Dans le cadre de la MOUSSON D’ETE – LE GRAND ENTRETIEN de Gilles Ostrowsky, Guillaume Durieux lecture dirigée par Gilles Ostrowsky, Guillaume Durieux, le mardi 23 Août 2016 –

MOUSSON

Avec : Guillaume Durieux, Gilles Ostrowsky

Plutôt jubilatoire ce grand entretien servi par deux comédiens facétieux et désopilants, Guillaume DURIEUX et Gilles OSTROWSKY. Quelques jours après l’avant première, j’ai le souvenir de quelque chose de très frais et pétillant qui allume doucement et gaiement la cervelle.

Chez eux les envolées philosophiques ont le bonheur de trébucher. Chacun a son hameçon qui joue à repêcher la pensée de son compère en train de se noyer dans les lagunes abyssales de l’impensable.

Ils jettent les mots dans la mare aux canards mais les éclaboussements sont joyeux. Spécialistes des évidences tautologiques « On n’a jamais vu une personne qui n’existait pas mourir » ils viennent de créer une danse fort sulfureuse le « TO BE BE ».

Gageons que ces trublions sauront servir de rince l’œil et rince pensée tout court aux amateurs d’humour élastique. A les entendre, surgit pour le plaisir dans un beau nuage, la silhouette de Raymond Devos cracheur de feu, cracheur de mots. A coup sûr, il aurait applaudi ces deux jongleurs qui devisent de tout et de rien avec délectation !

Paris, le 27 Août 2016                                 Evelyne Trân

 

DES OMBRES AU SOLEIL A LA MOUSSON D’ETE – ECRIRE LE THEATRE D’AUJOURD’HUI DU 23 AU 29 AOUT 2016 à l’ABBAYE DES PREMONTRES à PONT A MOUSSON

MOUSSON

« Les statistiques sont formelles, il y a de plus en plus d’étrangers dans le monde » nous déclare tout de go un candidat à la nationalité française que Michel DIDYM a eu la bonne idée, via la plume fuselée de Nathalie FILLION, d’inviter à l’inauguration du festival de la Mousson d’été à Pont à Mousson aux bords de la Moselle à l’Abbaye des Prémontrés.

La France victime de son succès, du retentissement international de sa devise « Liberté, égalité, fraternité », une certaine France des droits de l’homme qui à travers les discours de quelques figures politiques ne craint pas de désigner l’étranger comme un fauteur de troubles, qui a oublié que son prestige tient à cette aura de terre d’accueil qui lui a permis d’ouvrir son capital culturel à des millions d’étrangers anonymes ou plus connus tels qu’Apollinaire, Picasso, Chagall, Brel, Yves Montand, Lino Ventura etc … lesquels l’ont incontestablement enrichie.

Au festival Pont à Mousson, il est clair que ce sont les organisateurs, Michel DIDYM, Véronique BELLEGARDE, Laurent VACHER et les intervenants de l’Université d’été qui sont demandeurs de talents venus des quatre coins du monde. Des auteurs européens mais aussi d’U.S.A, du Mexique , de Cuba, du Brésil, d’Argentine ont été conviés cette année à exposer leurs travaux, leurs recherches, souvent pour la première fois dans ce contexte international face à un public très désireux de s’ouvrir au monde de façon sensitive, quasi charnelle grâce à la présence des nombreux comédiens très investis qui assurent tous plusieurs lectures .

La vérité c’est que le public est invité à toujours déborder de ses propres frontières . A la Mousson d’été, les comédiens, les auteurs deviennent les spectateurs de leurs collègues, les curieux, les amateurs, les étudiants peuvent se retrouver côte à côte avec le même désir de découvertes, d’étincelles qui puissent nourrir leur passion commune de théâtre.

Tous les textes qui font l’objet de lectures et mises en espace sont proposés en avant première. Un véritable accouchement en quelque sorte et c’est une émotion partagée entre tous les témoins et participants, public et comédiens, metteurs en scène confondus.

L’écriture c’est chemin qu’il faut creuser qu’il faut bâtir. Sans route comment accéder à tel « château fort », à tel paysage inouï. Les écrivains ce sont ceux qui balisent le terrain, les canaux de l’imagination, qui soulèvent les bassins, les miroirs capteurs d’ambiances, réceptacles d’émotions qui survivent à l’événement.

