LA MOUSSON D’ETE 2018 – ECRIRE LE THEATRE AUJOURD’HUI – Brume, éclaircies, orages à l’horizon du Réel – MEEC [Maison Européenne des Écritures Contemporaines] du 23 au 29 Août 2017 – Rencontres théâtrales internationales à l’Abbaye des Prémontrés à Pont-à-Mousson (54700) .

Peut-on imaginer quelques auteurs ou autrices jeter feuille par feuille leurs pièces soit dans le fourneau théâtral, soit plus poétiquement comme des fleurs au-dessus de l’illustre pierre tombale invisible par exemple de Molière.

Au bout du peigne théâtral quelques cheveux morts s’échappent,  dure, dure probablement la condition d’auteur, aujourd’hui.

Qu’attend-on d’un auteur  théâtral ? (Est-il besoin de préciser  ici  que le terme auteur  est générique  et inclut les 2 genres féminin et masculin).  Pense-t-on vraiment que le public fasse cas de l’auteur s’il lui est inconnu. Il vient au théâtre le plus souvent pour se ressourcer, pour s’oublier en s’intéressant à d’autres vies, d’autres horizons que le sien propre.

Les auteurs seraient-ils mandatés par une foule anonyme pour prendre  le pouls de la désolation existentielle ambiante ? Il va de soi que les auteurs invités de la Mousson d’été  sont plus friands d’introspection que de divertissement.

Bien sûr qu’il faut se poser des questions sur le monde, sur l’humain encore divisé en deux parties, la gente masculine et la gente féminine etc… Mais en ne se prenant pas trop au sérieux que diable ! Force est de reconnaître que le péché principal de l’auteur c’est la logorrhée ou le bavardage.  Il donne l’impression parfois de s’écouter parler tandis que le public bien sage comme à l’école soit s’ennuie soit s’endort.

Sans doute, les auteurs respectueux de leur mission humaniste éprouvent  la tentation de la crédibilité et ils croient qu’en relayant les propos des vrais gens, ils sont authentiques, du coup à trop se coller sur la vitre transparente, les voilà atteints de verbiage qui les retient au sol certes mais les alourdit  terriblement.

Faut-il sortir de l’âtre les atermoiements de l’inconscient à l’état de braises ? Peut-on vraiment croire que Shakespeare ou Molière (pour faire court) fassent de l’ombre aux auteurs contemporains  ? Aucune lecture des pièces que nous avons découvertes ne laisse indifférent mais cette prédilection pour le monologue des personnages a pour effet de rabattre la flamme, l’aspect submersif, extérieur des événements dont ils témoignent. Le personnage c’est l’arbre qui cache la forêt mais cette forêt justement, elle doit pouvoir  se faire entendre au théâtre. 

Est-ce à dire que parmi les auteurs ou leurs personnages, certains sont trop intelligents pour se laisser démonter par leurs rêves, leur imagination qui restent pourtant de véritables moyens de défense contre une réalité qui s’impose ou nous est imposée.

Cela dit, la Mousson d’été est un laboratoire, un lieu d’expérimentation. Les auteurs ont tout de même le courage de présenter leurs pièces au stade de l’habillage, en peignoir en quelque sorte.

Et, que le public se rassure, non, le théâtre n’est pas seulement destiné aux grandes tronches intellectuelles, aux grands esprits, il peut s’adresser aussi aux bons vivants et même, cerise sur le gâteau, faire rire tout en faisant réfléchir. Et puis quelques raisins parfument les pièces les plus bourratives.

Voici dont les cerises sur le gâteau :

  • Excusez-nous si nous ne sommes pas morts en mer de Emanuele Aldrovandi (Italie), texte traduit par Federica Matteucci et Olivier Favier, dirigée par Ivica Buljan, avec Alain Fromager, Charlie Nelson, Didier Manuel et Johanna Nizard

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  • Photo Eric Didym
  • L’auteur italien Emanuele ALDROVANDI met en scène un huis clos beaucoup plus barbare que celui de Sartre en racontant la terrible équipée de quatre individus livrés à leur instinct animal « Sauve qui peut » seuls sur un container en bois en pleine mer, à la suite du naufrage de leur bateau.

