Mois : Mai 2018
POUR L’AMOUR DE SIMONE – SIMONE DE BEAUVOIR ET SES AMANTS – MISE EN SCENE ET SCENOGRAPHIE DE ANNE -MARIE PHILIPE AU STUDIO HEBERTOT – 78 Bis Boulevard des Batignolles 75017 Paris – LE 9 JUIN 2018 A 15 HEURES –
Photo D.R.
AVEC
CAMILLE LOCKHART ( L A S I M O N E D E J ACQUES-LAURENT BOST)
AURÉLIE NOBLESSE (LA SIMONE DE NELSON ALGREN)
ANNE-MARIE PHILIPE (LA SIMONE DE JEAN-PAUL SARTRE)
ALEXANDRE LAVAL ( J ACQUES-LAURENT BOST, J E A N – PAUL SARTRE, NELSON ALGREN)
BANDE SON : CLÉMENT GARCIN
LUMIÈRE : FOUAD SOUAKER
Etre une femme et aimer. Ce fut la grande aventure de Simone. Il n’est pas évident d’imaginer que l’auteure du deuxième sexe ait pu être une femme sentimentale en proie aux mêmes jouissances et tourmentes amoureuses que le commun des mortels.
Les correspondances avec deux de ses amants, Jacques-Laurent BOST, Nelson ALGREN et Jean-Paul SARTRE possèdent cette vertu d’être inaltérables, par leur simplicité même, comme si débarrassée de tout souci de vitrine intellectuelle, Simone en écrivant à ses amants accédait à l’émotion pure, son jardin intime, d’autant plus sauvegardé qu’il était un gage de son pacte passé avec Jean-Paul SARTRE, vivre librement leurs amours contingentes en restant un couple uni.
Il faut croire que la passion s’exalte dès lors que se profile à l’horizon un interdit. Simone qui jure son amour aux différents amants qui ont occupé son cœur à travers des lettres enflammées, s’interdit toujours de « laisser tomber » Jean-Paul Sartre. Ce faisant, elle n’était pas seulement fidèle à Jean-Paul, elle était fidèle à elle-même puisqu‘un véritable cordon les liait, un cordon vital. La vie amoureuse de Simone c’était donc Jean-Paul et les autres.
Simone avait t- elle toujours dans son miroir l’œil de Jean-Paul. Ses passions ne les aurait-elle pas cultivées à escient pour renvoyer à Jean-Paul l’image d’une femme pleine de vie, libre et passionnée ? A-t-elle connu la dépression, le doute ? Voulait-elle fortifier pour elle-même le sentiment de sa propre liberté qui puisse aller de pair avec celle de Jean-Paul ?
Le chassé-croisé des correspondances à travers l’excellent montage d’Anne-Marie PHILIPE permet de prendre la mesure de l’effervescence amoureuse qui soutenait le couple de Simone et Jean-Paul. Chacun se racontait ses amours, ses liaisons dangereuses.
Les amants de Simone font partie de l’essaim d’abeilles autour de la ruche du couple. Cette sensation d’essaim qui tournoie pour parler d’amour, est fort bien exprimée par la mise en espace fluide des trois comédiennes qui interprètent Simone et le comédien qui joue seul les amants et Jean-Paul en variant les accessoires, pipe, lunettes, chemise à carreaux.
D’une certaine façon, la correspondance amoureuse de Simone de BEAUVOIR nous éclaire sur son œuvre et ses combats existentiels, puisqu’elle témoigne de la même ardeur, la même passion.
Le spectacle très émouvant constitue un bel hommage à Simone de BEAUVOIR qui au-delà de sa façade de grande intellectuelle, avait aussi un cœur naïf et sentimental, vulnérable !
