Probablement les Bahamas de Martin CRIMP – Mise en scène Anne-Marie LAZARINI – Au THEATRE ARTISTIC ATHEVAINS – 45 Rue Richard Lenoir 75011 PARIS – A partir du 20 novembre 2017 –

lundis (20/11, 18/12 et 8/01) 20h30 ; mardi 20h (sauf 21/11) ;
mercredi, jeudi 19h, vendredi 20h30 (sauf 12/01) ; samedi 18h et 21h (puis 20h30 à partir du 30/12) ; dimanche 16h (sauf 03/12 et 24/12

assistant à la mise en scène Cyril Givort

décor Dominique Bourde et François Cabanat
costumes Dominique Bourde
lumières François Cabanat

avec
Jacques Bondoux
Heidi-Eva Clavier
Catherine Salviat Sociétaire honoraire de la Comédie-Française

et « l’invité »

Il y a ces dépôts lents de la buée sur une fenêtre que formeraient les peaux mortes des conversations lâchées dans le vide. Pourquoi y attacher de l’importance, les paroles s’envolent dit-on, seuls les écrits restent. Dans la pièce Probablement les Bahamas de Martin CRIMP, un auteur contemporain anglais, le public se retrouve à la place de l’invité muet qui écoute ou n’écoute pas les échanges de deux retraités dans leur living room douillet, lesquels n’ont rien à dire sur eux-mêmes, devisent sur les autres pour passer le temps.

Leur bavardage au premier abord anodin devient rapidement étouffant. C’est Milly qui occupe en priorité l’espace de la parole, son mari ne lui répondant que par bribes. Le couple s’attache à parfaire face à leur invité muet, vu de dos par le public, leur image de retraités heureux et paisibles, intouchables, en dépit des mauvaisetés du monde extérieur.

Leur existence gommée de la réalité extérieure exhale un ennui mortel et seules les brisures de gomme ramassées à la petite cuillère par la jeune fille au pair, redonnent à l’atmosphère un frisson de jeunesse mais hélas ce que raconte la jeune fille suffit à glacer le sang, ces propos ne réussissant pas à briser la glace de ses hôtes qui comme chacun de nous d’ailleurs, c’est humain, n’entendent que ce qu’ils veulent entendre.

Catherine SALVIAT est saisissante dans ce rôle de chipie venimeuse, qui offre son dard toujours brillant à un espace quasi immobile. Jacques BONDOUX, le mari est placide à souhait. Quant à Heidi-Eva CLAVIER, elle endosse avec finesse celle qui subit sans comprendre l’indifférence du couple.

La scénographie qui permet d’avoir à l’œil sur un même plateau à la fois la chambre de la jeune fille, la cuisine et le salon, parle d’elle-même. Tout est aligné mais rien ne se touche parce que l’air est gelé.

La mise en scène très réussie d’Anne-Marie LAZARINI est vraiment percutante. Elle pourrait faire penser à des tableaux de Hopper.

Démonstration éloquente de l’ennui qui menace ceux qui veulent se protéger des dangers extérieurs, revêtent leur cagoule aseptisée, essuient leurs ailes fanées contre le vide.

Le propos de Martin CRIMP est loin d’être réjouissant mais il a le mérite de faire saigner cette belle indifférence pour révéler sa cruauté.

Paris, le 22 Décembre 2017

Evelyne Trân

CARNET DE NOTES PAR LA COMPAGNIE SANS SOUCI – MISE EN SCENE DE MARILINE GOURDON DEVAUD ET ISABELLE TURSCHWELL AU THEATRE DU LUCERNAIRE – 53 Rue Notre-Dame des Champs 75006 PARIS – Du 14 Novembre 2017 au 21 Janvier 2018 à 19 Heures du Mardi au samedi – Dimanche à 16 heures –

AVEC EN ALTERNANCE
STÉPHANIE CAVAILLÈS OU ÉMILIE HÉDOU
MARILINE GOURDON OU VIRGINIE BRACQ
PHILIPPE GOUIN OU PIERRE DEVANNE
VINCENT HÉDOU OU CHRISTOPHE CHARRIER
ISABELLE TURSCHWELL OU ANAÏS ANCEL
NESSIM VIDAL OU LAURENT LABRUYÈRE
CAMILLE VOITELLIER OU ANNE LOUISE DE SÉGOGNE

Il était une fois l’école, de la maternelle au baccalauréat, voilà du temps passé qui chamboule toute existence. Allons, allons, trêve de nostalgie, le bahut, ce n’est pas le bagne !

