L’Homme neuf de Marc-Henri LAMANDE – Editions EDILIVRE 2016 –

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PS : Marc-Henri LAMANDE était l’invité de l’émission « DEUX SOUS DE SCENE » sur Radio Libertaire 89.4 , le samedi 7 Mai 2016. En podcast sur la grille des émissions de Radio Libertaire pendant un mois. 

Vous remuez votre langue dans la bouche mais vous ne dîtes rien. C’est alors que vos yeux s’ouvrent grand, ébahis, ils respirent, il n’y a plus d’envers ni d’endroit, ils se disent partout non pas pour la démesure mais pour être ensemble avec la bouche, son museau, son espace animal. Chouette, il y a du soleil !

Le poète commence par ne pas penser. Lui seul ne peut pas se dire penseur, il faut qu’il rencontre un arbre qui lui dise « Je suis ton penseur » . C’est très rare mais cela arrive. Disons qu’il s’agit de rencontres inopinées. N’est-elle pas en train d’écrire cette rangée d’arbres avec ses branches au dessus de l’ombre au bout de l’allée ? Les meilleurs écrivains, ce sont les arbres, il faut leur rendre cette justice.

Marc Henri LAMANDE cligne de l’œil. Il sait toutes ces choses qui réclament de l’attention tout simplement parce qu’elles sont des des trésors enfouis à destination d’univers si éloignés de l’homme civilisé. Mais qu’est-ce que l’homme civilisé ?

L’homme neuf a couché avec un arbre. L’arbre qui autrefois fut un peintre voyage dans l’esprit du poète. Suis-je un homme, suis-je un arbre ? A perte de vue, l’arbre dans l’œil d’un artiste. Le voyez vous se retourner l’arbre enfin, aller à la rencontre de l’homme neuf qui surgit de l’homme souvenir ? C’est la pensée d’un chemin qui s’exprime qui permet à des cailloux de nous dire « Nous sommes timides ». Croyez vous que cela soit facile pour un homme de se laisser guider par les esprits des choses. Les mots qui désignent ne doivent pas faire de bruit, Marc-Henri LAMANDE qui est musicien connaît l’empreinte des mots, c’est leur écho qui importe, leur manège. Vous ne dissocierez jamais le signifiant du signifié mais vous l’entendrez !

« Je pense à l’homme neuf, un intouchable mécanicien, peut-être a -t-il quelque parenté avec l’homme de cristal de Max Jacob, je ne sais pas, il a quelque chose de cela, de l’homme de verre s’il faut choisir. Et il travaille dans une matière existante ».

C’est un magnifique texte que celui de « L’homme neuf » . Fluide et peu bavard, il témoigne de l’expérience poétique d’un homme qui se fraie un chemin vers la légèreté de l’être, espace lumineux possible d’extraordinaires rencontres.

Marc-Henri LAMANDE est un grand écrivain !

Paris le 8 Mai 2016                                         Evelyne Trân  

 

LA CHAIR ET L’ALGORITHME – Théâtre La Reine Blanche 2 bis passage Ruelle, 75 018 Paris – MARDI 19 AVRIL > JEUDI 23 JUIN – les mardi, jeudi et samedi à 21h Relâches : 26, 28 mai et 21 juin 2016 –

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DE JEAN-LOUIS BAUER
SCÉNOGRAPHIE, COSTUMES ET MISE EN SCÈNE : ANTOINE CAMPO
LUMIÈRES : ANTOINE CAMPO, PAUL HOURLIER

DISTRIBUTION

 ELISABETH BOUCHAUD et MARIE CHAUFOUR

Avons nous vraiment conscience de notre addiction au téléphone portable ? Le nombre de lignes mobiles en France dépasse le nombre d’habitants. L’essor de ce petit appareil sur le marché a débuté dans les années 1990, ce qui signifie que les jeunes d’aujourd’hui n’ont pas connu l’époque bénie où il était possible de circuler dans la rue, en rase campagne, dans le métro sans être interrompus par l’appel d’un proche, d’un ami ou même d’un inconnu. Communiquer, communiquer c’est le fer de lance de la vie en société. Eh oui, grâce à cette machine extraordinaire, vous pouvez discuter avec une personne à l’autre bout du monde. Le seul inconvénient c’est que si par hasard un individu vous demande un renseignement au coin de la rue, vous seriez bien en mal de lui répondre à cause de votre casque ou de vos oreillettes, d’ailleurs vous ne ferez pas attention à lui .

