MIRACLE EN ALABAMA de William GIBSON – Adaptation et mise en scène de Pierre VAL à partir du 8 Février 2018 au THEATRE DE LA BRUYERE – 5, rue de la Bruyère 75009 PARIS- Du mardi au samedi à 21 Heures, le samedi à 14 H 30 .

Adaptation et Mise en scène Pierre VAL
Assistante à la Mise en scène Sonia SARIEL
Scénographie Alain LAGARDE
Costumes Pascale BORDET
Lumières Anne-Marie GUERRERO
Création sonore Fabrice KASTEL

avec par ordre alphabétique Valérie ALANE, Julien CRAMPON, Stéphanie HEDIN, Marie-Christine ROBERT, Pierre VAL et, en alternance, Lilas MEKKI et Clara BRICE

La pièce Miracle en Alabama raconte l’enfance d’Helen KELLER (1880-1968) devenue sourde, muette et aveugle à l’âge de deux ans à la suite d’une maladie. Elle ne peut communiquer que par gestes et la plupart du temps violemment. Elle est une enfant sauvage et ses parents désemparés et aimants qui cèdent à tous ses caprices, ne voient pas d’issue à son comportement. Ils font appel sans trop y croire à une jeune institutrice Annie SULLIVAN.

Annie SULLIVAN elle-même mal voyante qui a connu l’hospice des enfants déshérités, refusera d’emblée de considérer Helen KELLER comme une enfant sauvage handicapée. Elle réussira à canaliser l’énergie désespérée de l’enfant en lui ouvrant l’accès au langage grâce à la langue de signes.

La pièce ne fait pas que raconter, elle expose la situation. La famille KELLER qui fait partie des milieux aisés, est composée d’un père autoritaire, d’une mère plus ouverte, d’une tante dévouée, et d’un fils issu d’un précédent mariage en conflit avec son père.

Hélène fait partie de la famille mais elle est une étrangère. Tandis que les parents donnent cruellement l’impression de la supporter, l’enfant vit cette expérience affreuse d’être toujours incomprise, de ne pouvoir partager ses émotions qu’en provoquant ses proches par tous les moyens et cela pour affirmer sa présence, pour exister.

Sans la volonté, la persévérance d’Annie SULLIVAN qui a vu en Helen KELLER une personne douée d’intelligence et surtout d’un désir désespéré de communication et de connaissance, il est probable que comme nombre de personnes handicapées à cette époque, elle eut fini ses jours dans un asile.

Le spectacle constitue une magnifique leçon pour le public qui assiste réellement à l’apprentissage de la langue des signes d’Helen KELLER. Cette langue pour ceux qui la découvrent, est fascinante.

Le déclic, le miracle ou l’enchantement qui inondent Hélène KELLER lorsqu’elle associe l’eau au mouvement de ses doigts, rejaillissent sur les spectateurs.

Dans le mise en scène de Pierre VAL, ce sont les réactions des personnages le plus souvent autour de la table familiale – leurs mouvements qui font écho à ceux beaucoup plus désordonnés et démonstratifs d’Helen KELLER – qui catalysent l’attention.

La scénographie sobre avec plusieurs plans en forme d’angles suggère la perception d’Helen KELLER, ses repères dans l’espace dénué d’images.

Nous recommandons avec ferveur ce spectacle bouleversant, fruit du travail de toute une équipe et saluons le talent des interprètes d’Helen KELLER et d’Annie SULLIVAN d’une incroyable présence !

