LA PUTAIN DU DESSUS d’Antonis Tsipianitis au Théâtre de la Huchette – 23 rue de la Huchette 75005 PARIS – à partir du 3 Octobre 2017 – Du mardi au vendredi à 21h – samedi 16h

Un texte d’Antonis Tsipianitis

Adaptation: Haris Kanatsoulis et Chantal Stigliani

Mise en scène de Christophe Bourseiller

Avec Emilie Chevrillon

 

Il n’est pas si évident de faire sauter le cadenas sur la réalité de la condition féminine, tout simplement parce qu’il pèse très lourd.

La femme que met en scène Antonis TSIPIANITIS, un dramaturge grec contemporain, fait penser à une chienne tenue en laisse dans une cave pendant des années qui s’étourdit du bonheur d’être enfin libre à la mort de son maître.

Nous pourrions nous croire dans une fable de LA FONTAINE. Une femme pour échapper à l’autorité paternelle, épouse un beau policier qui se révèle être un odieux personnage. Trop tard, elle est attachée à cet homme par les liens du mariage et n’a pas d’autre issue que de se ronger les sangs.

Cette femme ne connaît rien de la vie, elle n’a pas vu le jour. Tout ce qui se passe autour d’elle lui échappe complètement. Quand elle ouvre la fenêtre et écoute les vrombissements d’une manifestation, elle ne comprend pas. De même, elle n’entend rien au manège de ceux qui s’installent au-dessus de son appartement, une vingtaine de migrants dans un deux pièces. Que peut-elle opposer aux actions de son mari un vilain ripou qui exploite la misère de migrants pour finir par louer le même logement à une putain, sinon sa naïveté, son étonnement. Comme elle rêve de bonheur, elle confectionne des plats pour les migrants qu’elle dépose à leur porte. De même parce qu’elle y croit au bonheur, elle admire les performances de la putain qui sait si bien simuler la jouissance.

 Comment rêve-t-on d’un monde meilleur à travers des barreaux ? A travers la figure d’Erato, l’auteur dresse le portrait vivant et poignant d’un être qui ne dispose que son bon sens fragile pour palper la lumière, se palper lui-même, et éprouver sa capacité de résistance, son instinct de vie face à l’oppression, à la dictature.

A l’égal de Dario FO, l’auteur manifeste son empathie vis à vis de la femme dont la condition d’opprimée pendant des siècles et toujours encore dans ce monde, fait partie des combats pour la vie.

Mise en scène avec une sobriété pleine de délicatesse par Christophe BOURSEILLER, Emilie CHEVRILLON, bouleversante de fraicheur et de vitalité, est magnifique.

Paris, le 28 Octobre 2017                Evelyne Trân

 

LE QUAI DES BRUMES – Une adaptation théâtrale inédite tirée du scénario original de Jacques Prévert au THEATRE ESSAION .6, rue Pierre au lard 75004 PARIS – Du 6 octobre 2017 au 14 janvier 2018, les vendredis, samedis à 19h30 et les dimanches à 18h Relâches : 24 et 31 décembre

  • Auteur : Jacques Prévert
  • Mise en scène : Philippe Nicaud
  • Distribution : Idriss, Sara Viot, Fabrice Merlo, Pamphile Chambon, Sylvestre Bourdeau, Philippe Nicaud

Le scénario de Quai des Brumes a été tiré d’un roman de Mac Orlan qui a salué son adaptation pour le cinéma par Jacques PREVERT. Eh bien sûr, tout le monde se souvient de cette célèbre phrase « T’as de beaux yeux, tu sais » qui a immortalisé le regard Michèle MORGAN.

Par son aura, le couple mythique de Michèle MORGAN et Jean GABIN a tiré vers lui toute la couverture du film, laissant dans l’ombre les autres protagonistes.

Grâce à la remarquable adaptation de Philippe NICAUD, il n’y a plus vraiment de personnages secondaires car tous font partie de la toile d’atmosphère du roman noir de Jacques PREVERT servi comme un poème.

Il y a toujours eu des poèmes histoires chez Jacques PREVERT et ce Quai des brumes en fait partie comme si la poésie il l’entendait la dénicher partout et notamment dans les endroits les plus « louches ».

