Caroline MONTIER chante BARBARA AMOUREUSE – Collaboration artistique : Caroline Loeb – au THEATRE DE L’ESSAION – 6, rue Pierre au Lard 75004 PARIS – Du 4 Décembre 2017 au 30 Janvier 2018, les lundis et mardis à 21 H 30 – PROLONGATION : du 29 mars au 28 avril, les jeudis, vendredis et samedis à 21h30 – Puis au Festival d’AVIGNON OFF 2018 à l’ATYPIK THEATRE du 6 au 29 JUILLET 2018 –

Auteur : Barbara
Collaboration artistique : Caroline Loeb
Distribution : Caroline Montier (chant, piano)

Nous connaissions la dimension tragique de Barbara, ses accents qui déchirent l’âme mais bien moins son côté espiègle, fantaisiste voire enfantin.

C’est cet aspect-là qu’a su retrouver Caroline Montier qui interprète au piano les chansons de jeunesse de Barbara débutante, de la première période entre 1962 et 1970, notamment :

Toi l’homme
Du bout des lèvres
Pierre
Chaque fois
Dis, quand reviendras-tu
Amoureuse
Tu ne te souviendras pas
La solitude

Des chansons d’amour si fraiches, si vives et mélodieuses !

La mise en scène sobre et élégante de Caroline Loeb donne toute latitude à l’imagination du public.

Caroline Montier se laisse traverser par la pluie de notes, atteint le paysage de Barbara sur les traces de ses ondées merveilleuses.

Et la grande clairière s’ouvre qui fait penser à un poème de Rimbaud qui court, court jusqu’à se laisser emporter par sa propre ivresse.

Caroline Montier n’a pas besoin d’imiter Barbara, son empathie avec la Barbara amoureuse suffit pour libérer l’oiseau qui bat de ses propres ailes, un vrai instant de grâce avec Barbara.

Paris, le 28 Janvier 2018

Evelyne Trân

DOM SGANARELLE de Jean-Philippe ANCELLE au THEATRE DU RANELAGH – 5, rue des Vignes 7516 PARIS – du 17 Janvier au 8 Avril 2018 du Mercredi au samedi à 19 Heures, le dimanche à 15 Heures –

Distribution

Auteur : Jean-Philippe ANCELLE

Mis en scène et interprété par : Jean-Philippe ANCELLE et Michel Pilorgé

Assistante mise en scène: Héléna DUBIEL

Costumes: Bruno MARCHINI

Lumières Sean SEAGO

Les grands auteurs, Shakespeare, Marivaux et bien sûr Molière font partie de leur vie, ils abreuvent leur sang de comédiens avec tout leur forêt de personnages. Pourtant les deux artistes de DOM SGANARELLE ne sortent pas dans la rue pour déclamer, ils attendent patiemment qu’un metteur en scène leur permette d’incarner leurs rôles favoris, ceux de Dom Juan et Sganarelle qu’ils ont interprétés dans leur jeunesse.

Philippe Leroy et Michel Claude sont sexagénaires mais Dom Juan et Sganarelle n’ont pas d’âge, ils sont immortels.

C’est le texte qui permet d’entrer dans la peau d’un personnage, sa mise en voix. Les comédiens doivent connaître ce déclic imparable qui les transporte dans un personnage alors qu’une seconde auparavant, ils étaient justes deux pauvres bougres livrés à leurs chimères.

Comme dans le Chant du cygne de Tchekhov, les comédiens ont une telle faculté de s’oublier dans leurs rôles qu’ils peuvent se méprendre et se dire Sganarelle ou Dom Juan puisque ce sont eux qu’ils projettent dans leurs rêves.

Un texte ne se loge pas seulement dans la tête, il traverse tout le corps qui n’est qu’une voie de passage. Si la route est trop goudronnée, trop lisse, n’attendez pas de fulgurants échos. Non, il faut imaginer qu’un personnage attend son comédien, qu’il le choisit et serait même prêt à le critiquer s’il est déçu par son interprétation. C’est en tout cas ce que nous dit Pirandello.