Paris, le 19 Mars 2018

Evelyne Trân

LA REVOLTE DE Auguste de VILLIERS DE L’ISLE-ADAM – Mise en scène Charles TORDJMAN au THEATRE POCHE MONTPARNASSE – 75 Bd du Montparnasse 75006 PARIS – A Partir du 17 Mars 2018 du mardi au samedi à 21 Heures – Le Dimanche à 15 Heures –

Julie-Marie PARMENTIER
 Olivier CRUVEILLER
 Scénographie Vincent TORDJMAN
 Création lumières Christian PINAUD
 Costumes Cidalia DA COSTA
 Création musique VICNET
 Maquillage et coiffure Cécile KRETSCHMAR
 Collaboration artistique Pauline MASSON

La pièce « LA REVOLTE » de VILLIERS DE L’ISLE-ADAM n’eut que 5 représentations lors de sa création en 1870 au théâtre du Vaudeville.

Elle ne pouvait être perçue que comme scandaleuse car elle dénonçait violemment l’idéologie de la classe dominante à travers le portrait d’un banquier n’ayant pour seule valeur que l’argent et le confort de son foyer domestique.

VILLIERS DE L’ISLE-ADAM n’avait que trente ans lorsqu’il écrivit « La Révolte ». C’est un poète visionnaire au même titre que Rimbaud. Parce qu’il s’éprouve lui-même étouffé spirituellement, dans une société patriarcale, il s’adresse aux femmes. Comme Jean Ferrat, il eut pu chanter « La femme est l’avenir de l’homme ».

Elise la femme du banquier Félix, est probablement l’alter égo de l’auteur.
« Méfions-nous de l’eau qui dort » nous dit en substance l’auteur.

Elise a toujours joué son rôle de bonne épouse et c’est aussi une parfaite employée qui satisfait les ambitions de son mari. Ce dernier est incapable d’imaginer que sous ses apparences de femme soumise, la révolte, l’indignation grondent en elle. Lorsqu’Elise se découvre à son mari à travers une terrible confession, ce dernier ne peut que tomber de haut, sa bonne entente avec son épouse ne reposait que sur des faux semblants.

VILLIERS DE L’ISLE-ADAM renvoie de façon très réaliste dos à dos, le personnage du banquier, extrêmement limité par ses préjugés, sa soif de tranquillité et de confort, et Elise qui rêve de liberté pour s’épanouir.

A vrai dire la révolte d’Elise est si imprégnée de tristesse et de douleur que nous comprenons pourquoi elle ne mènera pas jusqu’au bout son projet de quitter Félix. Pourtant elle a jeté le trouble dans l’esprit de son mari.

Et ce trouble est essentiel en tant que prémisses d’un combat à mener que VILLIERS DE L’ISLE-ADAM sait à ses balbutiements.

La mise en scène de Charles TORDJMAN réussit à communiquer ce trouble avec une scénographie épurée où seules les lueurs de quelques lampes vacillent dans l’obscurité. Elise est vêtue d’une robe blanche et Félix d’un costume sombre.

Olivier CRUVEILLER incarne un mari dépassé, plus bête que méchant, il devient celui qui n’a rien à dire face à la virulence des propos d’Elise.

Julie-Marie PARMENTIER exprime pleinement ce qui illumine le visage d’Elise, sa flamme intérieure, passionnée, indomptable.

Ce frôlement d’aile blessée contre les murs, nous fait signe qu’elle plie mais ne rompt pas.

La mise en scène de Charles TORJDMAN relève sensiblement la subtile incandescence de cette Révolte.

Paris, le 19 mars 2018

Evelyne Trân

ŒDIPE PARRICIDE de MARCOS MALAVIA – Au Théâtre de l’Epée de Bois – Cartoucherie de Vincennes – Route du Champ de manœuvre PARIS – du 6 au 24 Mars 2018 – Du mardi au samedi à 20h30 – Samedi à 16 H –

Texte et mise en scène Marcos Malavia
Assistant Étienne Beylot.
Avec Claude Merlin, Alexandre Salberg, Marcos Malavia, Muriel Roland, Éléonore Gresse.
Décor et lumière Érick Priano
Costumes Louise Bauduret
Production Compagnie SourouS
Co-production : Théâtre Victor Hugo (Bagneux 92) et La Fabrique/Espace Fayolle Scène Conventionnée (Guéret) Avec le soutien de Vallée Sud, Ville de Bagneux, Conseil Départemental 92.