Peut-être même que la notion d’écriture pourrait s’opposer à celle de destin de façon paradoxale . Oui parce que lorsque l’on se réfère à l’écrit c’est pour désigner quelque chose de statué, de figé. Or l’écrit n’est fonction que de mouvement . De la même façon que nous ne sentons pas la terre tourner chaque jour sous nos pieds et donc bouger, de la même façon un texte fait partie, en tant que sillon, en tant qu’état, du champ commun de cette terre occulte, insatiable, qui a vocation à frémir, à se verser dans la tête d’un tel pour, restons prosaïques, juste la circulation des idées.

Vertige que tout cela, babiole de l’intellect. C’est que nous avons toujours besoin de passerelles. L’immortalité serait-elle un facteur de ralentissement du bouillonnement des idées ? L’immortalité des mythes par exemple, celle des Atrides qu’il a fallu faire taire une fois pour toutes puisqu’ils ne cessaient de s’entretuer. Dans la pièce « Dévastation » de Dimitris DIMITRIADIS, ce que veulent occire véritablement tous les protagonistes c’est la notion de destin, de fatalité. Ils veulent tous en découdre avec leurs rôles, changer de peau mais ce qu’ils découvrent c’est que leur destin n’est pas seulement individuel, il est collectif.

Un comédien, Modeste NZAPASSARA me disait récemment qu’un écrivain écrivait avec son corps. Nous pouvons comprendre que l’acte d’écriture obéit à des pulsions elles-mêmes sous l’emprise de l’inconscient et ce qui sera manifeste dès lors qu’une création sera exposée c’est cette béance toujours entre l’émission et la réception.

La programmation de cette Mousson d’été met en avant des psychodrames intimes et collectifs . L’ombre du moi je contrariée a tendance à s’arcquebouter, à se révolter contre le factum d’une société qui l’aveugle et l’atterre au sens primitif du terme.

Que peut bien valoir le cri désespéré d’un général qui a pour mission de consigner le nombre des morts des migrants échoués en pleine mer. Un homme bouffé par les poissons noyé dans la masse et les nombres sur paperasses illisibles. Il a beau jeu de dénoncer l’indifférence générale, une goutte d’eau que ce cri dans l’océan des noyés ! Ne croyez vous pas qu’un individu puisse avoir le sens du collectif . En écho à son cri, celui de son alter ego, un noyé anonyme, semble nous dire l’auteur de  Bruits d’eaux  Marco MARTINELLI.

Alimenteurs de parades, de stratégies dérisoires, naïvetés ou tout simplement d’explosions d’humeurs, de tripes retournées, les auteurs de cette Mousson d’été tels Yannis MAVRITSAKIS, auteur de l’Invocation de l’enchantement, n’ont pas la langue de bois, même s’ils font parfois figure de bateaux ivres aux planches vermoulues, usées, exsangues.

Au royaume des ombres, nous voilà bien tous égaux. Qui distinguerait l’ombre d’un général honteux de celles des soldates américaines témoignant de viols et harcèlements sexuels de la part de leurs collègues masculins dans la pièce d’Hélène BENEDICT (USA) The lonely soldier monologues, ou de celles des Atrides ?

Corinne DADAT

«Nous sommes des femmes de l’ombre » c’est ainsi qu’ a accueilli ma demande de dédicace à son livre Corinne Dadat. Étrange et substantielle, cette projection de sa vie de femme de ménage sur scène en parallèle avec celui d’une danseuse dans le spectacle Ballet, balais, moi Corinne Dadat.

C’est Mohamed EL KATHIB qui a interpellé le premier Corinne DADAT parce qu’elle ne répondait pas à son Bonjour. Elle s’est excusée en lui confiant qu’elle avait renoncé à dire bonjour car depuis des années, personne ne lui répondait.