Et si nous étions nous-mêmes des personnages, rêve tout haut dans cette pièce Jean-Philippe ANCELLE, il faudrait nous faire tourner autour de Sganarelle et Dom Juan. N’est-elle point magnifique cette idée !

Comment glisse-t-on de la réalité à la fiction ? Peut-être faut-il garder en soi une once d’enfance, les enfants lorsqu’ils jouent ne se posent même pas la question.

Comme dans un acte d’amour, avant de jouer, il y a les préliminaires. Ce sont les échanges entre les deux comédiens qui secouent leurs besaces poussiéreuses, pleines de bons et mauvais souvenirs, d’enchantements et de désenchantements.

Jean Philippe ANCELLE et Michel PILORGE qui incarnent les deux artistes vieillissants mais toujours verts, sont très émouvants.

Avec délicatesse Jean-Philippe ANCELLE pousse sur la même balançoire, personnages et comédiens pour le bonheur du public d’écouter Molière dans une ambiance quasi tchékhovienne.

Paris, le 28 Janvier 2018

Evelyne Trân

LE SOLILOQUE DE GRIMM de Bruno GEORGE avec Fred SAUREL au THEATRE DE L’ESSAION – 6, rue Pierre au Lard 75004 PARIS – Du 16 novembre 2017 au 27 janvier 2018 à 21 Heures 30 –

Auteur : Bruno George

Mise en scène : Jean-Philippe Azéma

Distribution: Fred Saurel

Il se cache à lui-même sa face d’homme, il a perdu les traces de lui-même, ensevelies par la misère et le temps inexorable qu’il a passé à tricher ou plutôt à jongler avec ses rêves et la sordide réalité.

Sa véritable compagne est la solitude, cynique, terrible. Monsieur Fred Loisel, sdf de son état, abuse d’elle de façon insensée à coups de rasades de vinasse.

Comment sauterait-elle sur ses genoux la réalité, n’est-elle point juste un cliché aux abois, un frottement sur la partition des mimiques de Monsieur et Madame bien élevés, têtes baissées sur leurs portables dans le métro.

Clodo plus vrai que nature, cherchez l’erreur ! Monsieur Fred est une devinette à lui tout seul comme dans ses images d’Epinal qui fourmillent de détails recouvrant la silhouette d’un personnage.

Pas d’attaché de presse pour un clodo ! Je me souviens d’en avoir vu un reculer de frayeur en voyant arriver dans un cocktail un supposé clodo. Le clodo en question avait la besace pleine de poèmes !

« Il ne joue plus la coquette », il est vrai, Fred depuis 3 ans, convaincu qu’il joue son dernier rôle de philosophe alcoolique, de Diogène impénitent !

Il s’est recréé un univers au milieu d’un dépotoir (la mise en scène de Jean-Philippe AZEMA est très éloquente). C’est incroyable comment dans sa cour de miracles, un vieux sac de supermarché peut exprimer à sa façon le désespoir. Rions donc de le fixer tel qu’il est usagé avec ses couleurs flétries.

Ah la belle enseigne ! Ah le beau papier journal qui une fois lu sert de papier toilettes !

Fred fait figure comme le sac de supermarché d’homme usagé, un homme qui a roulé sa bosse mais celle- ci a tellement grossi qu’elle lui fait un peu d’ombre, voilà tout. Nous spectateurs, nous croyons qu’elle va nous empêcher de le regarder ce gueux, crasseux, puant, dégoûtant ! Et pourtant l’innocence est là qui gravite autour du bonhomme, elle a le regard d’une femme qu’il a aimée qu’il aime toujours.

Tendresse ! Au bout du rouleau, l’homme devient un Prince, un heureux magicien, trompe-la-mort.

Une leçon de vie, une leçon de choses délivrées par le dramaturge Bruno GEORGE et son interprète formidable Fred SAUREL qui incarne à discrétion, une idée de l’homme et ses ailleurs, bien au-delà des apparences !