Freud s’était emparé du mythe d’Œdipe pour élaborer son concept du complexe d’Œdipe qui suppose qu’un fils inconsciemment amoureux de sa mère voit son père comme un rival et donc un ennemi.

Dans sa pièce Œdipe parricide, l’auteur Bolivien Marcos BALAVIA, également comédien et metteur en scène se focalise particulièrement sur ce qu’il considère comme le problème nodal du personnage, la rivalité avec son père.

Il élargit le sentiment de filiation à celui de territoire des pulsions de vie et de mort.

Sur scène, il y a cette tombe omniprésente du père avec une rose rouge sans doute déposée par Jocaste, sa veuve, qui finit par être piétinée par les protagonistes Œdipe-Candide, Œdipe Roi, Œdipe-Aveugle.

Par ce dispositif, il nous est révélé qu’il est impossible de soustraire de notre regard cette tombe qui peut être à la fois un objet de lumière et de souillures.

Marcos MALAVIA interprète Œdipe comme l’archétype de l’homme névrosé, incapable de se déchiffrer, toujours dans le déni. C’est l’homme des combats désespérés, le conducteur des guerres fratricides, impitoyables, qui tue aveuglément uniquement porté par sa rage de pouvoir.

Œdipe assassin a les mains rouges de sang comme Lady Macbeth, c’est la rose rouge sur la tombe, c’est l’histoire d’un Œdipe qui ne comprend pas pourquoi ni comment il est devenu un monstre.

Le spectacle résonne comme un psychodrame, il s’agit bien d’un homme qui se donne en spectacle, incarné en nazi, en skinhead avant de devenir l’Œdipe-Aveugle.

Il y a de l’impudeur chez cet Œdipe, elle dérange à juste escient, elle nous détourne du sentiment de pitié à l’égard du personnage qui apparait laid et grotesque. Seule Jocaste, déchirée de ne plus pouvoir ignorer qu’elle a engendré un monstre, nous émeut.

Les énergies des comédiens traduisent fort bien la folie, la psychose des protagonistes. Oui, ils sont fous, ils dansent avec des chaises, iles éructent, elles lèvent les bras au ciel !

Ce forcené qui voudrait arracher de son cœur, le monstre qui l’habite, nous parle furieusement. Que la rage de mort puisse se commuer en rage de vivre, c’est un rêve que procure cette représentation haletante d’Œdipe parricide.

Paris, le 16 Mars 2018

Evelyne Trân

I AM THE COSMOS de Luc GUIOL AU THEATRE LES FEUX DE LA RAMPE – 34 RUE RICHER 75009 PARIS- DU 23 OCTOBRE 2017 AU 26 MARS 2018, le lundi à 20 HEURES.

Photo D.R.

La première impression est-elle toujours la bonne ? Il faut croire que non. Nous nous attendions à rencontrer un humoriste tape à l’œil, avec une tête d’épingle au-dessus d’une comète prête à télescoper nos méninges mais nous sommes tombés dans le panneau.

Le gars plutôt bon chic, bon genre qui atterrit sur la scène, n’a rien de fracassant à déclarer. Sa mise en bouteille aurait-elle échoué et
le bouchon aurait-il sauté avant même sa mise en orbite ?

Que le public friand d’explosions spectaculaires, se rassure.
Le gars, Luc GUIOL est un grand familier des splash, des crevaisons de pneus, des ordis en panne, des coupures d’eau, des trous de mémoire, enfin pour tout dire il n’est pas fini. Mais il possède un truc, l’animal, une capacité infernale à se déplacer dans les paramètres de l’inconsistance en jonglant avec tous les petits ratés de l’existence.

Dans son univers, les plouf font à ce point partie de l’atmosphère que leurs nuages forment des bulles dans la soupe cosmique.

