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Poésie & musique

OSCAR ET LA DAME ROSE – de Eric-Emmanuel SCHMITT – A LA COMEDIE BASTILLE – 5, rue Nicolas Appert 75011 PARIS – Du 30 Septembre au 6 Janvier 2019 – Jeudi à 21 h, Vendredi à 19 h, samedi et dimanche à 17 h –

Avec Pierre Matras

De Eric-Emmanuel Schmitt

Mise en scène Lucie Muratet

La pièce traite d’un sujet particulièrement délicat, les questions que peut se poser un enfant atteint d’une maladie incurable.

Eric-Emmanuel Schmitt a imaginé un conte où les questions et les réponses se chevauchent. Nous sommes tentés de parler de conte à cause de l’importance de la dame rose qui a l’aura d’une fée providentielle.

Appelons la, la fée imagination. C’est elle qui veille sur Oscar, un garçonnet à l’esprit vif, qui a beaucoup de mal à supporter la présence anxieuse de ses parents qui ont appris qu’il n’avait plus que quelques jours à vivre.

Pour lui permettre d’échapper à l’ambiance mortifère de l’hôpital, la dame rose pousse Oscar à exprimer ses rêves et même à les vivre tant il est vrai que la frontière entre la réalité et l’illusion est assez mince.

Oscar a le goût de vivre et ne réalise pas qu’il va mourir. Il vit dans l’instant présent. Cette force là, la dame rose décide de l’exploiter en exhortant Oscar à vivre chaque jour comme s’il s’agissait d’une dizaine d’années afin qu’il atteigne lui aussi l’âge requis pour s’en aller.

La dernière semaine de vie d’Oscar sera trépidante, il aura le temps d’écrire son journal adressé à Dieu, faisant office d’interlocuteur spirituel d’ordre païen plus que biblique, de se marier avec une petite fille, se réconcilier avec ses parents et enfin d’éprouver le bonheur d’assister au lever du soleil.

L’interprétation d’Oscar par Pierre MATRAS est intense, elle exprime à la fois la gravité et la naïveté
de l’enfant qui étonnamment ne se plaint jamais et est mentalement d’une énergie débordante.

La mise en scène réaliste et onirique de Lucie MURATET projette l’environnement de l’enfant, une montagne de jouets exorbitante qui peine à abolir le cadre austère d’une chambre d’hôpital.

Le spectacle est poignant, réaliste et viscéralement optimiste. Carpe diem, ce message est universel !

Paris, le 30 Septembre 2018

Evelyne Trân

 

LES SOURDS-DOUES dans SUR UN MALENTENDU – – SPECTACLE MUSICAL HUMORISTIQUE – AU THEATRE TREVISE- 14 Rue Trévise 75009 PARIS – A PARTIR DU 24 SEPTEMBRE 2018, TOUS LES LUNDIS A 19 H 30 –

Artistes : Adrien Besse, Pierre Pichaud, Nicolas Josa, François Pascal
Metteur en scène : Pierre Cachia

Ils parlent avec leurs yeux, leurs bouches, leur physionomie, en somme, on jurerait qu’ils font partie d’un casting de film muet à l’époque de Charlot. Mais leurs cravates orange nous laissent perplexes. Sommes nous au cirque ou au concert ? Que les mélomanes se rassurent, les sourds-doués sont assurément des virtuoses qui ne vibrent qu’à travers leurs instruments à vents ,  clarinette, trompette, cor, clarinette basse.

Chacun s’identifie à son instrument et il faut avoir l’oreille bien musicienne pour saisir les particularités des quatre instruments à vent. D’ordinaire les bois et les cuivres ne se mélangent pas.

Qu’importe,  c’est leur vie qu’ils jouent sur scène. Ils  ne sont pas de simples exécutants de partitions qui obéissent à un chef d’orchestre. La routine, très peu pour eux, alors ils font l’école buissonnière, en véritables saute-ruisseaux, et s’éclaboussent les uns les autres, comme des gamins dans une  cour de récréation.

Tous les airs connus qu’ils interprètent deviennent prétextes à leur embardées fantaisistes, leurs chamailleries musicales. Quand un cor répond à une trompette, ce n’est jamais sur le même ton.

Ne jouez pas sur ce ton ! Et sur quel ton alors ? Jeu de réjouissance comique à travers cet air du boléro de Ravel que se dispute les quatre trublions.