Paris, le 27 Janvier 2018

Evelyne Trân

NOUVEAU (X) GENRE (S) – VOYAGE DANS L’INCONSCIENT – A la Manufacture des Abbesses 7 Rue Véron 75018 PARIS – Du lundi 22 janvier au 7 mars 2018 (relâches les dimanches 28/01 et 18/02). Les dimanches 20h, lundis, mardis, mercredis 21h.

Texte et mise en scène : Caroline de Diesbach
Distribution : Caroline de Diesbach, Isabelle Gomez

LA DISTRIBUTION :

Texte et mise scène : Caroline de Diesbach

Actrices : Caroline de Diesbach, Isabelle Gomez

Musique : Marielle Tognazzoni, Thierry Epiney, Gilles Normand

Vidéo : Vincent Forclaz, Julien Valentini

Lumière : Jérôme Hugon

Décor : Valérie Margot

Chorégraphie : Géraldine Lonfat

Regard extérieur : Mathilde Braun, Sébastien Ehlinger

Conseiller artistique : Philippe Metz

Cet obscur objet de désir, quel est-il ? Sommes nous le point de mire de quelque chose qui nous dépasse ? Regardants, regardés, quel est donc votre rapport à l’image, celle que vous donnez, celle que vous voulez donner, celle qu’on vous impose ou même celle dont vous vous moquez ?

Caroline DE DIESBACH, danseuse, chanteuse, comédienne, sonde l’espace de sa féminité à travers le journal d’une patiente en psychanalyse.

Ce journal éparpillé et non chronologique, elle en fait part à la thérapeute qui applaudit son initiative. En quelque sorte, la psychanalyste joue le rôle de guide d’une aveugle qui a décidé d’aller en avant coûte que coûte sur le chemin de sa vérité.

« Vous cherchez la femme, vous ne trouverez que son masque » Il est douloureux ce message que lance Caroline, il exprime un mal être, une gêne qui questionnent la confusion des genres.

La psychanalyste explique qu’un individu peut avoir un genre masculin dans un corps féminin et inversement. D’où l’idée d’un nouveau genre !

Avec une psychanalyste « partenaire du langage », il est possible d’enfoncer des portes ouvertes, de lancer des bouteilles à la mer et il arrive que des mots, des pensées surnagent qui en appellent d’autres et font remonter à la surface des sentiments, des remarques oubliées qui ont fait leur chemin dans la tête inconsciemment.

« Il y a cette tristesse qui ne me quitte pas » dit encore la patiente qui continue pourtant vaillamment à chanter, à danser, à apparaître.

Avec beaucoup de délicatesse, Caroline DE DIESBACH, réussit à rendre captivante cette relation entre la psychanalyste – si bienveillante jouée par Isabelle GOMEZ – et sa patiente.

Et le spectacle n’est pas triste loin de là, il est passionnant de bout en bout. Caroline DE DIESBACH évite l’écueil d’un ego surplombé par son mal existentiel. La psychanalyste fait preuve de beaucoup d’humour et la petite phrase de Lacan « Je n’en veux rien savoir » tombe à pic, pour repiquer ces morceaux d’inconscient, source d’étonnement des petits Poucet en quête d’un nouveau genre, intime et précieux !

Paris, le 3 Juillet 2017
mise à jour, le 26 janvier 2018

Évelyne Trân

XAVIER MERLET à LA MANUFACTURE CHANSON – 124 Avenue de la République 75011 Paris – Le 2 FEVRIER 2018 à 20 H 30 –

Nouvel album A.O.C
En libre écoute
01 — Encore 03 — A.O.C 07 — Le Gromo 13 — J’ai pas peur
sur http://xaviermerlet.com/albums/

Il est mince et souple, il fait penser à une branche de roseau qui ne saurait courber l’échine même devant un chêne imposant.

Tel un Orphée des villes, il colporte ses coups de cœur, ses coups de gueule, avec délicatesse, tendresse et beaucoup d’humour.

Il dit ce qu’il pense mais sans brutalité alors même que ses propos fleurent la révolte.

Cela dit, il est philosophe et ses chansons font du bien car elles expriment ce que souvent nous n’osons dire tout haut.

Nous l’avons découvert à la Manufacture Chanson à Paris, en décembre, il y revient le 2 Février 2018 et sera à NANTES le 13 Février 2018.