  • La référence aux barques des migrants et leurs tragédies est évidente. Sauf que les quatre personnages ne font pas figure de gueux, l’un semble être un homme d’affaire véreux, l’autre un journaliste en quête de scoop mais plutôt falot, l’autre une belle jeune femme africaine qui rêve de partir en Australie. Et puis il y a le conducteur de ces migrants qui leur a promis le « paradis ».Cette féroce satire de naufrage de migrants a le mérite de souligner que cela n’arrive pas qu’aux autres d’être pris aux pièges de leurs rêves d’Eldorado. Que nous soyons misérables ou soi-disant civilisés, dans des conditions extrêmes, hélas la bête se réveille et hurle « Mangez-vous les uns les autres » !

  • Nous descendons tous des migrants sinon des baleines ironise Emanuele ALDROVANDI ! Quand l’homme n’aura plus pour seul interlocuteur que la baleine !

  • The writer de Ella Hickson (Angleterre), texte traduit par Dominique Hollier, dirigée par Ramin Gray, avec Quentin Baillot, Charlie Nelson et Julie Pilod

  • photo Eric Didym
  • Dur, dur d’être une autrice dans un monde dominé par le genre masculin ! A-t-on le droit de choisir entre le mot auteure ou celui d’autrice ? Histoire de goût, voilà tout, d’expression sonore et salivaire du mot lui-même, eh oui parce qu’un mot aussi ça se savoure sur la langue !

  • La pièce raconte la difficulté d’être auteure, à vif. L’on sent chez ce personnage d’auteure, une urgence à faire accepter son besoin d’écrire, d’être considérée comme écrivaine à part entière, en se positionnant comme féministe dans ses relations d’une part avec les mâles, d’autre part avec les autres femmes. Il s’agit d’une femme auteure qui se cherche et après tout en tirant le seau du puits, ne finira-t-elle pas par reconnaitre que l’énergie créatrice doit bouillonner dans le pot commun, celui du genre humain.

  • La traversée de Josep Maria Miró (Catalogne), texte traduit par Laurent Gallardo, dirigée par Laurent Vacher, avec Éric Berger, Didier Manuel, Charlie Nelson et Julie Pilod

  • photo Eric Didym
  • Puisant sur sa propre expérience de volontaire dans une ONG en Bosnie, l’auteur dresse le portrait d’une femme engagée, la sœur Cécilia envahie par un vaste sentiment d’impuissance, voire de culpabilité face aux atrocités humaines dont elle est témoin. Résolue à dénoncer son chef religieux qu’elle soupçonne être l’auteur du viol et de l’assassinat d’une petite fille, elle se heurte inévitablement à un mur de silence qui la contraint à quitter ses fonctions puis le voile. Cette femme est incarnée par la comédienne Julie PILOD tout à fait remarquable.

  • La pièce très intense s’attache à exprimer à travers cette femme témoin, le tremblement de terre intérieur qu’elle endure qui suscite la compassion d’un photographe pourtant plus porté à capter les effets spectaculaires d’un événement, ce qui la révolte intimement. La photo qu’il a prise d’elle avec l’enfant mort dans les bras ne sera jamais publiée et la volonté de Cécilia de rendre justice à l’enfant, ne pourra s’exprimer suite au massacre du camp et du présumé auteur du crime juste après son départ. Quand le Mal règne, il ne fait pas dans le détail mais l’attitude de Cécilia, sa résistance morale auront tout de même bouleversé le regard du photographe et se faisant le nôtre face à des événements que nous appréhendons de l’extérieur sans prendre la mesure des fractures de conscience, souterraines qu’ils occasionnent. Cécilia deviendra femme de ménage.Qui pourrait deviner que derrière cet humble habit, elle enveloppe un terrible drame intérieur.