Son curriculum vitae n’est taché que d’excrétions phénoménales, chômage, divorce, etc. Gonflé à bloc, le personnage peut bien chanter « I am the cosmos », qu’a-t-il donc à perdre ?

A-t-il le sentiment d’être à la fois lourd et léger comme un ballon qui s’élève dans le ciel ?

En plus d’être philosophe, l’énergumène a quelques notions scientifiques. Ce bagage sert de moteur à son dirigeable qui visite l’espace, part à la rencontre de la planète enfance ou la planète Hamlet qui lui inspirent une magnifique sérénade Orange Song, exhortation à presser la vie comme une orange pour en recueillir le suc sucré et amer.

Ronronnez donc « I am the cosmos » pour réveiller vos ambitions cosmiques à la portée d’une pelure d’orange. Rêvez, respirez Hamlet, et découvrez que votre feuille de route est un sésame d’espoir. Brandie par Luc GUIOL qui trempe la mélancolie dans l’humour noir, elle recouvre sa dignité de l’infiniment petit dans l’infiniment grand, elle rit et jamais ne se fane.

Elle a trouvé grâce chez ce curieux cosmonaute, qui a repéré l’astuce, faire rimer cosmique avec comique !

Paris, le 16 Mars 2018

Evelyne Trân

CLAUDEL – Mise en scène de Wendy BECKETT – Chorégraphie de Meryl TANKARD à l’Athénée théâtre Louis-Jouvet – 7 rue Boudreau 75009 Paris – Du 7 au 24 Mars 2018 du mardi au samedi à 20 Heures , le dimanche à 16 Heures.

écrit et mis en scène par Wendy Beckett

chorégraphies Meryl Tankard
traduction Park Krausen, Christof Veillon
scénographie Halcyon Pratt
projections Régis Lansac
costumes Sylvie Skinazi
lumière François Leneveu

avec Célia Catalifo, Marie-France Alvarez, Marie Brugière, Swan Demarsan, Sébastien Dumont, Audrey Evalaum, Clovis Fouin, Christine Gagnepain, Mathilde Rance

Camille CLAUDEL jeune fille, Camille CLAUDEL aujourd’hui, manifestement Wendy BECKETT a une approche très contemporaine de la vie de cette célèbre sculptrice.

Le récit de sa vie se développe comme un roman photos qui permet de visionner rapidement les principaux épisodes que se partagent ses amies, son frère, sa mère et surtout Rodin.

Sous les traits de Célia CATALIFO, Camille Claudel est aussi belle, attirante que rebelle et fait de l’ombre au professeur Rodin, déjà âgé. Paul son frère fait également pâle figure et la mère est très antipathique.

Ainsi pointées, les différentes scènes servent d’arguments à la chorégraphie de Meryl TANKARD particulièrement captivante.

Meryl TANKARD s’est magnifiquement inspirée des œuvres de l’artiste. L’expressivité des danseurs hallucinante, hypnotique donne l’illusion de sculptures vivantes jaillies de la lave de la croûte terrestre.

C’est ainsi que l’esprit de Camille Claudel nous est dévoilé, en fusion avec les éléments, le feu, la terre, l’eau.

A notre sens, il ne faut pas chercher ailleurs que dans ses œuvres Camille Claudel. C’est le temps qui devient organique à travers l’être sculpture. L’émotion devient patte douce de lumière, elle n’écrase plus le mouvement, il faut face muette, face blanche pour des apparitions qui se désistent, qui s’oublient. A l’origine des sculptures n’y avait-il pas des modèles, les voilà devant nous qui dansent et qui s’offrent hors d’atteinte. L’illusion n’a pas d’autre seuil que celui de nos émotions.

Nous savons qu’il y a eu divorce entre Camille Claudel et le commun des mortels. Ses sculptures portent l’empreinte de sa douloureuse expérience. Mais tout parle d’une certaine façon, elle se savait parmi les humbles, les misérables, et n’affichait sans doute son orgueil que par pudeur.

