Dans le cadre du FESTIVAL VIRTUEL.HOM[ME] – 4e EDITION – L’Amour en morceaux – Compagnie Tàbola Rassa – THÉÂTRE VICTOR HUGO 14, avenue Victor Hugo- 92220 Bagneux – Du vendredi 30 novembre au mardi 4 décembre Vendredi, samedi, mardi à 20h30 et dimanche à 17h00 –

 

Mise en scéne et texte français Olivier Benoit

Interprétation Maria Cristina Paiva et Asier Saenz de Ugarte

Création lumière Jorge Garcia et Sadock Mouelhi

Costumes et marionnettes Maria Cristina Paiva

Adaptation et dramaturgie Maria Cristina Paiva, Jonata Puente et Olivier Benoit

Chorégraphies tango Jean-François Auguy et Brigitte Buisson

Musicien Rémi Libéreau

Photographie Romain Danger

 

Il était une fois un homme seul, terriblement seul, un brave homme tout de même dont la vie est réglée comme sur du papier à musique, avec son refrain infernal : métro, boulot, dodo.

 Un jour, séduit par une publicité qui lui vante le bonheur d’avoir à domicile une compagne de rêve, il achète un mannequin qui arrive par la poste en morceaux.

 Aucun risque de déboires avec cette femme automate programmée pour satisfaire tous les désirs d’un homme. Il suffit d’apprendre à bien la manipuler grâce à la notice. Elle est capable d’assurer le ménage, apporter le petit déjeuner et se prête volontiers à tous les attouchements possibles.

 Une femme objet dans toute sa splendeur ! Mais les objets vivent, figurez-vous, indépendamment de nos désirs, ils savent profiter de nos absences, à moins qu’ils ne deviennent les supports de quelques esprits invisibles.

 Le spectacle librement adapté de la nouvelle « Amor em pedaços » de Caio Silveira Ramos se réfère à une réalité qui dépasse les bornes.

 « Au Japon, les « rabu dôru », poupées en silicone hyper-réalistes dotées d’un vagin amovible, existent depuis plusieurs années et il s’en vend des milliers tous les ans. Souvent veufs ou célibataires endurcis, leurs acquéreurs les traitent parfois comme de vrais êtres » 

 S’agit-il d’un phénomène de société révélateur des pertes de repères des individus qui privilégient leurs bulles pour se protéger d’un monde ressenti comme dangereux, voire explosif.

 Question philosophique par excellence, l’objet peut-il supplanter l’esprit ? Un leurre reste un leurre, un artifice d’accompagnement. Croit-on vraiment que les personnes âgées à qui l’on offre un chien en peluche robot pour les calmer, ne peuvent faire la différence entre un vrai chien et ladite peluche ? Et si elles ne sont plus capables de faire la différence, n’est-ce pas aller dans le sens de leur perte de conscience que de leur donner un faux animal plutôt qu’un vrai lequel évidemment poserait bien des problèmes matériels.

 De tels choix impliquent une vision tellement matérialiste de l’humain ! Une façon de considérer l’homme lui-même comme un objet, en persistant à l’évaluer en termes économiques, à l’assimiler à une marchandise ou un cobaye médico-scientifique.

 Chassez le naturel, il revient au galop ! Fichtre ! Dans le merveilleux spectacle de la compagnie TÀBOLA RASSA, la nature reprend ses droits, elle guide notre imaginaire intempestif en nous rappelant que nos désirs ne sont jamais statiques, ils évoluent, ils ne cessent d’évoluer grâce à cette part d’inconscient qui nous échappe mais nous permet d’ouvrir d’autres portes que celles furieusement utilitaires de notre société.

 « Objets inanimés, avez-vous donc une âme… » s’exclamait Lamartine. Nous pouvons le croire pendant ce spectacle subtilement magique qui dévoile comment une femme robot, objet de fantasmes d’un célibataire possessif, finit par lui échapper complètement.

 Grace à une mise en scène superbement réglée, nous entrons dans la tête du personnage plein de contradictions car en réalité ce qu’il attend de la femme automate c’est qu’elle lui procure les mêmes émotions qu’une vraie femme.

 D’une certaine façon le spectacle visualise ses rêves et cauchemars, ses petites frayeurs, ses maladresses masculines, son machisme ordinaire tout en le portraitisant de façon plutôt touchante et drôle.

 Nous espérons que ce spectacle certainement inspiré de la fantaisie fascinante de Méliès, des films muets d’antan, auxquels s’ajoute la dimension comique du slogan publicitaire  » Achetez donc une femme robot !  » continuera sa tournée pour le bonheur des grands et des petits.

