ELISE OU LA VRAIE VIE à la MANUFACTURE DES ABESSES – 7, rue Véron 75018 PARIS – du 2 Mars au 2 Avril 2016 – Les mercredis, jeudis, vendredis, samedis à 19 heures – Réservations 01 42 33 42 03

ELISE

Distribution : D’après Claire Etcherelli,

Le roman de Claire ETCHERELLI « Elise ou la vraie vie » n’a pas d’âge ou bien il a toujours 20 ans celui de son héroïne, qui d’une voix étonnamment mûre fait le récit de son entrée dans le monde du travail, et de son éveil à l’amour à l’époque de la guerre d’Algérie entre 1957 et 1958.

Certes, sa figure est marquée comme une fiche d’identité qui annoncerait les strates de son avenir, de son destin tout tracé. Jeune provinciale pauvre ayant conscience de sa classe, elle croit deviner ce qui l’attend en observant ses collègues de travail plus âgées. Elle travaille à la chaîne à l’usine comme une bête ou un robot et tombe amoureuse d’un jeune ouvrier algérien AREZKI. A mi-chemin de son reportage étonnant parce qu’il fait coïncider sa voix intérieure avec toutes les voix extérieures,  elle déclarera «  Mutilée par ma vie rabougrie par ma passion fraternelle et mes horizons bornés, ma sensualité  bien vivante…éclata à la chaleur de cette amitié secrète ». 

Le thermomètre d’Elise ne fait l’impasse sur aucune de ses émotions qu’elle travaille de façon obstinée, consciente que son regard sur les autres évolue même si tout est en marche pour lui dire « De toute façon, ce qui doit arriver arrivera.. » . Confuse puis déterminée, elle découvre qu’elle peut devenir l’interprète de sa vie. Le témoignage d’Elise est bouleversant parce qu’il exprime une quête d’éblouissement, celui de la vie elle-même, spirituelle ou morale, un ressenti aussi fulgurant à l ‘étage des aspirations les plus naturelles qui peuvent découler aussi bien du regard d’un enfant qui regarde le ciel ou la rue à  travers la vitre d’un bus qui continue à rouler. 

Eva CASTRO incarne Elise avec une grâce d’enfant.  La jeune fille timide, mal fagotée a du caractère, elle ne peut s’empêcher de penser, ensevelie sous la montagne de cartons qui représente l’usine et aussi cette vie d’emballage qu’elle secoue, fait frémir.On a envie de retenir sa main qui pousse les portillons de la vie en levant les doigts. Elle nous brave de son regard, comme dans le roman. Tout simplement, elle nous parle au présent, un présent passionné, riche de ces bagages qui sont aussi les nôtres. Elise fait partie de tous ces petits cailloux étincelants égrenés par un Petit Poucet dans la forêt invisible de la conscience collective. Elle bouge dans notre mémoire, elle résiste sans arrogance, en levant juste ses petits poignets. L‘inévitable espérance tiendra bon dit-elle, avec aplomb. Que ceux qui y croient ou n’y croient pas aillent voir ce spectacle pour entendre marcher Elise à travers notre pauvre conscience « Indistincte, informe, impalpable mais présente ». L’occasion est trop rare pour la manquer.

Elise incarnée par Eve CASTRO surgit véritablement du livre magnétique de Claire ETCHERELLI, à la fois timide et révoltée, authentique.

 Paris, le 4 Avril 2015 ,

Mis à jour le 29 Février 2016                      Evelyne Trân

 

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L’Homme de Riom au THEATRE MONTMARTRE GALABRU – 4 Rue de l’Armée d’Orient ( face au 53 rue Lepic) – Tous les samedis à 19h30, du 13 Février au 30 Avril 2016

L'homme de RIOM

Dossier l’homme de Riom

Interprètes : Benjamin BOLLEN & Isa FLEUR       Texte : Benjamin BOLLEN

Compositeurs des Chansons :

Raoul MORETTI, Henri CHRISTINE, Robert ROCCA, Michel EMER, Vincent SCOTTO, René SYLVIANO, Fernand HEINTZ, Francis LOPEZ, Ralph CARCEL,Maurice YVAIN, Paul MISRAKI.

Paroles des Chansons :

Albert WILLEMETZ, Robert ROCCA, G. KOGER, Lucien BOYER, Ed. VALETTE, Raymond VINCI, André HORNEZ, Henri COR, Philippe OLIVE, André BARDE, André HORNEZ

Costumes : Aline GOBERT Décor : Gérard BOLLEN  Création du visuel : Marianne LEBEL Voix off : Jean-Claude DONDA

Conseillère chorégraphique : Marie-Cécile CORRE

Durée du Spectacle : 1h15

Il suffit d’arpenter le boulevard de Clichy, de s’engager dans la célèbre Rue Lepic, saluée tout là haut par le Sacré Cœur, puis de se perdre dans un entrelacs de ruelles, aux noms évocateurs, notamment celui de l’Armée d’Orient, pour s’imaginer encore à l’époque du chansonnier Aristide Bruant dont le portrait dû à Toulouse Lautrec, continue à s’afficher de façon ostentatoire.