  • La petite fille de Monsieur Linhd’après Philippe Claudel(France), mis en scène par Guy Cassiers, avec Jérôme Kircher à l’espace Montrichard

  • la petite fille de monsieur linh, guy cassiers

    De l’ordre de l’intime, l’est également le spectacle « La petite fille de Monsieur Linh. Il n’y a qu’un seul acteur sur scène pour raconter ce conte à feux doux qui exprime l’inexprimable, l’amitié entre une vieux réfugié et un veuf esseulé. Le comédien sait qu’il n’est pas tout seul, un théâtre d’ombres s’agite derrière lui, ce sont ces propres images relayées en direct par un projecteur.

  • Jérôme KIRCHER parle lentement et doucement. Sa voix est musicale, elle dessine comme au crayon, voire au fusain, ce qui au fur et mesure de l’histoire va permettre aux spectateurs de découvrir la tragique destinée de Monsieur Linh et de sa petite fille. L’intrigue est simple, elle pourrait être résumée en quelques phrases, il ne s’agit que d’un chemin après tout. Le vivre de l’intérieur ou plutôt en se projetant sur le cheminement propre du vieil homme qui réussit à communiquer avec un homme dont il ne parle pas la langue, à qui il fait partager sa passion pour sa petite fille, tout cela relève de l’ineffable, de la grâce. Juste une histoire, deux personnages et pourtant l’infini qui peut s’y propager celui de l’émotion, celui de l’imaginaire.

  • Comme à son accoutumée, la programmation de la mousson d’été est éclectique. Reflète-t-elle une tendance générale à l’introspection, à l’intime plutôt qu’au spectaculaire, allez savoir !

  • A notre sens, les auteurs ont raison de vouloir s’affirmer (cf. débat organisé « La dispute » entre Nathalie Fillion et Pascale Henry) . Des auteurs, il y en a toujours eu, il y en aura toujours parce qu’ils n’ont pas la vocation marchande, ils résistent hors de la loi de l’offre et la demande. Ecrire pour eux c’est une nécessité comme le boire et le manger.

  • Qu’ils tempêtent, s’inquiètent d’un véritable manque de considération, hélas, cela fait partie du parcours de combattant des artistes. Pourquoi ne pas le souligner, un auteur est un artiste comme les autres.

  • Paris, le 30 Août 2018 

  • Evelyne Trân

MONOLOGUES POUR LA PAIX par le comédien Moa ABAID à la PAROLE ERRANTE 9, Rue François Debergue, Montreuil 93100 – Métro : Croix de Chavaux – Les 5, 6 et 7 Septembre 2018 à 20 HEURES –

Extraits de poèmes de Katznelson, déporté à Auschwitz en 1944 et de Noureddine Aba, écrivain, journaliste, sur le massacre « C’était Sabra et Chatila à Beyrouth 18 et 19 septembre 1982 »

par le comédien Moa ABAID

Moa ABAID est un artiste interprète binational. Son but est « de montrer que la douleur humaine est la même qu’elle que soit l’ethnie la religion ou la couleur « .

VALJEAN – Adaptation des Misérables de Victor Hugo – Au THEATRE DE L’ESSAION -6, rue Pierre au lard (à l’angle du 24 rue du Renard) 75004 Paris – Du 23 août 2018 au 19 janvier 2019 Les jeudi vendredi et samedi à 19h30 – Les représentations du vendredi sont en anglais à partir du 31 août 2018 –

 

  • Auteur : Christophe Delessart

  • Mise en scène : Elsa Saladin

  • Avec : Christophe Delessart

  • Site de la compagnie : https://www.valjean.eu/

 

Valjean filage Essaïon photo Laetitia Piccaretta

Dans les années soixante, au siècle dernier, les Editions Rouge et Or publiaient pour les enfants une adaptation d’un épisode des Misérables de Victor Hugo, celui de la rencontre de Jean Valjean avec Cosette. Une image s’est cristallisée dans ma mémoire, celle de la main de Jean Valjean soulevant le seau d’eau trop lourd que la petite Cosette trimballait en titubant sur un chemin de solitude.

 L’apprentissage de la lecture qui réclamait quelques efforts allait de pair avec le sentiment de compassion éprouvé pour la petite Cosette. Je ne cessais d’aller de l’image aux mots, éblouie d’être transportée dans une histoire par la magie de quelques mots.