Il s’agit bien de réconcilier les yeux brouillés par les souvenirs, en chansons, en fanfare même !

Avec tendresse et humour la compagnie Sans souci renvoie à la queue leu leu, les profs, les mômes, les parents à l’école de la bonne humeur.

Certains sketches fort bien envoyés vous feront pouffer de rire comme le cours d’éducation sexuelle ou le spectacle de fin d’année raté, imaginé par une institutrice débordée ou encore le cours de flûte.

Comme toujours, la compagnie Sans souci pète le feu, soulève la soupière des chansons si bien inspirées de Jacques Prévert « En passant par l’école » ou Yves Duteil « Avoir et être « notamment.

Difficile de résister à leur poésie. Les profs souriront de leurs caricatures, les parents également, quant aux enfants il faudra leur poser la question !

Nos images d’Epinal ne sont pas mortes quand on y pense et c’est tant mieux ! Nous y reviendrons à nos bonnes vieilles recettes de grand-mère, au parfum d’enfance qui nous fait tourner la tête, dès que se pointent des airs de Prévert, Sheila, Brel ou Renaud. Son image d’Epinal à lui c’est le mistral gagnant, le nôtre le pompon au manège !

C’est bientôt Noël, profitez-en, allez donc faire un tour de manège en chansons avec vos enfants, il y a de belles surprises au spectacle de la Compagnie Sans souci qui cultive la drôlerie avec une pèche d’enfer !

Paris, le 17 Décembre 2017

Evelyne Trân

Cherchez la faute ! d’après La Divine origine (Dieu n’a pas créé l’homme) de Marie Balmary – adaptation et mise en scène François Rancillac – 12 au 23 décembre 2017 / 9 au 21 janvier 2018 – Au théâtre de l’Aquarium à la Cartoucherie de Vincennes – Route du champ de manœuvre – 75012 Paris

du mardi au samedi à 20h, le dimanche à 16h / durée 1 h + débat
Tournée 2017/2018 :

Act’Art/les scènes rurales, au Musée de Saint-Cyr-sur-Morin (77) > 10 décembre 2017 / Le Granit, Scène nationale de Belfort > 15 janvier 2018 / Théâtre de la Madeleine à Troyes > 23 & 24 janvier / Théâtre Francis-Planté à Orthez > 30 janvier / Maison des Arts du Leman à Thonon-les-Bains > 2 & 3 février / Panta théâtre à Caen > 8 & 9 février / La Filature de Mulhouse > 15,16,17 février / Théâtre de Lisieux > 22 février / Olympia – CDN de Tours > 13 au 17 mars / Le Quai, CDN Angers-Pays de la Loire > du 22 au 25 mai / Théâtre Victor Hugo à Bagneux > 13 juin

avec Danielle Chinsky, Daniel Kenigsberg, Frédéric Révérend
et, en alternance, François Rancillac ou Fatima Soualhia Manet


Photo peinture ADAMA TRAN

Mais, elle est où la faute ?!!! Amusez-vous à la chercher dans le jardin d’Eden ou plus simplement dans votre propre jardin si vous en avez un et si vous la trouvez, jackpot, jackpot ! A contrario, après des recherches acharnées et infructueuses, sachez que probablement vous aurez touché le fond là où git ce fameux sentiment de culpabilité qui n’échappe qu’aux inconscients et que vous pourrez commencer à grimper sur l’échelle de l’arbre de la connaissance !

La faute, une aiguille dans une botte de foin ! Tout dépend évidemment ce qui signifie pour vous le mot faute.

Marie BALMARY nous offre un point de vue de taille, armée de jumelles très perspicaces, elle permet aux lecteurs ou spectateurs de partir à la recherche de cette fameuse faute, organe du péché originel dans le texte biblique. Oh surprise, le mot faute est introuvable !