Paris, le 9 Septembre 2017
Mis à jour le 22 Mai 2018
Evelyne Trân
LE MAITRE ET MARGUERITE de Mikhaïl Boulgakov adaptation et mise en scène Igor Mendjisky au THEATRE DE LA TEMPETE – Cartoucherie, Route du champ de manoeuvre – 75012 – Paris – Salle Serreau • Durée : 1h50 du 10 Mai au 10 Juin 2018 – Repris du 6 au 27 juillet à 19h40 à Avignon au 11 • Gilgamesh Belleville –
avec Marc Arnaud, en alternance avec Adrien Melin, Romain Cottard, Pierre Hiessler, Igor Mendjisky, Pauline Murris, Alexandre Soulié, Esther Van den Driessche, en alternance avec Marion Déjardin, Yuriy Zavalnyouk
assistant à la mise en scène Arthur Guillot – traduction du Grec ancien Déborah Bucci – lumières Stéphane Deschamps – costumes May Katrem et Sandrine Gimenez – son et vidéo Yannick Donet – scénographie Claire Massard et Igor Mendjisky – construction décors Jean-Luc Malavasi – service de presse @ Zef (01 43 73 08 88) – Isabelle Muraour (06 18 46 67 37) et Emily Jokiel (06 78 78 80 93) / www.zef-bureau.fr
N’était-il pas audacieux d’introduire comme personnage principal de son roman « Le Maitre et Marguerite » le Diable en personne ? Il faut croire que ce roman demeuré inachevé, écrit par Boulgakov de 1928 à 1940, sous le régime de Staline, était particulièrement subversif puisqu’il ne fut publié à titre posthume, en version non censurée qu’en 1967.
Dans ce roman prodigieux Boulgakov déplace des montagnes, celle des croyances et des mythes qui constituent les limites du genre humain dans sa perception du bien et du mal.
Le Diable représenté par le Professeur Woland, spécialiste de la magie noire prend un malin plaisir à provoquer l’intelligentsia du monde du spectacle et de la littérature ligotée par la censure comme l’était Boulgakov lui-même.
Curieux Diable tout de même qui vient à la rescousse de pauvres écrivains internés en asile psychiatrique à cause de leurs propos délirants. Ce Diable ne fait donc plus figure d’ange exterminateur mais d’ange libérateur qui entend offrir la liberté à ceux qui n’y croient plus, faute de pouvoir l’exercer.
Véritable manifeste de résistance, contre la censure qui mina la carrière de l’écrivain, ce roman constitue en quelque sorte le journal intime de Boulgakov qui sait qu’il ne dispose qu’une seule arme, son imagination pour s’extraire de la torpeur ambiante.
La fameuse scène où deux intellectuels rencontrent le Professeur Woland alias le diable, dans le parc des Etangs du Patriarche, donne le ton ironique et fantastique qui parcourt toute l’œuvre. C’est à l’occasion d’une discussion entre le professeur Berlioz et le poète Ivan sur l’existence de Jésus que le professeur Woland intervient et déclare en substance à ses interlocuteurs « Comment pouvez-vous croire gouverner le monde, vous qui n’êtes pas capable de connaitre votre avenir » Ce dernier prédit sa mort au professeur Berlioz incrédule. Puis inopinément s’ensuit une scène entre Ponce Pilate et Jésus, sujet du poème d’Ivan…
Le va et vient constant entre la réalité et la fiction devient le moteur du roman puisque ces deux dimensions forment les deux pôles du tourbillon mental qui submerge les personnages.
L’adaptation théâtrale de ce roman profus, d’emblée se situe sur la lisière du rêve, toutes les situations fictives ou réelles, se déroulant sur le même plan, le champ d’exploration de Boulgakov, hanté par un Diable capable d’effacer les frontières entre une réalité qui fige les protagonistes et leurs rêves, les fantasmes qui les habitent.
Il s’agit donc de créer l’illusion d’une fusion entre la réalité assumée par les personnages qui confine au cauchemar et leurs désirs que seul le diable pourrait réaliser.
Le Diable devient l’amant idéal qui orchestre l’orgasme onirique de ses victimes consentantes.
De ce point de vue, l’adaptation théâtrale d’Igor MENDJISKY est réussie. Elle intègre une dimension diabolique dans la mise en scène, avec un écran géant où se projettent les décors tandis que sur la scène dénudée, les personnages jouent leur vie.
Photo Antonia BOZZI
Sont-ils projetés par le regard d’un Diable, allez savoir ! Le Professeur Woland interprété par Romain COTTARD a un côté dandy, plutôt cool, il est agaçant mais jamais agressif.
L’équipe de la Compagnie Les Sans cou, offre une lecture onirique, libertaire du conte, sans débordements d’humeurs. Le cocon du rêve absorbe la cruauté. Il appartient aux spectateurs, livrés à la flamme occulte de ce Professeur Woland, d’apprécier son étonnant message de paix et de liberté.