Non ce n’est pas encore demain que les chansonniers d’antan, quitteront le quartier de Montmartre. D’ailleurs ils ont réussi ce coup de maître, séduire un jeune artiste, contemporain du hip hop, du rap etc, à reprendre le flambeau, via leur répertoire particulièrement foisonnant.

Benjamin BOLLEN, l’artiste en question, se moque bien de la mode, il sait qu’il n’y pas de meilleure machine à remonter le temps que celle du théâtre.

Une petite chiquenaude sur notre belle mappemonde temporelle et hop, nous voici avec l’homme de Riom, qui se prononce « rions ». Avez vous jamais entendu parler de Riom, qui fut de triste mémoire, la capitale juridique de la France sous le régime de Vichy ? Ne rions pas ou plutôt si car le personnage créé par Benjamin BOLLEN est saisissant de drôlerie.

De constitution mince, il ne cesse de gonfler le torse, tel Artaban, et en impose néanmoins par son élégance, son toupet, son charisme délirant.

Ajoutons que cet original pète le feu. Monté à Paris dans les années cinquante pour devenir le Roi de l’opérette, il nous conte ses mésaventures et ses rencontres, avec l’ironie d’un Candide, qui possède l’art de sublimer les situations les plus ridicules, en chantant.

CaEST CE QUE JE TE DEMANDE

Accompagné de la charmante Isa Fleur au piano, l’homme de Riom chevauche allègrement les chansons les plus comiques, les plus joyeuses des années vingt et trente, toujours aussi croustillantes, notamment «Ça vaut mieux que d’attraper la scarlatine » de Ray Ventura, « Est-ce que je te demande ? » de Yves Mirande et Albert Willemetz, « Quand on n’en a pas » de  R. Moretti et A.Willemetz.

Mis en scène par François LIS, voilà un spectacle très excitant, brillant, qui met en valeur le talent formidable de Benjamin BOLLEN et la présence musicale d’Isa FLEUR. Ne laissez pas s’échapper cet étourdissant tourbillon de bonne humeur qui fait vibrer le Théâtre MONTMARTRE GALABRU, courez-y !

Paris, le 28 Février 2016                           Evelyne Trân

LE CID AU THEATRE MICHEL – 38 RUE DES MATHURINS 75008 PARIS à partir du 16 Février 2016 – Vacances scolaires et week-ends (en alternance) : 14h ou 16h ou 20h – TEL : 01.42.65.35.02

le-cid-FNAC-670940Mise en scène : Jean-Philippe Daguerre
Assistant(e) mise en scène : Nicolas Le Guyader
Adaptateur : Jean-Philippe Daguerre
Décor : Frank Viscardi
Musique : Petr Ruzicka
Costumes : Virginie Houdinière

Création affiche: Franck HARSCOUET

Distribution:
Stéphane DAUCH
Johann DIONNET
Manon GILBERT
Kamel ISKER
Maïlis JEUNESSE ou Mona THANAEL
Didier LAFAYE
Charlotte MATZNEFF
Christophe MIE
Sophie RAYNAUD
Yves ROUX
Petr RUZICKA
Antonio MATIAS

Vous n’y pensez pas, « Le Cid » a près de quatre cents ans ( la pièce fut créée en 1637) et il se porte comme un jeune homme !

Corneille était jeune lui aussi, à peine trente ans, lorsqu’il créa cette tragi-comédie qui le rendit célèbre du jour au lendemain.

Le Cid, c’est un peu notre Roméo et Juliette, cette tragédie de Shakespeare, composée en 1595. Corneille en a t-il eu connaissance ? 

Le sens de l’honneur, l’amour y sont exaltés avec une spontanéité inégalée. Le terme spontanéité peut étonner, parce que la pièce en vers, essentiellement en alexandrins, ne fait pas un pli. Combien de comédiens ne sont pas laissés emportés par le souffle lyrique et ronflant des personnages.

Pas évident de ne pas se prendre les pattes sur ce tapis rouge du sens de l’honneur, au nom duquel les seigneurs du 17ème siècle, s’entretuaient au cours de chevaleresques duels.