Mine de rien tout au long du spectacle qui ne dure qu’une heure quinze, les sourds-doués réussissent à nous raconter une histoire qui crève l’écran, les aventures ou mésaventures de quatre musiciens qui ont chacun leur petite boite à musique, leurs éternuements égotiques, leurs tours de magie et leurs solos, mais que l’on s’en souvienne, il n’y a pas plus pudique qu’un musicien qui suggère mais ne dit jamais ce que seul le coeur peut entendre.

Cette délicatesse s’entend dans ce spectacle collectif, à l’humour tendre. Si l’idée vous prend de colorier le soleil musicalement, ce spectacle est pour vous, délicieusement lunaire,  susceptible d’épater aussi bien les enfants que les adultes.  Vraiment, il y a anguille sous roche ! Le talent, juste le talent ! 

Paris, le 29 Septembre 2018

Evelyne Trân

PROGRAMME
CHRONOLOGIQUE
DES TITRES
INTERPRÉTÉS

Whisky A. Piazzolla
Thème Hongrois traditionnel
Jacinto Chiclana A. Piazzolla
Boléro M. Ravel
Gopak M. Moussorgski
Georgia on my mind R. Charles
Gitanerias E. Lecuona
Mon Oncle F. Barcellini
Medley Disney A. Menken
Barcarolle des Contes d’Hoffmann
J. Offenbach
Amélie Poulain Y. Tiersen
Take 5 P. Desmond
Oblivion A. Piazzolla
I got Rhythm G. Gershwin
Burden Down trad. Gospel
La complainte de la Butte G. van Parys
Danse Slave op. 72 n°2 A. Dvoràk
Chicken Tsigane P. Pichaud

 

Dans le cadre de la Fête de la gastronomie – Goût de France – La Tentation des pieuvres – CREATION POUR UN CUISINIER, QUATRE MUSICIENS ET CENT CONVIVES – Expérience musicale et culinaire – la Scène nationale d’Orléans le vendredi 21 Septembre à 20 H 30 et le samedi 22 Septembre 2018 à 12 H 30 –

Photo Cyrille GUIR

Equipe
Maguelone Vidal – conception, composition, saxophones, voix / Émilie
Rousset – regard extérieur / Claudius Tortorici – cuisinier / Christian Zanési 
électronique / Didier Petit – violoncelle, voix / Philippe Foch – batterie, voix
/ Emmanuel Duchemin & Axel Pfirrmann – ingénieurs du son / Emmanuelle
Debeusscher – scénographie / Laïs Foulc – conception lumière / Maurice
Fouilhé – régie générale & lumière / Jean-Marie Deboffe – régie plateau /
Margaux Decaudin – régie de tournée

Si vous êtes amateurs d’expériences sensorielles hors du commun et que vous êtes capables de lâcher prise, c’est à dire laisser au vestiaire votre identité pour vous glisser, ni vu, ni connu, dans les artères d’un rêve culino-musical, vous serez certainement séduits par « La Tentation des pieuvres » création pour un cuisinier, quatre musiciens et cent convives.

Maguelone VIDAL, la conceptrice du spectacle n’est pas seulement une musicienne aguerrie, elle est poète . Sa baguette d’orchestre, elle en use comme celle d’une fée qui certes ne transformera par les citrouilles en cochers mais c’est tout comme.

Les poireaux, les pommes de terre, les oignons sont à l’honneur, ils n’attendent que la main d’un cuisinier haut de gamme pour sortir de l’ombre et libérer leurs odeurs. Ont-il tellement hâte de faire partie du souper ? Les regards des convives s’agitent autour de la figure du chef qui imperturbablement épluche, émince, découpe, en menus morceaux, les légumes.

Devant leurs assiettes vides, les invités doivent faire preuve de patience, de savoir vivre, pour accueillir sans broncher une foule de bruits invisibles qui envahit l’espace.

Ces bruits, on les qualifierait volontiers de fantômes, faute de pouvoir tous les distinguer. Mais progressivement, l’oreille comprend qu’ils émanent de choses toutes simples, une soupière fumante, un couteau qui frappe, l’eau d’un robinet d’évier, la chaleur d’une plaque chauffante.

Les spectateurs à peine remis de leur surprise, les sens déjà tout retournés, ne sont pas encore au bout de leurs émotions olfactives et musicales.