Etre sculptrice, être sculpture, le spectacle formule admirablement cette raison d’être Camille Claudel.

Paris, le 14 Mars 2018

Evelyne Trân

L’ECOLE DES FEMMES de MOLIERE – Mise en scène Armand Éloi – Théâtre de Saint-Maur – 20 Rue de la Liberté, 94100 Saint-Maur-des-Fossés – les 9 et 10 Mars 2018 à 20 H 30 –


Photo Xavier CANTAT

Durée 2h00

De Molière
Mise en scène Armand Éloi
Musique Héloïse Éloi-Hammer
Avec Marc Brunet , Thomas Guené , Noémie Bianco , Cyrille Artaux , Arlette Allain , Michel Melki , Bertrand Lacy
Scénographie Emmanuelle Sage
Costumes Paul Andriamanana Rasoamiaramanana
Lumières Rodolphe Hazo
Construction Pascal Quintard

Dans une cage dorée se balance doucement une jeune fille l’air rêveur. Nous revient aussitôt en mémoire le poème de Prévert « Pour faire le portrait d’un oiseau ».

Paradoxalement la vision de cette cage a valeur d’ouverture pour la pièce l’Ecole des femmes, représentée il y a quatre siècles et dont les résonances sont toujours actuelles.

Quiconque a posé son regard sur un oiseau qu’il soit en cage ou non sait pertinemment que le moment viendra où il s’envolera.

L’école des femmes c’est donc l’histoire de l’envol d’une jeune fille sous le regard impuissant de son tuteur qui pourrait être son père mais ne rêve que de devenir son époux.

A travers cette pièce Molière dénonce violemment les mariages arrangés, les mariages forcés très courants à son époque. Il donne la parole à une jeune fille presque une enfant. Son ignorance de la notion de mariage et de la sexualité lui permet d’exprimer ouvertement ses sentiments face à un homme mûr qui s’apprête à la violer en tout bien tout honneur.

Evidemment, le mot viol n’est pas prononcé, un mari avait tous les droits sur son épouse et Arnolphe ne fait qu’enfoncer les clous du statut de la femme en déclarant « votre sexe n’est là que pour la dépendance. »


Photo Xavier Cantat

Pour faire le portrait d’Agnès, il est probable que Molière se soit inspiré des femmes qu’il côtoyait et notamment sa jeune épouse Armande Béjart. Par ailleurs l’amour d’un homme mûr pour une toute jeune femme, n’est ce point le démon de midi, éprouvé par Molière lui-même. Dans cette pièce, l’amour n’est pas aveugle, il illumine, il galvanise Agnès et contrarie les affirmations misogynes d’Arnolphe.

Sous le phare de la comédie écrite en vers, agrémentée de quelques instants comiques avec les interventions des domestiques, la langue de Molière chatoie de façon extrêmement vivante et étonnamment nuancée. Il appartient aux auditeurs, témoins du procès du mariage forcé de saisir la justesse ou l’outrance des propos des protagonistes.


Photo Xavier Cantat

La mise en scène très aérée et sobre donne à voir tous les personnages à travers des barreaux qui ceinturent l’espace, l’appel d’air venant naturellement d’Agnès, l’oiseau le plus vif de la volière.

Noémie Bianco incarne avec bonheur la fraicheur et la fougue d’Agnès, face à Marc Brunet qui réussit à rendre humain cet Arnolphe, plus vulnérable que vindicatif.

Cette Ecole des femmes pourrait bien s’intituler l’Ecole des messieurs car ces derniers en prennent vraiment pour leur grade. Grâce au regard avisé d’Armand Eloi, c’est la modernité de Molière qui nous touche au plus profond !