Il ne faut pas le manquer, ce troubadour a vraiment du charme, il est bio comme dirait une carotte dont il est question dans le spectacle.

Bio c’est-à-dire personnel, original, indépendant, toujours flanqué de sa guitare sèche et du guitariste, Marc BREBION.

Vous le reconnaitrez, il a l’air timide mais ses yeux brillent d’insolence musicale !


Paris, le 21 Janvier 2018

Evelyne Trân

Les Eaux et Forêts – Texte de Marguerite DURAS – Mise en scène Michel DIDYM – AU THEATRE DE LA MANUFACTURE – 12 Rue Baron Louis – NANCY- du 15 au 20 Janvier 2018 puis le 23/01/2018 à SAUMUR (49) LE DOME, le 25/01/18 à NIORT – LE MOULIN DU ROC SCENE NATIONALE – du 2 /02/18 au 03/02/18 à VERSAILLES au THEATRE MONTANSIER –

Avec
Brigitte Catillon (Femme 1)
Catherine Matisse (Femme 2)
Charlie Nelson (Homme)
et le chien Zigou

Dramaturgie François Rodinson
Scénographie Anne-Sophie Grac
Création sonore Philippe Thibault et Gautier Colin
Lumière Olivier Irthum
Costumes Christine Brottes assistée de Éléonore Daniaud
Perruques, coiffures Justine Valence
Confection des marionnettes Amélie Madeline
Collaboration chorégraphique Marie-Françoise Adam
Construction du décor Atelier du Théâtre de la Manufacture
Jean-Paul Dewynter, Jérémy Ferry, Patrick Martin, Stéphane Rubert, Frédéric Stengel, Chloé Zani
Régie générale et plateau Colas Murer
Régie son Gautier Colin et Sophie Aptel

Production
Centre Dramatique National Nancy Lorraine, La Manufacture

Comment celle qui a écrit « La douleur » et le scénario de « Hiroshima mon amour » pouvait-elle être drôle à ses heures ? Le sol est toujours mouvant chez Marguerite DURAS. Elle était tous terrains, la preuve s’il en est cette pièce « Eaux et forêts » où malicieusement, elle s’amuse à bombarder de confettis des personnages au fond d’un tableau indémontable, pourquoi pas une croûte au pied la butte Montmartre, ou une reproduction universelle de Paris avec sa tour Eiffel.

Du scrupuleusement banal, il faut juste attendre que vos yeux commencent à cligner car il n’y a rien de plus malfaisant que la banalité, surtout lorsqu’elle prend l’apparence d’un toutou mal élevé qui mord le mollet d’un quidam sur un passage clouté.

Difficile de faire un téléfilm sur une intrigue aussi mince. Mais Marguerite Duras est une sorcière, elle sait bien que l’ennui est le plus grand ennemi de l’homme d’après Baudelaire. L’ennui c’est un gouffre incroyable, un précipice, mais jetez-y un caillou vous l’entendrez chanter. ‘

L’homme mordu est furieux, il regarde d’un mauvais œil la propriétaire de Zigou, le seul personnage à assumer son nom, une passante se mêle à la conversation à couteaux tirés. L’homme découvre qu’il est pris au piège d’une folle qui veut l’emmener tout de go à l’hôpital Pasteur pour le faire vacciner contre la rage.

Le filet tendu par la propriétaire du chien qui n’en est pas à ses premières tentatives, finira par se détendre. Les protagonistes, deux femmes petites bourgeoises esseulées et oisives et l’homme, un grincheux bon vivant s’amadouent en basculant dans le délire comique de leur rencontre absurde et mémorable.

Chacun des personnages au fil de la conversation étanchent leurs états d’âme c’est à dire qu’ils se laissent aller à quelques confidences, juste suspendus à l’idée première comme à Godot chez Beckett, celle de se rendre à l’hôpital Pasteur. Cette urgence-là, faut reconnaitre qu’elle peut bien attendre !

