Karim KADJAR quant à lui donne un caractère très enjoué au personnage de Paul Langevin, un savant aussi bien allumé par ses sens que par ses futures découvertes.

 Pas  question de sombrer dans le pathétisme, avec le recul cette histoire d’amour entre deux savants n’a pas de quoi défrayer les chroniques. Comment expliquer à un enfant d’aujourd’hui qu’au début du siècle dernier l’adultère était un crime, le divorce très rare et surtout que les femmes devaient toujours rester à l’ombre de leurs maris et se consacrer au foyer.

 Marie Curie fut l’exception qui confirme la règle et cette pièce rappelle avec quel cran, elle assuma sa vie de femme libre et sur tous les plans, aussi bien professionnel qu’affectif.

 Jeux de l’amour et de la science ! Avec brio, la plume des deux auteurs fait touche sur la belle effervescence qui s’empare des deux savants à l’assaut de grandes découvertes. Que leur passion pour la science les réunisse corps et âme, cela n’a rien d’étonnant.

 La théorie de la relativité telle qu’elle est présentée par Paul Langevin dans cette pièce, fait tout simplement rêver !

 La mise en scène très souple de Bernadette LE SACHE favorise cette impression d’éclair fusionnel entre deux amoureux de la science, un éclair expressif qui embellit, humanise ces deux visages de femmes si bien incarnés par Elisabeth  BOUCHAUD et Sabine HAUDEPIN, sans oublier ce coquin de Paul Langevin interprété par Karim KADJAR.

 Un spectacle en guise de cocktail sentimental et scientifique délicieusement dosé !

 Paris le 18 Février 2019

 Evelyne Trân

 

 

 

 

LA MÉNAGERIE DE VERRE de Tennessee Williams – Mise en scène Éric Cénat – Du 21 janvier au 8 février 2019 au Théâtre de l’Épée de Bois, Paris 12e –  Jeudi 28 février 2019 – La Pléïade à La Riche (37) à 20h30 –

Tournée

 Jeudi 28 février 2019 | La Pléïade à La Riche (37) à 20h30

Samedi 2 mars 2019 | Les Prairiales à Épernon (28) à 20h30

Jeudi 4 avril 2019 | Espace George Sand à Chécy (45) à 20h30

Vendredi 15 novembre 2019 | Théâtre du Puits Manu à Beaugency (45) à 20h30

Texte Tennessee Williams Les ayants droit de l’Auteur sont représentés dans les pays francophones européens par Renauld & Richardson, Paris (info@paris-mcr.com), en accord avec l’Agence Casorotto Ramsey Ldt, London. Traduction Isabelle Famchon La traductrice est représentée dans le monde entier par Renauld & Richardson. Mise en scène Éric Cénat Assistant Mathieu Barché

 Interprétation Charles Leplomb – Tom Wingfield

Laura Segré – Laura Wingfield

Claire Vidoni – Amanda Wingfield

Augustin Passard – Jim O’Connor

Scénographie et costumes Charlotte Villermet

Création lumière Vincent Mongourdin

 Univers sonore Christophe Séchet

Construction décor Jean-Paul Dewynter

Coiffure Catherine Nicolas

Graphisme Pia Lalloz

Régie générale Stéphane Liger

 

L’étouffement familial est un thème cher à Tennessee Williams qui le poursuivra toute sa vie.

 Dans la « Ménagerie de verre », le narrateur se souvient de son adolescence meurtrie par un environnement familial douloureux marqué par l’absence du père qui a fui, la personnalité étouffante de la mère et la fragilité de sa sœur boiteuse.

 La pièce écrite en 1944, largement autobiographique, rendit célèbre Tennessee Williams. Elle a pour cadre la ville de Saint Louis dans le Mississipi.

 Tom, le personnage principal se présente tout d’abord comme le récitant de la pièce, celui qui va revivre par le prisme de ses propres souvenirs, une page cruciale de sa vie avec sa sœur et sa mère.