Tordre le cou à la réalité à coup de serpillière, croyez vous que cela soit possible ? Ce qui est magique dans la rencontre entre Mohamed le théâtreux, Corinne et la danseuse contorsionniste, la très fine et talentueuse Élodie GUEZOU, c’est qu’ils ont réussi à faire exulter cette pitoyable réalité. Balais et ballet ont évoqué leur choc frontal à travers leur quotidien qui s’est enchanté . Tandis que Corinne mimait les pas de danse de petits de rats de l’opéra, Élodie, la jeune danseuse balayait le sol avec sa chevelure passionnément …

Un grand ouf de soulagement s’en est suivi pour une bonne partie du public, élèves de science-po compris . « C’est juré, auront pensé certains, nous n’aurons plus honte d’inscrire sur notre curriculum vitae : femme de ménage et nous ne cacherons plus sous nos genoux nos lectures des Atrides d’Eschyle ou d’un autre fabulateur étranger ». Qu’un chasseur de têtes vous balance « Vous n’avez pas le profil  »  n’hésitez pas à l’inviter à la Mousson d’été pour ouïr et pour de vrai ce que s’y pense !

Paris, le 26 Août 2016                   Évelyne Trân

Les Élans ne sont pas toujours des animaux faciles de Frédéric Rose et Vincent Jaspard , mis en scène par Laurent Serrano au Théâtre du Lucernaire – 53 rue Notre-Dame-des-Champs 75006 Paris – du mercredi 24 août 2016 au dimanche 6 novembre 2016 du mardi au samedi à 21 H et le dimanche à 19 H –

Un mot qui tombe dans la soupière, qui n’arrive pas à se relever, qui se noie ou s’évapore, des pensées qui s’effilochent, qui ne trouvent pas le bout, les conversations entre amis ont un parcours de montagnes russes quand il s’agit de meubler le silence, donner corps à quelques inquiétudes ou vous sortir de votre ennui.

Comme au jeu du mikado, trois compères musiciens se balancent quelques idées fraiches ou rassies qui font mouche ou tombent à l’eau en les éclaboussant, le temps d’un éclair, un orage, une illumination. Dans le trio, on va retrouver celui qui avance l’idée, celui qui va la contredire et l’autre qui va jouer l’arbitre plus ou moins neutre ou l’observateur.

 Mais où veut il en venir, qu’est-ce qu’il raconte, il est fou, il est cinglé. Ah bon, eh comment ? Mais tais-toi donc, tu ne comprends rien, c’est pas sérieux… Attention, tu dérapes…  Laissons le dire… après  tout …

 Quand ils en ont assez de parler sans véritablement s’entendre,  les trois compères remballent leurs questions sans réponse, et s’offrent des bouffées d’air musicales.

 Les élans ne sont pas toujours des animaux faciles mais ils réunissent les trois musiciens, les libèrent dans une forêt devenue magicienne, la musique. Et  les voilà qui voguent en rêve, ballotés par des sirènes, des chansons qui les transportent comme de véritables bouteilles à la mer.

 L’enthousiasme des musiciens est communicatif, les spectateurs ont la sensation d’assister à la mue de  la chenille en papillon. Oubliées les discussions oiseuses, les bougonneries, les piques et les pensées qui font mal à l’estomac, les musiciens forment un trio de papillons  pour un éventail de chansons de rêve, butinées au cours de leurs voyages : Chanson d’automne (VERLAINE, TRENET) , They can’t take that (I.et G. GERSHWIN), Yellow  train (B.URBAIN), Home at last (St DAN), The Girl Next Door (R.BLANE et M.HUGH), Extraterrum (B.URBAIN), Wonder Why (M.ANDERSAN et R. WEEKS), Anne-Laure Song (B.URBAIN), Summertime Blues ( E. COCHRAN), Une bouteille à la mer ( C. NOUGARO et M.VANDER).

 Que font les musiciens quand ils ne chantent pas, ils discutent de tout et de rien comme n’importe qui. Mais qui sait si leurs compositions de charme n’ont pas pris naissance quand l’ennui battait son plein, ou bien au milieu de discussions bruyantes. Apprenons à observer celui qui tapote le bras de son fauteuil tout en ayant l’air de vous écouter, n‘est- il pas en train de pondre une chanson ?