Enquête et suspense sont au rendez-vous de ce voyage original concocté par François RANCILLAC et une équipe de comédiens reconvertis en chercheurs passionnés et combattifs qui débattent autour d’une table au milieu des spectateurs dans la posture d’auditeurs libres ou d’étudiants attardés.

Les échanges sont vifs et très instructifs. Les intervenants font abstraction de leurs point vue religieux ou agnostique pour affirmer que leur travail de fouille s’apparente évidemment à des recherches archéologiques …

Rappelez-vous l’histoire de la Princesse au petit pois qui fit valoir sa qualité de princesse suite à une nuit épouvantable à cause d’un petit pois placé sous une vingtaine de matelas au-dessus de son lit !

La faute au petit pois bien sûr ! Sans être de sang royal ni divin nous qui aimons bien Andersen, rêvons tout de même à ce petit pois et comprenons qu’il suffit d’un peu d’imagination pour le faire grossir et atteindre la taille d’une belle pomme appétissante !

A moins que cette pomme ne chute et nous assomme au réveil !
Le débat est ouvert, peut-être, mieux vaut-il consommer la pomme, l’ingérer, la faire disparaitre puis l’oublier. Pour la désirer à nouveau et baptiser l’arbre de la connaissance, l’arbre de la reconnaissance !

N’étant pas à bout de nos peines, nous avons le choix soit de regarder la pomme qui brille au soleil soit de la mordre à pleines dents. Adam et Eve se sont-ils posés la question, ils avaient faim, un point c’est tout !

Et nous qui digérons l’histoire de nos coupables ancêtres depuis la nuit des temps, pour nous mettre en appétit, chercherons toujours la faute. Il paraît qu’elle se balance entre l’arbre de vie et l’arbre de la connaissance, de quoi faire frémir vos papilles au surprenant banquet de François RANCILLAC et toute son équipe !

Paris, le 16 Décembre 2017

Evelyne Trân

LE VOYAGE D’ULYSSE par la Compagnie BROZZONI le 3 Décembre 2017 au THEATRE DE CHAMBERY – Espace Malraux- 67 place François Mitterrand 73001 CHAMBERY-

Texte
Homère
Traduction
Philippe Jaccottet
Mise en scène, adaptation
Claude Brozzoni
Jeu
Jean-Damien Barbin
Musique
Claude Gomez
Décor
Denis Malbos

Ulysse, un homme qui a vécu. Nous avons tous quelque chose d’Ulysse. Quiconque, la cinquantaine passée déverserait devant un inconnu ou une inconnue, les histoires de sa vie, pourrait soit passer pour un imposteur, un affabulateur, soit un aventurier.

Le doute est acquis et la qualité du récit dépend autant du charisme du conteur que de l’écoute de son auditoire. Si l’odyssée d’Homère qui date de près de 3000 ans nous est parvenue, c’est qu’il s’agit d’un poème collectif transmis par voie orale, la seule voix capable de bousculer les barrières spatiales et temporelles.

A l’époque d’Homère, les voyageurs étaient soit des commerçants soit des guerriers, ils cumulaient parfois les deux fonctions. Ces voyageurs à l’origine du monde d’aujourd’hui partaient toujours vers l’inconnu à leurs risques et périls.

Ce désir d’inconnu, c’est le moteur d’Ulysse qui le pousse à aller à la rencontre aussi bien d’êtres monstrueux, les cyclopes anthropophages que de femmes sublimes, Calypso, Nausicaa, Circé ou encore des âmes de ses proches défunts aux Enfers.

Ulysse apparaît comme un être tourmenté. Il a beau faire figure d’un guerrier éprouvé, il semble bien avoir peur des femmes, de leur pouvoir de séduction, Freud penserait qu’il craint la castration. Quant à son combat contre le cyclope à qui il crève un œil, il parait bien retracer un traumatisme primitif, celui de l’anthropophagie dans une scène terrible délivrée avec une verve toute Rabelaisienne.

Que peut un homme, aussi viril soit-il, contre la destinée, la fatalité représentée par des Dieux qui possèdent tous les défauts humains, la jalousie, la cruauté, en somme tous les péchés capitaux.