 Tennessee Williams disait de cette pièce qu’elle était purement sentimentale. Ce qui frappe c’est le réalisme des dialogues où il est possible de percevoir à travers l’apparence parfois anodine des propos, les tensions, les fractures et les non-dits des personnages.

 La mise en scène d’Éric CENAT donne à penser d’emblée que nous nous trouvons devant une petite ruche d’abeilles avec un premier voile qui se dresse devant le salon familial. La mère voudrait manifestement jouer le rôle de la reine des abeilles mais elle n’a d’empire que sur sa fille car le fils menace sans arrêt de partir.

Une sorte de banderole en guise d’ironie suprême flotte dans l’air, ce sont les derniers mots du père sur fond de carte postale « Hello, Good bye ».

 La mère Amanda, encore bien pimpante ressasse les fastes de sa jeunesse, la sœur Laura, hypersensible, vit repliée sur elle-même, elle a peur du monde extérieur et a pour seule passion sa collection d’animaux en verre. Le fils désenchanté occupe un emploi sans intérêt et s’évade dans les salles de cinéma.

 Dans ce contexte, le moindre événement peut prendre des proportions démesurées. Ce sera la venue d’un ami de Tom accueilli comme un sauveur par la mère. Ne pourrait-il pas devenir le futur mari de sa fille. Nous apprendrons que Laura en était secrètement amoureuse. Hélas, au moment même où enfin Laura se lâche, s’abandonne à ses sentiments, l’ami gêné lui dévoile qu’il est déjà fiancé.

 C’est à brûle pourpoint que l’auteur s’attache à faire saillir tout ce qui crépite derrière le voile de situations ordinaires et peut conduire à la dépression, à la folie, celle sous-entendue qui menace aussi bien la mère que la fille qui se réfugient dans leur monde imaginaire.

 De ce point de vue, la mise en scène d’Éric CENAT, nous parait parfaitement cohérente, elle se déploie de façon mesurée, attentive à l’objectif de l’auteur préconisant que dans cette pièce « l‘action n’est qu’un souvenir et n’a pour conséquent rien de réel ».

 Tout est question d’interprétation en fin de compte. Un fait ne signifie rien en lui-même, tout dépend de sa perception. Tennessee Williams observe des âmes inquiètes dont les désirs et les rêves se trouvent en total décalage avec ce que la société peut leur offrir.

 L’auteur scrute ce mal être qui poursuit malgré lui Tom, de façon d’autant plus frappante qu’il n’élève pas la voix, il choisit le filtre de la mémoire parce qu’elle seule peut rendre compte rétrospectivement des effets ravageurs d’événements dont on ne mesure pas sur l’instant l’importance.

 S’il n’est pas possible de revenir sur sa vie passée en se disant « je jouerais ma vie autrement », il est possible de revisiter le palimpseste de certains traumatismes. Ecrivain engagé, Tennessee Williams promulgue le vœu d’élever la perception humaine en donnant la voix aux personnes fragiles, écrasées et sacrifiées par la parole dominante et la violence du monde qu’il dénonce.

 Nous avons été sensibles à l’interprétation sobre et nuancée de Laura SEGRE incarnant Laura Wingfield.  Charles LEPLOMB met l’accent sur la fragilité de Tom Wingfield. Augustin PASSARD relève le côté extérieur et flambant de l’ami commis d’office au rôle de loup dans la bergerie. Quant à Claire VIDONI, elle excelle dans ce rôle de mère pathétiquement borderline mais pleine de flamme.

 Sur cette toile qui verra déboutés inexorablement les rêves d’une sœur et d’une mère, le metteur en scène a choisi de ne privilégier aucun angle. La véritable perspective tient au regard, la perception de Tom, qui ne se met à la place d’aucun personnage mais continue à les observer du haut de sa distance tragique. Il a fui, il ne peut plus revenir, c’est un homme hanté, damné en quelque sorte.

 La mise en scène d’Eric CENAT permet d’appréhender toute la densité de cette pièce avec sobriété, avec douceur, une vraie marque de délicatesse, celle qui perce sous la plume de Tennessee Williams.  