Le merveilleux n’a pas de prix !

 Paris, le 29 Décembre 2018

 Evelyne Trân

DÉJEUNER CHEZ WITTGENSTEIN De Thomas BERNHARD – Traduction Michel NEBENZAHL – AU THEATRE DE POCHE MONTPARNASSE – 75 bd du Montparnasse, 75006 Paris- DU 10 JANVIER AU 3 MARS – Représentations du mardi au samedi 21h, dimanche à 17h30 –

Mise en scène : Agathe ALEXIS

avec   Yveline HAMON, Dene, la sœur ainée

Anne LE GUERNEC, Ritter, la sœur cadette

Hervé VAN DER MEULEN, Voss, le frère, 

Scénographie et costumes : Robin CHEMIN

Réalisations sonores : Jaime AZULAY

Lumière : Stéphane DESCHAMPS

Chorégraphie: Jean-Marc HOOLBECQ 

Production Compagnie Agathe Alexis, en coréalisation avec le Théâtre de Poche-Montparnasse en collaboration avec le Studio d’Asnières .Création au Théâtre de l’Atalante à Paris en janvier 2016 . Le rôle de Ritter était tenu par Agathe Alexis. L’Arche est éditeur et agent théâtral du texte représenté http://www.arche-editeur.com

 

La famille dans tous ses états ! Si vous souhaitez repêcher le sens intime du terme fraternité ou de sororité (peu usité) vous pouvez vous inviter au déjeuner spectacle chez Wittgenstein, concocté par Thomas BERNHARD, grand observateur de ce terrible panier à vapeur que constitue le noyau dur familial, la coque de noix rugueuse, léchée à vide, si chère à Freud, foyer de toutes les névroses.

Dieu le père est mort mais sa présence redoutable hante les esprits des enfants, deux sœurs et un frère, d’âge mûr, qui à l’occasion d’un déjeuner vont régler leurs comptes avec l’institution paternelle, sans nul doute quelque peu responsable de leurs destins, leurs rêves inassouvis, leurs faillites, leurs désenchantements.

Trop fort ce père qui lègue sa fortune à sa progéniture mais les lâche dans la vie, fourbus de complexes, avec cette sensation d’avoir été écrasés par sa personnalité, mal aimés. Conséquence, le fils est un écrivain philosophe raté qui ne trouve d’auditeurs que parmi les patients d’une clinique psychiatrique. Quant aux sœurs, deux comédiennes de second ordre, de tempérament opposé, la cadette farouchement individualiste, l’aînée apparemment plus conformiste, elles se voilent la face sans trop y croire, il ne reste plus rien de l’époque glorieuse du père, elles ne font que vivoter.

Fort heureusement l’arrivée du frère Voss que la sœur aînée Dene a réussi à faire sortir de sa clinique, va bousculer leur train train quotidien, de façon spectaculaire.

Nous ne raconterons pas comment car la surprise vaut d’être vécue en même temps que les protagonistes sur scène. C’est tout à fait jubilatoire, voire euphorique.

La mise en scène d’Agathe ALEXIS est réglée au cordeau. Ah ces assiettes et ces verres que ne cesse de frotter Gene, telle une Lady Macbech, tandis qu’elle papote avec sa sœur à propos de ce frère « impossible » qu’elle entend enfin dorloter comme un fils prodigue. Et la pauvre Ritter qui compense ses allergies familiales en dansant et en buvant !

« Et vous voudriez que je rentre dans votre manège immobile, lugubre et étriqué » semble crier le frère aux deux sœurs interloquées . Faire semblant, faire semblant, est-il possible que les sœurs pourtant comédiennes soient démangées par un affreux pressentiment, non cela ne suffira pas à faire taire leur folie et surtout pas celle du frère ! Sur des airs emportés de Beethoven, la guinguette familiale ne prend pas l’eau, elle explose.

Les comédiens épatants donnent toute la longueur d’onde humaine, déchirante et burlesque qui se dégage de cette pièce dressée par Thomas BERNHARDT, telle une nappe aux premiers abords lisse et convenable mais dont les détails traversés à la loupe se révèlent insolents, monstrueux et même fantastiques.

Ne ratez pas ce déjeuner chez Wittgenstein, particulièrement énergétique, véritable capsule euphorisante pour tous ceux qui rechignent parfois à s’asseoir à table en famille. Cela peut vous inspirer si jamais vous osez vous donner vous même en spectacle !