Mais Ulysse, c’est le messager de l’homme moderne celui qui défie les dieux, qui déploie toutes ses ruses pour vaincre le cyclope, faire face aux forces convulsives de la nature, de sorte que sa valeur tient naturellement à ses faiblesses qui l’enjoignent à toujours rebondir et à se remettre en question.

Quel être complexe qu’Ulysse ! Le poème d’Homère rayonne comme une vaste mer inépuisable. Cet aspect immersif, la mise en scène de Claude BROZZONI l’exprime tout le long du spectacle. Ulysse donne l’impression d’être seul sur sa planche, il coule de sa bouche des vagues pleines de boue, d’autres ruisselantes de beauté, d’autres inextinguibles. Se superposent à ces chants, une musique délicate, clairsemée, toute en nuances qui jette un voile de douceur sur Ulysse, et les superbes plans vidéo en fond de scène où se projettent des paysages fabuleux.

photo Isabelle Fournier

Ulysse devient grâce à l’interprétation de Jean-Damien BARBIN, un aède forcené qui chante, crie, hurle même ses récits comme il jetterait une bouteille à la mer en un geste poignant et irréversible. C’est un homme qui sort de la mer en guenilles, accompagné de sirènes et de monstres.

A travers Jean-Damien BARBIN, le public découvre un Ulysse vagabond, à plusieurs facettes, troublant et profondément émouvant, qui a pour espace inouï un désir insatiable d’aventures, qui reste et demeure un frondeur dans l’âme en quête d’humanité.

Ulysse, une force de la nature, nous serions enclins à le croire, en tout cas une force vivante de la poésie sous les auspices de son interprète et de la compagnie BROZZONI qui nous permet de l’ouïr comme si nous étions les premiers à l’entendre, il y a déjà 3000 ans !

Paris, le 15 Décembre 2017

Evelyne Trân

Dix histoires au milieu de nulle part – Adaptation de Stéphanie Loïk – d’après Vremya sekond hend de Svetlana Alexievitch au THEATRE DE L’ATALANTE – 10 PLACE CHARLES DULLIN 75018 PARIS – du 11 au 22 Décembre 2017 –

Avec : Vladimir Barbera, Denis Boyer, Véra Ermakova, Aurore James, Guillaume Laloux, Elsa Ritter

Ariane Blaise (Assistant(e) à la mise en scène) , Françoise Dô (Collaboration artistique) , Gérard Gillot (Création lumières) , Jacques Labarrière (Musique) , Jean-Christophe Leforestier (Création vidéo) , Igor Oberg (Assistant(e)) Jacques Labarrière (Chef de chœur), Véra Ermakova (Chants russes), Ariane Blaise (Régie son), Alice Fournier (Conception graphique), Guillaume Herbaut (Photographies)

La Russie, un peuple comme un grand corps, ses muscles, ses artères, ses poumons, ses racines, son cœur. Cette réalité si complexe, Svetlana ALEXIEVITCH, journaliste de formation, tente de l’éprouver à la façon d’une acupunctrice dont les aiguilles se plantent sur les points les plus sensibles de la peau afin d’évacuer les douleurs.

Dix histoires au milieu de nulle part brassent les témoignages de femmes et d’hommes de la Russie et la Biélorussie d’aujourd’hui sous l’ère de Vladimir POUTINE et d’Alexandre KOULENCHENKO.

Comment respirent-ils ces hommes et ces femmes qui ont eu à subir les attentats terroristes de Moscou, la guerre de Tchétchénie, le pogrom contre les Arméniens ?

Il est évident qu’on ne les entend pas dans les médias, ces travailleurs tadjiks qui viennent du Caucase à MOSCOU victimes de la répression, traités de « culs noirs » er de métèques ».

Il ne s’agit pas pour Svetlana ALEXIEVITCH de faire du reportage « doloriste » pour le plaisir de susciter la compassion. La vérité c’est que tous ces gens au-devant desquels elle se tourne n’ont jamais la parole dans leur propre pays, ils sont invisibles.

Délicate est donc sa mission politique de leur offrir une visibilité, une écoute que la plupart n’imagine pas possible.

Ce sentiment est profondément partagé par la metteure en scène et adaptatrice Stéphanie LOIK.