 Paris, le 17 Février 2019

 Evelyne Trân

MATIN ET SOIR d’après Jon Fosse, mise en scène Antoine Caubet – Au théâtre de l’Aquarium à la Cartoucherie de Vincennes Route du champ de manœuvre 75012 Paris / 01 43 74 72 74 du 5 au 24 février 2019 – Du mardi au samedi à 20h – le dimanche à 16h

traduction de Terje Sinding (Editions Circé)
adaptation, scénographie et mise en scène Antoine Caubet

assistante Marlène Durantau
lumière Antoine Caubet & Romain Le Gall Brachet
son Valérie Bajcsa
costumes Cidalia Dacosta
maquillages & perruque Magali Ohlman
photographie Hervé Bellamy
construction des décors Éric den Hartog et Antonio Rodriguez
régie générale Romain Le Gall Brachet
violoncelle, composition & interprétation Vincent Courtois

avec
Marie Ripoll > Signe, fille de Johannes
Pierre Baux > Johannes
Antoine Caubet > Peter, ami de Johannes

 

Entrer dans l’écriture d’un écrivain voyageur comme on entre dans un tableau tel est l’itinéraire auquel nous convie le spectacle Matin et soir adapté du roman éponyme du dramaturge norvégien  Jon FOSSE, mis en scène par Antoine CAUBET.

 Il s’agit à notre sens essentiellement d’une rêverie poétique qui prolonge une intuition miraculeuse, celle qu’après tout peu de chose sépare l’événement de la naissance de celui de la mort.

 Ce peu de chose, Jon Fosse, l’appréhende avec le personnage de Johannes dont l’esprit flotte porté par une myriade de sensations.   

 Les yeux sont mis clos qui traversent la rive qui mène à la vie ou la mort. Cette rive nous pourrions la nommer rêve, elle est indéfinissable et pourtant fait partie de ce qui surprend le regard de celui qui se réveille un matin avec la sensation d’être neuf, avec juste l’envie de se suspendre au bonheur d’avoir été surpris par le jour.

 Imaginons que le héros du roman se réveille pour entrer dans la mort. Ne serait-il pas un somnambule, pourquoi ferait-il la différence entre la vie et la mort. Ce sont les autres qui parlent de mort.

 Ne sommes-nous pas en train d’assister à une tombée de la nuit. L’expérience est souveraine. C’est qu’elle tombe si lentement la nuit pour qui l’observe passionnément.

 N’a t-elle pas emporté un peu de soi cette tombée de la nuit ?  Un soi nuage qui avancerait aimanté par d’autres nuages ou des êtres qui entendraient se rappeler à notre souvenir, comme par écho.

 Le personnage de Johannes, ce vieux pêcheur, interprété de façon poignante par Pierre BAUX au corps très expressif, éprouve comme venant d’un autre lui-même les pensées qui le traversent. Goutte à goutte de sensations, sorte de journal intime de toute une vie que l’on devine plutôt harmonieuse dominée par un esprit profondément paisible.

 Respirations, hésitations, soupirs, étonnements d’un être porté par une réelle aspiration à la lumière, une sérénité que lui suggère sa soudaine légèreté.

 Matin et soir est une proposition exigeante et sans artifices du metteur en scène où tout ce que secrète l’écriture de Jon Fosse, nous parvient comme un ruissellement magique d’une pensée qui ne fait plus la différence entre le réel et l’imaginaire, entre le passé et le présent, qui s’exprime tout simplement.

 L’ambiance du spectacle incite à la méditation, à la contemplation, comme si nous nous trouvions face à un tableau original, un peu austère dont le personnage principal Johannes avance vers les spectateurs, pour nous conter sa vie, telle qu’elle vibre au son du violoncelle, telle qu’elle transparaît de l’aube au crépuscule.

 Paris, le 14 Février 2019

 Evelyne Trân

SOUDAIN L’ÉTÉ DERNIER de Tennessee WILLIAMS – Mise en scène de Suzana Joaquim Maudslay au THEATRE MONTMARTRE GALABRU – 4 Rue de l’Armée d’Orient ( face au 53 rue Lepic) 75018 Paris – Durée : 1h30 – Dates : du 5 février 2019 au 23 février à 21h30 les mardis, mercredis, samedis.