Nous voilà devenus des zombies nous dit en quelque sorte Jean-Louis BAUER, l’auteur de « La chair et l’algorithme » qui met en scène une jeune femme fort sympathique, le type de femme battante, journaliste reporter, monoparentale qui a une vie de patachon vu qu’elle voyage beaucoup et ne rencontre que des hommes volages. Sa détresse affective est évidente et sans son hochet de portable qu’elle utilise à tout bout de champ, elle serait bien seule. Car apparemment, elle ne communique que via son portable, que celui tombe à l’eau ou disparaisse, quel scénario catastrophe !

Est-il possible que l’intrusion de cet appareil dans la vie quotidienne, rétrécisse le champ de perception d’un individu au point qu’il en oublie sa nature charnelle, ses merveilles antennes que sont nos six sens ?

Le voilà, le scénario catastrophe : nos sentiments véhiculés par des SMS répétitifs, aussi passe-partout que des formules de politesse, dénués de personnalité, cris et larmes brouillés par le gosier de l’appareil et cette représentation d’un être en chair et en os qui ne se manifesterait plus que par la voie d’un téléphone.

C’est une perspective cauchemardesque que nous donne à imaginer l’auteur. Élisabeth BOUCHAUD, compose avec sensibilité ce personnage de femme vulnérable, déchiré qui se retrouve seule face à une machine qui la piégera, via des faux messages et utilisera même sa propre voix, post mortem, grâce à des applications ingénieuses qui la feront basculer du monde terrestre au monde virtuel !

La démonstration est éloquente et cérébrale. Nous sommes d’autant plus remués par la présence d’Élisabeth BOUCHAUD, que l’environnement du personnage est délétère …

Paris, le 5 Mai 2016                                   Evelyne Trân

Les prisonniers du château d’If d’après le Comte de Monte-Cristo d’Alexandre Dumas au Théâtre côté cour – 12, rue Edouard Lockroy – 75011 Paris (M° Parmentier) du 29 AVRIL AU 29 MAI 2016 – Les vendredis et samedis à 21h et les dimanches à 18h.

les PRISONNIERS
RÉSERVATION OBLIGATOIRE Par mail: theatrecotecour@free.fr
ou par Téléphone: 01 47 00 43 55     
Création originale de la compagnie BOSS’KAPOK !
Adaptation et mise en scène: Gabriel Laborde
Distribution: Thibaut Truffert, Gabriel Laborde, Guy Bourgeois, Marc Nadel

 

Quatorze années se seront écoulées entre le moment où vous vous serez assis  face à la scène du théâtre «côté cour » et le moment où vous pourrez frapper dans vos mains. Dix-sept années qu’un jeune marin injustement condamné aura passées dans un cachot et durant lesquelles il parviendra à entrer en contact avec l’abbé Faria qui deviendra son compagnon d’infortune.

Ce qui va donner la force à Edmond Dantès et à L’Abbé Faria de continuer à vivre, durant ces longues années d’enfermement, c’est l’amitié profonde qui s’établira entre eux ; c’est elle qui permettra que fusionnent leur intelligence, leur volonté leur ingéniosité et leur patience à tel point qu’il sera finalement permis au plus jeune d’entre eux de retrouver la liberté mais il faudra pour cela que L’Abbé Faria meurt et lègue tout ce qu’il possède à celui qu’il considère désormais comme son fils ; il ira jusqu’à lui léguer son linceul. Dans ce linceul, symbole de mue nymphale, Edmond Dantès franchira incognito les murailles du Château d’If et achèvera de se métamorphoser en Comte de Monte Cristo. Ainsi pourra-il reprendre en main son destin.

Bien qu’un siècle et demi se soit écoulé depuis que furent écrits ces dialogues, Thibaut Truffer et Gabriel Laborde nous donnent l’impression d’avoir été choisis par Alexandre Dumas lui-même pour nous en faire pleinement profiter.