Six comédiens, trois femmes et trois hommes, également chanteurs, circassiens et danseurs, jouent le rôle de passeurs de leurs histoires. Ils forment un chœur dans l’obscurité, la plus à même de représenter leur espace souterrain.

Langage du corps ! C’est ce langage qu’explore de façon tangible la metteure en scène, pour mettre en valeur toutes ces correspondances entre les expressions des visages, des mains, des dos, des silhouettes de chair en somme, porteuses des paroles des invisibles.

Chorégraphie au ras des émotions, à fleur de peau, de silences aussi, juste pour écouter, comprendre aussi que l’histoire des humains transite nécessairement par le corps et donc notre mémoire, cruciale.

Lors d’un récit particulièrement tragique, le chœur crie « Tais toi ! » Et nous-mêmes, spectateurs, pourrions-nous demander pourquoi répandre le bruit de toute cette douleur insupportable.

Parce que tous ces crimes rapportés questionnent l’humain et qu’hélas nous n’en n’avons pas fini de lutter.

Le chœur chorégraphié par Stéphanie LOIK a la beauté d’une colombe qui étend ses ailes, qui porte juste dans son bec un message, un rêve de paix.

Paris, le 11 Décembre 2017

Evelyne Trân

FRANÇOIS D’ASSISE de JOSEPH DELTEIL/ ADEL HAKIM avec Robert BOUVIER au Théâtre des Quartiers d’Ivry, A LA MANUFACTURE DES ŒILLETS – 1, Place Pierre Gosnat, 94200 Ivry sur Seine – 01 > 12 DÉC 2017 / Le Lanterneau à 2O Heures, le dimanche à 16 Heures –

<

mise en scène
Adel Hakim
adaptation
Adel Hakim
et Robert Bouvier
scénographie
Yves Collet
en collaboration avec
Michel Bruguière
création lumières
Ludovic Buter
création son
Christoph Bollmann
assistanat à la
mise en scène
Nathalie Jeannet
direction technique
Bernard Colomb

Quelle gageure de se muer en François d’Assise à une époque telle que la nôtre. Peut-être faut-il être pauvre et impatient pour avoir le temps de s’arrêter et s’éprouver heureux destinataire d’un cadeau du ciel, cette incroyable disponibilité au va et vient de la vie courante. Le bonheur est immatériel, il a cela de humble qu’il touche à la fois terre et ciel et il est à la dérobade ce que représente une miette de pain pour un moineau qui passe du vol à la marche pour la saisir.

Ne pas comprendre, être un instant. Qu’un instant vous ramène à cette suffisance d’être pour soi et par la même avec les autres, ne serait-ce qu’en traversant une rue, c’est ce qu’exprime le François d’Assise de Joseph DELTEIL, avec sa faconde de joyeuse lyre qui sait qu’en déversant sa nappe de trésors devant ses invités, il va les surprendre, voire les gêner.

Déshabillez-vous leur clame-t-il, lestez-vous de vos oripeaux d’angoisses, de votre peur du vide, de votre peur des autres. Nus, vous serez encore là !

Essayez-vous à écouter des gouttes de pluie qui tambourinent sur une casserole. Difficile de se comparer à une casserole ce vulgaire ustensile, mais amusez-vous à la regarder de loin cette casserole, voyez comme elle étincelle, qu’elle tremblote et zut il suffit d’un peu d’eau pour la faire tressaillir !

Par bonheur, le François d’Assise de Joseph Delteil use de plus belles images, il a des mots, des envolées qui miment la création qui se réfléchissent les uns les autres qui s’offrent comme terrain, comme terre-plein à toutes sensations, les plus communes, les plus enfouies.

François d’Assise était un fou, fou de la nature, fou du bonheur de s’ébattre dans un paradis sur terre qu’il savait si peu perceptible. Il pouvait partager ce bonheur avec des oiseaux alors pourquoi pas avec des humains ?

Difficile d’être heureux au milieu de gens qui souffrent. Douleur et joie se mêlent intimement. Histoire de circulation, de courant d’air. Parfois le regard se fige, il a du mal à être entre la vie et la mort, l’œil s’écarquille. C’est tellement banal un œil, savons-nous que dans chaque œil se loge une planète.