Paris, le 23 Janvier 2016

Mise à jour le 26 Décembre 2018

Evelyne Trân

Bienvenue en Corée du Nord – Écriture et mise en scène Olivier Lopez au Théâtre de Belleville – 94, rue du Faubourg du Temple, Paris XI M° Goncourt / Belleville – Du dimanche 6 au mardi 29 janvier 2019 Du lundi au mardi à 19h15 et les dimanches à 17h Durée 1h20 –

 Photo © Alban  Van Wassenhove

Écriture et mise en scène Olivier Lopez,

Interprétation et collaboration à l’écriture

Marie-Laure Baudain, Alexandre Chatelin,

Laura Deforge et Adélaïde Langlois

 

Pensez-vous que cela vaille le coup d’aller écouter des clownesses raconter leur voyage en Corée du Nord ?

Elles sont drôles par nature, uniques dans le paysage, elles pourraient nous faire rire de tout et de n’importe quoi car les sujets de moquerie ne manquent pas.

Que leur est-il passé par la tête à ces paumées accompagnées d’un clown mâle dégingandé ?

Que pourraient-elles nous apprendre que nous ne sachions déjà à savoir que la Corée du Nord est gouvernée par une dictature, ce qui la rend particulièrement effrayante.

Mais c’est pour cette raison même, pour cet effroi que suscite ce pays, que le metteur en scène Olivier LOPEZ a décidé de les envoyer au charbon.

Est-ce à dire que la crasse de la bêtise et l’ignorance peut devenir un drolatique ou maléfique laissez passer.

Elles ont beau n’être que des clownesses, elles ont chacune leur petit moi attendrissant, cette naïveté déconcertante si proche de l’enfance.

Mine de rien, elles savent traverser le plafond de verre avec leur danse de missiles, leurs crachats désopilants sur l’effigie de l’idole.

Nous rions jaune tout de même tant le récit de voyage touristique nous livre un portrait de la condition humaine d’un Coréen du Nord, inimaginable. Un Coréen du Nord n’a pas d’autre référence, d’autre image dans la tête, au-dessus, devant et derrière lui et à ses pieds que celle du dictateur KIM Il-sung !

Nous aurions aimé que ces clownesses nous fassent rencontrer un Coréen du Nord en chair et en os mais sans doute n’est-ce pas possible, seul compte dans ce pays, le dieu vivant KIM Il-sung.

En désespoir de cause, il faut bien reconnaître le courage de ces clownesses qui jettent le trouble sur notre bonne conscience car le danger, il est là, de toute dictature, de nous réduire au morne silence et à l’apathie.

En vérité, elles sont bien proches de nous ces clownesses, le miroir qu’elles nous tendent ne manque ni de bon sens, ni de clarté, il est à notre échelle, tout bonnement humain !

 Paris, le 15 Juillet 2018

Mise à jour le 26 Décembre 2018

 Evelyne Trân

APRES LA NEIGE – CREATION 2018 – TOUT PUBLIC – TEXTE ET MISE EN SCENE D’AURELIE NAMUR le 20 Novembre 2018 – THEATRE LE PERISCOPE – 14 H 30 et 20 H à NIMES – Le 30 JANVIER au CC L’Ilyade de Seyssinet Pariset (38) à 20h30 –

Tournée

• 30 janvier au centre culturel L’illiade de Seyssinet-Pariset 

• 4 avril à l’ATP d’Uzès 

• 6 avril au centre culturel d’Alénya 

• 17 & 18 avril à Pézenas avec le Théâtre de Pézenas, le Théâtre Le Sillon-Scène conventionnée d’intérêt national Art en Territoire et SortieOuest-EPIC Hérault Culture – 20h45

• Juillet 2019 à La Manufacture à Avignon

Assistanat mise en scène Anna Zamore
Collaboration artistique
Félicie Artaud
Scénographie
Claire Farah
Construction décor
Bernard Caumel
Création sonore et

régie générale
Antoine Blanquart
Création lumière
Claire Eloy
Régie lumière
Bruno Matalon

Les catastrophes nucléaires de Tchernobyl et de Fukushima, nous en avons tous entendu parler et à vrai dire nous préférerions ne pas y penser, il y a tellement d’autres urgences à régler au jour le jour au quotidien.

 Aurélie NAMUR justement s’est saisie de cette notion du quotidien de façon très perméable pour écrire une pièce qui mobilise à la fois notre imaginaire et notre conscience.

 Elle entend faire partager l’émotion qu’elle a ressenti lors de la réception d’un documentaire « Le monde après Fukushima » de Kénichi WATANABE et une scène en particulier où l’on voit une mère exhorter sa fille de 6 ans « à ne jouer dehors qu’une heure seulement, et à ne pas toucher le sol… ».