Sous son regard,  les truands, les assassins, les déserteurs, les prostituées et les pauvres artistes ont leurs mots à dire. Et il y a toujours quelque chose les illuminant qui les rend humains, troublants, voire mystérieux.

Parce que tous ces personnages en dépit de leurs crimes ont du sentiment, qu’ils soient humiliés, désespérés ou jaloux.

 Le spectacle superbement interprété par tous les comédiens est un hymne au sentiment, celui qui vibre dans la chair et la fait chanter. 

Il y a la môme Piaf chez Prévert, poète des Rues, des braves et des malheureux. C’est ce que nous inspire ce spectacle enchanteur et la jolie Nelly, Sara VIOT.

Paris, le 26 Octobre 2017             Evelyne Trân

Bérénice de Racine, une création France Culture avec la Comédie-Française le Mardi 31 octobre à 20h – Enregistrement en public de Bérénice de Racine avec les comédiens de la troupe de la Comédie-Française au Studio 104 de la Maison de la Radio .

Enregistrement en public de Bérénice de Racine avec les comédiens de la troupe de la Comédie-Française le mardi 31 octobre à 20h  au Studio 104 de la Maison de la Radio

« Titus, qui aimait passionnément Bérénice, et qui même, à ce qu’on croyait, lui avait promis de l’épouser, la renvoya de Rome, malgré lui et malgré elle, dès les premiers jours de son empire. Cette action est très fameuse dans l’histoire, et je l’ai trouvée très propre pour le théâtre, par la violence des passions qu’elle y pouvait exciter. […] Le dernier adieu que [Bérénice] dit à Titus, et l’effort qu’elle se fait pour s’en séparer, n’est pas le moins tragique de la pièce, et j’ose dire qu’il renouvelle assez bien dans le cœur des spectateurs l’émotion que le reste y avait pu exciter. Ce n’est point une nécessité qu’il y ait du sang et des morts dans une tragédie ; il suffit que l’action en soit grande, que les acteurs en soient héroïques, que les passions y soient excitées, et que tout s’y ressente de cette tristesse majestueuse qui fait tout le plaisir de la tragédie.» Extrait de la préface de Racine.

Direction artistique : Eric Ruf Réalisation : Blandine Masson et Christophe Hocké Dramaturgie : Adrien Dupuis – Hepner

Avec la troupe de la Comédie-Française Phenice : Claude Mathieu Paulin : Michel Favory Titus : Éric Génovèse Arsace : Alain Lenglet Bérénice : Clotilde de Bayser Antiochus : Clément Hervieu-Léger Rutile : Adrien Dupuis – Hepner

Entrée gratuite sur réservation : http://www.maisondelaradio.fr/evenement/fiction/berenice-de-jean-racine/une-creation-france-culture-avec-la-comedie-francaise

Pour plus d’informations : www.franceculture.fr

 

 

FESTIVAL TEATRO A CORTE 2017 – Une journée « Best of » le 7 octobre 2017 à la VENARIA REALE.

Il y a dix ans déjà, pour fêter l’inauguration de la restauration du Château de VENERIA REALE, TEATRO A CORTE offrait au public de magnifiques spectacles ancrés dans la mémoire de ce festival international créé par BEPPE NAVELLO.

Rendez-vous incontournable de créations in situ de compagnies européennes jeunes ou aguerries, le festival a permis a  de grands artistes d’exprimer leurs talents, citons par exemple Ambra SENATORE, Jérôme THOMAS, Yann FRISCH, Nick STEUR, la compagnie PEEPING TOM etc. Pour ma part, je me souviendrai toujours de la fulgurante représentation du théâtre du CENTAURE de Marseille, «Risorgimento» d’un troupeau de deux cents brebis ouvrant la marche aux festivaliers à travers l’immense jardin de la Reggia di Venaria Reale, jusqu’au cirque équestre.

BEPPE NAVELLO qui achève ses fonctions de directeur du festival pour se consacrer à de nouvelles aventures théâtrales, a offert au public un magnifique AU REVOIR teinté de poésie, de rêve, de fantastique .