Paris le 12 Mars 2018

Evelyne Trân

CALAMITY/BILLY – Un diptyque du paradis perdu – Évocation musicale de deux figures emblématiques du Grand Ouest américain avec Claron McFadden et Bertrand Belin au THEATRE CROIX-ROUSSE Place Joannès-Ambre 69004 Lyon du 6 au 10 Mars 2018

Calamity Jane, lettres à sa fille
Texte attribué à Jean McCormick, musique Ben Johnston
Billy the Kid d’après Les Œuvres complètes de Billy the Kid
Michael Ondaatje
Gavin Bryars, commande 2018
Mise en scène, Jean Lacornerie
Direction musicale, Gérard Lecointe

Scénographie Marc Lainé et Stephan Zimmerli
Chorégraphie Raphaël Cottin
Lumières David Debrinay

Avec
Claron McFadden, Bertrand Belin, chanteurs
Lyonel Schmit violon

Photo Bruno Ansellem

De la même façon que des poésies peuvent accompagner des illustrations ou vice versa, la musique peut s’inspirer de paysages en mettant en mouvement leurs apparitions.

Pour la création de CALAMITY/BILLY, ce sont deux figures mythiques de l’Amérique du Far West qui ont été invoquées. Calamity Jane personnage légendaire de la conquête de l’Ouest au 19ème siècle et Billy The Kif, un de plus grands criminels de l’Ouest, contemporain de Calamity.

L’imaginaire américain, en tout cas celui qui découle de ce spectacle, s’est emparé de la légende à contre-courant des faits d’armes de ces deux héros, s’orientant vers l’expression tragique, douloureuse de leurs destins respectifs.

C’est ainsi que Calamity Jane, la femme qui tire plus vite que son ombre, se révèle être une mère aimante et poignante à travers les lettres écrites à sa fille publiées une quarantaine d’années après sa mort. Lesdites lettres se sont révélées depuis apocryphes mais elles ont suscité un émoi considérable.

Quant à Billy The Kid, c’est Michael Ondaatje qui lui a consacré un portrait intime notamment à travers les Poèmes du gaucher.

Le maitre de la musique micro tonale Ben Johnston entre à livre ouvert dans les correspondances de Calamity Jane à sa fille dont les mots prennent corps musicalement telles des effluves de l’âme, des éclats de bouteille à la mer, qui poursuivent le même but, délivrer un message d’amour.

La voix de la soprano Claron McFadden est sublime tant elle parait mesurée, pénétrée des paroles de Calamity.

Lorsque survient Billy The Kid, incarné avec panache par Bertrand Belin, la composition de Gavin Bryars prend une tournure plus fantasque, en accord avec les étonnants Poèmes du gaucher, élevant des crêtes de paysages suggérés par la main de Stephan Zimmerli qui épouse le sillon éphémère d’un nuage sur un écran vidéo.

Photo Bruno Ansellem

Nous entendons le temps respirer dans ce spectacle, parfaire la symbiose entre les chanteurs et les musiciens, les Percussions Claviers de Lyon, subjugués par une orchestration très onirique où le blues domine.

Photo Bruno Ansellem

Le tableau imaginaire de Calamity Jane et Billy The Kid soudés par la même soif de liberté est de ceux qui atterrissent dans nos rêves et se poursuivent pour devenir des créations.

Saluons celle de ce spectacle mise en scène remarquablement par Jean Lacornerie, initiateur d’une rencontre exceptionnelle, hors des sentiers battus, avec un rêve américain transgressif, celui de deux héros, déposant leurs armes contre une promesse de paradis et de paix.