 Une perspective de fin du monde en quelque sorte où tout ce qui fait partie de l’ordinaire, est soudain remis en question, requiert une vigilance, une attention de tous les instants parce que le sol se trouve contaminé et qu’il n’est plus possible de se déplacer sans un dosimètre mesurant la radioactivité.

 La pièce met en scène une famille juste composée du père, de la mère et de leur petite fille, réfugiés dans un préfabriqué à quelques kilomètres du lieu de la catastrophe.

 Il faut pourtant continuer à vivre, supporter le sentiment de se trouver en quarantaine, coupés du monde par le malheur. Les parents composent avec leurs angoisses car crier au secours devient dérisoire.

 Vivre au jour le jour désormais prend tout son sens. Il n’y a plus de place pour les futilités extérieures. Il faut reprendre possession de soi, de l’essentiel, ses rêves, ses sentiments. Dans une telle situation, lever les yeux vers la lune, lui parler comme fait la mère c’est du bonheur.

 Et puis il y a l’être enfant, la petite fille qui dispose d’un tel capital de vie qu’il est impossible d’oublier son rayonnement. Comme si l’enfant avait d’autres antennes que celles des adultes.

La petite fille prénommée Alice comprend le danger mais il ne lui fait pas peur. Elle réussit à communiquer avec les animaux dont elle capte la présence souvent invisible mais irrésistiblement prégnante. Une biche qu’elle poursuit jusque dans un terrain très éloigné de son gite, devient son interlocutrice fantastique et magique.

 Mais que vient donc faire le rêve dans la réalité ?  Le rêve nous parle de vie possible, de lutte pour la vie, d’instinct de vie qui bataille contre l’instinct de mort.

 La pièce d’Aurélie NAMUR, de facture très poétique questionne notre présence au monde. Puisque nous ne pouvons pas nous mettre à la place des irradiés de Fukushima, elle a transposé l’histoire dans un pays imaginaire où il est juste question d’humains dont les expériences tragiques interrogent notre avenir, celui primordial de nos enfants.

 Elle plonge le noyau dur, celui d’une situation extrême, dans le courant d’un rêve qui permet d’entrer dans les têtes des personnages de façon fluide, d’intercepter leurs mouvements, leurs sensibilités de l’intérieur. Tout devient langage dans le sable mouvant de la pensée, tous les sens sont sollicités.

 A la fois dépouillée et onirique, la mise en scène réussit de façon surprenante à nous parler d’un sujet particulièrement difficile, les catastrophes nucléaires, par le prisme du rêve, du fantastique.

 Il s’agit d’un spectacle merveilleusement sensible, interprété par des comédiens particulièrement réceptifs, sans d’autre prétention que de nous parler doucement, en s’adressant aussi bien à l’enfant qui est en nous qu’à l’adulte responsable, de l’avenir du genre humain, ici et maintenant.

 Paris, le 25 Décembre 2018

 Evelyne Trân

Quoi de neuf Dolto ? Cie Haute Tension (dir. Martine Fontanille) avec Karine DRON – Du 7 décembre 2018 au 9 mars 2019 – Tous les vendredis et samedis à 19h30 À La Folie Théâtre (Paris 11ème) 6 rue de la Folie-Méricourt –

Mise en scène : Martine Fontanille

Avec Karine Dron

Création lumières : Vincent Dubois

Scénographie : Thierry Grasset

Musique : François Vivier

Elle est née en 1908 comme Simone de Beauvoir, dans une famille aisée en haut de l’échelle du 20ème siècle, et elle partage avec la figure de proue du féminisme, une indépendance d’esprit développée très tôt dès l’enfance. Personne n’aurait pu les empêcher de penser ces petites filles dans leur prison dorée, celle d’une éducation bourgeoise bornée et rigoureuse en total décalage avec la vivacité de leur intelligence.

Faire trembler les murs et comment ! Telle qu’elle se décrit, Françoise Dolto,à travers ses souvenirs d’enfance, fait penser à Alice au pays des adultes.

Etranges étrangers que ces adultes dont il va falloir décrypter les conventions, les absurdités, les anomalies, pour donner libre cours à un invincible désir de sortir des sentiers battus.

 Martine FONTANILLE met en scène l’enfant Françoise DOLTO, telle qu’elle se campe à travers l’ouvrage biographique Enfances écrit à la demande de sa fille.

 Nous savons tous que l’enfant que nous avons été nous accompagne toute la vie. Dans cette adaptation, le personnage Dolto revit son enfance avec beaucoup de malice. Elle lui offre une place inattendue, témoignant qu’un enfant se pose beaucoup de questions sur la vie, sur la mort et est confronté à une véritable solitude du fait de l’incompréhension ou du silence des adultes.