MA BETE NOIRE

Danse, chorégraphie & mise en scène Thomas Chaussebourg
Cheval War Zao
Mise en scène, direction d’acteur Fafiole Palassio
Musique extraits de L’imprudence d’Alain Bashung
Mixage bande son Jeanno Jory
Photos François Chaussebourg
Dressage Nicolas Langlois, Julien Nicol, Coralline Ernewein
Conception du décor Rémi Jacob
Etude du décor Serge Calvier
Construction Nil Obstrat & Pascal Cuff
Régie Didier Regnier
Administrateur de production Ronan Martin

Quel extraordinaire « Chant d’amour » que cette chorégraphie pour un danseur et un cheval, sous une volière géante, dans les jardins de VENERIA REALE. Mais qu’apprivoisent donc l’homme, Thomas CHAUSSEBOURG et le cheval WAR ZAO, sinon l’instant présent, celui de la danse. Une danse motivée par l’effervescence animale du danseur, impressionné par la Bête Noire. L’homme et la bête se stimulent mutuellement mais c’est l’homme qui se met aux genoux de l’étalon, lequel  certainement sensible à la musique de BASHUNG, ouvre la danse à son propre rythme tantôt au trot, parfois au galop, très indépendant. Une histoire de couple sauvage qui se raconte à travers quelques mouvements de danse si intenses que dans un éblouissement, le public a pu saisir la musique intime du couple, son mystère, sa vivacité.

TRANSPORTS EXCEPTIONNELS
Duo pour un danseur et une pelleteuse

Photo Frédéric DAVID

Chorégraphie : Dominique Boivin assisté de Christine Erbé
Interprétation : Philippe Priasso ou Aurélien Le Glaunec
Conducteur : Guillaume Olmeta ou Williame Defresne
Technique : Eric Lamy
Administration : Xavier Mouchère

Le 2ème spectacle qui s’est produit juste à l’entrée du château, est particulièrement insolite. Il s’agit d’une chorégraphie de Dominique BOIVIN – au compteur plus de 600 reprsentations à travers l’europe – qui met en scène un duo pour un danseur et une pelleteuse.

Le gigantisme de la machine, sa mâchoire favorisent tous les fantasmes . La pelleteuse fait penser à un dinosaure qui se serait reconverti . N’est-elle point vivante cette pelleteuse puisqu’elle bouge ? Evidemment celui qui la manipule avec dextérité, est invisible. Seul le danseur acrobate, très élégant, s’affaire autour d’elle. Un chant d’opéra traverse le spectacle comme pour signifier que la pelleteuse aurait des oreilles et surtout qu’elle a le premier rôle dans cette chorégraphie. En dépit de la rigidité structurelle de la machine, l’émotion circule faisant appel à nos derniers souvenirs de pelleteuse, à la poussière qu’elle soulève au milieu des constructions à venir ou à disparaitre. C’est une ouvrière dans l’âme qui rumine face à un homme coincé dans un habit de ville, complètement décalé.

GALILEO, UNE HISTOIRE »ASTRONOMIQUE –  SPECTACLE AERIEN – 

Spectacle Galileo

Photo D.R.

C’est à 21 heures, juste après un sublime coucher de soleil que la Compagnie DEUX EX MACHINA a déployé au dessus des jardins et de leurs jets d’eaux – les façades du château en fête, éclairées de peintures vivantes – une nacelle étincelante de couleurs à trente mètres du sol, pour dix tableaux d’acrobaties à couper le souffle.

Pour son pot de départ, Beppe NAVELLO a réussi à déplacer près de 5000 spectateurs. Nous garderons un souvenir très ému de cette journée de festival. Est-ce un hasard si Beppe NAVELLO a choisi trois compagnies françaises en best of de TEATRO A CORTE ? Nous voudrions lui renvoyer l’ascenseur. Qu’on se le dise, les artistes italiens qui rayonnent de générosité et de talent seront toujours les bienvenus en France !

