LA CERISAIE – VARIATIONS CHANTÉES D’après Anton Tchekov – Mise en scène de Susana LASTRETO au THEATRE DE L’EPEE DE BOIS – Cartoucherie de Vincennes – Route du Champ de Manœuvre 75012 PARIS – Représentations : Du 11 au 27 juin 2018 – Du lundi au mercredi à 20h30 –

Auteur D’après Anton Tchekov
Mise en scène Susana Lastreto
Avec Juanita Boada, Alain Carbonnel, Hughes De La Salle, Hélène Hardouin, Nathalie Jeannet, Matila Malliarakis, Igor Oberg, Solange Wotkiewicz et les musiciens Annabel de Courson, Jorge Migoya.
Assistant Igor Oberg
Lumières Antoine Duris.
Régie Mario Aguirre.
Production GRRR

Chiche ! Susana LASTRETO a peut-être bien planté un cerisier dans son théâtre en hommage à Anton TCHEKHOV et à sa cerisaie, libérant de turbulents souvenirs où se mêlent à la fois Peter BROOK et Michel PiCCOLI.

« Mettre en scène la Cerisaie est un défi, il nécessite des moyens que nous n’avons pas encore trouvé ».

 Anton TCHEKHOV lui-même n’a-t-il pas laissé mûrir longtemps ses personnages, notamment Lioubov, Lopakhine, Trofimov, Firs avant de les autoriser à s’incarner sur scène. Il confie à sa chère épouse Olga, son petit cheval,  que « la Cerisaie pointe dans son cerveau, elle se transforme tous les jours ».

  C’est la joyeuse Compagnie GRRR qui joue tous les personnages en suspension. A vrai dire tout se  mélange car les artistes sont à la fois les personnages et  les comédiens qui les apprivoisent en chansons.

Les cerises ce sont les chansons douces amères, nostalgiques ou coquines qui nous content « l’enfant que j’étais » de Jeanne Moreau ou nous parlent d’un Dieu gargouille et carnaval qui fait soupirer Lioubov «Ah si seulement Dieu pouvait nous venir en aide ! ». Des cerises qui ont la chance d’être alcoolisées par la férule d’excellents musiciens Annabel de Courson et Jorge Migoya.

 Tchekhov était un grand rêveur et sa Cerisaie, une très fine partition, du ciel à la terre ou inversement, du fil tendu de l’invisible au visible, et le bonheur de revoir certaines scènes, d’écouter la magnifique tirade de l’étudiant Trofimov :

 « Imaginez, Ania : votre grand-père, votre arrière-grand-père, tous vos ancêtres possédaient des esclaves, ils possédaient des âmes vivantes, et ne sentez-vous pas dans chaque fruit de votre cerisaie, dans chaque feuille, dans chaque tronc, des créatures humaines qui vous regardent, n’entendez-vous donc pas leurs voix ?… » 

et s’émouvoir de la triste fin du vieux domestique  Firs. 

 Tchekhov c’était aussi un bon vivant, et nous voulons bien croire que son dernier geste avant d’expirer et d’avoir vu jouer sa Cerisaie, fut de boire une coupe de champagne.

Avec Susana LASTRETO et toute la troupe de la compagnie GRR, en rêvant de la Cerisaie, nous avons trinqué avec le jeune TCHEKHOV !

Paris, le 29 Juillet 2016  

Mis à jour le 17 Juin 2018

Evelyne Trân 

 

OUT OF PLACE de et avec Guérassim DICHLIEV – Mise en scène Edouard DEDESSUS LEMOUTIER – En avant-première le 13 juin à 19h au Studio Hébertot 78 Bis Bd des Batignolles 75018 PARIS -.

 

C’est probablement parce qu’il ne tient pas en place et qu’il se projette toujours ailleurs où qu’il se trouve, assiégé par une imagination débordante, que l’homme clown se reproduit sans cesse.