 Ce décalage entre la perception de l’enfant et celle de l’adulte, Françoise Dolto en a fait d’ailleurs son pilier d’exploration.

Photo François Vivier

Ce qui ressort du témoignage de l’enfant Dolto, c’est son côté très personnel, cette affirmation du moi enfant qui a le droit de s’exprimer comme n’importe qui, même si ses opinions peuvent paraître étonnantes ou originales.

Sur la scène trône une curieuse machine aussi intrigante qu’un moteur de locomotive antique, pleine de secrets, tel un joyeux tiroir à souvenirs 1900, que l’interprète manipule comme un jouet fabuleux.

 Et puis, il y a l’objet fétiche, une radio obsolète qui rappelle les minutes glorieuses de l’émission « Lorsque l’enfant parait » sur France Inter.

Photo Mathilde Bailly

Avec aplomb et pétulance, la comédienne Karine DRON, assume avec un plaisir évident les propos de l’enfant Dolto perspicaces et excitants.

 Voilà une traversée dans l’enfance de Françoise Dolto  tout à fait piquante et savoureuse. L’enfant ne cessera jamais de faire des cornes à l’adulte pour le meilleur des rêves possibles !

 Paris, le 22 Décembre 2018

 Evelyne Trân

Le bon grain de François Dumont à LA COMEDIE NATION – 77, rue de Montreuil – Paris 11è – Mercredi 26 décembre – 19h – Jeudi 27 décembre – 19h – Vendredi 28 décembre – 19h – mercredi 2 janvier – 19h – jeudi 3 janvier – 19h – vendredi 4 janvier – 19h – samedi 5 janvier – 19h

Avec Pierre Clarard, François Dumont, Mélody Doxin, Hadrien Peters 

N.B : François Dumont et Pierre Clarard étaient les invités de l’émission DEUX SOUS DE SCENE sur RADIO LIBERTAIRE 89.4, le samedi 29 Décembre 2018 en podcast sur le site https://media.radio-libertaire.org/   

Nous avons tous à l’esprit cette crise écologique qui menace l’humanité tout entière.

S’appuyant sur les réflexions de deux chercheurs Jean- Paul FITOUSSI et Eloi LAURENT, auteurs de La Nouvelle écologie politique (LE SEUIL 2008) qui font le lien entre cette crise et l’explosion des inégalités dans le monde, François DUMONT utilise la loupe de la farce comme filtre révélateur de leur proposition insensée « le partage des richesses ».

Le Bon grain met donc en scène une reine bouffonne, représentative de tous les pouvoirs en place, qui ne rêve que d’écologie, qui refuse bien entendu de réduire son train de vie et ne voit d’autre solution que de sacrifier les chômeurs, en somme tous ces pauvres qui encombrent la planète.

L’argument est fallacieux et absurde, les pauvres ayant été toujours les vaches à lait des riches.

A moins d’autopsier la nature humaine, mettre au ban les infâmes prédateurs de la planète et les mettre au régime sec, tous les discours paraissent vains et impuissants !

Il n’est pas possible de demander plus aux pauvres pour réduire la facture écologique, faute d’enclencher des révoltes sociales. Ce qui signifie que la crise écologique va se doubler d’une crise économique et sociale mondiale !

Pour l’heure, il reste encore l’humour pour doper le moral en prévision des catastrophes qui pointent leur nez.

La mise en scène de François DUMONT fait penser à ces petits sketchs télévisuels qui faisaient le bonheur du Club Dorothée. Les moyens ne sont pas les mêmes, bien entendu.

Il y a un effet aveuglant, très flash de cette bouffonnerie mais il y manque les césures pour les spectateurs qui ne disposent pas des codes vidéo actuels ni ce langage où la vitesse prime.

Volontiers bon enfant et sans prétention, le spectacle qui a été créé dans les champs et les villages et s’est transporté à la COMEDIE NATION n’a d’autre ambition que d’apporter son grain de sel farcesque à notre crise écologique et c’est bienvenu !