Paris, le 21 Mai 2018
Evelyne Trân
Dans le cadre du focus EXIL du 4 au 27 Mai 2018 – CROCODILES -L’HISTOIRE VRAIE D’UN JEUNE EN EXIL – Adaptation et mise en scène Cendre Chassanne et Carole Guittat au THEATRE DES METALLOS – 94 rue Jean-Pierre Timbaud 75011 PARIS du 16 au 20 Mai 2018 à 19 Heures, le dimanche à 16 Heures –
Photo M.JACOB
adaptation et mise en scène Cendre Chassanne et Carole Guittat
avec Rémi Fortin
images Mat Jacob/Tendance Floue
montage José Chidlovsky
création et régie son Édouard Alanio
création, régie lumière, régie générale Sébastien Choriol
régie tournée Sébastien Choriol
construction Édouard Alanio, Sébastien Choriol, Jean Baptiste Gillet
production Compagnie Barbès 35
coproduction Scène conventionnée d’Auxerre, la Cité de la Voix-Vézelay, Théâtre Dunois-Paris
soutiens La Minoterie – Création jeune public et éducation artistique – Dijon (21), le NTDM-Montreuil, la Maison des métallos
avec l’Aide à la création de la D.R.A.C Bourgogne Franche-Comté, du Conseil Régional Bourgogne Franche-Comté, et du Conseil Départemental de l’Yonne
TOURNÉE
10 au 21 juillet : Tournée CCAS (Centres de jeunesse)
23 et 24 novembre : Auditorium de Châtenay-Malabry (94)
30 Novembre et 1er Décembre – Lognes 77 Tél 01.60.06.88.88
13 et 14 Décembre 2018 : La Rochette (77) Act’Arts, scènes rurales Tél. 01.64.83.03.30
2019
27 > 31 janvier : Homécourt (54) – Centre culturel P. Picasso, scène conventionnée de Homécourt. Tél : 03 82 22 27 12
5 > au 8 février : Le Volcan, scène nationale du Havre (76). Tél : 02 35 19 10 20
11 et 12 février : Saint-Genis-Laval (69) – La Mouche. Tél : 04 78 86 82 28
14 > 16 février : Fresnes (94) – La Grange Dimière. Tél : 01 49 84 56 91
Il revient de très loin et il n’en revient pas lui-même le jeune Afghan Enaiat qui raconte son parcours de migrant de plusieurs années qui l’ont mené du Pakistan à l’Iran, la Turquie, la Grèce jusqu’en Italie.
Il n’avait que dix ans lorsque sa mère l’a conduit clandestinement au Pakistan afin qu’il échappe aux persécutions des Hazaras, l’abandonnant entre les mains d’un propriétaire de maison d’hôte qui l’a hébergé en contrepartie de son travail, l’école de la vie en quelque sorte pour ce môme.
Enaiat n’a pas besoin de tel commentaire, il rapporte juste les faits, le souffle coupé, comme s’il revivait encore et encore ses évènements qui ont mis fin à son enfance du jour au lendemain. Jamais, il n’aurait voulu quitter son village très pauvre où sa famille disposait d’une vache, deux brebis et un champ de culture de blé, il était juste heureux. Quelle école de la vie pour cet enfant qui assiste au meurtre de l’instituteur par des talibans, au sein même de son école. Les talibans pas seulement Afghans, mais aussi Pakistanais, Egyptiens ou Sénégalais «Des ignorants qui empêchent les enfants d’apprendre » s’indigne Enaiat.
Enaiat n’a pour bagage que quelques instructions de sa mère : ne pas prendre de la drogue, ne pas utiliser d’armes, ne pas voler. Ultimes recommandations d’une mère à son fils avant leur séparation permettant d’imaginer l’état de désarroi et d’angoisse de la mère.
« Il te faut toujours avoir un rêve au-dessus de la tête qui te porte quel qu’il soit ». Il faut croire qu’Enaiat avait au moins le courage, l’inconscience de l’innocence. Comment devient- on migrant, balloté de pays en pays ? Quelle est donc cette spirale qui fait d’un enfant un migrant ? C’est qu’il est impossible de se résigner à la misère, aux squats, aux camps de détention, à l’esclavage du travail. Dès lors, comment ne pas devenir la proie des trafiquants d’hommes qui proposent toujours un avenir meilleur dans un autre pays, au prix de quelques années de travail, d’épuisants et dangereux périples à travers les frontières. Enaiat finira par être accueilli par une famille en Italie, reprendra les chemins de l’école. Il a désormais 15 ans mais sans doute est-il bien plus âgé dans sa tête. Il dit seulement à la fin du récit « Je suis vivant ! ».