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Evelyne Trân

Paris, le 9 Mars 2018

LA FEMME ROMPUE D’après MONOLOGUE extrait de LA FEMME ROMPUE de SIMONE DE BEAUVOIR Avec Josiane BALASKO au Théâtre HEBERTOT – 74 Bis Bd des Batignolles 75017 PARIS – A partir du 15 Février 2018 du mardi au samedi à 19 Heures –

Mise en scène Hélène Fillières
Lumières Éric Soyer
Costumes Laurence Struz
Scénographie Jérémy Streliski
Création musicale Mako
Assistante à la mise en scène Sandra Choquet

Le monologue de la femme rompue tiré du recueil de nouvelles, éponyme de Simone de Beauvoir en 1967, d’un réalisme particulièrement cru, rend pantelante notre vision idéale de la femme.

Elle n’est pas belle, Murielle, elle n’est pas jeune, elle n’a pas d’homme, elle n’a plus la garde de son fils et sa fille s’est suicidée ; sa propre mère la déteste.

Elle a donc tout pour déplaire, mauvaise épouse, mauvaise mère, mauvaise fille.

Donc Murielle pète les plombs. Comment vivre amputée de tous ses attributs féminins ? Que l’héroïne exagère ou pas son exclusion de la société, c’est son ressenti qui fait d’elle une bête enragée, monstrueusement seule.

Est-ce à dire qu’une femme dépouillée des rôles auxquels elle est assujettie depuis des millénaires ne serait plus une femme.

Murielle ne se pose pas la question en ces termes, elle n‘est pas féministe.

Elle est difficile à entendre parce que dans le fond c’est son corps qui parle, un corps ignoré, vaincu qui n’a plus d’autre interlocuteur que lui-même.

Ce corps qui se révolte puise dans ses pulsions primaires, de colère et de haine pour se dire. C’est un corps témoin d’une souffrance inextinguible, indicible.

Les cris de Murielle font partie de ceux que personne ne veut entendre. A la rigueur, ils sont tolérés dans la bouche des fous, des déshérités.

Murielle peut se permettre d’insulter l’humanité parce qu’elle est seule, c’est d’ailleurs là où le bât blesse.

Cette porte ouverte sur l’intimité d’une femme soulève le cœur. Si nous ne nous identifions pas un peu à sa douleur, pour quelle raison assisterions nous à l’agonie d’une femme et de quel droit la jugerions nous ?

Josiane BALASKO est poignante. Il n’y a pas de complaisance dans son interprétation. Elle ne cherche pas à émouvoir. Elle est seulement physiquement cette femme qui se jette des pierres pour mieux s’atteindre.

Misérable, odieuse, pitoyable, vulgaire, voilà des adjectifs qui nous traversent pour décrire le personnage. Mise en scène par Hélène FILLIERES, Josiane BALASKO réussit pourtant à lui donner de la grandeur !

Paris, le 8 Mars 2018

Evelyne Trân

SALUT ASTIER ! IL FAIT BEAU CE SOIR – Soirée en hommage à Claude Astier au Forum Léo Ferré – 11 rue Barbès 94200 Ivry sur Seine – le Samedi 10 Mars 2018 à 20 H 45 –

Soirée en hommage à Claude Astier

Akim.Richard Daumas.Dréano.Marc Havet.Nicolas Joseph.Bernard Joyet
Xavier Lacouture. Dominique Mac Avoy. Quentin Martel. Colette Nicolas
Geneviève Taillade. Thomasi. Joanna Michel. Cyrille Zakof. Albert Meslay
L’orchestre des Frères Sakarine avec Jean Baptiste Laya. Antonio Licusati
Patrick Fournier et Doudou

au Forum Léo Ferré

11 rue Barbès 94200 Ivry sur Seine

face au vieux moulin métro ou tram Porte d’Ivry

Réservation en cliquant sur resa@forumleoferre.org ou au 0146726468

Le spectacle affiche complet.

Claude ASTIER était un habitué de l’émission DEUX SOUS DE SCENE sur Radio Libertaire

Voici un extrait de l’enregistrement d’une émission de mars 2010 où Vincent JARRY son ami dit des poèmes de Jean-Baptiste TIEMELE
et Eric PERON et Claude ASTIER la chanson de l’assassin publiée dans Rue des Poètes en Décembre 2000.