Dans cette pièce, Corneille en grand diplomate fait écho à cette calamité à laquelle entendait mettre fin Richelieu et le roi Louis XIII le juste. Il fait entendre aussi bien la voix de ces nobles valeureux et rebelles que celle du Roi qui veille au bon grain.

Et puis celle du jeune Rodrigue déchiré entre son sens du devoir filial et son amour pour Chimène. Le drame Cornélien considéré avec une loupe psychanalytique, est un psychodrame familial qui met sous le projecteur la figure paternelle du côté du fils pour Rodrigue, du côté de la fille pour Chimène. Rodrigue ne tuera pas son père mais il le désavouera d’une certaine façon puisqu’il ne renoncera pas à son amour pour Chimène. Cette dernière étonnamment n’a pas de complexe d’œdipe. Elle n’a d’yeux que pour Rodrigue et défend l’image de son père par devoir mais aussi parce qu’il lui importe de ne pas paraître faible aux yeux de Rodrigue.

Il y a cette intuition chez Corneille que l’amour fait partie de ces illuminations qui ne supportent pas la mesquinerie, la lâcheté. Rodrigue et Chimène se regardent dans les yeux, ils sont miroir l’un pour l’autre. Même si leur fusion est contrariée, elle a déjà été et ne plus croire à leur flamme, c’est mourir comme Roméo et Juliette.

Le duel entre les pères qui s’achève par la mort de Don GOMES configure une mise à l’épreuve de l’amour de Rodrigue et Chimène qui sortira vainqueur mais non sans déchirements, c’est aussi tout le suspense de cette tragi-comédie.

Dans la mise en scène de Jean-Philippe DAGUERRE, qui a la bonne idée de faire intervenir sur scène un duo de musiciens, excellent, nous pouvons sans effort nous imaginer en Espagne, Chimène interprétée ardemment par Manon GILBERT a des accents de Carmen, et nous voyons en Rodrigue, le fougueux Kamel ISKER, l’amoureux idéal capable de défendre son amour sacré, face au déni de Don Diègue qui lui rétorque « L’amour n’est qu’un plaisir, l’honneur est un devoir ».

Sommes nous si loin du Peace and Love prôné par la jeunesse dans les années soixante. Certainement pas, sauf qu’ici, il ne s’agit pas d’amour libre mais d’amour, ferment d’identité morale, qui s’affirme idéalement, fièrement, qui donne un sens à la vie, dans tous les sens du terme.

Les personnages évoluent dans de très beaux costumes, c’est un véritable plaisir pour l’œil. Nous assistons à des combats de cape et d’épée réjouissants, le cœur palpite d’émotion, on entend ses violons, nous nous surprenons même à oublier le superbe phrasé de Corneille, tant nous sommes troublés par la présence de Rodrigue et Chimène, qui vivent leur amour devant les spectateurs comme s’il était universel.

Le metteur en scène Jean-Philippe DAGUERRE mise sur une ambiance quasi romanesque un peu comme dans les  » Trois mousquetaires  » d’Alexandre Dumas. Il y a cette impression délicieuse de voir sortir du cadre d’un tableau au Louvre, des personnages si animés par leurs passions qu’ils croient s’adresser à la terre entière. Dire que cette étrange ivresse, le public d’aujourd’hui puisse la partager en dépit du décalage temporel, c’est magique.

Évidemment les propos excessifs de chacun des protagonistes prêtent à rire mais c’est un rire libératoire et quelque peu jaloux de la belle verve Cornélienne. Signe révélateur du comique des situations, la présence du roi bouffon, enfariné, interprété par l’irrésistible Didier LAFAYE.

Voilà une mise en scène du Cid tout à fait divertissante, tout public, qui secoue les branches de ce vieil arbre Cornélien, avec doigté, entraînant les spectateurs dans son feuillage vivace et chaleureux.

Paris, le 28 Février 2016                           Evelyne Trân

Nous qui sommes cent de Jonas Hassen Khemiri , mis en scène par Laura Perrotte à La Manufacture des Abbesses 7 rue Véron 75018 Paris du 14 Février au 16 Mars 2016 – Lundi, mardi et mercredi à 21 Heures, le dimanche à 20 Heures

NOUS QUI SOMMES CENT

Avec : Caroline Monnier, Laura Perrotte, Isabelle Seleskovitch

Elle n’est pas ligotée par son petit je, au saut du lit, elle aime être inondée, renversée par un rayon de soleil, c’est à peine si elle se souvient qu’elle a un mari, un enfant, elle a juste envie de se frotter les yeux, les mollets pour se dire « Aujourd’hui je suis libre ».

Chorégraphie incommode d’une plurielle de je ou d’une plurielle d’elles; la vérité c’est que cet en-tête invisible qui vous désigne femme avant que vous ayez pu dire oui, sollicite l’imaginaire d’une façon extravagante.