Paris, le 15 Otobre 2017        Evelyne Trân

 

COMPARUTION IMMEDIATE, UNE JUSTICE SOCIALE ? de DOMINIQUE SIMONNOT – MISE EN SCENE MICHEL DIDYM – COLLABORATION ARTISTIQUE ET INTERPRETATION DE BRUNO RICCI AU THEATRE DU ROND POINT – 2 Bis Av Franklin Roosevelt 75008 PARIS – du 27 SEPTEMBRE au 22 OCTOBRE 2017 à 20 H 30 – DIMANCHE 15 H 30 – RELACHE LES LUNDIS –

Pris sur le fait, entre deux yeux, entre deux phrases, les instantanés judiciaires recueillis par le journaliste Dominique SIMONNOT, font penser à de vilaines photos qui jaillissent d’un photomaton, destinées à s’afficher sur un passeport et qui pour être conformes, rappelez-vous, ne doivent surtout pas être souriantes.

Chassez le naturel, il revient au galop. Il faut bien que le sourire se niche quelque part.

Le cocasse resurgit sous la plainte, on se croirait parfois en plein Feydeau, au milieu des poules, des coqs et des canards mais il s’agit pourtant d’hommes, de juges, de prévenus, d’avocats, enrôlés dans cette comédie de COMPARUTION IMMEDIATE à laquelle personne ne semble croire mais s’y résigne parce que l’air du temps c’est le temps, qu’il faut faire vite.

Et c’est tout de même dommage que les juges et les avocats n’aient pas le temps de s’apesantir sur les prévenus qui n’ont pour seul visage que l’énoncé de leur délits, de sorte que ce ne sont pas eux qui sont jugés mais leurs crimes tamponnés à la hâte de peines de prison.

Une espèce de mépris plane dans l’air qui rend cet air insupportable, voire révoltant. Suffit-il d’un délit pour perdre d’un seul coup la dignité, la respectabilité et devenir l’instant d’une comparution l’homme ou la femme du délit flasché et épinglé par un jugement sans appel.

Quelques textes poétiques émanant de témoignages de quelques délinquants rappellent leur humanité, celle là même qui ne peut pas se manifester dans ces procès expéditifs.

Bruno RICCI qui campe tous les rôles est un virtuose, il réussit à placer son empreinte d’humain à travers les reflets artificiels de colonnes de fer cinglantes. La scénographie de David BROGNON est justement glaçante. Les chimpanzés seraient-ils plus humains que nous?

La mise en scène décapante de Michel DIDYM fait résonner le marteau et l’enclume avec humour. Faut-il que nous riions alors que devrions pleurer ?

Paris, le 14 Octobre 2017                            Evelyne Trân

 

 

Oncle Vania d’Anton Tchekhov du 5/10/2017 au 11/01/2018 le Jeudi à 19 H 20 – au THEATRE ESSAION – 6, rue Pierre au Lard 75004 PARIS

  • Auteur : Anton Tchekhov
  • Mise en scène : Philippe Nicaud
  • Distribution : Céline Spang, Marie Hasse, Idriss, Fabrice Merlo, Philippe Nicaud

Durée (mn) : 1h25

« Ils viennent nous voir, ils sont de notre famille, ils repartent. Rien n’a changé ou presque… » 

En une phrase, il serait possible de traduire le désenchantement de l’oncle Vania et de sa nièce Sonia qui viennent de revoir le père de cette dernière, Sérébriakov, un vieux professeur, accompagné de sa jeune et belle épouse Elena. Un événement que l’arrivée de ce couple venu de la ville dans le quotidien blafard de l’oncle Vania et de Sonia, auquel assiste également le médecin de campagne Astrov, appelé pour soigner Sérébriakov et qui tombe aussitôt amoureux d’Elena.

Le synopsis n’a rien d ‘original. Nombre de feuilletons américains notamment reprennent l’ingrédient de base, l’amour. Il s’y trouve toujours une belle femme qui attise les passions et quelques affaires triviales qui déchirent les membres d’une même famille.

La comparaison s’arrête là évidemment car l’histoire transite à travers le regard de l’oncle Vania, le perdant, le dépressif de service auquel Tchekhov donne le premier rôle. Nous verrons sa mélancolie se muer en révolte, en désespoir. Et sa juste colère atteindra Elena prisonnière de son image de belle et jeune épouse qui chavire sur la pente des sentiments, parce qu’elle est trop sensible, pour supporter la violence des passions qu’elle suscite.

Lettres d’amour mortes avant d’atteindre leurs rives. Que de poissons morts, de rêves déçus à l’intérieur de cette rivière pourtant si riche de sentiments.