Tel un animal furieux d’avoir été oublié, voici le percussionniste Philippe Foch qui assaille le cuisinier, tambourine sur son dos. Curieux supplice musical, effarant et, ma foi, très suggestif. Mais le cuisinier inébranlable n’a pour devise que le plat qu’il prépare, une bourride de petites seiches. Piteux, Philippe rejoint alors sa batterie et les membres de sa fratrie dispersée aux quatre coins de la salle à manger, la saxophoniste Maguelone VIDAL, le violoncelliste Didier PETIT, le musicien électronique Christian ZANESI.

Imaginez ce bonheur de faire partie d’un tableau vivant qui ne respire que par la musique et l’odorat. ll faudrait un peintre accoutumé à extraire de l’obscurité, toutes les nuances de la lumière, pour exprimer l’ambiance de ce récital.

Les sons sont volatiles comme les odeurs mais il est possible de les dompter. Ils ne disparaissent qu’après avoir rendu leur âme.

Maguelone VIDAL est certainement fascinée par les sons secrets, mystérieux que recèle tout objet. Elle est capable de faire gémir une batterie de casseroles, de souffler sur son saxo plongé dans un évier qui glougloute. Elle dispose d’une gamme de résonances toutes plus insolites que les autres pour faire jaillir l’étincelle musicale. Qu’elles soient bizarres ou familières, elles répondent aux injonctions des instrumentistes.

Il s’agit d’une musique exploratrice, intrigante et curieuse qui alimente l’imagination, qui fait appel à la reconnaissance instinctive des sons dans tout l’éclat de leur primeur.

Car les musiciens s’éclatent, ils s’échappent du ventre de Dionysos, de ses entrailles, ils houspillent notre appétit. Ah si les grouillements de nos intestins pouvaient être aussi réjouissants !

Estomaqués, nous assistons alors à un concert de jazz endiablé, époustouflant ! Puis, une sérénade de clochettes annonce la dégustation de la bourride, servie gracieusement par le chef cuisinier et tous les musiciens.

Le concept de cette création extraordinaire, réglée au cordeau, a pour origine la rencontre de Maguelone VIDAL et le cuisinier Claudius TORTORICI, tous les deux théâtralement imparables !

Ne manquez pas ce souper enchanté ! Vous vous y régalerez comme un personnage de Molière s’exclamant  » C’est merveilleusement assaisonner la bonne chère que d’y mêler la musique « 

Paris, le 28 Septembre 2018

Evelyne Trân

TOURNEE

Festival Musiques Démesurées, CLERMONT-FERRAND – 10 novembre 2018, 20h
• Théâtre de l’Archipel, Scène Nationale de PERPIGNAN, Festival Aujourd’hui  Musique – 19 & 20 novembre 2018, 19h

• Nouveau Théâtre de MONTREUIL, Centre Dramatique National, dans le cadre des Rencontres Internationales Théâtre et Musique, RITM

– 30 novembre & 1er décembre 2018, 18h30

• Philharmonie de PARIS, Cité de la Musique – 16 décembre 2018, 16h & 21h
• Scène nationale de MÂCON – 18 janvier 2019, 20h30
• Festival Sons d’Hiver, GRAND-QUEVILLY – 31 janvier & 1er février 2019, en soirée (horaire en cours)

LE JEU DE L’AMOUR ET DU HASARD de MARIVAUX – MISE EN SCENE DE BENOIT LAMBERT – AU THEATRE DE L’AQUARIUM – CARTOUCHERIE DE VINCENNES – Route du champ de manoeuvre PARIS – du 26 Septembre au 21 Octobre 2018 – Du mardi au samedi à 20 H, le dimanche à 16 H.

Mise en scène Benoît Lambert

assistanat à la mise en scène Raphaël Patout, scénographie et lumière Antoine Franchet, son Jean-Marc Bezou, costumes Violaine L.Chartier, coiffures et maquillage Marion Bidaud, régie générale et lumières Julien Poupon.

avec Robert Angebaud, Rosalie Comby, Etienne Grebot, Edith Mailaender, Malo Martin, Antoine Vincenot

A chaque pain son fromage ! Comment démentir un tel proverbe ? Muni d’une loupe grossissante, Marivaux s’amuse à jeter le trouble dans un bouillon de culture où s’agitent une paire de domestiques et une paire de bourgeois en les ayant préalablement délestés de leurs étiquettes.