Quelle chance d’une certaine façon de ne pas savoir qui on est. Mais rassemblez donc vos esprits, Madame, essayez donc de vous souvenir, vous dites que ce n’est pas facile, appelez les donc à la rescousse vos elles que vous croyez infinies et ne vous découragez pas. La vie vous a mélangées, qui parle en vous ? L’enfant paresseuse, l’épouse mère aux petits soins du gosse et du mari, l’étudiante, la manifestante écolo, l’amoureuse fleur bleue ou la femme mûre qui impose le respect ? Vous dites que vous n’avez pas le choix, que vous voulez être toutes ces femmes puisqu’elles sont toutes en vous, que c’est pagaille, déchirements, la plupart du temps, que c’est vraiment le bouquet d’avoir à héler toutes ces elles, à vingt, trente, quarante, cinquante ans et ainsi de suite ! Pour découvrir que la personne que l’on voulait être, refuse toute définition et s’accommode en réalité tellement bien d’être plusieurs.

Votre désir de liberté, cette frange inouïe, mordue par les vagues, avait la langue venimeuse tandis que servile vous continuiez à jouer le jeu de la bonne épouse . Cette triste banalité vous a coupé le clapet, êtes vous sûre d’avoir pu abandonner mari et enfant, êtes vous sûre de l’avoir conquise cette liberté ?

Tout ça, c’est dans votre tête.Vous n’avez pas de morale, pas le sens du devoir, Madame sans tête, êtes vous encore sûre d’être une femme ? Ne seriez vous pas plutôt une sorcière ?

Elle multipliée par trois qui tiennent le pavé de la scène avec une fulminante frénésie, pour se dire, s’affronter, se découvrir, s’éclabousser, les yeux noyés de larmes et de rire.

Si vous invoquez l’esprit de l’eau, vous aurez l’idée de ces elles formidablement exprimées par les jeunes comédiennes galvanisées par cette étrange et originale symphonie de ce jeune auteur suédois, Jonas Hassen KHEMIRI. Éclaboussant spectacle !

Paris, le 27 Février 2016                                Évelyne Trân

Des mondes infinis… spoken waves, Performance de Marc-Henri LAMANDE et Peter SHAMS, le 16 février 2016, à la Galerie Christian BERST – 5 Passage des Gravilliers 75003 PARIS –

brut 1art brutbrut 2brut 1La galerie Christian BERST située à Paris dans le marais et à New York dans le Lower East Side est spécialisée dans l’art brut international.

Superbe performance de Marc-Henri LAMANDE (acteur) et Peter SHAMS ((guitare dobro résonator – percussions – électronic – voix)   qui a permis aux spectateurs de découvrir ou redécouvrir des textes de :

André Breton -L’art des fous, la clef des champs

Rabindranath Tagore – L’Offrande lyrique

Cioran – Sur les cimes du désespoir

Antonin Artaud

Claude Régy – L’ordre des morts

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Marc-Henri LAMANDE a fait vibrer ce magnifique texte de Breton sur l’art des fous. Un texte magnétique  que semblaient apprécier les curieux personnages installés tout le long des murs de la galerie. Il s’agit des créatures imaginées par Misleidys Francisca Castillo Pedroso, une artiste cubaine  qui fait l’objet d’une exposition ainsi que Daldo  Marte,

jusqu’au 2 Avril 2016.

contact@christianberst.com

http://www.christianberst.com/fr/expo-actuellement.html

3-5, passage des gravilliers 75003 paris
(entrée par le 10, rue chapon)

métro : Rambuteau or Arts et Métiers
bus : line 29 and 38

mardi > samedi de 14h > 19h

 

Do Ré Mi Fashion, la revue des invendus à partir du 14 Septembre 2015, les Lundis et Mardis à 21h30 au THEATRE DE L’ESSAION – 6 Rue Pierre au Lard, 75004 Paris – TEL. 01 42 78 46 42 –

 

 

do re

Auteur : Marion Lépine

Mise en scène : Collaboration artistique Hervé Devolder

Distribution : Marion Lépine, Aurore Bouston, Isabelle Fleur

 Durée (mn) : 70 mn

Site de la compagnie : www.doremifashion.fr

 

Curieuse avenue que celle de la musique, l’opéra, l’opérette, c’est de là que débouchent les trois jeunes femmes brandissant leur pancarte « DO REMI FASHION » . Elles sont joyeuses, rigolotes, nous les imaginerions bien faire du théâtre de rue, haranguer les passants à Avignon .