Elena brille de toute sa beauté. Serébriakov fut un intellectuel renommé, l’oncle Vania un dévoué gérant de la propriété familiale, Sonia a le cœur pur, Astrov le médecin a beaucoup de charme. Mais tous ces personnages traînent des boulets, l’oncle Vania celui de la rancœur, Sonia, la laideur, Astrov, l’alcool et l’ennui, Sérébriakov, la vieillesse, Elena son enveloppe artificielle. Tous aussi sont incroyablement seuls.

A une époque où tout le monde parle des réseaux sociaux, ou par un seul clic, un seul sms, nous pouvons avoir l’illusion d’atteindre un interlocuteur, le courrier du cœur de Tchekhov prend une toute autre dimension, il révèle ce qu’il y a de diffus, d’inexprimable chez l’être humain, le contraignant à s’exprimer parfois violemment comme l’oncle Vania.

Tous les personnages ont en commun un sentiment de frustration, éprouvent que leurs activités quotidiennes qui se résument à boire, manger, dormir, travailler, étouffent leurs aspirations spirituelles, dont la plus haute sans doute est celle de l’amour.

Il faut voir comment Sonia tend un verre d’alcool à Astrov. Tout son amour s’exprime dans ce geste. Nous savons que toute sa vie Sonia se remémorera ce geste là incompris, qu’elle le cristallisera avant qu’il ne retombe en poussière.

Les personnages ont de la poussière dans les yeux qui les embuent de larmes : « Voici comment nous sommes, des arbres qui pensent, la crête vers le ciel, les racines dans la boue » pourraient-ils dire ensemble.

La mise en scène de Philippe NICAUD laisse crépiter la petite musique de Tchekhov, mélancolique, ardente. Nous rejoignons la solitude de chacun des protagonistes comme si chacun à mi-voix se confiait à l’invisible, ou bien à une personne inconnue pour lui dire « Vous comprenez, j’ai aimé, j’ai voulu aimer et cela seul compte ».

Et nous retenons notre souffle, nous y croyons, sans doute grâce à l’interprétation de chacun des comédiens particulièrement juste, nuancée. Et puis la mélancolie ambiante se dope du bel éclair que représente le docteur Astrov qui apporte de la gaîté avec sa guitare, pour donner le ton à l’ivresse des sentiments.

La pièce l’Oncle Vania, dans cette mise en scène nous paraît encadrée de ces deux vers d’Apollinaire :

« Mon verre est plein d’un vin trembleur comme une flamme »

« Mon verre s’est brisé comme un éclat de rire »

Un bol de vie tout simplement enivrant.

Paris, le 24 Janvier 2017  

Mis à jour le 12 Octobre 2017         Évelyne Trân

RENDEZ-VOUS de Bruno FOUGNIES avec une mise en scène de Rubia MATIGNON à l’ALHAMBRA THEATRE MUSIC HALL – 21 Rue Yves Toudic 75010 PARIS – Les mardis à 19 H 30 du 17 Octobre au 19 Décembre 2017 –

Avec:

Robert ABURBE, Lola ACCARDI, Catherine TOUBLANC.

« Ne m’oublie pas ! »  C’est un véritable nuage que cette interjection, un parapluie renversé qui voguerait sur l’eau pour une pluie de souvenirs à courir l’océan.

Zut, zut, j’ai oublié, j’ai oublié ce que je voulais vous dire alors je vais me raccrocher  au mot oubli, imaginer un champ d’oublis, oui, les oublis seraient des fleurs qui ne savent pas qu’elles sont des fleurs mais dans le murmure du vent, parait-il qu’elles chuchotent le mot oubli en hochant la tête.

Nymphe et Pussy, les deux héroïnes,  de la pièce de Bruno FOUGNIES,  peuvent bien  être associées à des fleurs. Toutes deux ont été danseuses autrefois dans le même cabaret, toutes deux ont succombé  au charme d’Orlando, le meneur de revue, qui leur donne un rendez-vous amoureux  dans sa maison de campagne. Mais oh surprise, Orlando a tout oublié et ne reconnait pas ses dulcinées …

C’est la déception, le désenchantement total pour les deux femmes qui voulaient renouer avec leurs souvenirs de jeunesse et leurs paillettes. Mais elles se ressaisissent et décident d’accompagner Orlando devenu innocent dans ce passé dont il se souvient encore, celui du music-hall…

Un sujet grave que celui de la maladie d’Alzheimer qui touche 900.000 personnes en France.  Bruno FOUGNIES qui signe une pièce légère et piquante ne s’est pas laissé impressionner par ce chiffre accablant. En tout cas à travers ses héroïnes qui trouvent le moyen de raccrocher Orlando à la vie,  une vraie lueur d’espoir illumine son propos.