Paris, le 18 Décembre 2018

Evelyne Trân

ALLERS-RETOURS D’ ÖDÖN VON HORVÁTH – Traduction HENRI CHRISTOPHE – Mise en scène ALAIN BATIS – 29 NOV. 23 DÉC. 18 – THÉÂTRE DE L’ÉPÉE DE BOIS CARTOUCHERIE PARIS XIIème – Jeudi et vendredi à 20h30 – Samedi à 16h et 20h30 – Dimanche à 16h – Durée estimée 2h – Pour tous les publics à partir de 12 ans

Avec Raphaël Almosni, Sylvia Amato, Alain
Carnat, Laurent Desponds, Théo Kerfridin,
Sophie Kircher, Marc Ségala, Marie-Céline
Tuvache

Dramaturgie Jean-Louis Besson,

Scénographie Sandrine Lamblin,

Musique Cyriaque Bellot,

Costumes Jean-Bernard Scotto,

Lumière JeanLouis Martineau,

Perruques et maquillages Judith Scotto,

Régie lumière Emilie Cerniaut,

Régie son Gaultier Patrice

La pièce nous raconte la mésaventure d’un homme qui par un concours de circonstances – il vient de faire faillite – est expulsé du pays où il a vécu toute sa vie et invité à retourner dans son pays d’origine qui refuse de l’accueillir en vertu d’une loi obligeant les ressortissants à se déclarer dans un délai de 5 ans. 

 Le pauvre homme dénommé Ferdinant HAVLICEK n’a plus pour perspective que celle de coucher sur le pont qui délimite la frontière entre les deux pays en attendant que les autorités prennent en considération la situation inhumaine dans laquelle il se trouve.

 L’homme en question peut bien crever, qui s’en offusquerait. Il fait juste partie des dommages collatéraux des décisions administratives qui se bornent à appliquer des lois arbitraires lesquelles ne dépendent que du bon vouloir du pouvoir politique du moment.

 En France, l’article 30 du code civil stipule :

 « La charge de la preuve, en matière de nationalité française, incombe à celui dont la nationalité est en cause ».

 Imaginez que vous ayez perdu cette preuve alléguant que bien d’origine étrangère, vous soyez bien français, vous risquez pour le moins de vous retrouver « sans papiers » lors d’un renouvellement de passeport ou carte d’identité.

Ni votre facies, et votre nom à consonance étrangère ou votre avis d’impôt ne plaideront votre cause. « Surtout n’égarez pas votre certificat de nationalisation » s’est entendu dire une personne née en France mais portant un patronyme étranger.

 Le cas de Ferdinand Havlicek n’est pas isolé. Le dramaturge Ödön von Horváth a l’intelligence d’en parler de façon que quiconque puisse s’identifier au personnage. Il s’agit d’un homme sans histoires, qui a eu juste des déboires financiers, ce qui peut arriver à tout le monde et qui se retrouve le bec dans l’eau parce qu’il ne s’est pas préoccupé de sa nationalité, étant totalement intégré dans son pays d’adoption.

Par l’entremise de la farce, l’auteur déboulonne la machine infernale qui s’abat sur Havlicek, faisant ressortir le côté humain, pitoyable et tragiquement comique des protagonistes, les douaniers, les témoins, tout un petit carnaval  de personnages frontaliers dont certains se moquent éperdument du sort de Havlicek.

Havlicek a beau lever les bras au ciel, il ne rencontre que des pantins, dont les tranches de vie sont assaisonnées d’une couleur cocasse, irrésistible.

Les gens dépeints ne sont ni gentils ni méchants. Leurs réactions sont tout bonnement humaines et profondément égoïstes. Havlicek se découvre jouet, balle perdue au milieu de leur manège. Comme il n’a plus rien à perdre et donc tout à gagner, il laisse tout ce petit monde s’agiter autour de lui et finit par tirer son épingle du jeu.

 Il a beau faire bon enfant, le manège avec ses personnages peinturlurés, il retourne le sang. Depuis la création de cette pièce en 1933, combien d’allers-retours, de guerres, combien de morts, de migrants, d’apatrides jetés par-dessus bord ?

La roue tourne comme on dit et nous en faisons partie. C’est le message de Ödön von Horváth, dramaturge reconnu puis honni par le régime nazi qui brûla ses livres. Se considérant lui-même comme apatride, il revendiquait juste l’étiquette d’humain, c’était trop en demander !

Nous saluons la mise en scène d’Alain BATIS, guignolesque et renversante. Elle appuie sur la gâchette du ridicule qui n’épargne personne, hormis Havlicek, interprété par l’excellent Raphael ALMOSNI. Quant aux autres comédiens, ils s’en donnent à cœur joie dans leurs rôles burlesques notamment de contrebandiers de cocaïne, de douaniers et surtout de ministres à côté de la plaque.

 Un spectacle totalement réjouissant, en guise de gifle à la bêtise humaine !