Au théâtre de l’ESSAION, elles campent trois vendeuses d’une boutique de fringues qui va fermer. Au fur et à mesure qu’elles rangent les vêtements dans les cartons, des souvenirs invraisemblables, les envahissent, les soulèvent comme un vent de folie.

C’est une bourrasque de chansons, d’airs connus, inconnus qui s’engouffrent sous un parapluie qui tangue, ruisselle, une tornade qui, de fait, n’a pas d’autre cause que la boulimie de ces dames, qui n’hésitent pas à tenter l’inconcevable, fourrer dans la même marmite, des chansons de FERRE, RICET BARILLET ,PIAF, DASSIN , NOUGARO, JOE COCKER et bien d’autres.

Certes, il faut avoir l’estomac bien accroché, mais comment ne pas être emballés par la pèche de ces coquines de musiciennes, ma foi fort théâtrales, qui donnent l’impression de jouer au flipper en faisant glisser à la cantonade tous les airs qui leur passent par la tête.

De toute évidence, les deux comédiennes chanteuses, Aurore BOUSTON et Marion LEPINE, rompues à la comédie musicale et la pianiste chanteuse, Isa FLEUR, ne demandent qu’à sortir des sentiers battus.

Alors elles prennent le risque de faire parler leurs envies, de se laisser guider par elles avec un brin d’inconscience, de candeur, qui s’ajoute à leur charme et leur drôlerie.

Pas toujours facile de retrouver ses petits dans ce nuage de refrains, de mélodies qui parsèment la boite à pandore réjouissante que constitue leur répertoire mais les spectateurs pris dans la turbulence des montagnes russes de ces dames, peuvent se croire dans une fête foraine à chansons, qu’il pleuve ou qu’il rit, c’est une véritable récréation !

Paris, le 21 Février 2016                          Evelyne Trân

 

La Reine de Beauté de Leenane au Petit Théâtre Odyssée – 25 rue de la Gare 92300 Levallois – Du mardi 16 au samedi 20 février à 20 h 30 – Dimanche 21 février à 16 h et au Festival d’Avignon, du 7 au 30 juillet 2016 au Théâtre Essaïon-Avignon à 14h20

Photo Reine de Beauté

De Martin Mc Donagh, par la Compagnie Mademoiselle S. Mise en scène Sophie Parel. Avec Catherine Salviat, sociétaire honoraire de la Comédie Française, Sophie Parel, Arnaud Dupont et Gregori Baquet

Les touristes qui aiment bien parcourir les villages à l’heure de la sieste sont souvent subjugués par leur calme; pas une porte qui grince, ni de musique qui s’échappe de volets clos. Parfois leurs regards s’attardent sur des affiches encore pimpantes quoique boursouflées par l’humidité, qui annoncent une fête qui a eu lieu quelques mois auparavant. Alors il est permis de rêver, de toucher du doigt le portail jauni d’une maison muette, toujours aux aguets de quelque vision surprenante.

C’est ainsi que le dramaturge irlandais Martin Mc DONAGH semble être entré dans l’intimité d’un foyer familial dans un village rural d’Irlande pour nous conter un de ces petits drames familiaux, chargés de la même mélancolie distraite qui embue le regard lorsqu’en contemplant une fleur fanée dans son pot, nous nous dépêchons de rire intérieurement pour l’entendre nous apostropher « Mais je fus belle, voyons, je n’ai pas eu de chance, c’est tout, le jardinier n’avait pas la main verte ».

Nous découvrons cette reine de beauté à travers le personnage de Maureen, une belle fille aux allures d’adolescente quoique déjà âgée de 40 ans,  en train de servir son perpétuel plat de résistance à sa mère Mag qui trône sur sa chaise roulante telle un bébé froissé sur sa chaise haute.

Maureen et Mag forment un couple. Leurs racines se sont enchevêtrées, et la jeune Maureen a beau soupirer, elle pressent qu’elle risque, hélas, de crever dans son pot parce qu’elle est encore vierge . Pourtant un prince charmant franchit un jour la porte, c’est un vieil ami d’enfance, Pato, revenu de voyage qui l’invite à un bal. Une idylle se noue entre eux, et après une nuit d’amour platonique, Pato amoureux écrit une belle lettre à Maureen lui demandant de la rejoindre à Boston. Mais Mag qui ne supporte pas l’idée d’être abandonnée par sa fille, réceptionne la lettre et la détruit.

Martin Mc DONAGH décrit la situation avec humour, le pathos ne l’intéresse pas. C’est un véritable thriller psychologique, tourné en comédie qui rappelle par certains aspects, un autre dramaturge irlandais Samuel BECKETT, dans notamment Fin de partie.