Inspirée de l’histoire vraie d’Enaiatollah Akbari rapportée dans le livre « Dans la mer, il y a des crocodiles » de Fabio GEDA, la mise en scène très épurée de Cendre CHASSANNE et Carole GUITTAT s’érige en porte-voix du témoignage d’un enfant à l’état brut, qui raconte son histoire, sans intention de faire pitié, pour dire simplement comment, pourquoi, il est un rescapé et exprimer sa reconnaissance à ceux qui l’ont accueilli.
Sans doute est-il plus évident de porter une oreille sensible au témoignage d’un enfant innocent. Une chose est sûre, c’est que notre regard sur les migrants en général, a besoin de projecteurs sur l’humain. On ne nait pas migrant, on le devient par malheur. Le courage d’Enaiat, son bonheur d’entendre sa mère au téléphone après plusieurs années de séparation, justifient au-delà de tout discours, ceux qui tendent leurs mains aux migrants.
Photo M.JACOB
La présence de Rémi FORTIN fait penser à un petit Prince moderne qui porterait la nuit sur ses frêles épaules et aurait le pouvoir de l’apprivoiser, apprivoiser ses crocodiles, grâce à sa capacité d’étonnement, un désir de vivre invincible. C’est troublant et beau, c’est une parole d’espoir !
Paris, le 20 Mai 2018
Evelyne Trân
LA LOI DES PRODIGES (Ou la réforme GOUTARD) Ecriture et interprétation François de Brauer – AU THEATRE DE LA TEMPETE – Cartoucherie – Route du champ de manoeuvre 75012 PARIS du 25 Avril au 13 Mai 2018.
Le spectacle a cartonné et a affiché complet pendant toute sa programmation. Il s’avère que l’auteur et interprète de La loi des prodiges François de Brauer est lui-même un petit prodige capable de donner corps sur scène à une cohorte de personnages.
Il ne dispose pourtant comme tabloïd que de sa fine silhouette et d’une chaise. Mais il est mu par un impérieux défi, non par l’opération du Saint Esprit mais par le truchement d’une sorte de psychanalyse au chevet d’un curieux personnage, un certain GOUTARD qui a cru en toute bonne foi, éliminer de la sphère publique, les artistes considérés comme des êtres nuisibles.
Il faut dire que son adversaire politique n’est autre qu’un peintre snob sans scrupules, profitant du flou artistique de l’art moderne qui permettrait à n’importe quel imposteur aux motivations commerciales d’édifier en œuvre majeure, la peinture d’un yaourt ! Et puis il y a cette figure du père, artiste maudit, devenu fou à force de dialoguer avec l’ombre d’un géant, Bernard Blanc, digne de Jean Gabin.
Le fantôme du père réussira à réconcilier avec l’art, le pauvre M. GOUTARD, bel et bien victime d’une sévère névrose ayant affecté son discernement, ladite névrose s’avérant meurtrière puisqu’il est tout de même question de lobotomiser des créatures afin de tuer dans l’œuf leurs velléités artistiques.
Le public rit beaucoup à ce spectacle plein de panache qui mobilise constamment son attention tant le registre de l’interprète qui passe d’un personnage à l’autre à la vitesse de l’éclair, est varié.
L’émotion au final est au rendez-vous avec ce baume au cœur que représente la chanson « Les gens qui doutent « d’Anne Sylvestre « Qu’on leur dise, on leur crie : Merci d’avoir vécu » !
Paris, le 19 Mai 2018
Evelyne Trân
La mécanique du cœur d’après Mathias Malzieu A La Folie Théâtre – 6, rue de la Folie Méricourt – 75011 Paris – Du 12 avril au 24 juin 2018, jeudi à 19h30 – samedi à 18h – dimanche à 16h30.