  • Interprètes : Fred Aklan, Jossia Bédu, Christine Duboux, Jean-Cyrill Durieux, Suzana Joaquim Maudslay, Julien Massetti, Isabelle Vanluyten.

Nous connaissons tous cette expression « La vie ne tient qu’à un fil », nous pourrions dire de même de la vérité.

 La pièce « Soudain l’été dernier » souligne le drame de ces personnes internées dans des asiles psychiatriques par leur famille, de façon totalement abusive et lève le voile sur des sujets particulièrement tabous à son époque – la pièce a été écrite en 1958 – l’homosexualité, la pédophilie et le commerce sexuel.

 Tennessee WILLIAMS donne l’impression de visualiser la toile tissée par une araignée prédatrice autour d’une mouche prête à tomber dans le vide.

 Est-ce parce qu’une mouche est déjà tombée dans le vide et qu’il n’est plus possible de l’interpeller qu’il revient à celle qui a été témoin du drame de le raconter ?

 Qui entendre, qui croire ? Un médecin ambitieux, prêt à expérimenter la lobotomie sur ses patients se trouve confronté aux versions opposées d’une part de la mère, Mrs VENABLE  et d’autre part de la cousine internée en asile, Catherine HOLLY, au sujet d’une personnalité qui vient de mourir dans des circonstances étranges, Sébastien VENABLE, présenté comme un poète chaste et pur par la mère et d’après le récit terrible de la cousine comme un prédateur sexuel.

 Le médecin n’aurait-il pas tout intérêt à entériner les propos de la respectable Mrs VENABLE qui s’indigne de l’opprobre jetée sur son fils par les dires de la cousine, qui ne devraient pas être pris au sérieux puisqu’ils sont entachés par sa folie présumée.

 Nous assistons en quelque sorte à un véritable procès dont l’issue est cruciale puisque faute d’être crue, Catherine HOLLY risque pour le moins d’être enfermée à vie et lobotomisée.

 Contre toute attente, le récit de Catherine sonne vrai. Il n’est pas violent, il est l’expression d’une émotion toujours présente qui rend pleinement compte d’une réalité atroce, indescriptible.

 Du coup, le médecin ne peut se bander les yeux face à ce qu’il ressent comme une tragédie qui touche à ce qu’il y a de plus intime chez un individu, le sexe et la mort.

 L’interprétation de Suzana Joaquim MAUDSLAY, également adaptatrice et metteure en scène nous a paru remarquable. A aucun moment, elle ne joue la folie, ni même la raison,  elle exprime un personnage en prise avec des émotions qui la dépassent, comme si elle avait assisté à un événement surnaturel.

 Jossia BEDU apporte toute sa virulence au personnage de Mrs Venable, la terrible mère, tandis que par contraste  Julien MASSETTI interprète de façon discrète le Docteur Sugar.

 Tout l’art de Tennessee Williams s’exprime dans le fait qu’il n’enfonce jamais les clous, il laisse planer le doute ou le fil, mesurant le tempo de chaque respiration.

 Le spectateur se retrouve au pied du mur face à ce qui échappe à l‘ordinaire, qui est susceptible de bouleverser sa conscience. Aussi rigide et étroit que puisse apparaître le cercle familial de Catherine HOLLY, par la force de sa sensibilité, nous pénétrons dans les limbes de la tragédie qui fait tomber les masques.

 Sobre et concentrée sur le jeu des comédiens, la mise en scène de Suzana Joaquim MAUDSLAY touche au cœur de la trame de cette pièce de façon saisissante. Un spectacle à ne pas manquer !  