Catherine SALVIAT est géniale dans ce rôle de vieillarde chipie, elle est drôle à tout moment et aussi émouvante qu’une enfant. Sophie PAREL est étonnante dans celui de vieille fille prisonnière qui déborde de vie. Grégori BAQUET interpréte avec beaucoup de nuances le voisin qui rêve aussi de s’en sortir, de partir à l’aventure. Arnaud DUPONT est également épatant dans le rôle du frère messager plutôt beauf, quelque peu responsable malgré lui du mauvais sort de la reine de beauté.

Avec une mise en scène alerte, une scénographie juste et simple, Sophie PAREL réussit à faire scintiller l’épaisseur de cette boule de drame dont on ne s’attend pas à ce qu’elle explose, car en vérité elle implose de l’intérieur.

N’attendez pas d’être échauffés par un incongru rayon de soleil au-dessus d’un pot de fleurs fanées, allez voir cette pièce étrange et venimeuse de Martin Mc DONAGH, servie par d’excellents comédiens, assoiffée d’eau, de vie, elle brûle de tous ses éclats !

Pris, le 21 Février 2016                                      Evelyne Trân

LAPIDEE Du mercredi au samedi 19h30 Dimanche 15h à LA COMEDIE BASTILLE – 5 Rue Nicolas Appert 75011 PARIS –

Texte, mise en scène et lumières : Jean Chollet-Naguel
DistribuTion : Nathalie Pfeiffer, Pauline Klaus, Karim Bouziouane

Voix off: Roland Giraud

LAPIDEE

 

Mondialisation oblige, personne n’est censé, aujourd’hui, ignorer des pratiques criminelles qui sous couvert d’une justice étatique ou religieuse perdurent dans plusieurs pays.

La lapidation est une forme d’exécution qui s’adresse principalement aux femmes jugées pour le crime d’adultère dans des sociétés patriarcales qui considèrent la femme comme un bien, un objet, le crime d’adultère étant une violation de la propriété du mari, un déshonneur qui ne peut être lavé que par le châtiment de la femme.

Il est difficile de se représenter aujourd’hui au 3ème millénaire, la triste réalité des conditions de vie des femmes dominées par les hommes. Songeons qu’en France, il y a seulement quelques décennies, une femme mariée devait demander l’autorisation à son mari pour signer des chèques ou des actes administratifs. Ce n’est qu’en 1938 que le Code Napoléon de 1804 fut modifié pour faire valoir que la femme ne devait plus obéissance à son époux.

Quel rapport avec le sujet de la pièce LAPIDEE de Jean CHOLLET-NAGUEL sinon pour souligner qu’il a fallu des siècles de luttes ne serait-ce qu’en France, pour que les droits des femmes s’alignent sur ceux des hommes et ce n’est pas fini !

D’autres pays n’ont pas évolué de la même façon, voire même, ils sont restés figés sur des lois archaïques qu’ils appellent coutumes, pour les justifier. Il est inimaginable pour eux de s’aligner sur des lois occidentales qu’il jugent « dépravées ».

Il faut le reconnaître nous pouvons nous éprouver blasés puisqu’impuissants lorsque nous lisons une dépêche d’AFP nous annonçant la lapidation d’une femme accusée d’adultère et de prostitution par des djihadistes d’Al-Qaïda au Yémen, le 4 Janvier 2016.

C’est justement pour lutter contre l’ indifférence, la passivité des instances politiques internationales, que Jean CHOLLET-NAGUEL de façon très démonstrative entend sensibiliser l’opinion.

Il met en scène une jeune femme hollandaise, Aneke, qui a tous les atouts d’une femme libérée, elle est médecin et tombe amoureuse d’un étudiant yéménite, Abdul. Ils se marient et vont vivre au Yémen. L’idylle bascule vers le cauchemar le jour où la jeune femme se révolte en public contre son époux qui vient de prendre une seconde épouse. Dès lors l’homme pour sauver son honneur l’accusera d’adultère et la sacrifiera à la loi musulmane de son village. Elle sera condamnée à la lapidation en dépit de l’émotion médiatique.

Un discours d’apaisement traverse ce drame, il passe par la parole de la sœur d’Abdul, Nouria, magnifiquement incarnée par Nathalie PFEIFFER, qui de façon inattendue, éprouve beaucoup d’empathie pour sa belle sœur. Aneke. Nouria est elle-même une femme opprimée et méprisée par son frère parce qu’elle est vieille et sans enfants.

Aneke interprétée avec une belle intensité par Pauline KLAUS est une jolie jeune femme pleine de vitalité. Elle dégage cette féminité, objet de désir, de tentation et finalement de haine.

Quant à Abdul, ce médecin cultivé qui a étudié en occident, il nous est présenté comme un être brutal, dépourvu de sentiments.