Mise en scène : Coralie Jayne
Avec : Nicolas Avinée, Gregory Baud, Clara Cirera, Gabriel Clenet, Mylène Crouzilles, Laurent Vigreux
Création lumières : Jérôme Chaffardon
Scénographie : Maxime Norin
Musique : Laurent Vigreux
Voici un très joli spectacle susceptible de charmer aussi bien aux adultes qu’aux enfants. Adapté du roman de Mathias MALZIEU le spectacle raconte l’histoire d’un étrange bonhomme Jack, né à Edimbourg en Ecosse à la fin du 19ème siècle, ce qui confère à l’histoire une ambiance à la Dickens.
Né le cœur gelé, le jour le plus froid du monde, il est sauvé par une sage-femme sorcière qui lui greffe une horloge à coucou.
Toute émotion forte qui le mettrait en danger de mort est interdite à Jack. Or, ce dernier est plutôt malmené par la vie. Ses camarades se moquent de cette horloge qui dépasse de sa poitrine et par malheur il tombe amoureux d’une petite chanteuse de rue. Avec la fougue de la jeunesse, Jack part à l’aventure poursuivre sa bien-aimée. Mais il demeurera mal aimé à cause de « son cœur détraqué ». Avant de mourir, ce n’est plus le tic-tac de l’horloge qu’il entendra mais bien son cœur de chair et de sang en train de pousser « il n’a besoin ni de Docteur ni d’horloger, il a besoin soit de l’amour soit d’une âme ».
Nous sommes en plein mélodrame poétique. La mise en scène fait penser à certains tableaux du film « Les enfants du Paradis » où l’on voit le mime DEBURAU charmer une fleuriste. Impossible de quitter des yeux l’interprète de Jack qui sous son fard blanc ne peut masquer ses émotions.
Tous les comédiens sont grimés en blanc et adoptent une gestuelle quasi chaloupée, excentrique, de marionnettes.
Costumés de façon loufoque, ils font penser à des personnages du peintre Chagall circulant sur une scène de théâtre.
C’est très réjouissant pour l’œil et l’imagination.
Applaudi par l’auteur lui-même, le spectacle donne toute son ampleur poétique à ce conte qui raconte comment résister au tic-tac monotone de l’existence et aussi à ses cruelles réalités.
Car ce tic-tac qui dénonce aussi un cœur qui bat trop fort, peut signifier également tous ces battements que l’on n’entend pas et qui accompagnent la vie de tout un chacun.
Il faut être à l’écoute de son cœur quoiqu’il arrive nous suggère l’auteur de ce magnifique conte qui est loin d’être du béni-oui-oui. C’est un véritable manifeste poétique !
Paris, le 18 Mai 2018
Evelyne Trân
L’ETRANGER d’Albert CAMUS avec Nordine MAROUF au THEATRE DES DECHARGEURS – 3, rue des Déchargeurs 75001 PARIS – Prolongations du 11 Mai au 30 Juin 2018 (relâches les 1, 2, 22 et 23 juin), les vendredis et samedis à 19 H 30 –
L’étranger d’Albert Camus fait partie de ces livres qui peuvent se relire facilement. Les mots y coulent doucement, délivrés par la voix intérieure d’un homme plutôt calme et posé. C’est un homme solitaire qui n’élève pas la voix et dont la vie banale ne présage aucune surprise.
La solitude, grain de sable de tout individu, va devenir aux dépens du narrateur, ce qui va l’éjecter du monde des vivants. Il y a toujours ce qui vous sépare des autres mais auquel on ne pense pas. Cela peut se traduire par un éblouissement, un vertige, une absence, c’est ce qui arrive à M.Meursault qui devient meurtrier par mégarde.
Ses juges ne lui pardonnent pas de ne pas jouer le jeu pendant sa défense, de rester juste l’homme qu’il est, sans émotions particulières. Le fait qu’il n’ait versé aucune larme lors de l’enterrement de sa mère devient une preuve de son insensibilité et donc de sa cruauté.
A travers le portrait de cet homme, Camus s’insurge contre le poids des conventions qui étouffent la liberté. Meursault n’a pas de sens moral, les notions de bien ou de mal ne le tourmentent pas. Il n’est pas insensible pour autant, sa conscience reste un lieu d’accueil de toutes sortes de sensations mais il ne les rattache à aucune valeur sociétale.
Cet homme sera condamné non pas pour son geste meurtrier, mais pour son absence d’étiquette qui le rend indéchiffrable aux yeux de tous, tel un étranger.