Ce qui importe dans le manège des petites phrases à billes qui bousculent les personnages comme dans un jeu de flipper, ce sont les intonations. A nous le public, de nous demander pourquoi les chansons paillardes du bonhomme hérissent le poil des bonnes femmes. Et comment se fait-il que ce doux prénom de Zigou nous rappelle le verbe zigouiller quelque peu vulgaire.

Il n’y a pas de mots innocents, tout dépend de la bouche qui les prononce et du contexte.Contexte réversible qui passe aussi par le paysage, l’humeur, les souvenirs et les boyaux des personnages.

Et ceux-ci grâce à l’interprétation des comédiens vraiment excellents – Brigitte Catillon qui compose une petite peste sournoise, Catherine Matisse une pauvre bourgeoise laissée pour compte et Charlie Nelson, le pauvre homme coincé entre deux femmes – de banaux deviennent intéressants. Par exemple la petite dame avec son tailleur étriqué marron, certes elle n’est pas terrible et pourtant, pourtant ….

La scénographie est géniale parce qu’elle donne l’illusion d’une carte postale vivante par l’apparition de personnages venus de nulle part, pris dans un tourbillon de flocons de mots qui fondent comme la neige.

C’est cette boule de neige signée Duras que renvoie au public Michel DYDIM avec une mise en scène scintillante, rafraichissante et drôle, pleine d’esprit de malice ; ça pique, ça mouille, ça fait mouche !

Paris, le 21 Janvier 2017

Evelyne Trân

Un jour en Octobre – Adaptation de Agathe Alexis – d’après Oktobertag de Georg Kaiser – mise en scène Agathe Alexis – Du mar. 16/01/18 au mar. 13/02/18 – Au THEATRE DE L’ATALANTE – 10 Place Charles Dullin 75018 PARIS – Les lundis et vendredis à 20 H 30 – les mardis, jeudis et samedis à 19 H , les dimanches à 17 H.

de Georg Kaiser Traduction de l’allemand René Radrizzani Mise en scène Agathe Alexis Scénographie et costumes Robin Chemin Réalisations sonores Jaime Azulay Lumière Stéphane Deschamps Chorégraphie Jean-Marc Hoolbecq Collaboration artistique

Avec : Jaime Azulay, Bruno Boulzaguet, Benoît Dallongeville, Ariane Heuzé, Hervé Van der Meulen

Il n’y a plus de contrées inexplorées, pensons-nous, à une époque où nous sommes submergés par des informations de toutes parts, grâce à internet et les réseaux sociaux par exemple. Est-il possible de faire un retour en arrière, au début du vingtième siècle qui n’est pas si loin puisque nos grands ou arrières grands-parents l’ont connu. A cette époque les jeunes filles, notamment celles issues de famille bourgeoise, demeuraient dans une ignorance crasse concernant la procréation. Elles avaient tout loisir pour rêver au prince charmant et il eût été indécent de leur expliquer que leur présence sur terre avait pour origine le frottement de deux corps en chaleur.

Un jour en octobre, la pièce de Georg KAISER, un dramaturge allemand très inspiré par Kleist, et peut-être par Strindberg, nous conte une histoire tout à fait stupéfiante pour nos oreilles modernes.

C’est l’histoire d’une jeune fille qui tombe amoureuse d’un officier et qui est si bien envahie par son émotion qu’elle croit lui ouvrir la porte de sa chambre un soir alors qu’elle fait entrer un garçon boucher qui avait rendez-vous avec sa fiancée.

Elle tombe enceinte et croit de bonne foi que le père est l’officier. L’enfant nait sans père et il revient au tuteur d’éclaircir cette affaire fort scandaleuse, et de retrouver le père pour régulariser la situation. Les deux pères, celui rêvé par la jeune fille et le père biologique entrent en scène. L’un qui tout d’abord nie sa paternité, finit par être séduit par l’héroïne Catherine, l’autre le père biologique de basse condition qui entend monnayer son silence sur l’origine de l’enfant.

Il est né le divin enfant, pas si divin bien sûr ! Alors que le tuteur ne cesse de clamer qu’il agit pour le bien de l’enfant, il faut reconnaître que Catherine ne peut pas briser son rêve de prince charmant, en admettant que ses transports charnels ont eu lieu avec un pauvre garçon boucher.