Cela dit, le mariage est une affaire sérieuse. Sylvia, la fille de Monsieur ORGON, un bourgeois libéral, n’a absolument pas envie de se jeter dans les bras de l’inconnu que lui destine son père, sans l’avoir testé auparavant. Elle échange son costume avec celui de sa soubrette Lisette . Or son futur époux Dorante fait de même avec son valet Arlequin. Il s’ensuit un curieux méli-mélo, de nature à destabiliser tous les protagonistes. Arlequin déguisé en Dorante est irrésistiblement attiré par Lisette qu’il prend pour Sylvia.Le même phénomène s’exerce sur Dorante et Sylvia qui tombent amoureux.

Est-il possible de déroger à sa classe sociale par amour ? La question reste épineuse, mais étant donné l’antagonisme souligné entre la race des domestiques et celle des maîtres, entre les torchons et les serviettes, cela semble invraisemblable voire inconcevable.

Marivaux se risque cependant à ouvrir la brèche en mettant à l’épreuve les personnages. Le doute plane du côté des hommes qui paraissent quelque peu dégrisés lorsqu’ils découvrent l’identité de leurs dulcinées.

Il y a toujours du plaisir à assister à une représentation de cette pièce, ne serait-ce que pour la vivacité des dialogues. Dans la mise en scène de Benoît LAMBERT, aucun des comédiens ne force le trait, hormis lors de scènes comiques. Fraîcheur et légèreté sont au rendez-vous et nous saisissons les transformations des personnages amenés à se démasquer, mettant à nu davantage que leurs identités sociales, leurs valeurs morales.

La scénographie étonnante offre la vision d’un jardin-pelouse et d’un laboratoire naturaliste avec divers animaux empaillés et des tables regorgeant de fioles. Loin de distraire le spectateur, cette scénographie originale, hors contexte, est invisible aux personnages qui se meuvent dans leurs bulles aussi transparentes que des ailes de papillons.

Il s’agit évidemment d’un clin d’oeil aux recherches de Buffon, contemporain de Marivaux, pour observer de la façon la plus indulgente possible, les comportements d’une espèce animale particulière, la nôtre, tel est le message croustillant de cette belle mise en scène.

Paris, le 27 Septembre 2018

Evelyne Trân

LA SONATE A KREUTZER d’aprsè la nouvelle de TOLSTOI et des extraits du journal de Sofia TOLSTOI – Mise en scène : Goran Susljik D’après la nouvelle de : Léon Tolstoï – Adaptation dramaturgique : Irina Decermic – Au studio HEBERTOT du mardi 25 Septembre 2018 au dimanche 7 Octobre 2018 . Le mardi à 21 H, du mercredi au samedi à 19 H, le dimanche à 17 H.

Distribution :
Jean-Marc Barr
Tijana Milosevic
Irina Decermic

Musique interprétée par :
Irina Dečermić piano
Tijana Milošević violon

Profondément religieux,Tolstoï remet en question dans la nouvelle  » La SONATE A KREUTZER, l’institution du mariage de façon radicale à travers la confession d’un homme qui a tué sa femme.

L’homme en question semble incapable d’appréhender son épouse autrement que comme son ennemie potentielle parce qu’elle attise ses désirs sexuels, tout en restant insaisissable. Dans cette analyse, l’homme fait office de prédateur et la femme de proie.

Nous revient en mémoire, le slogan « Dénonce ton porc ». Dans cette nouvelle, le personnage de Pozdnychev se dénonce lui même comme un débauché. Il est accaparé par ses pulsions sexuelles lesquelles s’exacerbent lorsque sa femme pour des raisons médicales doit s’abstenir de tout rapport . Découvrant que son épouse pianiste s’entend parfaitement avec son professeur de musique, il devient fou de jalousie.

Comment oublier que pendant des siècles, le mariage scellait l’inégalité des droits de la femme, livrée en quelque sorte corps et âme à son époux. De ce point de vue, le mariage devient un moyen de marquer le territoire d’un homme qui va fonder sa famille, et possiblement s’enrichir de la dot de sa femme.

La « sonate de Kreutzer » donne la parole à un homme coupable d’avoir assassiné sa femme. La nouvelle fait tristement écho aux féminicides perpétrés en France, aujourd’hui. 

Tolstoï a t-il eu des pulsions de meurtre vis à vis de sa femme ? Le journal de sa femme joliment interprétée par Irina DECERMIC rapporte qu’elle fut soupçonnée d’entretenir une relation amoureuse avec un musicien.