Dans la langue de cet étranger, il y a le roulis des mots, étranges motifs de contemplation qui tels des aiguilles d’une montre dans l’obscurité, relaient les mouvements intérieurs du narrateur.
Les mots, cette obscure matière qui résonne, l’interprète, Nordine MAROUF les incorpore, les transporte dans l’ailleurs d’une petite salle intime pour faire chanter, juste le temps d’un éblouissement, le grain de sable de l’étranger.
Paris, le 25 Mars 2018
Mis à jour le 18 Mai 2018
Evelyne Trân
ON PURGE BEBE de Georges FEYDEAU – MISE EN SCÈNE Frédéric JESSUA au THEATRE DU LUCERNAIRE – 53 Rue Notre-Dame des Champs 75006 PARIS du 4 AVRIL AU 27 MAI 2018 A 20 HEURES – LE DIMANCHE A 17 HEURES –
AVEC ISABELLE JEANBRAU (JULIE FOLLAVOINE)
ETIENNE COQUEREAU (MONSIEUR CHOUILOUX)
FRÉDÉRIC JESSUA OU LÉ O N A R D B O U RG E O I S – TACQ U E T (HORACE TRUCHET)
JULIA MÉVEL (TOTO, ROSE ET MADAME CHOUILLOUX)
NICOLAS STRUVE (BASTIEN FOLLAVOINE)
LUMIÈRE : MARINETTE BUCHY
DÉCOR : FRÉDÉRIC JESSUA
COSTUMES : FANNY VÉRAN – PRODUCTION : COMPAGNIE SIPARKA COPRODUCTION : EN ASSOCIATION AVEC L’OUBLI DES CERISIERS CORÉALISATION : THÉÂTRE LUCERNAIRE, LIEU PARTENAIRE DE LA SAISON ÉGALITÉ 3 INITIÉE PAR HF ÎLE-DE-FRANCE PARTENARIAT : THÉÂTREONLINE
Il y a toujours du plaisir à retrouver FEYDEAU parce qu’il ensoleille de son regard de furet tous ces incidents purement matériels qui parasitent notre quotidien.
Oh diable les préoccupations domestiques ! Pourquoi faut-il que le seul lien qui unisse un couple mal assorti soit sa progéniture !
Empêtrés chacun dans leurs rôles, les personnages de On purge bébé sont désarmants de naturel. Pourquoi donc les juger ?
Monsieur FOLLAVOINE est un brave homme inculte, qui aspire à la prospérité de son entreprise de porcelaine et surtout à sa tranquillité en bon père de famille.
Madame FOLLAVOINE quant à elle déverse son énergie débordante sur le môme, l’enfant Roi, qui justifie son seul rôle dans le foyer, celui de mère.
Le gosse qui a l’âge de raison profite allègrement des dissensions parentales pour imposer sa loi. Il a compris que lui seul faisait débat dans la vie du couple.
« Au secours ! Au secours ! » semble ruminer intérieurement M. FOLLAVOINE lorsqu’il voit apparaitre sa femme en peignoir peu reluisant, avec un seau d’eau sale qu’elle dépose sur son bureau.
« Au secours ! Au secours ! » s’alarme Madame FOLLAVOINE qui s’indigne du manque de réaction de son mari à l’annonce de la constipation du chérubin.
« Au secours ! Au secours ! » hurle l’enfant à qui sa mère veut faire ingurgiter une purge.
Tous ces « Au secours ! » qui n’épargnent aucun des personnages, invités compris, constituent la force dramatique et comique du vaudeville.
Vêtue comme un épouvantail, Isabelle JEANBRAU réussit à faire entendre l’angoisse et le désespoir d’une mère paniquée, tout en restant suavement comique.
Quant à Nicolas STRUVE, il interprète très finement, sans le caricaturer, le brave homme débordé par sa virago d’épouse, à ce point en perte de vitesse qu’il finit par vouloir disparaitre du foyer. Ce qui fut le cas de Feydeau lui-même.
La mise en scène de Frédéric JESSUA souffle le chaud et le froid de ce vaudeville, forçant davantage le trait de la caricature sur les personnages secondaires, Monsieur CHOUILOUX, un militaire venu tester les pots de chambre incassables destinés à l’armée ainsi que sa femme et son amant que sur les principaux.