 Paris, le 18 Décembre 2018

 Evelyne Trân

LE CHOIX DE GABRIELLE – Ecrit et mis en scène par Danièle Mathieu-Bouillon – Avec Bérengère Dautun et Sylvia Roux au Studio HEBERTOT – 78 Bis Bd des Batignolles 75017 PARIS – Le mercredi à 21 heures – DU 12 DECEMBRE 2018 AU 20 FEVRIER 2019 LE MERCREDI A 21 HEURES –

Ecrit et mis en scène par Danièle Mathieu-Bouillon

Avec Bérengère Dautun et Sylvia Roux

 

Ecrire, écrire, quelle aventure ! Danièle Mathieu-Bouillon écrit avec son cœur, les émotions qu’elle scrute sont de la chair vive, elles ne peuvent s’accommoder de l’ordinaire, du pragmatique, en somme de tout ce qui rabaisse l’exaltation poétique, la rêverie, à savoir toutes nos considérations matérielles qui mettent tout à plat, goudronnent le champ de nos perceptions, sans état d’âme.

Avez-vous déjà vu une personne parler à un absent, penchée au-dessus d’une tombe ? Si oui, gageons que vous aurez pensé que cette personne est folle, il faut être fou pour s’adresser à un être invisible ou poète.

Il y a des poèmes qui grimpent jusqu’au ciel, qui nous rappellent que nous avons les pieds bien plantés sur terre pour lâcher ainsi quelques mots en direction d’une personne qui vient de mourir. La question ne se pose plus de savoir si elle vous entend, vous offrez votre cœur, vous êtes désintéressé, vous êtes juste sur le chemin entre elle et vous.

Dans le mot chemin, nous entendons le mot main, et nous nous souvenons aussitôt que parfois sur une route difficile, bordée d’un précipice, une main tendue nous a aidé à franchir un obstacle, naturellement, sans hésiter.

 Dans la pièce de Danièle Mathieu-Bouillon, il est donc question de chemin, de routes qui se croisent, celle de Laure, une veuve singulière qui parle à son défunt époux et qui récuse violemment cette expression « faire son deuil » et celle de Léa, une jeune femme ethnologue qui prépare une thèse sur la façon d’appréhender la mort dans les différentes civilisations.

 Les deux femmes se prennent d’amitié et se dévoilent progressivement. Laure révèle à Léa un événement douloureux de de sa vie lorsqu’elle était infirmière, un procès suivi d’un emprisonnement suite au décès d’une amie, Gabrielle qu’elle a aidée à mourir.

 Nous ne raconterons pas la suite car le charme de la pièce tient aussi au suspense, aux rebondissements quelque peu romanesques. Mais au-delà du scénario, ce qui prime ce sont les personnalités des deux héroïnes. Qu’attendent-elles, l’une de l’autre ? Laure ne voit-elle pas en Léa l’enfant qu’elle n’a pas eu ? Pourquoi Léa qui prétend être orpheline, s’intéresse-t-elle tellement à Laure ?

Quelque chose de fort relie les deux femmes. Laure et Léa sont réunies par la même douleur, la perte d’un être cher. Quoiqu’elles disent, d’une certaine façon, elles ont besoin de faire le deuil pour aller de l’avant, leur amitié c’est le meilleur hommage qu’elles puissent rendre à Gabrielle, laquelle toujours présente par l’esprit, est l’émissaire de leur rencontre.

Le « Choix de Gabrielle » c’est une Histoire d’amour entre vivants et morts, sans pathos, ni mièvrerie, qui emporte les spectateurs en libérant des émotions si difficiles à exprimer.

La langue de Danièle Mathieu-Bouillon n’est pas bavarde. Il y a tous ces non-dits qui flottent qui précédent la parole. Les deux femmes passionnées s’offrent en miroir, l’une à l’autre. La contraction de l’émotion s’entend. La communication n’est pas évidente. Laure et Léa doivent éprouver leurs failles pour se rapprocher.

 On ne joue pas de tels rôles, on les vit. Bérengère DAUTUN et Sylvia ROUX n’ont pas besoin de surjouer. Elles nous parlent, à travers Laure et Léa, elles nous disent vulnérables, elles sont formidables !

Paris, le 16 Décembre 2018

Evelyne Trân

 

 

1830 TOUT COMMENCE – Sand, Hugo, Balzac – AU THEATRE ESSAION – 6, rue Pierre au lard 75004 PARIS – Du 10 Septembre 2018 au 15 Janvier 2019 -• les lundis et mardis à 21h • Relâches : 24, 25, 31 décembre, 1er et 7 janvier 2019 –

 

  • Ecriture et mise en scène Manon Montel
  • Assistante Stéphanie Wurtz
  • Avec Stéphane Dauch, Thomas Marceul, Manon Montel
  • Costumes Patricia de Fenoyl
  • Lumière Arnaud Barré
  • Production Hicham Fassi-Fihri & Leon-Gilbert Husictor G

 

Ils ont chacun leur maison dans la ville de Paris, Balzac du côté de Passy, Victor Hugo, Place des Vosges, et George Sand au musée de la vie romantique qui expose ses souvenirs. Ils sont nés au début du 19ème siècle, il y a quasiment deux siècles; leurs ailes de géant ne les empêche de planer au-dessus de nos têtes.