  Dans une mise en scène menée tambour battant par Rubia Matignon, les deux comédiennes  Lola Accardi, Michèle Bourdet  drôles et sexy ont une pèche d’enfer et Robert Aburbe, Orlando est vraiment très touchant !

Bien jolie pièce qui d’une façon joyeuse, amicale et tendre nous dit tout simplement   » N’oublions pas ceux qui sont atteints de la maladie d’Alzheimer ! « 

Paris, le 18 Décembre 2015 

Intitulée auparavant « Ne m’oublie pas », la pièce revigorante de Bruno FOUGNIES est à nouveau à l’affiche à L’ALHAMBRA .

Catherine TOUBLANC remplace Michèle BOURDET. 

Mise à jour à Paris, le 11 Octobre 2017              Evelyne Trân 

 

LA DANSE DE MORT d’August STRINDBERG – CREATION – Mise en scène de Stuart SEIDE au THEATRE DE LA REINE BLANCHE – 2 bis passage Ruelle, 75 018 PARIS – du 27 Septembre au 29 Octobre 2017 – Du mercredi au samedi à 20 H 45 et les dimanches à 15 H 30 – Les jeudis 12 et 19 Octobre à 14 H 30 –

Avec : Jean Alibert Pierre Baux Karin Palmieri Helene Theunissen

Scénographie : Angeline Croissant

Lumière : Jean-Pascal Pracht

Son : Marc Bretonniére

Costumes : Sophie Schaal

Coiffures et maquillages : Catherine Nicolas

Régie générale / Peintre décorateur / Accessoires : Ladislas Rouge

Assistante mise en scène : Karin Palmieri

Responsable de production : Romain Picolet

Chargée de production : Julie R’Bibo

Construction du décor : Atelier Millefeuilles / Margot Ducatez / Ladislas Rouge

 

Ils donnent l’impression d’être deux rats en cage qui tournent en rond. L’air est infesté, empoisonné parce que c’est le même depuis de longues  années. Ajoutez un autre animal dans cette cage, vous pouvez imaginer facilement que les deux premiers rats vont se liguer contre le troisième et le dévorer.

Ce n’est pas exactement ce qui se passe dans cette pièce, la danse de mort de STRINDBERG, qui constitue une lugubre symphonie à partir du motif de l’enfer conjugal exploré sans aménité avec une lucidité quasi luciférienne.

Les deux personnages, Edgar, le mari, un vieux capitaine et la femme Alice, une ancienne actrice, se connaissent par coeur, ils sont capables de lire chacun dans la partition de l’autre, comme dans une partie d’échecs mais hors du jeu, il n’y a rien, juste le le néant…

Alors, il faut répéter la partie, au jour le jour, guetter l’avancement du pion qui pourra mettre fin à cette affreuse répétition, penser à la mort comme à une possible libération.

C’est en se devinant l’un l’autre, que le mari et la femme expriment une insigne lueur d’amour . Cette lueur a beau être crépusculaire, elle déborde de leurs silhouettes, elle entache leurs gestes  et toutes les démonstrations de méchanceté qu’ils vont prendre plaisir à déployer face à un visiteur inespéré, Kurt un viel ami, témoin horrifié de leur danse de mort.

La vie n’est-elle qu’un jeu ? Face à la perversité du couple, Kurt se retrouve dans la position de la mouche prisonnière d’une toile d »araignée. Parce que lui, il ne joue pas, il n’ a pas de partenaire, son rayonnement n’appartient qu’à lui seul, et c’est un rayonnement impuissant, sans consistance. Comment l’honneteté pourrait t-elle avoir une prise sur les esprits roués d’Alice et du Capitaine ?

Strindberg dans ce huis clos pathétique engage une sorte de débat philosophique sur le Bien et le Mal, faisant du mal la pièce maitresse de la partie, l’élément moteur constitutif de la vitalité du couple.