Incroyable nature qui se réfléchit dans chaque bras, chaque main, chaque organe ou quelconque regard !

Dans la mise en scène d’Adel HAKIM, l’homme devient l’éclaireur de la nature en friche, toujours à explorer, elle devient belle par désir, il faut lever sur elle aussi sa baguette magique.

Robert Bouvier n’interprète pas François d’Assise, il le multiplie pour partager ce juste moment de grâce avec le public, une rencontre avec un fou de vivre !

Paris, le 10 Décembre 2017

Evelyne Trân

LA CHAMBRE DE MARIE CURIE de Filip Forgeau au THÉÂTRE DE L’ÉPÉE DE BOIS à la CARTOUCHERIE DE VINCENNES – Route du Champ de Manœuvre – 75012 PARIS – Du 4 au 23 décembre 2017 – Du lundi au samedi à 20h30 – Samedi à 16h00 – Billetterie : 01 48 08 39 74 –

Extrait audio du spectacle

Texte et mise en scène Filip Forgeau
Avec Soizic Gourvil, Jean-Michel Fête, Filip Forgeau
Lumières Mickaël Vigier
Univers Sonore Lionel Haug
Production Compagnie du Désordre

Marie CURIE amoureuse, vous n’y pensez pas ! En effet, comment imaginer que l’amour ait joué un rôle capital dans la découverte du polonium et du radium avec son époux Pierre à l’aube du 20ème siècle.

L’amour touche à l’esprit et l’intelligence du cœur profite à celle de la science. Filip FORGEAU semble avoir succombé à cet indéfinissable mystère qui émane de l’expression triste et douce du visage de Marie CURIE.

Marie et Pierre ne se sont pas seulement compris à travers leurs travaux communs, ils se sont aimés et leur histoire d’amour parle de vie et de mort, ces deux pôles qui font de toute destinée humaine quelque chose de tragique.

La science exige tellement de maitrise, de rigueur qu’il n’ait pas évident d’associer une figure scientifique à une figure de madone.

C’est ce qu’ose Filip FORGEAU dans ce portrait inspiré de Marie CURIE qui dialogue avec son amour défunt, Pierre décédé brutalement lors d’un accident de circulation en 1903.

Les échanges entre Marie et Pierre imaginés par Filip FORGEAU permettent de saisir que leur quête scientifique était aussi une quête spirituelle, une volonté de donner un sens à leur vie. Pierre et Marie CURIE ne recherchaient pas la gloire mais il est évident que la célébrité devient un gage de responsabilité pour ceux qui doivent l’endosser puisque la grande Histoire réclame ses héros de tous temps.

L’intimité de Marie avec l’esprit de Pierre, Filip FORGEAU l’exprime de façon onirique et théâtrale. Sa dramaturgie est nourrie de ses cohabitations avec des grands poètes lyriques et romantiques tels que Victor Hugo, Nerval, Lamartine. Cela sied à ces personnages nés au 19ème siècle et héros du 20ème.

Comme toujours, Soizic GOURVIL, accompagnée par l’excellent Jean-Michel FETE, prend à cœur son rôle de femme fatale, en l’occurrence Marie CURIE, fatale dans le sens où elle donne à entendre la passion celle qui sourd sous le visage délicat de Marie. Marie CURIE était une appelée, elle entendait des voix. La sienne et celle de Pierre, forment au demeurant une seule flamme, un seul rêve humanitaire et contagieux.

Au-dessus de nos têtes, rêvons que Marie et Pierre continuent à converser à propos de leurs découvertes et de leur avenir. Du juste délire qui donne le vertige comme ce magnifique spectacle poétique et instructif de Filip FORGEAU.

Paris, le 9 Décembre 2017

Evelyne Trân

FEYDEAU (X) Trois pièces en un acte : Amour et piano, Par la fenêtre et Fiancés en herbe au THEATRE DU LUCERNAIRE – 53 Rue Notre-Dame-des Champs 75006 PARIS – du 22 Novembre 2017 au 21 Janvier 2018 – Du mardi au samedi à 20 H – Le dimanche à 17 H –

Artistes : Laurence Facelina, Louis Victor Turpin, Sébastien Baulain, Mathilde Hancisse, Sébastien Baulain, Nina Poulsen, Basile Alaïmalaïs, Antoine Paulin et Marc Maurille
Metteur en scène : Thierry Harcourt

Trois petites claques de FEYDEAU pour se réchauffer et rougir de plaisir, quelle bonne idée d’ouvrir les flacons de ces trois vaudevilles de jeunesse peu connus : Amour et piano, Par la fenêtre et Fiancés en herbe.