Nous nous demandons si c’est possible qu’un homme qui a pu séduire une jeune hollandaise, qui a été séduit par elle, puisse ainsi se transformer en barbare. Même si nous pouvons regretter que le portrait de cet homme ne soit pas plus nuancé, la démonstration est éloquente, parce que telle est la réalité, la coutume prévaut sur la conscience individuelle, elle est impitoyable.

Pas de place donc pour la conscience individuelle, nous la voyons étouffée par l’inconscience collective, la folie d’une foule conviée à pratiquer le lynchage, un sacrifice humain au nom de Dieu.

« Laisse Dieu où il est Abdul ! » ce sera la dernière parole d’Aneke qui cible la lâcheté de son époux.

Un profond mal au cœur nous envahit et nous fait prendre conscience que oui, aucune voix n’est inutile qui prête un peu de son temps pour s’élever contre l’ignominie qui se donne en spectacle dans ce monde. Quoi, le cerveau humain est capable de fabriquer des fusées pour aller sur Mars, et il demeurerait impuissant à lutter contre la barbarie !

Puisse le bon sens incarné par Nouria la sœur de ce pauvre Abdul, encourager les victimes et les témoins des aveuglements humains, à continuer à œuvrer solidairement et obstinément contre toutes ces idéologies inhumaines qui institualisent le crime.

Nous ne rêvons pas bien au contraire ! Si le monde par beaucoup d’aspects nous paraît infernal, en dépit de ses compensations matérielles qui l’illusionnent sur sa nature – oh combien fragile – d’un point vue moral et psychologique, l’homme doit savoir qu’il n’est pas à l’abri de ses démons, il lui appartient de travailler à les maîtriser. C’est l’avenir de l’humanité qui en dépend.

C’est de toute évidence, le message de Jean CHOLLET -NAGUET qui met son expérience théâtrale au service de son engagement humaniste, de façon très percutante.

Il est bien probable que ce petit fait divers concernant la lapidation d’une femme, qui nous a distrait à la lecture une fraction de seconde, exprimé au théâtre nous remue bien plus profondément. Cela sert aussi à ça le théâtre, bouger les esprits !

Paris, le 20 Février 2016                                   Evelyne Trân 

POLYEUCTE au THEATRE DE L’ESSAION – 6, rue Pierre au lard (à l’angle du 24 rue du Renard) 75004 Paris – Du 1 Février 2016 au 29 Mars 2016 Les lundis et mardis à 19h30 –

polyeucte

Auteur : Pierre Corneille

Mise en scène : Ulysse Di Gregorio
Scénographie : Benjamin Gabrié
Costume: Salvador Mateu Andujar
Distribution : Justin Blanckaert, Dorothée Deblaton, Christopher Bayemi, Bruno Guillot, Coline Moser 

 Les incroyants, les athées, les adeptes du « Ni Dieu, ni maître » seraient tentés de jeter au panier ce panégyrique à la religion chrétienne que constitue la tragédie de Corneille, Polyeucte.

D’un point de vue historique, l’œuvre est néanmoins riche d’enseignements . Nous n’ignorons pas, en effet, que la royauté reposait sur le droit divin et le pouvoir de l’église, notamment celui des jésuites, à l’époque de Corneille.

Qu’entendons nous aujourd’hui dans cette pièce sinon qu’un homme jette le trouble dans sa famille, dans l’Empire parce qu’il s’oppose au polythéisme romain, au nom de la religion chrétienne et ce faisant il s’expose à la mort qu’il ne craint pas.

S’agit il d’un illuminé ? Cette question son beau père Félix, et Pauline sa femme se la posent tout simplement parce qu’ils n’ont pas été touchés par la grâce divine comme Polyeucte. Ni les larmes de Pauline ni les efforts de Félix, très contrarié, ne réussiront à faire renoncer Polyeucte à sa religion . Ce dernier sera exécuté et deviendra un martyr chrétien, un saint.

Parce qu’il ne craint pas la mort, voilà un homme qui met en danger l’ordre terrestre. Mais il s’agit d’un héros, d’un être exceptionnel dont Corneille exalte la vertu morale . Cette vertu s’exprime aussi à travers les personnages de Sévère et de Pauline anciens amoureux qui ne profitent pas de la situation bien au contraire. C’est ainsi que Pauline bien qu’abandonnée par Polyeucte, tentera en vain de le sauver. Par ailleurs, elle manifeste beaucoup de tolérance à l’égard de la croyance de Polyeucte qu’elle ne partage pas .