Sans la lucidité du capitaine capable de discerner la bonté de Kurt, nous croirions avoir affaire à des monstres. Le couple représenté  par Strindberg reflète une image monstrueuse mais il est indéniablement soudé, scotché par les souvenirs, la chair, la même violence animale.

La vieillesse, le pain de vie qui s’effrite, cette réalité, le couple n’a pas besoin de la regarder en face, le chiffon est usé mais tels des animaux domestiques, ils aiment se dresser sur leurs pattes, fanfaronner pour la galerie et un ultime spectateur Kurt . Il réclamerait même des applaudissements, Alice n’est-elle pas une ancienne actrice ?

La mise en scène de Stuart SEIDE dépouillée, sobre donne toute latitude aux comédiens d’occuper en quelque sorte la scène comme seuls éléments du décor. Le lieu de vie interpelle par son austérité, juste les meubles élémentaires et un télégraphe dans un recoin, aucun bibelot, ni même de livres.

Le résultat spectaculaire qu’il faut faire rimer avec crépusculaire offre une vision  ironique de ce couple qui semble jouir en se faisant mal. Alice et le capitaine ne sont pas des personnages tristes, il séduisent par leur méchanceté même. Mais les deux monstres ne peuvent être réduits à l’étiquette d’êtres malfaisants. Ils doivent faire pitié pour émouvoir. Le projecteur du metteur en scène est particulièrement tendu vers le personnage de Kurt terriblement déchiré et formidablement interprété par Pierre BAUX. Jean ALIBERT qui compose un capitaine grotesquement humain et Hélène THEUNISSEN qui ne cherche pas à rendre sympathique le personnage d’Alice, impriment cette présence du mal, son côté extérieur qui pousserait n’importe qui à s’enfuir comme Kurt.

Si le mal fortifie à ce point, tel un poing dressé contre la mort, toutes les ombres qui strient ce pauvre geste, font bien partie de notre comédie humaine. Le regard du metteur en scène justement éclaire ces ombres, il ne s’apitoie pas, il laisse courir, comme au jeu de billard, la balle avant qu’elle ne s’enfouisse dans le trou. C’est fascinant !

Paris, le  9 Octobre 2017         Evelyne Trân

 

Morgane Poulette au THEATRE LE COLOMBIER 20 rue Marie-Anne Colombier 93170 BAGNOLET – Du lundi 09 octobre 2017 au dimanche 22 octobre 2017 – Du lundi au samedi à 20h30 – – Dimanche à 17 heures, relâche le Jeudi –

© Day-for-night / Cie Anne Monfort

Hugo Dragone (Création lumières) , Clémence Kazémi (Scénographie) , Emmanuel Richier (Création son) , Cécile Robin (Création lumières) Clémence Kazémi (Costumes), Marion Begin (Stagiaire à la mise en scène), Coralie Basset (Administration)
Avec la voix de Jean-Baptiste Verquin
Remerciements : Quentin Barbosa, Genséric Coléno-Demeulenaere, Marianne Deshayes et Hélène Morelli

Connaissez-vous Morgane Poulette ? Ah si vous saviez, c’est tout un monde Morgan Poulette ! Non, ce n’est pas la statue de la liberté fichée sur son rocher au milieu de vagues bouillonnantes, non, c’est une pauvre fille, qui ne sent pas bon, qui sent la gerbe, la défonce, une chanteuse junkie, dont s’est pourtant amouraché Thomas Bernet, un acteur de série télévisée.

De l’eau de rose donc ! Pas vraiment ! La verve de Thibault FAYNER est particulièrement fantasque, déplacée, « coïncidentielle », cérébrale, bancale, bousculante, atypique, explosive, romantique !

Son imagination et celle des spectateurs subissent les assauts d’un monde « cinglé » où pêle-mêle font irruption dans les cervelles les figures du pire médiatisées. Alors cette pauvre chanteuse défoncée, qui essaie de se relever tant bien que mal, pourrait bien faire  « figure » d’une sainte !