« Charme profond, magique, dont nous grise
Dans le présent le passé restauré ! »

Qui mieux que Baudelaire pourrait décrire nos impressions.

Le metteur en scène Thierry HARCOURT parle de partitions musicales, ce qui nous parait l’évidence même.

Mine de rien, Feydeau s’offre le luxe d’assener quelques leçons d’éducation sexuelle à l’intention des jeunes filles et même des enfants.
Il fallait du culot pour imaginer la rencontre entre une jeune fille innocente et un coureur de jupons qu’elle prend pour un professeur de piano et mettre en scène deux enfants qui décident de se marier plutôt que d’apprendre par cœur les Fables de LA FONTAINE.

Quant au vaudeville Par la fenêtre qui s’intercale entre la pièce Amour et piano et Fiancés en herbe, il est question de l’enfer promis aux jeunes couples amoureux qui ignoreraient Héra, la déesse de la jalousie.

Quelques éclats de rire pour briser les tabous, il faut imaginer FEYDEAU, frénétique devant son piano libérer en quelques notes ses personnages juste avec la pression de son inaltérable fantaisie et rêves de liberté.

Mise en scène par Thierry HARCOURT, les comédiens témoignent avec brio du bonheur de jouer FEYDEAU avec la toute fraicheur et l’énergie qu’exigent ces partitions.

« Il faut aller au théâtre pour vous soigner » disait Guitry. Aller voir jouer Feydeau pour le plaisir, rien que ça, c’est du pain béni !

Paris, le 5 Décembre 2017

Evelyne Trân

POPECK – Même pas mort ! A l’ARCHIPEL – 17 Bd de Strasbourg 75010 PARIS – Du 22 Septembre 2017 au 13 Janvier 2018 – Le vendredi à 19 heures, le samedi à 17 heures –

Popeck, un Charlot Yiddish qui furtivement fendrait la foule…L’homme n’a pas besoin de lever la voix pour se faire entendre. De sa silhouette quelconque, il tire tous les avantages car on ne le voit jamais venir. De fait il est enveloppé d’un voile, un râle étonnamment élastique qui lui sert de passoire, de filtre, pour traduire l’incongruité de l’existence.

Champion du dialogue de sourds, il damerait le pion à tous les malentendants. Sa mauvaise foi ne peut hérisser le poil que des grands naïfs dont il fait malicieusement partie.

C’est qu’il faut leur rabattre le caquet aux grands seigneurs, aux tenants de l’ordre, aux spécialistes, aux enrôlés. « Vous ne voulez pas m’entendre » s’esclaffe le personnage qui a suffisamment d’humour pour se laisser de traiter de con et faire de la connerie générale un puissant moteur de jouissance…

Du recyclage somme toute des aspérités de l’existence, de ses incommodités toujours les mêmes, les parasites, les mauvaises humeurs qui n’épargnent personne.

S’il y a de la méchanceté dans l’air, eh bien il faut lui faire tourner la tête, quitte à prendre pour bouc émissaire la première venue, sa pauvre épouse.

Popeck joue à merveille son rôle d’antipathique sympathique. L’homme vide toujours ses poches en entrant en scène, il possède l’art d’emboiter la conversation quoiqu’il arrive, quoiqu’il lui traverse l’esprit, avec une mémoire d’escalier, pleine de farces et attrapes, en un mot diabolique. Nous ne vous révélerons pas ses sketches, certains très connus et d’autres nouveau-nés, il faut les entendre de sa propre bouche. Il y a de l’humilité chez cet homme-là, une grâce qui nous éblouit, nous pauvres types égarés dans ce drôle de monde. Continuez à vous porter bien, Monsieur POPECK, si vous n’existiez pas, il eût fallu vous inventer !