 Cette main c’était déjà tout le personnage de Jean Valjean. C’était son visage, toute l’aura de son destin, son chemin.

 Beaucoup plus tard à l’adolescence, lorsqu’un professeur demanda aux élèves d’écrire une préface pour un livre, je choisis évidemment Les Misérables. Ce fut un échec, le professeur me rendit la copie, critiquant le choix trop ambitieux pour une élève de 4ème et qualifiant la prose pourtant très laborieuse d’artificielle.

 Mais comment regretter cette tentative infructueuse ni même l’émotion que déclencha le jugement lapidaire du prof.

 Eprouver un sentiment d’injustice, celui-là même qu’a enduré Jan Valjean, allons donc !

 N’est-il point tragique ce sentiment d’être mal compris, mal interprété. Il y a des accents de sincérité qui peuvent résonner de façon artificielle, à cause de leur trop plein sans doute comme le seau d’eau de Valjean et Cosette.

 Partir de soi, c’est ce qu’a entrepris Christophe DELESSART pour donner la parole sur scène à Valjean. Il n’était pas évident d’accoucher de ce personnage trop souvent incarné par des vedettes telles que Jean Gabin ou Gérard Depardieu.

 Valjean est un anti-héros, un taiseux, il est entier en quelque sorte comme un arbre solitaire qui affronte, seul, les avanies climatiques de la société, qui n’a pas besoin de compliments, qui trace sa route puisqu’il n’a rien à perdre. Aider de plus faibles que lui, voilà qui redonne un sens à sa vie !

 Victor Hugo a mis certainement beaucoup de lui-même dans ce personnage qui exprime des sentiments universels tels que la honte, l’humiliation, l’injustice, la jalousie, la haine ou l’amour.

 Mais l’un des sentiments qui caractérise le plus Valjean, c’est sans doute l’humilité. La sonorité liquide du mot s’accorde à son origine étymologique « du mot latin humilitas dérivé de humus, signifiant « terre ».

 Nous ne serions faits que d’eau, de terre, de feu qui animent nos pensées, nos apparences, selon les poètes.

 Valjean est un homme simple qui ne parle que lorsque son cœur déborde, lui qui ne peut revendiquer le rôle de père, lui qui n’a pas de femme, qui ne représente Rien pour la Société mais qui possède un trésor, son amour pour Cosette, une enfant trouvée.

 Le portrait que nous en donne Christophe DELESSART, finement mis en scène par Elsa SALADIN, est tout simplement bouleversant !

 Paris, le 25 Août 2018         Evelyne Trân

De Pékin à Lampedusa de Gilbert Ponté avec Avec : Malyka R.Johany – AU THEATRE DE L’ESSAION 6, rue Pierre au lard (à l’angle du 24 rue du Renard) 75004 Paris – Du 27 août 2018 au 7 janvier 2019 – Les lundis et mardis à 19h45 –

  • Auteur : Gilbert Ponté

  • Mise en scène : Gilbert Ponté

  • Avec : Malyka R.Johany

  • Site de la compagnie : labirba.net

Personne ne pourrait les arrêter, pensons-nous, ces amazones qui s’élancent entre ciel et terre sur les pistes d’athlétisme offrant aux caméras du monde entier l’image de leurs jeunes corps messagers de la flamme olympique.

Gilbert PONTE qui dit « être fasciné par les personnages qui portent en eux une passion » est tombé un jour sur l’article d’une écrivaine italienne d’origine somalienne, Lagiaba SCEGO  qui relatait l’histoire de Samia, une jeune athlète, morte noyée avec d’autres migrants au large de l’ile de LAMPEDUSA alors qu’elle tentait de gagner Londres en vue des jeux olympiques de 2012.

 L’histoire est tragique, elle pourrait faire songer, toutes proportions gardées, au conte de la chèvre de Monsieur Seguin qui arrachant ses chaines par soif de liberté inextinguible, va se battre toute une nuit en vain contre le grand loup occidental.

N’est-ce point ce désir de liberté qui pousse de nombreux migrants à fuir leurs pays, sachant souvent le risque de mort qu’ils encourent.