Il s’agit de son bonheur après tout, n’est-elle pas bel et bien amoureuse de l’officier et ce sentiment amoureux comment pourrait-il frayer son chemin avec celui de la chair.

Dans ce combat de classes où à l’échelon supérieur, règnent l’ordre, la suffisance, la délicatesse d’âme, et à l’échelon inférieur, la grossièreté, l’animal sans scrupules, le tuteur qui veut sauver les apparences et craint par dessus tout, la tache du déshonneur, celle d’avoir pour nièce une fille mère avec un enfant bâtard, s’arrache les cheveux.

La pièce aurait aussi bien pu prendre le titre d’une pièce d’Alfred de Musset « A quoi rêvent les jeunes filles ». Dans Un jour en octobre, le rêve de Catherine tourne la tête de l’officier qui devient à son tour fou amoureux, mais le boucher qui est aussi un homme et qui a su apprécier la chair si délicate de Catherine n’a-t-il point son mot dire ? Quoi, comment, seules les âmes bien nées auraient donc le monopole des vertiges de l’amour ?!

Georg KAISER décolle les étiquettes avec beaucoup d’audace. C’est cette audace dont s’empare avec maestria, la metteure en scène Agathe ALEXIS heureuse de monter en France pour la 1ère fois cette pièce.

L’esprit fait partie de la chair, n’est-ce pas. En tout cas il s’agit d’un propos qui sied particulièrement aux comédiens, tous épatants. Ariane HEUZE , l’interprète de Catherine, est diaphane, elle fait penser à une créature de Gérard de NERVAL. Hervé VAN DER MEULEN, joue avec chaleur un tuteur ébranlé dans ces convictions. Par contraste, Jaime AZULAY incarne sobrement un prêtre dépassé par l’évènement. Quant aux deux pères interprétés respectivement par, Bruno BOULZAGUET et Benoit DALLONGEVILLE, ils réussissent ce tour de force de transformer leurs personnages lors des rebondissements de cette pièce onirique et sociale qui possède tous les atouts d’un thriller psychologique.

C’est un bonheur de découvrir cet auteur Georg KAISER. Certes, les situations évoquées peuvent paraître datées mais les protagonistes parlent toujours de nous-mêmes, de rêves de liberté, hors normes, hors époques. Car si l’esprit ne dialoguait pas avec la chair, tout serait dit, il suffirait de robots pour nous faire parler et alors plus de mystères, plus de rêves…

Le 19 Janvier 2018

Evelyne Trân

SAIGON – Un spectacle de Caroline Guiela Nguyen / artiste associée – Compagnie les Hommes Approximatifs – THEATRE ODEON – ATELIERS BERTHIER – 1, rue André Suares, 75017 Paris – Du mardi au samedi à 19h30, le dimanche à 15h. Durée 3h15 avec entracte –

Photo Jean-Louis Fernandez

avec Caroline Arrouas, Dan Artus, Adeline Guillot, Thi Truc Ly Huynh, Hoàng Son Lê, Phú Hau Nguyen, My Chau Nguyen Thi, Pierric Plathier, Thi Thanh Thu Tô, Anh Tran Nghia, Hiep Tran Nghia

en français et vietnamien, surtitré en français


2018 ! Que reste-il donc de la France au Vietnam de nos jours et du Vietnam pour la France aujourd’hui ? Vaste question vu que l’histoire entre le Vietnam et la France chevauche tout de même trois siècles du milieu du 19ème siècle au 21ème.

Les descendants des Vietnamiens qui ont débarqué en France par vagues successives à l’époque de la colonisation pour servir de main d’œuvre dans les usines, ou les tranchées en tant que soldats ou ouvriers soldats pendant les 1ère et 2ème guerre mondiale, après le départ des Français en 1954 ou la chute ou libération de SAIGON en 1975, depuis baptisée HO CHI MINH VILLE, peuvent-ils imaginer qu’ils doivent leur présence dans ce beau pays la France, aux ambitions d’un certain Jules Ferry qui s’attacha à faire de l’Indochine le principal territoire de l’empire colonial français.