Les propos tenus par le personnage sont révélateurs des déchirements névrotiques de Tolstoï qui l’amène à condamner l’amour charnel. Sur le mode de la narration conventionnelle celui de la nouvelle, l’émotion perd cependant du terrain.

Elle en regagne par l’intermédiaire de la musique, paravent spirituel de la violence  du meurtrier contrastant avec la douceur de la femme de Tolstoï  qui relate dans son journal les tourments que lui fait subir son époux.

Porte-parole de la diatribe de Tolstoï, contre le mariage, le personnage de Pozdnychev ne fait le tour que de lui-même. En somme, il ressort juste de sa confession qu’il n’aurait jamais dû se marier. Jean-Marc BARR, par sa présence physique, incarne la force virile, brutale du personnage, soulignant son odiosité.

« Qui veut faire l’ange fait la bête » et nous ajouterons fut-il musicien !

Le spectacle, « La sonate de Kreutzer », se veut l’écrin musical subliminal de la nouvelle de Tolstoï, d’une cruelle résonance. Comment ne pas penser aux victimes des violences conjugales. C’est à notre sens, le principal intérêt de ce spectacle, au-delà de sa réussite artistique, de nous confronter à cette réalité en mettant en parallèle l’étrange position de Tolstoï et le ressenti de son épouse à travers son journal. 

Paris, le 27 Septembre 2018

Evelyne Trân

PASOLINI EN FORME DE ROSE de Antonio Interlandi , mis en scène par Antonio Interlandi au Studio HEBERTOT – 78 Bis Boulevard des Batignolles 75017 Paris – DU 20 AU 23 SEPTEMBRE 2018 – Le jeudi et le vendredi à 19h Le samedi et le dimanche à 17h –

conception et mise en scène:
Antonio Interlandi
dramaturgie:
René de Ceccatty
direction musicale:
Mathieu El Fassi
éclairages:
Nita Klein
avec:
Antonio Interlandi
à l’accordéon:
Noé Clerc
textes extraits de:
Poésie en forme de rose
Sonnets
Poeta delle ceneri
Terrains, écrits sur le sport
dans les traductions de René de Ceccatty et de Flaviano Pisanelli
et les chansons:
La Ballata del Suicidio
Il Soldato di Napoleone
Il Valzer delle Topa
Cristo al Mandrione
Cosa Sono le Nuvole

De nombreuses photos attestent de l’anxiété dévorante de Pier Paolo PASOLINI, et pourtant sur ce visage sculpté comme une roche qui aurait dévalé une montagne, il est possible d’imaginer les fleurs qu’il a cueillies au passage, celles de la poésie, de la chanson, du cinéma, du football.

Antonio INTERLANDI a le visage de jeunesse de Pasolini qui résonne comme un aveu de connivence avec le poète. Inspiré du livre autobiographique « Le poète des cendres », le spectacle permet aux spectateurs de pousser cette porte si mystérieuse de la poésie telle que la vivait Pasolini « toujours égale à l’inexprimé, à l’origine de ce que je suis ».

« Rien ne vaut la vie » « Je serai le poète des choses » disait-il encore . L’intensité de la perception de l’artiste recouvrait aussi le visage de sa mère, paisible, à l’opposé du sien.

Comme Jacques BREL, il haïssait en lui le petit bourgeois. Etre artiste c’était partir à la conquête d’un autre visage d’homme capable de résister « dans la colère plus que jamais naïf comme des bêtes à l’abattoir ».

Un cœur qui saigne mais qui continue à vouloir jongler avec la vie, à se cogner comme le pied qui heurte le ballon. L’artiste fait aussi bien l’apologie de Bach pour sa sensualité profonde que du football où chaque but est une parole poétique.

Parcours de combattant que celui de Pasolini. Rappelons que parce qu’il était homosexuel, il fut chassé de l’enseignement, et exclu du parti communiste.

Mais Pasolini n’a pas le temps de s’apitoyer sur lui même, c’est l’explosion de vie qu’il veut exprimer – rose étant l’anagramme d’Eros – raconter, manifester même si pour ce faire, il doit faire l’éloge de la saleté, de la misère, de la drogue, du suicide.

Avec une voix grave qui va jusqu’au bout d’intonations quasi féminines, Antonio INTERLANDI arpente d’une façon inouïe  le paysage si fertile de Pasolini, avec ses chansons gaies et sensuelles, en forme de roses. On entend le soleil crépiter sous les notes de l’accordéoniste Noé Clerc.