 Ils n’ont pas voulu choisir, ils aiment les mots pour leur destin tragi-comique, ils aiment par-dessus tout la musique, Benoit URBAIN, Emmanuel QUATRA et Pascal NEYRON sont des comédiens musiciens aguerris mais toujours étonnés, qui racontent comment nos états d’âmes se transforment en notes musicales.

 Voilà un spectacle original, riche de sketches souvent comiques de Frédéric ROSE et Vincent JASPARD. Joli parcours dessiné avec tendresse par Laurent SERRANO qui nous introduit dans le cœur quelque peu mystérieux du musicien avec chaleur et beaucoup de charme.

 Paris, le 10 Août 2014

mis à jour le 22 Août 2016                                Evelyne Trân

 

PACAMAMBO de Wajdi Mouawad au THEATRE DE L’ESSAION 6, rue Pierre au lard (à l’angle du 24 rue du Renard) 75004 Paris – du 18 août au 2 septembre jeudi, vendredi et samedi 19h30 – du 10 septembre au 26 novembre uniquement les samedis à 17h30 –

pacamambo

Auteur : Wajdi Mouawad

Mise en scène : Joseph Olivennes

Distribution : Pamina de Hauteclocque, Jock Maitland, Vianney Ledieu, Aloysia Delahaut, Et Rafaële Minnaert En alternance avec Anne Lefol

Dominée par la figure de Julie, une adolescente qui interpelle la mort qui vient d’emporter sa grand mère, à la façon d’une Antigone, PACAMAMBO est une pièce composite qui brasse plusieurs courants, plusieurs cultures qui se recoupent comme dans un puzzle dont les morceaux se soulèveraient pour désigner cet au delà, ce lieu subliminal, ce paradis d’amour et de paix qui doit bien exister puisque tout le monde en parle !

La relation à la mort est intime et universelle. Nous adultes, pétris de culture et de conventions, nous ne pouvons répondre qu’assez niaisement, il faut le dire aux questions des enfants à propos de la mort. Et tant mieux ! Mais dans la pièce, il ne s’agit pas d’abstraction, l’événement de la mort a eu lieu et c’est une jeune fille qui en parle.

Une enfant qui refuse de faire le deuil de sa grand-mère, n’est-ce point normal ? L’événement de la mort d’un proche, c’est un coup de ciseaux sur l’instant, de cordons qui vous rattachent à la terre à son quotidien, à son ordinaire. Mort égale extraordinaire !

C’est ainsi que la mort devrait rejoindre l’extraordinaire naissance. La jeune fille crie « Pacamambo » comme une enfant qui vient de naître mais en toute connaissance de cause, en tenant la main à une morte, sa grand-mère.

C’est un joli conte qui permet aux différents personnages qu’un enfant rencontre aussi bien dans l’imaginaire que dans la réalité de s’incarner sur scène. La perception d’un enfant, plus libre, ne dresse pas de frontières entre le chien, le psychiatre, la grand-mère et la mort. Son regard est entier et purement affectif.

A travers le regard de Julie interprétée avec passion par Pamina de HAUTECLOCQUE, les spectateurs peuvent sonder leur propre imaginaire et se laisser aller à rêver de … Pacamambo .

De toute évidence, Julie fait partie de ce pays. Chez elle, tout le monde a droit à la parole, morts et vivants confondus et même le chien une créature interprétée avec une succulente drôlerie par Jock MAITLAND. Joseph OLIVENNES, le metteur en scène, dirige les comédiens : Rafaële MINNAERT est une adorable grand-mère, Vianney LEDIEU, un affable psychiatre et Aloysia DELAHAUT joue le personnage de la mort avec une belle extravagance. 

Un spectacle à voir en famille, la vérité ne sort-elle pas de la bouche des enfants dont Wajdi MOUAWAD s’est inspiré pour composer sa pièce . Au croisement des cultures, mœurs et coutumes, c’est l’impression de l’enfance qui continue à nous interpeller. Est-elle si innocente ?

Paris, le 20 Août 2016                                Evelyne Trân

 

 

 

Interview de Jérémie Le Louët à l’issue de la représentation de Don Quichotte le samedi 6 Août 2016.

Don Quichotte, ce n’est pas seulement les moulins à vent. La vision de Jérémie Le Louët humanise vraiment ce personnage, cet anti-héros. Les propos que nous avons retranscrits à partir d’un bonne partie de l’entretien audio ci-dessous en témoignent.