Ce sont les pionniers d’une littérature engagée, au cœur de leur époque en pleine ébullition.

Fine mouche, Manon MONTEL a eu la belle idée d’évoquer sur scène les relations d’amitié de ces trois écrivains, Sand, Hugo et Balzac qui avaient respectivement 26, 28, 31 ans en 1830.

Et les encres voisinent entre ces trois personnages, elles se côtoient sans se mélanger, illustrant les débats d’idées qui les opposait et les inspirait.

Ils avaient en commun la passion aussi bien sur le plan intime que littéraire et nous ont légué des chefs d’œuvre, salués de leur vivant. Leurs vies furent parsemées de combats.

Manon MONTEL soulève comme dans un jeu de mikado, les pensées, les discours, les poèmes attachés à ces grandes figures.

Le choix subtil, fortifiant nous éclaire sur la trempe de ces écrivains, sans séparer leur vie intime de leur rôle d’auteurs.

Parfum de Sand, d’Hugo, de Balzac, autant dire que les narines frémissent, les moustaches se redressent, les yeux s’écarquillent, les oreilles respirent. Le théâtre retrouve sa fonction majeure, celle de faire sortir de ses gonds la littérature.

« Une pièce de théâtre …cela doit être une sorte de personne ; cela doit penser, cela doit agir, cela doit vivre » proclamait Victor Hugo.

De toute évidence, Manon MONTEL et ses complices comédiens Stéphane DAUCH et Thomas MARCEUL se sont inspirés de cette pensée pour offrir une belle escapade théâtrale à ces grands auteurs (rappelons que Sand aussi bien que Balzac ont également écrit pour le théâtre). Leur clin d’œil au public jeune ou moins jeune est à la fois instructif et réjouissant !

Paris, le 14 Décembre 2018

Evelyne Trân

 

EUROPA (ESPERANZA) AZIZ CHOUAKI 12 DÉC > 3 FÉV DU 12 AU 16 DECEMBRE 2018 ET DU 23 JANVIER AU 3 FEVRIER 2019 MERCREDI AU SAMEDI | 19H00 DIMANCHE 17H00

N.B : Aziz CHOUAKI était l’invité de l’émission DEUX SOUS DE SCENE sur RADIO LIBErTAIRE 89.4, le samedi 19 Janvier 2019, en podcast sur le site  https://media.radio-libertaire.org/.

Texte : Aziz Chouaki

Mise en scène : Hovnatan Avédikian

Jeu : Hovnatan Avédikian

Musique : Vasken Solakian

Produit par Antisthène
Édité par Les Cygnes

Qui ne se souvient du « Bateau ivre » de Rimbaud : « Ô que ma quille éclate ! Ô que j’aille à la mer ! »

Ce poème, il s’est déversé jusque dans la mer d’Alger, il a retrouvé un frère Aziz CHOUAKI, « le plus grand rappeur du monde » sa langue généreuse, exclamatoire, tour à tour lyrique ou grossière, capable de battre les flancs d’un vaisseau de fortune, Esperanza, pour nous conter l’odyssée fumeuse de migrants, les harragas, en route pour Lampedusa.

Des gosses, Nadir et Jamel côtoient un ingénieur, un handicapé, un chauffeur de taxi, un certain Socrate et Kader. C’est un brouhaha de voix qui crient, hurlent, se lamentent, ricanent, fanfaronnent, se défoulent sans retenue comme une boite de sardines ou de pandore, les nerfs à vif, toujours tendus pour exorciser la peur, cette angoisse de crever avant d’atteindre Lampedusa.

Ce qui fait pitié peut faire rire à ses propres dépens, mais ces migrants en haillons ont pour alliée la force de la nature qui ne les lâche pas. La mer peut être à la fois violente et sage et belle. L’accompagnement musical au bouzouki de Vasken Solakian traduit cette présence ineffable. A travers la musique, la mer et le soleil accompagnent cette terrible équipée, calment le jeu, laissent place au silence des regards, au chuchotement des vagues.

 Le corps bondissant de Hovnatan Avédikian interprète de tous les personnages, se dresse comme une immense vague humaine, un véritable phare tourné vers la vie !

Un spectacle vraiment lumineux à ne pas manquer !

Paris, le 12 Décembre 2018

Evelyne Trân