 Paris, le 11 Février 2019

 Evelyne Trân

 

Bernard Nadel : l’esprit Brassens par Laurent Gharibian

 

 

Le CD s’intitule « Dans un coin de Paris… ». Une référence toute personnelle à la chanson Le Bistrot (1) qui commence ainsi : « Dans un coin pourri / Du pauvre Paris ». Depuis, le quartier a connu bien des transformations et la clientèle de l’établissement s’est renouvelée. Dans ce texte à l’humour leste, Brassens exprime son dépit de ne pouvoir séduire Georgette, « La bell’ du bistro / La femme à ce gros / Dégueulasse » qui n’était autre que le champion de boxe Yanek Walczak…

Le lieu est devenu mythique (cf. encadré) car Brassens y avait ses habitudes. Parfois, il y écrivait des chansons sur la nappe… C’est ici-même que le présent CD a été enregistré (2). À signaler l’excellente prise de son réalisée, en public, par le très respecté Lionel Risler (Sofreson, Paris). S’accompagnant – de belle manière – à la guitare, Bernard Nadel a invité Pierre Maindive dont la contrebasse créé un climat. « Sa contribution, c’est ma colonne vertébrale. »

Sur les vingt titres que comprend ce premier disque officiel, treize portent la signature de Brassens dont trois, respectivement, sur les poèmes d’Antoine Pol, Pierre de Ronsard et Paul Fort. Bernard Nadel chante Brassens sans jamais en imiter le phrasé et affirme un réel sens du tempo. Voix claire, timbre chaleureux, l’interprète restitue – avec retenue mais suffisamment de présence et de finesse – un univers connu pour les contrastes qui caractérisent autant le développement narratif que la maîtrise du discours mélodique. Pour Brassens, notre homme connaît son affaire : on redécouvre ainsi Celui qui a mal tournéLa Marine, sur le poème de Paul Fort, La fille à cent sousL’Amandier ou Histoire de faussaire. Parmi les plus connues, on appréciera, sans réserve L’OrageJe me suis fait tout petitChanson pour l’AuvergnatOncle ArchibaldLes copains d’abord. Et, d’Antoine Pol, Les Passantes, l’incomparable réussite d’une alliance entre mots et musique : l’un des grands moments de ce disque avec ce Gastibelza pour lequel la postérité a donné raison à François-Louis-Hippolyte Monpou lors-qu’il a passé outre au fameux « Défense de déposer de la musique sur mes vers » que proclama Victor Hugo.

Par ailleurs, Bernard Nadel se montre inspiré lorsque sur Lettre à Cassandre, le poème de Ronsard, il propose la musique que Brassens avait composée pour Les Passantes. Notre homme y ajoutant aujourd’hui le couplet final que voici : « Si pour qu’une rose trépasse/ D’un matin suffirait l’espace/ Qu’enfin chez Malherbe tu vinsses/ Ou Ronsard, ou la jeune marquise / Que Corneille fait bailler et courtise/ En moins de temps passa Brassens ».

L’option se révèle aussi légitime que la musique nouvelle déposée sur les poèmes d’un François Villon (La Ballade des pendus), d’un Verlaine (Les Grotesques) ou d’un Victor Hugo (Chanson de pirates).

Toujours comme mélodiste mais aussi comme auteur, Bernard Nadel, s’inscrit avec naturel dans cet « esprit Brassens » en proposant L’Empoisonneur. Il prolonge le plaisir de l’auditeur lorsqu’il intercale entre deux poèmes chantés (Paul Fort, François Villon) cette rareté qu’est L’amour est passé près de vous dont l’un des deux paroliers n’est autre que Raymond Souplex ! Le concert se clôt sur un sommet de la chanson populaire, fort bien restitué : La Complainte de la Butte. (3).

À la chanson Le Bistrot, Bernard Nadel s’est plu à ajouter en codicille ce qui suit : « Brassens aujourd’hui / C’est l’nom dans Paris / De cett’ place/ Où l’ami Jean-Louis / A gardé en vie / Toutes les traces. » Sur la pochette intérieure du CD, Jean-Louis – fils de Yanek Walczak qui présida aux destinées du lieu – répond ainsi : « C’est dans ce même bistrot, qu’a célébré Brassens dans sa chanson, que Bernard m’a fait le plaisir, un demi-siècle plus tard, de rendre à son tour hommage à Georges… et à mes parents. Merci Bernard ! »

Paris, Théâtre du Gymnase, le 11 avril 2018. Dans ce lieu de 800 places, son directeur a eu l’idée d’accueillir Bernard Nadel dans son spectacle Brassens – avec l’excellent Pierre Maindive à la contrebasse. Sans tambour ni trompette – une seule affiche dans Paris –, le chanteur a fédéré un peu plus de 400 spectateurs dont beaucoup, au moment des rappels, étaient debout. Nous y étions. Résultat : Bernard Nadel a été programmé dans ce même théâtre le samedi 13 octobre 2018.