 

 

–  C’est un projet que vous aviez de longue date, Don Quichotte?       Vous l’avez lu enfant ?

Non, je ne l’ai pas lu enfant. Je l’ai lu, il n’y a pas si longtemps que ça. D’abord, j’ai mis en scène des classiques contemporains et plus anciens, Ionesco, Maupassant, Shakespeare. Après Richard III, on a tous ressenti dans la troupe une lassitude du spectacle linéaire et on a eu besoin de questionner un peu le modèle, la tradition. Nous avons écrit un spectacle collectivement qui s’intitulait « Affreux, bêtes et pédants » qui était une satire de la vie culturelle française dans laquelle on explorait toutes sortes de théâtralité. C’était finalement un spectacle qui parlait de la désilllusion.

Ensuite, j’ai monté Ubu Roi qui se monte joyeusement dans la tradition. C’était une entreprise de démolition mais dans la joie. Une sorte de spectacle très très violent et un peu volcanique dans lequel on s’amusait à trainer dans la boue nos modèles et le pire de la théâtralité, une sorte d’hommage à un théâtre dont on avait envie de se moquer et pour lequel on avait en même temps beaucoup de tendresse. A l’issue du spectacle, je crois qu’on était tous habités du même …

Du même désir d’adapter Don Quichotte. il y a tellement d’allées et venues dans ce texte, il y a tellement de choses donc il y a la possibilité de trouver un chemin …C est un labyrinthe ?

Un labyrinthe exactement. C’est aussi un livre qui est mutant. On a essayé de monter ça un spectacle qui serait en mutation permanente comme le monde est en mutation permanente. Il est à cheval entre le Moyen âge et la Renaissance où on se sent, quelque part, le cul entre deux chaises.Quand on regarde derrière nous on a des modèles, on a le sentiment qu’il y a peut être un âge d’or qui nous a précédés et finalement on ne sait pas s’il est réel ou s’il est fantasmé. Est-ce que les années 60 étaient réellement un âge d’or. Finalement, nous, on n’en sait rien. On éprouve le sentiment peut-être un peu curieux d’une nostalgie d’une époque qu’on n’a pas connue. C’est peut-être assez générationnel et le spectacle est en même temps un hommage et une moquerie et je crois surtout empreint d’une profonde mélancolie.

Sur le monde… Il y a un clin d’oeil lorsqu’il dit « Je suis en colère » aux indignés,

– Qu’est ce qu’on peut faire ? Peut être rien, peut être juste communier. Peut-être que cela ne sert à rien, peut être que c’est ridicule et peut être que cette chose naïve tout simplement comme à l’agora, on peut la mettre sur la table. Voilà on en parle. Et en même temps cette chose est effrayante qui est en fonction de la récupération, qui rend cynique …. C’est extrêmement déplaisant. On a l’impression qu’on a du mal à échapper à une sorte de cynisme.

Le spectacle porte en lui un brin de cynisme mais le héros est pur. Le héros lui, je pense, n’est pas dans le cynisme. Voila pourquoi les gens nous suivent avec autant de ferveur et d’empathie. C’est que ça vient de Don Quichotte , cela ne vient pas d’un autre. L’époque est très cynique, c’est vrai.

– Il y a aussi de l’extravagance, de la folie dans notre époque

Oui . Il y a l’impression que le savoir est à portée de main, ça c’est exceptionnel, c’est magnifique et en même temps ce savoir, on l’ a certes archivé mais on n’est plus capable de l’intégrer. La question du savoir évidemment… pour faire un spectacle qui soit également une traversée dans l’histoire du théâtre et de la théatralité avec des citations qui paraissent archaiques, plus en rupture. Pour pouvoir s’en moquer, il faut savoir le défendre avec une réelle ferveur et un vrai 1er degré. Ca pour le coup, c’est une chose qui nous tient depuis tant d’années : nous ne sommes pas sectaires.

  • C’est un héros pour vous Don Quichotte ?