De toute évidence, il s’agit d’un spectacle habité par Pasolini, d’une merveilleuse rencontre entre un auteur et ses interprètes, qui nous laissent bouche bée, plus qu’admiratifs, reconnaissants !

Paris, le 25 Septembre 2018

Evelyne Trân

TENDRESSE A QUAI de Henri COURSEAUX – MISE EN SCENE de Stéphane COTTIN au Studio HEBERTOT – 78 BIS BOULEVARD DES BATIGNOLLES – 75017 PARIS – A partir du 29 Août 2018 jusqu’au 18 Novembre 2018 – Du mercredi au samedi à 21 H, le dimanche à 14 H 30.

  • Photo studio Kisskiss
    Avec
    Henri COURSEAUX :  Auteur,Comédien
    Stéphane COTTIN : Metteur en scène,Scénographe
    Marie FREMONT : Comédienne

    Parfois dans le métro, vous prêtez attention à des personnes inconnues, suffisamment longtemps pour vous étonner de leur disparition à la rame suivante. Serait-ce un bonheur de les retrouver ?

    Nous ignorons si les héros de la comédie de Henri COURSEAUX, le premier jour de leur rencontre, ont échangé des regards. Une chose est sûre cependant, le vieil écrivain Léon, en mal d’inspiration, a été ému par la présence d’une jeune femme assise sur un banc à quelques pas de lui, alors qu’ils attendaient tous deux le train.

    Sans émotion, pas d’écriture.L’ inconnue devient le personnage d’une nouvelle que Léon publie sur facebook. Miracle, l’inconnue se reconnait si parfaitement dans le personnage que bouleversée, elle décide de frapper à la porte de l’auteur.

    Evidemment, s’il suffisait de crier sur les toits « Aimez moi, j ai tant besoin de tendresse » et de recueillir au passage l’obole d’un regard, ce serait magnifique !

    L’imaginaire a raison de tous les obstacles dans cette comédie, il est juste poète, candide, croit à l’amour. Surtout, il a de la répartie et nous permet de douter de la réalité qui dans le fond intéresse fort peu les personnages.

    Esprits cyniques, abstenez-vous ou laissez tomber un peu de votre corne. La pièce de Henri COURSEAUX est de nature à balayer toute amertume, elle est philosophique.

    L’auteur interprète a belle allure et prête son charme à l’écrivain, qui tire de l’effet de son vieillissement un argument hors normes pour séduire la jeune femme incarnée gracieusement par Marie FREMONT. Le metteur en scène, Stéphane COTTIN, fluide, orchestre les mouvements des comédiens, avec l’instinct du chorégraphe.

    « Deux pigeons s’aimaient d’amour tendre » nous conte La Fontaine. « Il est vieux mais qu’importe, il m’aime » s’exclame la jeune femme . « Tendresse à quai » résonne comme une fable, elle court-circuite tous les nuages.

    Paris, le 24 Septembre 2018

    Evelyne Trân

MISERY – Une pièce de William Goldman d’après le roman de Stephen King – Avec Myriam Boyer et Francis Lombrail -Théâtre Hébertot 78 bis bld des Batignolles 75017 Paris – À partir du 19 septembre 2018 – Du mardi au samedi à 21h – Matinée dimanche à 15h – Durée : 1h40

Une pièce de William Goldman d’après le roman de Stephen King
Adaptation française Viktor Lazlo
Mise en scène Daniel Benoin
Assistante à la mise en scène Alice-Anne Filippi Monroché
Avec Myriam Boyer et Francis Lombrail

Scénographie Jean-Pierre Laporte
Costumes Nathalie Bérard-Benoin
Lumières Daniel Benoin
Vidéo Paolo Correia

Le synopsis de la pièce MISERY, adaptée du roman éponyme de Stephen KING met en scène un huis clos entre un écrivain de best-sellers et une lectrice fan d’une série de romans ayant pour héroïne, le personnage de Misery.

 Misery est la figure phare de ce thriller . Du fait de sa virtualité, en tant que personnage de fiction, elle a le rôle d’avatar pour les protagonistes, l’écrivain, sorte de deus ex machina, à l’origine de sa création et de sa destinée et d’autre part la lectrice qui y transfère  ses propres désirs au point de vouloir les imposer à l’écrivain qu’elle séquestre pour arriver à ses fins.