Samia YUSUF OMAR qui avait réussi à représenter la Somalie aux jeux olympiques de Pékin, s’est trouvée empêchée par les autorités de poursuivre son entrainement. Dès lors, il lui fallait fuir, risquer le tout pour le tout.

Destin brisé, fracassé aux portes des grandes fanfares des jeux olympiques, cette vitrine aux enjeux économiques énormes.

Quel fossé entre la flamme olympique et la minuscule étincelle que représente Samia dont le corps sera jeté dans une tombe anonyme de LAMPEDUSA !

Samia ne véhiculait que son propre rêve celui de s’épanouir comme athlète. Ce rêve innocent et fébrile est incarné par une jeune comédienne Malyka R.JOHANY d’une grâce et d’une fraicheur saisissantes.

 Gilbert PONTE semble faire fuser les paroles d’une enfant sans commune mesure avec les forces obscures qui vont l’entrainer vers la mort. Il enjoint les spectateurs à cristalliser leur regard sur l’amazone inatteignable, qui joue sa vie contre la montre, l’impitoyable roue humaine.

Paris, le 15 Septembre 2017 

Mis à jour le 23 Août 2018   

Evelyne Trân  

 

VIVE LA MOUSSON D’ETE 2018 ! – MEEC [Maison Européenne des Écritures Contemporaines] du 23 au 29 Août 2017 – Rencontres théâtrales internationales à l’Abbaye des Prémontrés à Pont-à-Mousson (54700) .

Fondée en 1995 par Michel Didym, son directeur artistique, La Mousson d’été constitue l’un des événements européens majeur pour la découverte, la formation et la promotion des nouvelles écritures dramatiques. Pendant sept jours, au cœur de la Lorraine, l’Abbaye des Prémontrés ouvre ses portes aux auteurs dramatiques, aux metteurs en scène, aux universitaires, aux comédiens et au public pour venir écouter le théâtre d’aujourd’hui. C’est autour de lectures, de mises en espace – de textes inédits ou traduits pour la première fois en français -, de conversations et de spectacles que La Mousson d’été organise ce terrain de rencontres.

La prochaine édition de La Mousson d’été continuera d’affirmer sa dimension européenne et se déroulera du 23 au 29 août 2018 pour puiser, à la source, le talent, confirmé ou prometteur, d’auteurs internationaux toujours très percutants.

 La Mousson d’été programme

 

FESTIVAL LES NUITS DU CARMEL – LES SCENES DU PAMIERS – AU CARMEL – 13, 14, 15,18 août – à 18 Heures – LES SONNETS de William Shakespeare – Réservation obligatoire (jauges limitées) au 06.37.78.78.72. –

Mis en scène, en musique et avec (en alternance) : Olivier Chombart, Yannik Landrein, Anaïs Marty, Charly Marty, René Turquois, Simon Vincent, Thomas Champeau.

Et avec les étudiants stagiaires : Alex Beaujardin, Juliette Jeanmougin, Appoline Peccarist, Vincent Tirant et Thomas Vincent

Trempez donc vos lèvres dans cette coupe de sonnets shakespeariens, mis en musique par la compagnie MALA NOCHE. Les sonnets ont de la bouteille, depuis leur création, il y a plus de quatre siècles, un nombre incroyable de traducteurs ont cherché à en saisir la substantifique moelle.

 Or, il n’est pas besoin d’être spécialiste pour goûter au charme de ces sonnets, parfois sibyllins, parfois poreux sous la langue. Il s’agit bien d’un philtre magique qui ensorcelle  celui ou celle qui y touche, qui ne pourra alors parler que d’amour !

 Voici des jeunes comédiens émulés par leur fantaisie, leur gaieté et certainement un peu de romantisme qui libèrent ces sonnets de leur poussiéreuse préciosité, juste une voile de mystère, pour partager avec le public, leurs vagabondes flagrances, épicées et aphrodisiaques.

 Ils se sont donnés carte blanche, entière liberté pour choisir chacun les sonnets qui parlent le plus à leur cœur, parmi les 154 sonnets.