Tout se passe comme si Polyeucte aux yeux de son entourage était atteint d’une grave maladie, la religion chrétienne, et qu’en raison de ce cas extrême, ses proches avaient décidé de surmonter leur incompréhension, et de taire leurs propres passions, pour le soutenir.

« Quel écho peut bien avoir à notre époque, le martyr d’un seigneur arménien du III siècle… » C’est la question qu’expose le metteur en scène Ulysse DI GREGORIO. La langue de CORNEILLE est fort belle, l’alexandrin remarquablement maîtrisé par les comédiens, la mise en scène sobre, les costumes de toute beauté, et la scénographie qui dispose sur la scène plusieurs colonnes où transparaissent de curieuses têtes sculptées, est impressionnante.

Mais en dépit du talent de Corneille, cette vertu morale qu’est censé incarner Polyeucte nous échappe. A quelques siècles près, dans un autre contexte, ce héros pourrait-il se transformer en saint résistant, en apôtre de Staline, de Mao, Che Guevara etc. Chacun son dieu et combien d’idoles brisées !

Les transports de Polyeucte révèlent son peu de foi en l’homme, celle-là viendra t-elle ? N’attendons pas de miracle !

Paris, le 14 Février 2016                               Evelyne Trân

NATURE MORTE AVEC SEXE D’ANGE de Maurici MACIAN-COLET au Théâtre des Déchargeurs – 3, rue des Déchargeurs – 75001 PARIS du 5 Janvier au 13 Février 2015

Crédit Photo Visuel Damien Tramblay

 

Jouir ou ne pas jouir that is the question. Pauvres femmes qui n’ont rien d’autre à faire que d’attendre que leurs doubles mâles bandent, bandent et bandent encore pour leur prouver qu’ils sont des hommes, des vrais, olé !

Heureux le cochon d’Inde qui avec son pénis minuscule mais proportionnel à sa taille n’a probablement pas le loisir de s’inquiéter de son impuissance.

Mais de quand date la naissance de l’ange ? MICHEL-ANGE paraît-il fût le seul à avoir peint des anges sans ailes. Qu’il n’ait pas de sexe apparent ne l’empêche pas de faire valoir ses qualités viriles à l’instar de l’ange Michel magnifique terrasseur du diable souvent figuré par un dragon.

La religion a toujours eu un sens aigu de la politique des âmes et également des corps. Ce fil invisible qui relie la tête au sexe n’a pas d’autre frontière que cet encombrant pénis qui ne sait s’exprimer qu’en bandant pour libérer fièrement sa semence tel un bouchon de champagne. C’est tellement bête !

Maurici MACIAN-COLET s’est-il inspiré de cette célèbre réflexion de Pascal « Qui veut faire l’ange fait la bête » ? Tout le mal qui règne sur terre aurait-il pour origine l’impuissance masculine ? C’est une question fort épineuse que pose cette pièce fort originale « Nature morte avec sexe d’ange ». Napoléon, Hitler avaient-ils des problèmes sexuels ? N’allons pas trop vite en la besogne . Nous sommes tous concernés par cette déconvenue existentielle qui implique la médecine, le commerce, les rapports de couples, la famille etc.

Maurici MACIAN-COLET met en scène cinq personnages : deux hommes debout sur leur petit édifice social, l’un est urologue, l’autre vendeur d’une encyclopédie universelle, deux femmes en dégringolade, une vieille prostituée novice (ancienne épouse de l’urologue) et une jolie idiote (fille de l’urologue) et enfin un être sans sexe qui devrait être un ange …

Farce tragique et percutante qui dénonce l’inceste infligé par le père à sa fille attachée à une laisse comme une chienne, l’esclavage sexuel d’une prostituée qui doit subir les fantasmes du vendeur d’encyclopédies, impuissant, et inaugure le mal être de l’ange qui attend la reconnaissance d’une femme, celle qui fait l’idiote mais s’illumine face à ce cadeau du ciel.

C’est méchamment drôle et éloquent. Tous les interprétes sont formidables. Les metteurs en scène ont mis en place des rideaux de plastique qui bornent la scène, évoquant ceux qu’on utilise dans les hôpitaux et dont la matière laide donne le ton du malaise rampant qui relie tous les personnages.

La distance ironique opérée par l’auteur et les metteurs en scène permet l’incision sans trop de douleur – mais tout de même –  dans cette plaie mise à nu, l’impuissance masculine. Il s’agit d’un acte politique ! Combien osent toucher au phallus, cet organe statufié – menhirs, obélisque de la Concorde, canons, manette d’automobile, tout est bon pour le magnifier – qui n’a pas seulement un rôle procréatif, qui symbolise l’omnipotence de l’homme, son règne sur la terre, de toute éternité.

Paris, le 14 Février 2016                      Evelyne Trân