SAIGON fait partie de la colonie de la Cochinchine conquise en 1858. Les Vietnamiens qui ont vingt, quarante ou même soixante ans n’ont pas connu la réalité de la colonisation française. A vrai dire, leurs parents ou grands-parents qui ont souvent évoqué la douleur du déracinement, restaient peu diserts, probablement pour ne pas remuer les plaies.

C’est loin le Vietnam de la France, plus de 10000 km à vol d’oiseau. Mais aujourd’hui, il suffit d’un billet d’avion pour se soustraire à cette distance virtuelle.

L’histoire de quelques vietnamiens expatriés que nous conte le spectacle SAIGON couvre la période entre 1956 et 1996.

40 ans pendant lesquels pour cause de guerres et raisons politiques, des Vietnamiens n’ont pu retourner au pays. Beaucoup avaient quitté leur famille, une fiancée mais les ponts étaient rompus sans espoir. Alors certains ont fondé de nouvelles familles en France et une génération d’eurasiens a vu le jour…

Les personnages se retrouvent tous au restaurant de Marie-Antoinette, une petite dame toute ronde toujours affairée, et grâce à l’idée lumineuse de Caroline GUIELA NGUYEN, ce restaurant tel un tapis volant circule entre Saigon et la rue Saint Antoine à Paris. « Trajet de larmes » dit-elle. Les tableaux sont extrêmement vivants, les dialogues, les réparties très simples. De toute évidence au-delà des paroles, ce sont les gestes, les visages, les mouvements des personnes, leurs intonations, qui intéressent la metteure en scène. Ceux qui ne comprennent pas le vietnamien peuvent avoir l’impression d’assister à un concert d’oiseaux, en étant réceptifs au seul bruit de la langue.

Le mélange des deux langues parlées, le Français et le Vietnamien est à lui seul évocateur du ressenti, du vécu des protagonistes.

Les comédiens jouent de façon si naturelle que le spectateur pourrait croire être lui-même dans un de ces restaurants vietnamiens à l’enseigne de SAIGON avec sa fameuse soupe Pho.

Et du coup, le Vietnam malgré ses 10000 km de distance nous semble plus proche car nous devinons à travers tous ces visages au moins le bonheur du partage, des retrouvailles, en dépit du trajet des larmes…

Le 14 Janvier 2018

Evelyne Trân

ACCORDS – MARTINE-GABRIELLE KONORSKI/FEDERICO MOMPOU – AVEC MAUD RAYER et Jacqueline BOURGES-MAUNOURY au piano, au THEATRE DES DECHARGEURS 3, rue des Déchargeurs 75001 PARIS – du 9 au 13 Janvier 2017 à 19 H 30 –

Texte :
Martine-Gabrielle Konorski

Mise en scène :
Coralie Pradet

Comédien(s) :
Maud Rayer

Musique :

Federico Mompou ,

Jacqueline Bourgès-Maunoury

Pourquoi la poésie dans un monde abruti par les questions matérielles et qui impose à tout humain d’avoir les pieds sur terre et non dans les nuages ?

Parce que – et c’est juste un début de réponse – la poésie donne la parole aux silencieux tels les arbres, les montagnes, les fleurs et aussi toutes ces petites âmes intérieures qui déposent leurs pensées ni vues, ni connues, suspendues hors du temps, pour donner de l’esprit à notre environnement, jeter un visage sur une vieille rue, rendre aimables un pont, une clairière, ouvrir le chant d’une cascade, libérer des sentiments, accueillir les revenants, etc.

La poésie ce n’est pas que des mots, c’est un sentiment.

Comment donc expliquer un sentiment ? Maud RAYER traverse la poésie de Martine-Gabrielle KONORSKI avec une fluidité, une sensualité, extraordinaires.