Qui oserait lui assigner une place ? Une chaise est pourtant là sur la scène, gracieuse et solitaire qui n’attend qu’une chose, servir de siège. Il faut croire que dans l’esprit du personnage qui sait si bien rouler des yeux, elle est devenue récif, rocher ou falaise ou même montagne à escalader. Il lui faut une cloison imaginaire, le parapet d’une bouche cousue pour exprimer ses turbulences.

A la fois taureau et toréador, homme et femme, gentil et méchant,  humble et fanfaron, il s’estime prêt à affronter toutes les situations, prêtant le flanc et l’oreille aux musiques de films du bout du monde qui merveilleusement enrichissent son périple, son parcours de combattant.

C’est un bolide à réaction que cet homme-là, toujours léché par quelque bruit, quelque sensation, qui avec le temps a dû apprendre à composer avec l’autre homme contemplatif, celui-là, capable d’avancer transi devant une fleur muette.

 

Doté d’un visage très expressif, l’énergumène crève l’écran d’un film sans paroles, il ourle ses petites vagues vers la haute mer, l’œil derrière le hublot toujours éclaboussé.

Héritier du mime MARCEAU, Guérassim DICHLIEV a beaucoup voyagé, son bâton de pèlerin porte donc l’empreinte d’un voyageur infatigable, le vagabondage délirant auquel il convie les spectateurs est à son image, surprenant, imprévisible, terriblement attendrissant.

A découvrir séance tenante !

Paris, le 17 Juin 2018

Evelyne Trân

 

 

 

 

LE BORD d’Edward Bond au THEATRE DE L’EPEE DE BOIS – Cartoucherie de Vincennes – Route du champ de manœuvre 75012 PARIS – Représentations : Du 11 au 30 juin 2018 – Du lundi au samedi à 20h30 – Samedi à 16 H –

Auteur Edward Bond
Metteur en scène et Traducteur Jérôme Hankins
Avec Françoise Gazio, Yves Gourvil et Hermès Landu
Assistante mise en scène Aurore Kahan
Scénographie et accessoires Alexandrine Rollin
Costumes Hélène Falé
Création lumière Anne Vaglio
Régie générale Vincent Lengaigne
Production L’outil Compagnie

Larguer les amarres, quel adolescent n’en a pas rêvé ! Jeter l’éponge, changer de vie, claquer la porte du domicile familial parce que les adultes ne se rendent pas compte mais dans leur souci de transmission, ils offrent parfois à leur progéniture, le cadavre de leur passé.

La pièce d’Edward BOND est cruelle, sans aménité. Il y a ce clochard qui fait le mort sur lequel bute Ron, un jeune homme inconscient, il y a cette mère au visage fatigué qui comprend qu’elle doit s’effacer pour que son fils prenne son envol.

Ce cadavre a pris la forme d’un clochard farceur. Il représente l’ironie du sort, parce que c’est tout de même drôle de se dire qu’après avoir bien vécu, en avoir vu de toutes les couleurs, ben oui, on se transforme en mort pour les autres.

Le jeune homme va comprendre qu’il a la mort aux trousses, si ce n’est pas la sienne, c’est peut-être celle de sa mère…

Pour faire entendre le chamboulement qui va s’opérer dans l’esprit du jeune homme décidé à partir, Edward BOND utilise la parabole du porte-monnaie.

Le clochard pénètre dans le foyer familial sous prétexte que Ron profitant de son inertie lui aurait volé son porte-monnaie.

Cette occurrence matérielle, élémentaire, suffit à faire rebondir la mère et le fils qui n’avaient plus grand chose à se dire. La force de vie de l’un et de l’autre se manifeste par leur volonté de ne pas lâcher prise, la mère au nom de ses valeurs d’honnêteté, le fils par orgueil qui refuse d’être suspecté mais est prêt à empocher l’objet de discorde lorsqu’il s’échappe du manteau du clochard.

La chute du porte-monnaie disparu sur le sol va réveiller le cœur du jeune homme. Soudain, il se trouve dévasté par l’angoisse à l’idée de quitter sa mère.