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DON QUICHOTTE – FARCE EPIQUE – AU THEATRE DU LUCERNAIRE – 53 Rue Notre Dame des Champs 75006 PARIS – DU 7 Février au 25 Mars 2018 du mardi au samedi à 18 H 30 , le dimanche à 15 H.

D’APRÈS CERVANTÈS
MISE EN SCÈNE JEAN-LAURENT SILVI
AVEC
SYLVAIN MOSSOT (DON QUICHOTTE)
AXEL BLIND (SANCHO PANÇA)
BARBARA CASTIN (L’INTERVIEWEUSE, LA PRINCESSE MICOMICONA)
ANTHONY HENROT (LE MAÎTRE DE CÉRÉMONIE,

Si nous pouvions rire de certaines vedettes politiques qui promettent la lune pour balayer notre vision terre à terre de la réalité, comme nous rions des mésaventures de Don Quichotte le chevalier errant et de son écuyer Sancho Pança, nous pourrions adhérer à cette observation lancée par Don Quichotte lui même à Sancho Pança : Quelque chose te brouille la vue.

« Qu’est ce donc, aujourd’hui, la chevalerie errante ? » demande naïvement l’intervieweuse à Don Quichotte aussi sûr de lui même qu’il le fut à sa naissance, il y a déjà cinq siècles. Ce valeureux personnage, est un grand illuminé qui prend ses désirs pour la réalité . C’est un fou mais un fou sympathique parce qu’il se dégage une certaine pureté dans l’exaltation de ses désirs. Entier, il est incapable de compromis, c’est une tête brûlée mais qui a du cœur.

La vanité voilà la grande affaire humaine, c’est elle qui gonfle les appétits de gloire et de pouvoir, et ce faisant permet d’occire, sinon oublier la dépression, la mélancolie, la tristesse qui nous poussent à ressasser « Le monde va mal, toujours mal ».

La vanité, personne n’y échappe, même le laboureur,Sancho Pança séduit par la carotte que lui tend Don Quichotte, de devenir gouverneur d’une belle île.

L’imagination chaleureuse de Don Quichotte qui lui permet de voir une prostituée comme une princesse retrousse le regard négatif et limité toujours en jeu dans les relations humaines. Comme nous aurions besoin d’un Don Quichotte à l’assaut dans nos métros bondés, capable de rabattre le caquet à celui qui se permet de lancer à la cantonade « S’il y avait moins d’étrangers, il y aurait plus de place ».

Évidemment, le roman de Cervantès est si profus, qu’il n’est pas possible de le raconter en une heure sur scène. Mais le metteur en scène Jean-Laurent SILVI, gagné par l’ardeur de Don Quichotte, grâce au pouvoir de la fée improvisation, donne des ailes aux interprètes qui jouent quelques fragments incontournables de l’ épopée : l’aventure des moulins à vent, la rencontre à la sierra Morena d’un chevalier étrange et dénudé Cardenio, le récit ahurissant de Sancho Pança, destiné à détourner Don Quichotte – sous l’emprise d’un coup de Friston l’enchanteur – d’une aventure atroce et terrifiante, les armées qui se révèlent n’être que des troupeaux de moutons …

Axel BLIND, Sancho Pança plus vrai que nature et Sylvain MOSSOT en Don Quichotte enragé, forment un duo tragi-comique irrésistible. Barbara CASTIN, l’intervieweuse et la princesse Micomicona est tout à fait piquante et Anthony HENROT, le maître de cérémonie et surtout Cardénio, excellent.

Si vous n’avez pas le courage de lire les mille pages de Don Quichotte, nous vous invitons à découvrir néanmoins, ce que le livre a essaimé chez cette joyeuse équipe, une farce épique énergisante qui met du baume au cœur !

Paris, le 13 Juillet 2016

Mise à jour le 6 Mars 2018

Évelyne Trân