Je ne résiste pas à la tentation de rappeler ces vers du poème correspondances de Baudelaire :

Comme de longs échos qui de loin se confondent
Dans une ténébreuse et profonde unité,
Vaste comme la nuit et comme la clarté,
Les parfums, les couleurs et les sons se répondent

Ils qualifient à mon sens l’impression du spectacle, avec cet inimaginable parfum que dégage la poésie de Martine Gabrielle KONORSKI, si bien révélée par Maud RAYER, un parfum féminin, délicat et subtil où l’amertume reste proche de la douceur, où les barrières entre la vie et la mort semblent si étrangères !

En symbiose, la talentueuse Jacqueline BOURGES-MAUNOURY, interprète de la musique de Federico MOMPOU et l’aérienne Maud RAYER entrainent le public hors du temps, c’est une véritable hypnose !

Paris, le 13 Janvier 2017

Evelyne Trân

CHARLES GONZALES DEVIENT CAMILLE CLAUDEL – AU THEATRE POCHE MONTPARNASSE – 75 bd du Montparnasse 75006 PARIS – du 8 JANVIER AU 16 AVRIL 2018 – TOUS LES LUNDIS A 19 HEURES –

Conception, mise en scène et interprétation Charles GONZALÈS
 Lumières Mohamed MAARATIÉ
 Costumes Ateliers ACERMA ; Porte de Montreuil et Pascale BORDET

Camille CLAUDEL, dont une photo de jeunesse avec son front haut, son air buté fait la paire avec celle de Rimbaud adolescent rebelle et rêveur. est devenue un mythe à son corps défendant.

Selon Charles GONZALES, il s’agit d’une artiste « sacrifiée à l’autel de l’injustice ».

La destinée tragique de cette sculptrice élève et amante de Rodin
pose la question de la place des artistes dans la société et notamment des artistes femmes au début du siècle dernier. En imposant à sa famille sa vocation de sculptrice Camille CLAUDEL fait totalement figure d’exception.

Elle a payé le prix de cette entorse à la règle puisqu’ en dépit de son talent, progressivement poussée vers la dépression et la misère, bannie par sa propre famille, elle fut internée jusqu’à sa mort durant trente ans dans un asile d’aliénés.

Camille CLAUDEL fière et obstinée était trop entière pour composer avec les conventions et préjugés de son époque, elle est morte quasiment inconnue du grand public et il est probable que si elle n‘avait pas été l’amante de Rodin et la sœur de Paul Claudel, ses œuvres n’auraient pas refait surface.

Non seulement une foule d’artistes qui galèrent pour survivre et atteindre une larme de reconnaissance peuvent se reconnaitre en Camille CLAUDEL, mais également tous ceux qui luttent pour la liberté d’expression, seront atterrés par son histoire.

Toute biographie même excellente nous laisserait sur notre faim concernant une telle personnalité.

L’intérêt de l’interprétation de Charles GONZALES, c’est que paradoxalement il ne s’agit pas d’une interprétation, le comédien donne l’impression comme s’il était en transes de se laisser submerger par l’esprit de Camille CLAUDEL à travers les lettres qu’elle a écrites notamment à Rodin, son frère Paul, Eugène Biot, le Docteur Michaux, et sa mère.

A travers sa mise en voix, les mots de Camille deviennent tissus de chair, tissus d’organes où l’outrance côtoie le désespoir et hélas la lucidité puisque Camille CLAUDEL était totalement consciente de l’horreur de sa situation, celle d’être enterrée vivante.

Il y a des gémissements qui ne peuvent finir de nous poursuivre comme s’ils sortaient des catacombes, ce sont les prières de Camille à « sa petite maman ». Nous revoyons alors sa sculpture prémonitoire d’une vieille femme implorant la grâce.

Voilà Camille CLAUDEL qui sort de nos propres gonds, de nos propres corps et sa voix qui ne piétine pas, qui arpente nos murs, nos barrières, nos peurs, gronde, gronde comme un courant d’air salvateur extraordinaire.

Inspiré par l’art de l’onnagata, pratiqué par les artistes japonais interprétant des rôles de femmes, Charles GONZALES rend hommage de la façon la plus originale, la plus intense à sa petite sœur, ainsi la nomme-t-il, Camille CLAUDEL !

Paris, le 13 Janvier 2017

Evelyne Trân