 Ceux que nous avons entendus incarnés tour à tour par des voix  ailées et frémissantes (Anaïs Marty, Appoline Peccarist, Juliette Jeanmougin) ou enflammées, enfiévrées  et lunatiques (Olivier Chombart, René Turquois, Thomas Champeau et les étudiants stagiaires)   accompagnés des compositions musicales de Charly Marty, à la guitare électrique, regorgent d’ineffables messages :

 La mortelle lune a enduré l’éclipse

J’ai deux amours, l’un fait ma joie, l’autre m’accable

J’imagine chaque ange dans l’enfer de l’autre

Ce poème doit vivre et te donner la vie

 Et puis, il y a cet écho fracassant de Ronsard 58 de Serge Gainsbourg « T’auras des amants, t’auras du succès, t’auras des bagnoles… » qui souligne opportunément que les sonnets en somme ne causent que de délire, délire amoureux, délire éternel.

 Nous avons eu le privilège d’entendre le sonnet 154 en français et en anglais et d’apprendre que le sonnet shakespearien obéit aux règles du pentamètre et de l’iambique. Chaque vers a 5 pieds, chaque pied 2 syllabes dont l’une est détendue, l’autre stressée comme un battement de cœur.

 Et nous avons compris le sens de ces sonnets qui pour être entendus doivent suivre le rythme toujours intime de nos battements de cœurs !

 Enivrez-vous de ce breuvage, sans modération, il est spirituel et frais, pétillant et joyeux !

 Paris, le 17 Août 2018

 Evelyne Trân

FESTIVAL LES NUITS DU CARMEL – LES SCENES DU PAMIERS – VISITES SHAKESPEARIENNES AU CARMEL – Place du Mercadal à PAMIERS – 12 – 15 – 18 -19 Août – à 15 Heures -Réservation obligatoire (jauges limitées) au 06.37.78.78.72.

 

Mis en scène, en musique et avec (en alternance) Olivier Chombard, 

Thomas Champeau, Anaïs Marty, Charly Marty, René Turquois, Simon Vincent, Juliette Jeanmougin, Appoline Peccarist.

L’esprit de Shakespeare décidément goûte avec bonheur l’air de Pamiers. Il s’est invité dans les coulisses du Carmel, ses espaces intérieurs et extérieurs, avec une colonie de personnages qui  se font une joie de surprendre les spectateurs, au détour d’un couloir, à l’intérieur des cellules des nonnes d’antan, d’escaliers secrets qui débouchent sur des jardins.

Les visiteurs guidés par Guillaume DUJARDIN, intarissable sur Shakespeare, dont il parle comme d’un ami cher, se trouvent cernés par ces curieux fantômes hantés par des personnages qui ont fait la renommée des pièces de Macbeth, Richard III, Hamlet, Le songe d’une nuit d’été.

 En moins d’une heure les visiteurs  ont le privilège de découvrir ou de redécouvrir les sortilèges du verbe Shakespearien, poétique, lyrique, dramatique, extrémiste, qui tel une lame de fond traverse les murs oh combien méditatifs de l’enceinte du Carmel.

 Nous retrouvons avec plaisir les comédiens d’Antoine et Cléopâtre, il faudrait les citer tous. Nous ont particulièrement impressionnés, Thomas Champeau  qui campe un Hamlet complètement fou et  Juliette Jeanmougin qui sans le physique du rôle, investit superbement  Richard III.

 Que les festivaliers ne manquent pas cette visite Shakespearienne tout à fait originale. Quand Shakespeare jette son dévolu sur Pamiers, il y a de l’écho jusque dans les murs de l’auguste Carmel, pour le bonheur aussi de tous les Appaméens !

Pamiers, le 16 Août 2018

 Evelyne Trân

 

FESTIVAL LES NUITS DU CARMEL – LES SCENES DU PAMIERS – AU CARMEL – Place du Mercadal à PAMIERS – 10 – 14 août – 17 – 18 représentation supplémentaire – 20 août à 21 Heures – ANTOINE ET CLEOPATRE de William Shakespeare – Mise en scène : Guillaume Dujardin. Réservation obligatoire (jauges limitées) au 06.37.78.78.72.