Paris, le 3 Mai 2016                                      Michel TOURTE

 

MAZEL TOV, TOUT VA MAL ! Une comédie de Jean-Henri BLUMEN au Théâtre de l’ESSAION – 6, rue Pierre au Lard 75004 PARIS – du 21 Avril au 18 Juin 2016, le jeudi, vendredi, samedi à 19 H 30, le dimanche à 18 Heures.

MAZEL TOV

Mise en scène : Mariana Araoz Décors d’après l’œuvre d’Alain Kleinmann Musique : Jean-Henri Blumen Scénographie : Marta Cicionesi Masques : Etienne Champion Lumières : Jean Grison

Avec Christian Abart, Sophie Accaoui, Francesca Congiu, René Hernandez, Yasmine Nadifi.

En hommage à Cholem ALEIKHEM, le grand-père de l’humour juif, Jean-Henri BLUMEN a écrit trois petites pièces pétillantes et malicieuses destinées à transmettre aux générations, un peu comme dans des contes, l’esprit yiddish et sa philosophie,

Les personnages épinglés font souvent preuve d’une ténacité redoutable. Ainsi un écrivain pourtant fort imaginatif devra déclarer forfait face à la mauvaise foi d’un inconnu venu lui demander conseil mais décidé à ne pas l’écouter.

Dans la 2ème pièce c’est la femme d’un honnête commerçant qui entend déplacer des montagnes pour inscrire son gosse dans un collège privé et huppé.

Dans la 3ème, particulièrement drôle, ce sont les journalistes d’un journal satirique féminin (oui, il en existe !) proche de la faillite qui ont toutes les peines du monde à se débarrasser d’un importun, un vieux rabbin, hélas, un vieux radin, qui comme dans un sketch de Francis Blanche, revient à la charge pour tirer profit grotesquement d’un incident matériel anodin qui finit par grossir à vue d’œil.

Un joli décor inspiré de l’œuvre d’Alain KLEINMANN, tel un rideau transparent laisse entrevoir masqués, ces absents , le fils, l’épouse, les beaux parents, tous générateurs de dilemmes pour les protagonistes sur scène.

La mise en scène de Mariana ARAOZ est fort bien rythmée. Les interprètes sont formidables, ils excellent dans leurs compositions de personnages quelque peu juteux, sans verser dans le cliché. De toute évidence, ils s’amusent dans cette cour de récréation yiddish, un plaisir transmis au public heureux de pouvoir se divertir aux dépens de ces drôles de juifs !

« Allons donc, mais arrête donc de voir des antisémites partout ! » dit à sa femme, l’honnête commerçant.

L’humour juif relevé par Jean-Henri BLUMEN ne manque vraiment pas de saveur. Flotte dans l’air le violon tzigane de Chagall, sa poésie, tout cet arc en ciel de couleurs yiddish !

Paris, le 1er Mai 2016                                  Évelyne Trân

TCHERNOBYL FOREVER D’après le Carnet de Voyage de Alain-Gilles Bastide Adaptation et mise en scène de Stéphanie Loïk du 26/04/2016 – 30/04/2016 – ANIS GRAS – LE LIEU DE L’AUTRE – 55 Avenue Laplace 91110 ARCUEIL –

TCHERNOBYL

Avec : Vladimir Barbera, Aurore James, Elsa Ritter, Lumières : Gérard Gillot Musique et chef de choeur : Jacques Labarrière, Chants russes : Véra Ermakova,Assistante à la mise en scène et régie son : Ariane Blaise Assistant Compagnie : Igor Oberg. Durée : 1h05.

Production : Théâtre du Labrador Coproduction : Anis Gras/Le lieu de l’autre – Tropiques Atrium, Scène nationale de la Martinique. Coréalisation : Anis Gras/Le lieu de l’autre.

Avec le soutien du fonds d’insertion professionnelle de l’Académie-ESPTL, DRAC et Région Limousin. Le Théâtre du Labrador est conventionné par la DRAC Ile-de-France.

L’enfer, le purgatoire, le paradis, toutes ces notions véhiculées par la bible pour décrire l’au delà après la mort des pécheurs, expriment en réalité les conditions de vie sur terre des hommes. Ces chères petites têtes blondes ou brunes couvées par le regard de leurs mères n’ont-elles pas l’air de venir directement du paradis, avec leurs faciès angéliques.