 Misery en tant que personnage appartient aussi bien à la lectrice qu’à son créateur mais sa réalité concrète passe obligatoirement par un fantasme, la rencontre fusionnelle entre un auteur et le lecteur qui ne peut être que désastreuse, En effet, si un écrivain peut anticiper les attentes de ses lecteurs, son processus créatif ne dépend que de lui, en tant que deus ex machina.

 La lectrice en question, une ancienne infirmière psychopathe, joue le rôle de vampire pour l’auteur qu’elle martyrise. Sa volonté d’occuper une place dans le mental de l’écrivain, réussira en quelque sorte. Misery sera à jamais entachée par le souvenir de cette lectrice, son ombre cauchemardesque .

 Se trouve à l’œuvre une hache de guerre, celle du processus créatif d’un écrivain. L’infirmière symbolise tous les démons de cet écrivain, elle le pousse à bout en le clouant au lit, en le torturant, le droguant et pire en jetant au feu son dernier manuscrit.

Tout l’art de Stephen KING est de nous faire croire qu’Annie, cette lectrice psychopathe existe bel et bien. Paul, l’écrivain et Annie son bourreau, ont potentiellement la consistance de personnes ayant existé ou pouvant exister.

 La mise en scène saisissante de Daniel BENOIN est dotée d’une scénographie judicieuse à la fois très réaliste et virtuelle, sorte d’offensive du caractère implacable de l’imaginaire mental des personnages, celui de la chambre d’hôpital et son énorme lit, avec en arrière-plan, la projection d’une pièce adjacente où s’affaire Annie,et des visions de cauchemar de Paul.

  Nous retrouvons dans cette adaptation théâtrale, tous les éléments spectaculaires d’un thriller qui doit prendre en charge des univers mentaux très marqués, celui d’une malade mentale et celui d’un écrivain.

 Il va sans dire que tout l’intérêt de la pièce repose sur l’interprétation des personnages. Celle de Myriam BOYER chavire à la fois le cœur et l’esprit au point que nous arrivons à nous identifier à cette lectrice au-delà de sa folie. Elle représente la passion exclusive tout entière face à un écrivain devenu blasé et en manque d’inspiration.

Interprété avec justesse par Francis LOMBRAIL,  l’écrivain devient un zombie pris au piège de sa renommée et de ses fans, il a perdu son âme.

Un spectacle rare à ne pas manquer, captivant et impressionnant de bout en bout !

Paris, le 21 Septembre 2018

Evelyne Trân

LES MOTS POUR LE DIRE d’après le best-seller de MARIE CARDINAL – Adaptation de Jade LANZA – Mise en scène de Frédéric SOUTERELLE au THEATRE L’ARCHIPEL – 17 Bd de Strasbourg 75010 PARIS – A partir du 13 Septembre 2018 du jeudi au samedi à 19 H 30 –

D’après le best-seller de Marie Cardinal. Adaptation : Jade Lanza.
Mise en scène : Frédéric Souterelle
Avec Françoise Armelle et Jade Lanza
Avec les voix de : Daniel Mesguich, Grégory Laisné, Mélanie Paillié et Frédéric Souterelle
Lumières de Tanguy Gauchet / Décor de Peter Marshall et Lucas Sassoletti

Les mots pour le dire, cinq mots pris à Boileau rappelle Toni Morrison, la préfacière du best-seller de Marie CARDINAL paru en 1976, chez Grasset, qui étincellent sur un rocher, l’île autobiographique de l’auteure.

 A la lecture du roman, il parait évident que l’écrivaine a effectué un remarquable travail sur elle-même pour faire gagner le large à sa propre histoire où se trouve imbriquée celle de sa mère, à la force du poignet véritablement, puisque ce qu’elle raconte l’amène à plonger dans un gouffre que l’on appelle inconscient faute de mieux.

 Marie Cardinal portait en elle une souffrance qu’elle nommait « la chose » se manifestant par des troubles psychosomatiques, des pertes de sang continuelles qui lui empoisonnaient la vie. En dernier recours, elle entreprit une psychanalyse durant sept années qui lui permit en quelque sorte de se libérer de cette « chose ».

 Les mots ont beaucoup de sens chez Marie Cardinal qui sait composer avec leur fluidité ternaire opérant cette même distanciation entre l’œil du spectateur ou l’auditeur et l’objet lui-même, de l’ordre du spectral.

Adaptant ce roman pour le théâtre, Jade LANZA l’interprète de la narratrice s’est principalement attachée au rayon lumineux de l’enfance de Marie Cardinal.