 Toute la signifiance attractive et répulsive d’un quelconque objet renvoie à l’affectivité terrienne de chacun des protagonistes. Pour le clochard ce n’est pas l’objet en lui-même qui compte, c’est son idée et son pouvoir d’illusion.

 Rebrancher les cœurs lorsque les prises ont été arrachées, c’est un peu le message ironique de cette pièce. Le court-circuit opéré par l’intrusion d’un pauvre bougre dans l’intimité d’une mère et son fils, serait salvateur car inattendu. La mère et le fils ne s’attendaient pas l’un et l’autre au pouvoir d’attraction et de répulsion d’un inconnu entre la vie et la mort.

 Il est possible de regretter que l’Etranger n’ait plus à offrir que la face d’un clown mais son rôle dans la pièce est de jouer le fou ou le diable qui ne garderait son masque que pour répandre l’illusion, source de vie.

Trêve de conjectures, il s’agit pour le moins d’une belle pièce d’amour entre une mère et son fils, bouleversante. Le cœur brûle qui est retiré de l’âtre et fume encore. Une page se tourne, il faut l’œil d’un pauvre diable pour comprendre qu’elle est écrite aussi bien devant que derrière.

Cette pièce puissante a manifestement inspiré le metteur en scène et les comédiens qui se partagent la réussite de ce beau tour de magie théâtral !

Paris, le 16 Juin 2018

Evelyne Trân

 

 

A LA MAISON – COMPAGNIE DES ONDES – Mise en scène : Cedrick Lanoë. Avec Denise Aron-Schröpfer au THEATRE GUICHET MONTPARNASSE – 15, rue du Maine 75014 PARIS – Jusqu’au 21 Juin 2018 – LE JEUDI à 20 H 45 –

La vie en maison de retraite est le thème de la pièce d’Alain Lahaye.

 La maison de retraite est naturellement associée à la fin de vie, à la vieillesse et à la maladie.

 Mais la pitié, les larmes n’ont pas vraiment leur place dans ce spectacle lumineux, mis en scène par Cédric Delanoë.

 Lucienne, porte-parole de témoignages de patients recueillis pour ce spectacle, incarnée par Denise Aron-Schröpfer, est toute pimpante, pleine de vie, elle ne se lamente pas sur son sort, très curieuse de nature, bibliophage, elle est de bonne composition, prête à s’adapter à la vie collective.

C’est d’ailleurs pour cette raison – parce que dit-elle, elle a toute sa tête – qu’elle ne peut pas passer sous silence, les problèmes récurrents que subissent les patients : la brutalité de certains soignants, le manque de personnel, les vols.

Elle rappelle que les résidents de maisons de retraite sont, pour la plupart fragilisés, outre par la maladie, par l’épreuve d’un deuil d’un conjoint et par la solitude, la rareté ou l’absence de visites de proches.  

Améliorer les conditions de vie des habitants de maisons de retraite, c’est le vœu de Lucienne qui parle au nom des droits moraux des personnes âgées. Elle évoque à ce propos L’association OLD’UP, créée en 2007, qui a pour objectif le vieillissement participatif.

Pas question d’être réduits au silence avant de mourir, qu’on se le dise, les séniors (7 millions en France) dont nous faisons ou ferons partie, n’ont pas dit leur dernier mot sur le sort qui leur est réservé, il faut les écouter. Le témoignage de Lucienne, par sa clarté, sa sincérité, est particulièrement encourageant et mobilisateur. Incarné sur scène par l’excellente comédienne Denise Aron-Schröpfer, il emporte nécessairement notre totale adhésion.

 Paris, le 15 Juin 2018

 Evelyne Trân

IL FAUT QU’UNE PORTE SOIT OUVERTE OU FERMEE DE ALFRED DE MUSSET – MISE EN SCÈNE ANNE-SOPHIE LIBAN ET MATTHIAS FORTUNE DROULERS – COLLABORATION ARTISTIQUE JULIE BROCHEN – AU THEATRE DU LUCERNAIRE – 53 Rue Notre-Dame-Des Champs 75006 PARIS- REPRÉSENTATIONS DU 6 JUIN AU 19 AOÛT 2018 À 21H, DIMANCHE À 17H –

AVEC ANNE-SOPHIE LIBAN (LA MARQUISE)

MATTHIAS FORTUNE DROULERS (LE COMTE) E T  E N ALTE R N A N C E

KATIA MIRAN (LA MARQUISE)

VLADIMIR PERRIN (LECOMTE)

Nous pourrions dire d’Alfred de Musset qu’il a autant d’esprit qu’une femme et ce serait bien sûr un compliment !