Oui bien sûr mais c’est un héros qui n’accomplit rien et c’est terrible, c’est terrible, c’est terrible

  • Il a le désir de faire des bonnes choses, c’est déjà pas mal

Exactement. Mais à la fin quand il est évincé, il y a ce regard très mélancolique de Cervantes qui fait dire à son héros : je renie, je renie, je les déteste, je ne veux plus en entendre parler. C’est très dur.

Cervantes, c’est assurément quelqu’un qui a réussi le tour de force de faire un roman expérimental et populaire. Il est capable f’une lourdeur humoristique incroyable avec des fulgurances tout à fait épatantes. C’est ce que nous avons voulu rendre dans le jeu qui évolue, les lumières, la technique . Tout change dans le spectacle tout le temps et en même temps il y a une tendresse et une forme de sacarsme qui touche le monde. Souvent on parle de festival populaire mais ça ne veut rien dire . Populaire, c’est nous, populaire qui c’est ? On ne peut partir que de soi, sinon c’est l’autre. Si le populaire, c’est l’autre, ça devient problématique.

DON QUICHOTTE D’après Miguel de Cervantès – Adaptation et mise en scène : Jérémie Le Louët / Compagnie des Dramaticules – du 24 Juin au 20 Août 2016 à 21 Heures au Château de GRIGNAN dans le cadre des Fêtes Nocturnes .

don_quichotte3

 

INTERWIEW JEREMIE LE LOUET à l’issue de la réprésentation du 6 Août 2016

Avec : Julien Buchy, Anthony Courret, Jonathan
Frajenberg, Jérémie Le Louët, David Maison et
Dominique Massat

Collaboration artistique : Noémie Guedj / Scénographie : Blandine Vieillot / Construction : Guéwen Maigner / Costumes : Barbara Gassier / Couture : Lydie Lalaux / Vidéo : Thomas Chrétien, Simon Denis et Jérémie Le Louët / Lumière : Thomas Chrétien / Son : Simon Denis / Régie : Thomas Chrétien, Simon Denis et Xavier Hulot

 Le souffle de CERVANTES associé à celui du mistral a fait merveille ce samedi 6 Août 2016 au Château de Grignan.

Invoqué par la dynamique troupe des Dramaticules adulatrice de son inénarrable roman de 1500 pages, Don Quichotte de la Manche, il s’est fort bien retrouvé dans l’adaptation chevaleresque de Jérémie Le Louët .

Le public est naturellement estomaqué par les mésaventures de Don Quichotte qui en grand défenseur des opprimés pourrait faire figure d’un missionnaire humanitaire ainsi que sa chaste dulcinée.

Bien qu’il s’agisse avant tout de divertir grâce à une mise en scène festive, un brin foutraque mais fort bien rythmée, le valeureux Don Quichotte incarné par Jérémie Le Louët  profite de son passage au 21ème siècle pour faire éclater son indignation viscérale contre la mauvesaité du genre humain.

Indignation qui prête à rire mais qui interpelle néanmoins le public qui réagit de bon cœur aux exhortations de ce chevalier excentrique mais touchant.

Sortir des sentiers battus, s’attaquer aux esprits terre à terre que Sancho Pança représente, se moquer du monde, ecclésiastes, nobles, bergers, et même malheureux, les faire se rencontrer au point culminant de leurs excès, pour livrer sa vision humaniste, voilà l’entreprise phénoménale de CERVANTES qui rappelons-le a eu une existence  très mouvementée. Son personnage Don Quichotte sort véritablement de ses tripes.

La vie semble ne pas vouloir prendre au sérieux tous ces échantillons de la nature humaine, des fétus de paille dans l’univers en quelque sorte. Comment dès lors leur reprocher de se nourrir  d’illusions.

 Au théâtre, c’est la force de l’illusion qui prévaut, une illusion aux multiples phares, magie, vidéo, cirque, musique et Rêve ! Don Quichotte peut bien jaillir au milieu de tous les artifices et de toutes les époques, c’est un pur, est convaincu Jérémie Le Louët .

 Les personnages de Don Quichotte et Sancho Pança sont véritablement entrés dans la vie de  la troupe des Dramaticules pour le bonheur du public tout à la fois ému, diverti et médusé !

Paris, le 9 Août 2016                                   Evelyne Trân