Paris, le 2 Décembre 2017

Evelyne Trân

Virtuel.hom[me] Festival du jeudi 30 novembre au samedi 9 décembre 2017 – Au théâtre Victor Hugo – 14 Avenue Victor Hugo, 92220 Bagneux –

Pour la troisième année le théâtre Victor Hugo interroge le présent et l’avenir de notre monde en virtualisation accélérée. Pour cette 3e édition de virtuel.hom[me] nos artistes questionneront les relations humaines dans un monde 2.0

Tinder, Snapchat, Instagram, Meetic, Twitter, Facebook… Les réseaux sociaux se sont multipliés qui appellent l’amitié, l’amour, les échanges, débats et autres rites ou usages sociaux… Dans lesquels la possibilité d’anonymat est la règle commune et admise par tous les utilisateurs. Ce principe d’anonymat est-il bien compatible avec des relations dites humaines ? Dix jours pour y réfléchir ensemble.

Au programme :

DO NOT FEED THE TROLLS

Jeudi 30 novembre, vendredi 1er décembre, samedi 2 décembre 20h30 et dimanche 3 décembre à 17h
Le Collectif Krumple questionne l’amitié 2.0 à travers le destin tragique d’une star des réseaux sociaux.
Spectacle Coup de cœur

La tragique histoire d’une jeune star des réseaux sociaux a inspiré au Krumple cette plongée dans le « trolling » – harcèlement via internet – où le cauchemar le dispute # l’humour.

La pièce s’ouvre sur une conférence de presse : Liza jeune adolescente présente son premier bouquin ; à quatorze ans elle est déjà au zénith de la célébrité. Rapidement des « trolls » font de sa vie un cauchemar ; anodine au départ, l’intrusion via la toile rend sa vie de plus en plus insupportable…
L’anonymat est la règle couramment admise des utilisateurs des réseaux sociaux ; jusqu’où libère-t-il nos pulsions ? Langage visuel et expression corporelle, humour et poésie sont les points forts des artistes du Krumple ; ils nous questionnent et nous font rire de la bêtise et du tragique de nos nouveaux modes de vie.

MA VIRTUELLE

Samedi 5 décembre à 19h & 21h
Représentation de 30 minutes sur « La relation de l’humain à l’écran ».

Hélène Lemenier est la présentatrice vedette d’une chaine d’info en continu. Félix, célibataire endurci à l’existence monotone, qui en est secrètement amoureux, s’endort tous les soirs en l’écoutant. Un soir pourtant, au lieu de rendre l’antenne au moment de finir son journal, Hélène s’adresse à Félix # l’écran.

Après Acteur 2.0, que nous avions accueilli l’an dernier, le F.O.U.I.C théâtre interroge de nouveau la relation de l’humain à l’écran. Et s’intéresse cette fois-ci au pouvoir fascinant de l’image.

A l’issue de la représentation à 21h, discussion avec les artistes autour d’un verre et d’une tarte salée.

CHOISIR L’ÉCUME

Jeudi 7 et vendredi 8 décembre à 20h30
Alan Payon et la Cie Les enfants sauvages exploreront du côté de l’amour au temps du virtuel.

Digue du Braek, Dunkerque : la police enquête, Bastien Valtille est interrogé. Depuis plusieurs mois, Loïc Famenne et lui correspondent sur internet. Peu de temps après leur première vraie rencontre, Loïc disparait.

Choisir l’écume est un polar fantastique adapté de La petite sirène, qui traite du désir 2.0. A travers cette pièce Alan Payon et son équipe interrogent particulièrement ces histoires d’amour qui naissent # l’absence des corps.

A l’image de cette jeune génération qui investit la scène théâtrale, ils créent ensemble un théâtre hybride : métissage des écritures – entre théâtre et cinéma – et des formes dramatiques entre marionnette, arts visuels et numérique, vidéos, jeu et ombre corporelle.

L’ensemble donne un théâtre pluriel, où l’incursion du fantastique brouille sciemment les pistes.

LA FÊTE AU VIRTUEL

Samedi 9 décembre à partir de 15h, avec la Cie Mangano-Massip
Une après-midi festive entre performance, spot-atelier, « masque smiley ou avatar », DJ et dance floor, mapping, selfie vidéo, flash mob chorégraphique et autres surprise…