 L’adorable pièce en un acte, mise en scène par Anne-Sophie LIBAN et Matthias FORTUNE DROULERS également interprètes, a la saveur d’une friandise acidulée.

 Un rendez amoureux entre deux jeunes personnes, comme c’est banal !

 « Si l’amour est une comédie, cette comédie, vieille comme le monde, sifflée ou non, est, au bout du compte, ce qu’on a encore trouvé de moins mauvais… » réplique le Comte à la Marquise qui n’entend pas se laisser abuser par une déclaration d’amour qu’elle juge d’avance ridicule.

 Affèterie de sa part, mélancolie souterraine ou juste un frémissement de révolte, submergeant de colère la Marquise qui fustige ces hommes qui croient séduire une femme en rendant hommage à sa beauté :

 « La belle manière de se faire aimer que de venir se planter devant une femme avec un lorgnon, de la regarder des pieds à la tête, comme une poupée dans un étalage, et de lui dire bien agréablement : Madame, je vous trouve charmante ! ».

 Les résistances de la marquise n’ont pour effet que d’énerver à l’extrême le Comte.

 Ce que les mots ne disent pas, les corps finissent pas le manifester, ils se désirent ardemment et les jeunes gens à bout d’arguments, de tergiversions et de claquements de porte, finiront par tomber dans les bras l’un de l’autre.

 Nous les entendons parler ces corps dans cette mise en scène très enlevée, très piquante, et c’est joyeux, une véritable fête de l’amour. Cette porte qui claque, c’est Eros qui entre par surprise, l’enchanteur de toute comédie amoureuse !

 Paris, le 14 Juin 2018

 Evelyne Trân

 

L’IDIOT D’APRES DOSTOIEVSKI AU THEATRE 14 – 20 avenue Marc Sangnier 75014 PARIS – DU 17 MAI AU 30 JUIN 2018 – lundi à 19h, mardi, mercredi, jeudi et vendredi à 21h00

Mise en scène et adaptation théâtrale Thomas le Douarec

Costumes José Gomez

Lumières Stéphane Balny

Musique et bande son Mehdi Bourayou

Décor Matthieu Beutter

Pérruques et Maquillages Stéphane Testu

Avec  Arnaud Denis, Thomas le Douarec, Caroline Devismes, Fabrice Scott, Marie Lenoir, Marie Oppert, Solenn Mariani, Daniel-Jean Colloredo, Bruno Paviot

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Est-il possible d’être bluffé par le sentiment que la bonté existe, incarnée par quelques rares individus.

Si la bonté demeure à l’état de latence, si elle semble n’avoir aucun impact dans une société rongée par la maladie, la névrose, le malheur, selon Dostoïevski, elle représente une résistance morale, un secours qu’il serait suicidaire de nier.

Dans l’Idiot Dostoïevski rêve d’un être bon à temps plein à travers le personnage du Prince Mychkine qui après un long séjour en Suisse pour soigner sa maladie, l’épilepsie, découvre la société décadente de Pétersbourg. Cet homme-là semble toujours éprouver une empathie immédiate avec ses interlocuteurs, il ne souhaite que les aimer quoiqu’il arrive. Accueilli tout d’abord comme un idiot, il finit par jeter le trouble chez les personnes qu’il aime le plus parce que son regard fouille dans les âmes, mettant à nu leurs contradictions, leurs folies, leurs failles.

Le sentiment de malheur a toujours pesé sur  Dostoïevski qui a connu durant sa vie, de terribles épreuves, l’assassinat de son père par des moujiks, la condamnation à mort, le bagne et la maladie de l’épilepsie.