Vraisemblablement, l’humanité ne survivrait pas à l’enfer total. Parmi les témoignages des Tchernobyliens qui eux ont connu l’enfer, les récits des mères qui ont mis au monde des enfants « monstrueux » sont les plus poignants.

Croit-on que c’est pour le plaisir que les victimes de Tchernobyl témoignent de cette catastrophe. Il y a trente ans, le 26 Avril 1986 explosait le réacteur N°4 de la centrale nucléaire de Tchernobyl . En préliminaire à son carnet de voyage en enfer «  Tchernobyl for ever » Alain-Gilles Bastide écrit :

« La vieille expérience de l’homme, sa culture, sa philosophie, son système de représentation, tous ses sens ont été pris de court par Tchernobyl. Les conséquences moléculaires, physiques, psychiques , ont fait basculer l’humanité dans un autre monde, le monde ancien n’existait plus, nous étions devenus des Tchernobyliens » .

L’adaptatrice et metteure en scène de ce carnet de voyage, Stéphanie Loïc répond à cette nécessité de faire entendre les témoignages des Tchernobyliens. Il s’agit de voix nues qui énumèrent des faits, des statistiques, des chiffres, tout cela qui formule une réalité froide, indéniable et abstraite. Il est impossible d’enfermer des individus derrière des faits, des chiffres aussi éloquents et précis soient-ils. Mais ces repères délimitent un espace, ils créent déjà une frontière. Cela se passait en Biélorussie, un petit pays de 10 millions d’habitants, pas chez nous.

Ces voies nues pourtant ne vont pas se contenter de remplir une page d’histoire, une page oubliée, occultée, à la fois trop récente et déjà éloignée.Les politiques n’ont pas encore tiré les leçons des catastrophes de Tchernobyl et Fukushima, les centrales nucléaires tiennent bon.

Ces Tchernobyliens sont des survivants qui relèvent à bout de bras leurs vies dévastées, compromises, crispées par la douleur mais dignes. Parce que l’émotion, la souffrance est trop forte, il faut s’accrocher aux faits, à ses lambeaux, à ses déchirures qui laissent écarquillée la mémoire avant l’oubli. Il faut du courage pour ne pas oublier, beaucoup de courage. Mais les Tchernobyliens parlent pour leurs morts et les enfants à venir.

Sans esprit, il n’y a pas de matière, il n’y a même pas l’idée du sarcophage qui été bâti à la hâte pour enterrer le réacteur.

C’est au corps esprit que Stéphanie Loïk s’adresse pour tenter d’exprimer l’inexprimable. Les paroles rejoignent les gestes, ou ce sont les mains, les bras, qui recueillent ce qui découle de la bouche, de façon à faire circuler lentement la vie, le sang dans la conscience.

Des gestes simples comme des caresses, des souffles, qui engagent l’être à s’éprouver simplement humain, à se tâter, à se souvenir qu’après tout il n’est jamais qu’un humain, et que l’essentiel peut être dit, exprimé avec son corps.

Les interprètes enchaînent calmement, voire avec douceur les propos des Tchernobyliens . La scène est devenu un espace de recueillement, de méditation, pour les spectateurs.

Ici et là où sourdent la douleur, l’incompréhension, où la tentation du couvercle et de l’oubli est de mise, il faut entendre ces voix qui viennent de loin nous dire leur sentiment :

« Nous vivons dans un pays de pouvoir et non un pays d’êtres humains. L’État bénéficie d’une priorité absolue. Et la valeur de la vie humaine est réduite à zéro ».

Nous ne sommes pas dans le béni oui-oui, le puzzle croupi de nos défenses, la carte de l’humanité a des viscères, des muscles, aurait t-elle une âme. C’est grâce à ces vaisseaux humains, ces émotions magnifiées par l’art, le chant, la danse, le théâtre, nous dit Stéphanie Loïk, que nous existons.

Les interprètes dessinent l’espace avec une scrupuleuse, infinie déchirante concentration. Certaines paroles extraites de la « supplication » de Svetlana Alexievitch se suffisent à elles mêmes. Qu’elles puissent occuper cet espace de rencontre qu’est la scène de théâtre, c’est une évidence soulignée avec talent et délicatesse par toute l’équipe de ce spectacle !

Paris, le 1er Mai 2016                                 Evelyne Trân