Mise en scène : Guillaume Dujardin. Avec : Olivier Chombard, Yannik Landrein, Anaïs Marty, Charly Marty, René Turquois,  Simon Vincent.

Et avec les étudiants stagiaires : Alex Beaujardin, juliette Jeanmougin, Appoline Peccarist, Vincent Tirant et Thomas Vincent

Antoine et Cléopâtre, sublime duel d’Eros et  Thanatos .

Derrière les arcades du Carmel, se trouve une très jolie cour depuis longtemps à l’abri des regards indiscrets du public. Grâce à l’initiative du nouveau directeur des scènes de Pamiers, Frédéric LAFOND, voici qu’elle se découvre aux spectateurs comme le lieu idéal, pour célébrer les amours d’Antoine et Cléopâtre, sans pompes et sans fards, auréolée juste du charme de son témoin principal un bel arbre feuillu trônant au milieu d’un bassin.

 Dans cette pièce « barbare » de Shakespeare, les deux héros s’adorent au point de vouloir mettre à l’épreuve leur amour qui défie leurs destinées, celle de reine d’Egypte pour Cléopâtre, celle de conquérant romain pour Antoine.

 Raison d’état et passion amoureuse ne font pas bon ménage. Combien de pièces romaines ont évoqué ce dilemme chez Racine ou Corneille. Antoine et Cléopâtre sont morts, leur amour n’a pas réussi à réconcilier l’orient avec l’occident.  L’amour plus fort que la mort ? La démonstration chez Shakespeare ne se pare pas de dentelles. Les deux  héros vont au-devant de la mort, ils la pressentent. Elle devient  un gage de leur amour.

L’amour prend le pas sur la raison  politique alors même que chacun des deux  héros sait qu’il a un rôle essentiel à jouer dans l’Histoire des peuples. Ne pas perdre la face devient l’enjeu déterminant pour chacune des parties Rome et l’Egypte.

 Tout cela est si sérieux que Shakespeare comme à son accoutumée verse  son courant d’air ironique. La mort fait partie de cette farce politico amoureuse. La mise en scène de Guillaume DUJARDIN  met en valeur celle des deux héros qui font de leur mort un évènement,  un acte final à ne pas manquer, la signature de leurs destinées. Elle est tout de même piquante cette mort qui siffle comme un serpent sous un panier de figues apporté par un serviteur délirant, interprété de façon jubilatoire par Charly  MARTY.

 Cette représentation  de la mort est si baroque qu’elle tient aussi lieu de savoir mourir puisqu’après tout la mort fait partie de la vie. Quelle idée d’associer à Thanatos,  la sensation d’une figue fraiche fondant dans la bouche,  celle-là même qu’ont partagée Antoine et Cléopâtre !

  Nos sens sont en émoi, jaloux de l’intempérance de Cléopâtre, sa fureur et sa sensualité incarnées par une belle comédienne à fleur de peau, Anaïs MARTY,  jaloux aussi de ce bel Antoine, véritable héros romantique, interprété par l’excellent René TURQUOIS.

 Dans ce merveilleux espace de la cour du Carmel, un souffle de jeunesse tout shakespearien s’est répandu, celui de la compagnie MALA NOCHE qui inaugure avec panache cette édition poétique, ardente et sensuelle des scènes du Pamiers.

Pamiers, le 15 Août 2018

Evelyne Trân

 

Dans le cadre du Festival Humour et Eau salée de Saint-Georges-De-Didonne – Heavy Motors – La Société Protectrice de Petites Idées – Les 2 et 3 Août 2018 –

ÉQUIPE

Artistes co-auteurs : Nanda Suc, Frederico Robledo, Aude Martos / Construction : Ronan Ménard / Régie technique : Aleth Depeyre / Magie : Allan Sartori Pedro Miguel Silva / Couturières : Aude Martos, Héloïse Calmet / Regard Bienveillant : Lucas Condro / Photographie : Maria Menguy / Administration : Emmanuelle Nonet / Diffusion : Camille Simon

 

Ils ont des tronches de jeunes loubards, d’électrons libres déjantés, il faut qu’ils défoncent le paysage, qu’ils sortent du gond, ils sont trois, deux filles et un garçon qui ne font qu’un avec leur cabriolet, leur cheval de cirque, leur voiture sans permis laquelle vue de près est absolument anodine, voire inoffensive.