Comment vivre avec un tel fardeau. Si les œuvres de Dostoïevski parlent à tant de gens c’est parce qu’elles témoignent avec acuité, d’une vision de l’humain toujours en lutte pour dépasser la fatalité du mal, en quête de fraternité, d’amour et de bonheur.

Cette vision est évidemment celle de l’idiot, personnage central du roman éponyme que Dostoïevski croyait voir voué à l’échec, sans pour autant y renoncer.

Dostoïevski n’écrivait pas à tête reposée mais toujours sous pression, il s’avère que celle-ci va de pair avec la réalité matérielle, celle des échéances d’un roman feuilleton et celle de son inspiration.

L’adaptation de ce roman de plus de 1000 pages tient de la gageure. Thomas LE DOUAREC réussit cependant à en communiquer le souffle théâtral, certes de façon lapidaire mais suffisamment éloquente pour captiver l’attention des spectateurs venus assister à un véritable procès d’un « idiot », perdu au milieu d’âmes déchainées par leurs passions.

Pas de décor distractif, hormis de superbes costumes, seule importe l’incarnation des personnages par les comédiens qui portent tous haut l’affiche de ce spectacle traversé par le charisme du Prince Mychkine, sous les traits d’Arnaud DENIS, étonnant d’humilité et de sincérité. Dostoïevski, un homme de théâtre ? Oui, car ses personnages ont l’envergure de ceux de Shakespeare ou de Hugo, leur folie est spectaculaire !

Paris, le 13 Juin 2018

Evelyne Trân

 

 

 

ROUGE – TEXTE ET MISE EN SCENE de Véronique BOUTONNET – AU FESTIVAL OFF D’AVIGNON 2018 – THEATRE DES BARRIQUES 8 rue Ledru Rollin 84000 AVIGNON – Du 6 au 29 Juillet 2018 -à 19 H 30 – Relâche le les mardis –

« Rouge » création de la Compagnie « les ames libres » au Théatre de « l’escale » à Levallois-Perret le 20 mai 2017. Photo © luca lomazzi

 

écriture et mise en scène Véronique Boutonnet
lumières Richard Arselin
création sonore Franck Etenna
production les âmes libres 

avec Madeline Fortumeau,  Victor Duez, Noëlle Rech & Véronique Boutonnet

presse Sandra Vollant sandravollant@gmail.com
diffusion Véronique Boutonnet contact@lesameslibres.com

 Le temps s’arrête et ne s’arrête pas. Une adolescente fait l’expérience sensitive de ce paradoxe au plus profond d’elle-même. Elle est à l’âge où l’on se sent pousser des ailes avec cette sensation indéfinissable de changer de cap moralement et physiquement. Elle n’ignore pas que tout va se passer très vite. Sa métamorphose, le deuil de son enfance coïncident avec la perte brutale d’un frère qui s’est noyé dans le fleuve à proximité de la maison de sa grand-mère.

 A travers un texte infiniment poétique, Véronique BOUTONNET ouvre la porte à toutes ces sensations suspendues telles des gouttelettes observées à l’œil nu qui finissent par être absorbées, disparaitre mais demeurent escarcelle de souvenirs.

 Tous les personnages, la mère, la grand-mère, l’adolescente, le voisin ami du frère, parlent la même langue, sollicités par la même urgence, celle du deuil.

Il s’agit d’un même fil familial tendu vers l’invisible, la présence d’un fleuve extérieur à la fois signe de vie et de mort.

Nous pourrions nous croire conviés à l’exposition d’un tableau familial qui requiert du spectateur une attention méditative prolongée. Mais ledit tableau a des soubresauts, des exclamations. Ce sont les éclaboussures du sang violent de la jeune fille et du voisin rebelle, leur juvénile intempérance que projettent Madeline FORTUMEAU et Victor DUEZ, tout à fait bouleversants.

L’incandescence du regard de l’adolescente est le point de mire de cette pièce, véritable fleuve d’émotions souterraines et vertigineuses.