« Ils disent que… Tu racontes…. » Dans ce long poème de voyage , de course intrépide et désespérée – c’est que Londres ne dort jamais complètement – le « Je » n’a pas de visage, il est plusieurs, en quête de conscience, il suffoque, devient chanson, fait des sandwiches de la misère et de la beauté, et « ce ne sont plus des mots mais des pierres coupantes…Ce n’est plus du rock mais de la peine pure et sincère… ».

La mise en scène, le jeu des lumières créent l’atmosphère mystérieuse, ténébreuse d’un lieu hanté par la poésie.

La vitalité, la sensualité de la jeune et talentueuse interprète Pearl MANIFOLD aussi fine qu’une danseuse, donnent au récit toute sa force, sa juvénilité. On l’entend bouillonnante la voix du fleuve aux pieds du récif auquel s’attache passionnément Morgane Poulette pour scruter notre horizon.

Paris, le 5 Juin 2017  

Mise à jour le 3 Octobre 2017       Evelyne Trân

LE CHIEN de Eric-Emmanuel SCHMIDT – Mise en scène de Marie-Françoise et Jean-Claude BROCHE au THEATRE RIVE GAUCHE – 6 Rue de Gaité 75014 PARIS – A partir du 29 Septembre 2017 – Vendredi et Samedi à 19 heures jusqu’au 14 Octobre 2017 puis Mardi à 19 Heures et DImanche à 18 heures à partir du 17 Octobre 2017.

 Avec Mathieu BARBIER dans le rôle de l’écrivain

et Patrice DEHENT dans le rôle du Docteur Samuel HEYMANN

 

Qui voudrait faire d’un chien le héros d’un roman ? Un chien est une personne aurais-je envie de dire. C’est la première idée qui me vient à l’esprit. Seulement comme nous avons tendance à rapporter nos sentiments, nos pensées à l’humain, en parlant de personne, c’est encore à l’humain que nous nous référons.

 Avoir à côté de soi un être qui ne parle pas mais s’exprime par le regard, des mouvements, qui parait à l’écoute de vous-même alors même que vous ne lui prêtez pas attention, c’est extraordinaire !  

Dans un sketch succulent, Raymond DEVOS racontait comment un chien avait pris sa place. Chien donc !

Si j’étais un chien, comment m’aborderiez-vous se demande l’homme. L’esprit a une capacité d’adaptation infinie. Si par un tour incongru de circonstances, vous vous trouvez affublé d’une tête de chien, vous n’avez qu’à attendre de voir comment les humains vont se comporter avec vous. Ils penseront chien à votre place, vous n’aurez quasiment strictement rien à faire.

Passons… Ce n’est pas vraiment le sujet de la nouvelle d’Éric-Emmanuel SCHMITT, quoique…

C’est l’histoire d’un couple, un médecin retraité et un chien, qui intrigue le narrateur. Comment un chien peut prendre tellement de place dans l’existence d’un homme, se demande-t-il. En effet, nous apprendrons qu’à la suite de la mort accidentelle de chien, l’homme s’est suicidé.

Le fait divers n’est pas anecdotique, il suffit de suivre la piste de l’écrivain qui emprunte un chemin de terre grimpante et sensuelle. Nous l’entendons cette terre à travers la voix de Mathieu BARBIER qui impressionne par sa stature, son calme, sa détermination aussi. Tandis qu’il monologue surgit la silhouette immobile du vieux médecin. Est-il mort, est-il vivant, est-ce une statue ?  Quel mystère le recouvre ?

Il appartiendra au docteur Samuel HEYMANN à travers une lettre posthume de donner enfin un visage à ce chien. Patrice DEHENT est bouleversant.

De toute évidence, la nouvelle pour être transposée au théâtre devait être incarnée par de grands comédiens et c’est le cas dans la mise en scène de de Marie-Françoise et Jean-Claude BROCHE à l’affût du mystère comme un courant de sable qui passe et qui repasse et dont les grains s’agglutinent parfois pour réveiller une page oubliée, un chiffon de papier qui se balance tant sous nos prunelles que nous hésitons à le scruter.

 Enfin, dirons-nous, nous avons vu le chien. Nous avons écouté cette histoire. Et si vous voulez en savoir plus, rendez-vous sans tarder au théâtre, vous risquez juste d’être captivés !

Paris, le 1er Octobre 2017            Evelyne Trân