Laurent Gharibian

Copyright article paru dans www.jechantemagazine.net

Notes

(1) Dans l’édition originale du recueil de chansons paru chez Seghers en juillet 1963, le mot est orthographié « bistro » dans le titre comme dans le texte. Mais le mot « bistrot » figure tel quel sur le 45 tours original 432 514 repris sur le 33 tours 25 cm. N° 7- Philips B 76.488.R. L’enregistrement date du 4 mars 1960.

(2) Le 3 novembre 2013 Chez Walczak (Aux Sportifs Réunis) 75, rue Brancion, Paris 15ème, à deux pas du Parc Georges-Brassens. CD 20 titres. Autoproduit. 58’27.

(3) Pour cette chanson, sa créatrice, Cora Vaucaire, prête sa voix à l’actrice Anna Amendola dans le film French Cancan de Jean Renoir. Le cinéaste a écrit les paroles de La complainte de la Butte, musique éloquente de Georges van Parys. C’est dans la version d’origine que Rufus Wainwright interprète ce grand classique dans la B.O. du film Moulin Rouge de Baz Luhrmann (2001).

Chez Walczak, un lieu mythique

La chanson Le Bistrot est née du dépit de son auteur. En effet, l’ami Georges a longtemps fréquenté un « vieux bouge » auquel une « espèce de fée » avait contribué à donner son éclat. Brassens, comme beaucoup d’habitués, n’était pas insensible au charme de Georgette, la femme du maître de céans. Il la dépeint comme « La bell’ du bistrot » ou « Cette jolie fée / Qui d’un bouge a fait / Un palace ». Mais l’attrait n’est pas réciproque : « Pas né le chanceux / Qui dégel’ra ce / Bloc de glace / Qui fera dans l’ dos / Les cornes à ce gros / Dégueulasse ». À travers le qualificatif qui précède, le boxeur Yanek Walczak, s’est reconnu et a menacé Brassens. Ce dernier, lorsqu’il apercevait le mari, préférait changer de trottoir… Or, quelque temps après la sortie du disque (mars 1960), le vieux bistrot n’allait plus désemplir… C’est ainsi qu’entre les deux gaillards viendra bientôt la réconciliation…

  • Chez Walczak :

75, Rue Brancion, 75015 Paris (01 48 28 61 00).

Un premier CD aujourd’hui collector

À l’occasion des Journées Georges Brassens 2011 organisées à Paris au Parc Georges Brassens, Bernard Nadel avait enregistré avec l’A.C.E. un premier album 10 titres (hors-commerce et à tirage restreint. Aujourd’hui collector recherché). On y entend à la deuxième guitare Étienne Konarzewski et Flavio Perrella à la contrebasse. Le programme comporte plusieurs titres que l’on retrouve dans l’album « Dans un coin de Paris… ». Citons, en premier lieu, l’emblématique Gastibelza – L’homme à la carabine puis sept chansons signées ou cosignées Brassens : L’AmandierLa MarineLes PassantesOncle Archibald et L’Orage. Ainsi que Le grand chêne et Le Parapluie – elles-mêmes absentes du récent CD.

À noter que le collector cité plus haut contient, sous le titre Ronsard, la chanson    désormais baptisée Lettre à Cassandre.