 Paris, le 10 Juin 2018

 Evelyne Trân

CRIS D’AMOUR – Florilège d’écrits d’amour – Seul en scène de Maxence MAILFORT – AU FESTIVALD’AVIGNON 2018 – AU THEATRE BUFFON -18 RUE BUFFON 84000 AVIGNON – DU 6 AU 29 JUILLET 2018 à 18 H 25 –

Distribution

Mise en scène : Luda Nekrassov

Comédien(ne)(s) : Maxence Mailfort

Lumières : Geneviève Soubirou

Adaptation : Maxence Mailfort

Musicien(ne)(s) : Avi Benjamin

Textes de :

Emily Dickinson, Jong N. Woo, Lola Mouloudji, Maria Casarès, Apollinaire, Eluard, Maïakovski, Queneau, Obaldia, Michelangelo, Vivant- Denon, Baffo, Becquer, Marot, Bukowski, Prévert, Cendrars, Lorca, Rimbaud, Desnos, Khayyam, Radiguet, Pouchkine, Baudelaire, auxquels viennent se joindre les poètes dramatiques Hugo, Shakespeare, Racine, Musset, Molière … 

Les pensées des poètes ont vocation à se rassembler parce qu’elles sont insatiables. Etre fouetté par un poème, une vision fulgurante, visage au vent, pensez-vous que cela soit possible ? Maxence MAILFORT fait figure de Don Quichotte troublé par la multitude des voix qui lui traversent l’esprit où qu’il se trouve lorsqu’il évoque sa bien-aimée et son ami.

Ce qu’il y a de merveilleux avec un poème c’est qu’il peut changer de saison, de couleur et même de sonorité parce qu’il a été conçu, espéré pour s’adapter à tous les récitants possibles et à venir. Un poème ne sera jamais raciste ni élitiste, dès lors qu’il se sait appelé, désiré, il se moule dans la voix, les pleins et creux d’un visage, et il habille oui, il habille le récitant de son inaltérable mystère.

Longtemps, longtemps, longtemps
Après que les poètes ont disparu
Leurs chansons courent encore dans les rues

chante Charles Trénet.

Devenir corps de poème pour accueillir toutes ces voix, c’est la tentation de Maxence MAILFORT qu’il exprime sur scène de façon troublante et poignante.

Des textes trop connus ou inconnus se soulèvent comme des fleurs, réveillées par les semelles de ce curieux vagabond et il y a pour le spectateur ce bonheur de se laisser emporter juste par les mots, ses sensations qu’ils précipitent sur l’instant, alors qu’importe quels en sont les auteurs, quelque chose se dit, qui glisse sous les pas du randonneur.

La mise en scène pourrait presque nous faire penser à un spectacle de rue car le personnage évolue au milieu de livres abandonnés à côté d’un caddie comme sur les trottoirs de vide-greniers.

 Des cris d’amour s’en échappent pour partir à notre rencontre, nous visiter, nous révéler poètes d’un jour, d’une poignée de secondes ou de toute éternité !

Paris, le 9 Juin 2018

Evelyne Trân

TOUT VA BIEN SE PASSER – Pièce musicale de Maïa Brami – Mise en scène : Coralie Emilion-Languille, Bruno Fougniès – AU THEATRE DE LA REINE BLANCHE – 2 BIS PASSAGE RUELLE 75018 PARIS – DU 7 AU 23 JUIN 2018 – Du mardi au samedi à 19h – Relâche le 20 Juin 2018 –

Avec : Coralie Emilion-Languille et David Kpossou

Collaboration à la mise en scène : Maïa Brami

Musique originale : David Kpossou

Styliste : Laurence Benoit

Décor : Emanuel Reveillére

Collaborations artistiques : Bouziane Bouteldja, Arnaut Vernet

Productions : Honorine Productions et nopog productions

Il y a des humiliations, blessures aussi bien corporelles que morales qui restent sous silence, sans doute parce que leur divulgation ravive la peine de celles qui les ont vécues.