Remplacez le moteur d’une gentille petite voiture par celui de jeunes fous, attendez-vous à une éructation hors normes, à des catastrophes tragi-comiques.

Aussi lestes que des chats, aussi aboyeurs que de jeunes loups, ils donnent l’impression d’avoir juré de lui faire rendre l’âme à cette bagnole qui tel un objet de désir sans défense est livrée à la furie de leurs instincts d’acrobates, de danseurs, et même de chanteurs, plus dingues que des singes.

Le ballet que nous offre les trois compères est monstrueux, indescriptible. Nous pourrions penser qu’il y a dans la composition chimique de l’explosif, une peu de moelle d’Antonin Artaud dissoute dans celle de Jacques Tati. Mais reconnaissons que ces références sont un peu intellos.

C’est un ballet de la belle (la voiture) et les bêtes (leurs occupants) un conte endiablé urbain, qui n’a pas d’autre horizon qu’un imaginaire disjoncté, avec ces casseroles du passé, des romances des années 90, aussi intemporelles que la barbe à papa.

Dans la cour de récréation de l’Ecole Jean Zay, en pleine chaleur, les trois artistes ont médusé les spectateurs. Ce fut une véritable tempête sous un soleil ardent, un feu d’artifice circassien, dionysiaque !

Paris, le 10 Août 2018       

Evelyne Trân

Notre cher Anton d’après les écrits de Tchekhov – conçu et interprété par Catherine SALVIAT – Sociétaire honoraire de la Comédie-Française – A l’ARTISTIC THEATRE – 45 Bis rue Richard Lenoir 75011 PARIS – Du 7 Juin au 10 Août 2018 – Mardi, 20h ; mercredi, jeudi 19h ; vendredi 20h30 ; samedi 18h et 20h30 ; dimanche 16h ; relâche lundi –

Elles sont si aériennes parfois les pensées des personnages du théâtre de TCHEKHOV, qu’elles donnent l’impression, oui, de fendra l’air, d’être dans le regard de toutes choses à la fois démunies et ouvertes, tiges pensantes de la nature même, elles respirent le sentiment d’être dominées par une soif de vivre inextinguible et d’aimer tout simplement.

Souvent ce sont des âmes ensoleillées, recluses dans l’ombre qui parlent, comme Sonia dans l’oncle Vania amoureuse d’un homme qui ne la voit ni ne l’entend parce que c‘est ainsi il y a des couleurs qui vous emprisonnent comme la laideur chez Sonia.

Le monde est injuste, mais il est possible de se réjouir de n’être qu’une branche parmi les autres branches puisque nous faisons tous partie du même arbre.

Tchekhov ne pense jamais seul, il use juste de sa pelle de soleil. Reconnaissons qu’il a eu de la chance d’avoir pour épouse la médecine et pour maitresse la littérature.

C’est un voyage impressionniste à travers le journal et les correspondances de Tchekhov que nous offre Catherine Salviat.

Elle fait juste sensation comme un arbre qui parlerait, sa voix jaillit du tronc et des oreilles d’un arbre.

C’est une voix battante qui rappelle que toute parole s’inscrit toujours dans un paysage, qu’elle découle d’une ambiance, une atmosphère intime, qu’elle est dans le parcours ce qu’elle a traversé et qu’elle traverse encore.

A travers la comédienne, nous saisit la gaité, l’humour de Tchekhov qui a toujours voulu célébrer la vie et donc les êtres en captant la lumière, celle qui ne renonce pas, celle qui met en valeur les ombres, qui traduit leurs émotions.

Catherine Salviat a une présence toute musicale, ce charme discret des cristaux qu’ensoleillerait la vie rêvée de Tchekhov. Mais qui rêve l’autre ?

Catherine Salviat, porte-parole de Tchekhov, l’est aussi de tous ses personnages qui hantent chaque comédien !

Paris, le 9 Août 2018

Evelyne Trân