C’est la voix de l’enfant qu’elle exprime qui cherche à percer l’obscurité, le tragique, l’impensable dans le comportement de sa mère vis-à-vis d’elle, qui la fera passer de l’amour à la haine puis enfin à nouveau à l’amour faute de quoi c’est ainsi qu’il faut le comprendre, il n’y a plus de raison d’être.

Avec grâce, Jade LANZA ressuscite donc l’enfant devenue femme qui fait face à l’ombre de sa mère impressionnante, terrible interprétée par Françoise ARMELLE.

Mis en scène sobrement par Frédéric SOUTERELLE, le spectacle a l’avantage d’offrir une bolée de fraîcheur à ce roman qui peut paraitre daté, puisque l’époque du récit date des années quarante et cinquante. L’éducation des enfants a évolué depuis, croyons-nous, mais nous nous interrogerons toujours sur les relations entre enfants et parents. Trouver les mots pour le dire sans pathos, lumineusement, c’est tout le charme, l’intelligence de cette adaptation.

Paris, le 19 Septembre 2018

Evelyne Trân

L’INGENU de Voltaire – Adaptation de Jean-Christophe Barbaud et Thomas Willaime – A LA FOLIE THEATRE – 6, rue de la Folie Méricourt 75011 PARIS – Du 30 août au 11 novembre 2018, Jeudi à 19h30, samedi à 18h et dimanche à 16h30 – Représentations scolaires supplémentaires prévues en semaine.

Mise en scène : Jean-Christophe Barbaud
Avec : Thomas Willaime 
Création lumières : Sophie Corvellec

Voltaire semble avoir éprouvé un malin plaisir à travers L’Ingénu,  un personnage, hors normes, hors continent, capable de faire trembler les mœurs de tout un canton de Bretagne, par sa liberté d’esprit et de parole.

 L’ignorance des valeurs du monde dans lequel il débarque lui permet d’exprimer son étonnement et de faire valoir son innocence autour de lui, notamment auprès d’un respectable prieur et sa sœur qui pensent avoir affaire à leur pauvre neveu, dont les parents auraient disparu tragiquement pendant leur traversée vers le Canada.

 Dans ce conte l’Ingénu, paru en 1767, l’écrivain pianote avec virtuosité sur plusieurs touches, celle de la romance sentimentale, le rocambolesque et naturellement la satire des mœurs de son époque avec une ironie absolument savoureuse.

 Qui pourrait donc clamer son innocence face à une levée de boucliers d’ordre religieux, sinon un ingénu, un étranger, sachant que ces mêmes boucliers ont conduit à la torture et à la mort, le 1er Juillet 1766, un jeune homme, le chevalier de La Barre, reconnu coupable de blasphème – il n’aurait pas ôté son chapeau, lors d’une cérémonie religieuse – et pire ignominie, il conservait dans sa chambre des écrits anti-religieux de Voltaire.

 Voltaire fit sa propre enquête sur cette affaire et découvrit qu’elle recouvrait des histoires d’amour et de vengeance. Le conte s’en fait l’écho et le rapprochement est voulu entre le Chevalier de La Barre, neveu d’une abbesse et cet ingénu, neveu d’un prieur.

 Il semble bien que Voltaire dote son personnage de toutes les qualités qu’il aurait voulu voir reconnues chez le Chevalier de La BARRE, le courage, l’opiniâtreté, la noblesse d’âme.

 Cet ingénu est aussi le porte-parole du parcours de jeunesse de Voltaire emprisonné à la Bastille et de son effarement face aux imbroglios religieux et politiques de son temps.

 Voltaire à 74 ans, prend sa plume, la plus affûtée pour voler au secours et de sa jeunesse et de ses rêves les plus fous de liberté, annonçant déjà la rébellion féminine à travers le personnage de Mademoiselle Saint-Yves, l’amour de l’Ingénu, victime de la lâcheté masculine.

    

 Thomas WILLAIME, l’interprète de ce conte mouille sa chemise. Il traverse le texte comme un cheval fougueux, intrépide, sur le chemin d’une histoire qui relève toujours ses manches, nous interpelle, nous bluffe par sa modernité.

 Sous la main de velours du conte philosophique, se dresse toujours la férule indignée de Voltaire contre les assassins de la liberté.

 Paris, le 17 Septembre 2018

 Evelyne Trân