Focus sur Les places de Paris ou La ballade des places de Paris (1905) dont l’auteur du texte, Lucien Boyer, écrivit notamment pour Mistinguett, Mayol, Fragson, Maurice Chevalier ou Damia. La chanson, curieuse entre toutes, fait partie des vingt-sept titres que Brassens enregistra à Paris les 14 et 15 mai 1980 – en soutien à l’association Perce Neige de son ami Lino Ventura – dans les studios de Radio Monte Carlo. Brassens ne pourra assister à la sortie (1982) du double album intitulé « Brassens chante les chansons de sa jeunesse ». C’est dans cet enregistrement que se trouve L’amour est passé près de vous. Bernard Nadel a souhaité – joli clin d’œil – inscrire ce titre à son propre répertoire, entre Paul Fort et François Villon. Comme en témoigne « Dans un coin de Paris… »que l’on peut aujourd’hui considérer comme le premier album officiel du chanteur.

Renseignements : www.bernardnadel.fr

À consulter également l’excellent blog de Pierre Schuller :

et celui de l’ACE 15 (Association Culturelle Événementielle 15) :

Pour toute commande du CD « Dans un coin de Paris… » : 

 

 

 

GEORGES MOUSTAKI ET LE BRESIL par Laurent GHARIBIAN

Photo E SADAKA

Georges Moustaki et le Brésil

L’intitulé de cet article correspond, mot pour mot, à celui de la soirée organisée le 8 mars 2018 à Villejuif dans un lieu original et accueillant baptisé Le Portail.

L’histoire entre Moustaki et le Brésil mériterait bien un livre de mille pages… Mais résumons. Le premier voyage de Moustaki dans ce pays fascinant remonte à 1972, trois ans après le succès phénoménal que connut Le Métèque dès sa sortie et deux ans après un passage triomphal à Bobino. En 1973, le chanteur publie l’album « Déclaration » où figure la célèbre adaptation de la chanson culte Aguas de março (Les eaux de mars) dont il avait rencontré l’auteur, Tom Jobim, à Broadway. Aguas de março, chantée notamment par Elis Regina, fut élue en 2001 « Meilleure chanson brésilienne de tous les temps ». Et Moustaki ne cessa, par la suite, d’interpréter sur scène cet hymne à la beauté du monde. Sur son avant-dernier album « Vagabond » paru en 2005, il avait tenu à rendre un nouvel hommage à Antonio Carlos Jobim (prénom d’usage : Tom). Et la chanson en question s’appelle Tom. Un frère de cœur qui s’est éteint onze années auparavant… Allez, son nom à l’état-civil était Antonio Carlos Brasileiro de Almeida Jobim…

Autre rencontre importante, l’écrivain Jorge Amado et son épouse Zelia que Moustaki retrouvera régulièrement à Bahia, ville que le chanteur a magnifiquement célébrée sur une mélodie signée Mario Lima.

Au dos du flyer de notre soirée, le texte de La philosophie. Un titre (1975) matiné des rythmes de la batucacada…

L’avant spectacle

Animée par Philippe Hira dit « Pipo », sacré ambianceur, la soirée débute par plusieurs interventions sous la forme d’anecdotes. Francesca  Solleville  évoque avec humour – la nostalgie dans la voix – la période héroïque des cabarets Rive gauche où les débutants se côtoyaient entre espoir(s) et fraternité. Gilles Tcherniak se souvient du Cheval d’or, fondé par son père, où à l’âge de onze ans il s’endormait chaque soir derrière le rideau de fond de scène. De ce lieu insolite qui lui servait de chambre, il entendait les échos de spectacles gravés dans sa mémoire. Le slameur Aimé Nouna exprime sa reconnaissance pour Moustaki rencontré lors d’un spectacle commun à l’Espace Cardin. La vedette l’avait chaleureusement encouragé à poursuivre dans cette voie. Aujourd’hui, le slameur est programmé, entre autres, dans le cadre du Printemps des poètes… Bernard Marchois, actuel Conservateur du Musée Édith Piaf, nous régale à propos de cette robe de chambre offerte par Édith à Jo son amant, lequel avait pour habitude de se promener nu dans le vaste appartement parisien. Parmi les invités, le chanteur Dany Boy (de son vrai nom Claude Piron), Gatica, heureuse gagnante du Prix Georges Moustaki, l’A.C.I. Philippe Vernet, l’humoriste Pauline Cartoon (sic).