 Il n’est pas besoin d’être féministe pour s’indigner du comportement brutal ou méprisant de certains médecins à l’encontre des patients.

 Il ne s’agit évidemment pas de généraliser. Pourtant le témoignage d’une patiente qui a eu recours à une P.M.A. procréation médicale assistée, n’a rien d’extravagant. Le sentiment de n’avoir été qu’un morceau de viande entre les mains d’un éminent professeur peut avoir été éprouvé par bien d’autres femmes. Combien d’entre elles pourraient se reconnaître dans cette jeune femme qui monologue presque en apnée comme si elle devait retenir son souffle pour relever le défi de se faire entendre face à l’indifférence, l’insensibilité de praticiens ayant oublié que tout acte médical requiert un minimum de psychologie et d’empathie.

 Depuis des siècles, la femme qui osait réagir et ce faisant devenir porte-parole de celles qui n’avaient pas d’autre choix que se taire, oui, cette femme était traitée d’hystérique et moquée.

 Les corps souffrants ont des choses à dire et cela concerne aussi bien les femmes que les hommes.  Si le témoignage relayé par la plume très sobre et digne de Maïa BRAMI, résonne de façon particulièrement aiguë, c’est qu’il concerne une expérience intime uniquement féminine.

 Il s’élève contre l’ignorance de ces praticiens qui ont fait l’impasse sur ce que bien ressentir le corps d’une femme exposé comme une bête, jambes écartées dans les étriers, avant et pendant la pénétration d’un spéculum dans son vagin.

Prendre la mesure d’une douleur humiliée qui pourrait faire l’objet de ricanements, est devenu l’objectif de toute l’équipe artistique qui accompagne l’étourdissante comédienne Coralie EMILION-LANGUILLE, stupéfiante de maitrise. Chez elle, les mots rejoignent la liquidité de l’air, ils deviennent éléments d’un corps féminin qui a à cœur de manifester ses sensations, celles-là mêmes qui ont été comprimées, bâillonnées lors d’un acte médical brutal.

La mise en scène de Bruno FOUGNIES et Coralie EMILION-LANGUILLE, a ausculté l’espace de façon à donner le plus de champ libre à la respiration de l’interprète qui telle une abeille dansante, répond par la grâce à l’avanie dont elle a fait l’objet.

Et puis il y a ces crêtes de silence sonore, libérées par le musicien David KPOSSOU qui s’accordent discrètement à la voix si claire, si nuancée de la comédienne.

Il est donc possible de dénoncer avec grâce l’innommable ! Observez donc cette femme, comme elle danse, comme elle parle, comme elle vous regarde aussi droit dans les yeux, vous ne pourrez plus ignorer ce qu’un corps de femme veut dire !

Paris, le 8 Juin 2018

Evelyne Trân

 

 

Apostrophes Duras Pivot Le 19 mai, 15h, au Studio Hébertot 78bis Boulevard des Batignolles, 75017 Paris et au FESTIVAL D’AVIGNON 2018 AU MAGASIN THEATRE – 31 Rue des Teinturiers 84000 AVIGNON – à 21 HEURES du 6 au 29 Juillet 2018 –

Bande annonce du spectacle sur le lien suivant : https://vimeo.com/147170327  

 

Avec Sylvie BOIVIN et Claude GALLOU

Bien des années avant qu’ils ne fussent écrits, tous ces mots avaient été prononcés. C’est donc un scenario issu de la parole auquel ce spectacle donne corps. L’impression du direct et de ce qu’il comporte de risques est admirablement rendue. Marguerite Duras, dans une disposition d’esprit proche de l’introspection apporte des réponses très authentiques aux questions posées par Bernard Pivot qui accomplit la prouesse de rester discret tout en menant l’interview avec beaucoup de sagacité, de curiosité et de talent.

Sylvie Boivin dans le rôle de Marguerite Duras et Claude Gallou dans le rôle de Bernard Pivot sont tous deux criants de vérité.

Paris, le 8 Juin 2018

Michel TOURTE