Entre le bruit et la fureur des bris de pots de chambre, en sourdine s’échappent les terribles plaintes des pauvres essuyeurs de plâtre ! C’est férocement humain et nous sommes reconnaissants à cette mise en scène de mettre en valeur, grâce à l’interprétation des comédiens, tous ces détails intimes qui trahissent les êtres, leurs tics, leurs maladresses, ces défauts qui les rendent pathétiques face aux catastrophes les plus ordinaires.
Paris, le 18 Mai 2018
Evelyne Trân
La Guerre de Troie (en moins de deux!) Théâtre mythologique et forain – Texte Eudes Labrusse / mise en scène Jérôme Imard & Eudes Labrusse / D’après Homère, Sophocle, Euripide, Hésiode, Virgile… 2 mai ▸ 10 juin 2018 – du mardi au samedi à 20h, le dimanche à 16h – relâche le lundi – Au THEATRE 13 /JARDIN – 103 A, boulevard Auguste-Blanqui – 75013 Paris –
Avec Catherine Bayle, Audrey Le Bihan, Hoa-Lan Scremin, Laurent Joly, Nicolas Postillon, Loïc Puichevrier, Philipp Weissert
Musique de scène (piano / guitare) Christian Roux, Scénographie, costumes, accessoires Cécile Pelletier, Lumières Laurent Bonacorsi
Production Théâtre du Mantois. Avec le soutien du Théâtre 13, de la Spedidam, de la Drac Île-de-France, de l’Adami et de M. Bricolage (Mantes)
Il fallait bien au moins un bataillon de conteurs et de conteuses pour évoquer sur scène l’épopée fabuleuse de la guerre de Troie.
D’après les archéologues qui se sont penchés sur le poème d’Homère, l’Iliade, cette guerre a bien eu lieu qui a permis la chute d’une cité réputée imprenable, Troie.
De cet événement historique, l’inconscient collectif exprimé par plusieurs autres narrateurs, Sophocle, Euripide, Hésiode, Virgile, a retenu surtout les aspects extraordinaires, voire scandaleux :
l’enlèvement de la belle Hélène par le Troyen Paris, le sacrifice de la vierge Iphigénie par son père, et la ruse d’Ulysse avec le cheval de Troie etc.
La compagnie du Théâtre du Mantois, sans complexes, étant donné la matière éruptive du mythe, invite le public à une chevauchée picturale et chorale, la plupart du temps au galop, permettant aux spectateurs de faire le plongeon dans le méli-mélo de l’épopée où l’extravagance, la fiction, notamment l’intervention constante des Dieux, surtout Zeus, travestissent la cruelle réalité de la guerre, ses traumatismes indescriptibles dont témoignent d’ailleurs le nombre de récits attachés à cette guerre de Troie.
Les comédiens font penser à des conteurs de rue qui attirent la foule avec leurs boniments, tels des bateleurs faisant passer des vessies pour des lanternes. Rions donc de la belle Hélène issue de l’œuf pondu par Léda engrossée par Zeus !
Cela dit, la troupe réussit aussi bien à déclencher le rire que l’émotion avec un accompagnement musical au piano au taquet !
Ce spectacle très vivant et rondement mené est de nature à divertir joyeusement un public familial.
Paris, le 17 Mai 2018
Evelyne Trân
LORETTA STRONG de COPI avec Gaël LEVEUGLE au Théâtre de BELLEVILLE – 94 Rue du Faubourg du Temple 75011 PARIS – Du 7 Mai au 29 Mai 2018 – Les lundis et mardis à 19 Heures 15 –
Photo Eric DYDIM
Texte Copi
Mise en scène Gaël Leveugle
Assistanat de de mise en scène Louisa Cerclé
Interprétation Gaël Leveugle
Musique Jean-Philippe Gross
Lumières Matthieu Ferry
Diffusion Élodie Couraud
Service de presse Zef – Isabelle Muraour et Emily Jokiel
Production Ultima Necat, Élodie Couraud
Coproduction La Manufacture – CDN de Nancy, Centre culturel André Malraux – Scène Nationale de Vandoeuvre-Lès-Nancy, Transversales – Scène Conventionnée de Verdun
Soutien Collectif 12, Mantes-la-jolie, Dicréam et Spedidam
La compagnie est soutenue par la ville de Nancy, le département 54, la région Grand Est et la DRAC Grand Est