Que le spectacle commence !

Les organisateurs avaient programmé en fin de première partie Joël Favreau et Nazaré Pereira pour, respectivement, un et trois titres. Le premier a accompagné Moustaki sur scène. « C’était avant le Brésil. Mes tout premiers engagements rémunérés. » En 1970, il est promu « Première guitare » mais un jour, quitte la vedette pour d’autres aventures. Et, encore aujourd’hui, regrette sa décision. Ce soir il chante Eden Blues. Une dernière image, Joël Favreau se remémore avoir accompagné Moustaki en 1968 pour un concert à l’usine Citroën d’Aulnay-sous-Bois. Le calme olympien du pâtre grec « au milieu des explosions émotionnelles » lui revient.

La France a très vite adopté Nazaré Pereira, au milieu des années 70. Son Olympia triomphal en témoigne : les rythmes du Nordeste, alors inédits en France, scintillaient. Musique du peuple, noblesse du peuple. Nazaré habite toujours Paris et, à 76 ans, elle garde une énergie et un charme intacts à la ville comme à la scène.

Moustaki a adapté spécialement Zum Zum pour sa grande amie, sous le titre Un instant de vie : « Cette lumière du matin va dans ton cœur, va parler d’amour ». Ce soir-là, elle donne en création ce cadeau cher à son cœur avant de nous offrir Asa Branca (Ailes blanches) signée Luis Gonzaga, idole de Moustaki. Il s’agit d’un hymne à la musique nordestine qui fut même repris par… Les Beatles. Nazaré termine avec O Balancé (chantée naguère par Gal Costa) dans une adaptation de Moustaki chez lequel elle ne manquait jamais de se rendre chaque année, le 3 mai, pour son anniversaire.

Au piano Laurent de Oliveira, à la basse Felipe Sequeira et à la batterie Frédéric Sicart apportent la pulsation indispensable à la réussite de cette soirée, y compris pour la seconde partie.

Laura Buenrostro

La chanteuse mexicaine n’a jamais rencontré Georges Moustaki dont elle aime pourtant à interpréter les adaptations de titres brésiliens qu’elle fait voisiner ce soir-là avec les chansons de son répertoire actuel, toujours couleur Brésil. Parmi les douze titres inscrits à son programme, trois constituent donc un véritable hommage. Bahia, chanté en français suivi de Tom (déjà cité) en version bilingue et, du même auteur, le fameux Aguas de março, subtile passerelle entre deux rives. Elle honore Edu Lobo et, une fois de plus, l’incontournable Jobim, qui précède la grande Elis Regina. Laura Buenrostro est aussi auteure et présente Laura, superbe bossa nova, suivie d’une chanson personnelle dont je n’ai compris qu’un seul mot : orgasmo…

Laura Buenrostro a montré un sens de la couleur, du rythme à travers une voix puissante et une interprétation nuancée. Avec le concours des mêmes excellents musiciens.

L’organisation de cet événement doit beaucoup à la conjonction de talents complémentaires : Éric Durand, attaché de presse actif en diable, deux animateurs dominicaux sur Fréquence Paris Plurielle, Christian Deville-Cavelin pour la chanson francophone et son collègue de la tranche horaire précédente, Stéphane Nino, pour la musique brésilienne. Leur amitié a donné, ce 8 mars, un résultat à la hauteur de leurs espérances. Sans oublier plusieurs partenaires : Erwan Kadic pour le Studio Kadic Multimédia, la web-radio Arts Mada (www.arts-mada.fr), l’Atelier Artistique Tryptik (A.A.T- www.atelierartistiquetryptik.fr) et enfin Romain Philippe Pomedio pour Cinaps TV qui a réalisé une belle somme d’interviews, complément d’informations fort utile en prolongement de ces moments fiévreux et tout aussi enjoués.

Laurent Gharibian

Copyright article paru dans www.jechantemagazine.net

  • Laura Buenrostro : « Brazilian songs », CD Hip Music (2014).

Site : www.laurabuenrostro.com