Macbeth (The Notes) D’après Macbeth de William Shakespeare – Conception et mise en scène DAN JEMMETT – avec DAVID AYALA du 30 octobre 2015 au 14 novembre 2015 à 20 H 30 au Théâtre des Bouffes du Nord – 37 Bis Boulevard de la Chapelle 75010 PARIS – Métro LA CHAPELLE –

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Traduction Jean-Michel Déprats
Adaptation Dan Jemmett et David Ayala
Conception et mise en scène Dan Jemmett
Collaboration artistique Juliette Mouchonnat
Avec David Ayala

 

« Arrête ton cinéma » crie t-on familièrement à celui ou celle qui manifestement se prend trop au sérieux. « Arrête ton cirque » ordonne une mère à son fils qui ne tient pas en place. Mais « Arrête ton théâtre ! » cette formule, il n’y a que les critiques pour la formuler à l’encontre de certains metteurs en scène. Dan JEMMETT, metteur en scène fort aguerri a fait lui aussi les frais de méchantes critiques notamment lors de sa mise en scène d’HAMLET à la Comédie Française.

Qui peut se mettre à la place d’un metteur en scène, personne ! Sauf ceux qui sont de la partie bien sûr. Pour qui se prend-il, ce metteur en scène pour imposer au public ses élucubrations, ses fantasmes en s’attaquant aux tragédies les plus géniales, les plus connues, MACBETH par exemple. Jusqu’où ira t-il ?

Dan JEMMETT et son complice David AYALA ont l’idée géniale d’offrir une scène ouverte à ce personnage de metteur scène déjà fort exposé dans les pièces de Pirandello.

Il n’a pas de nom. Il rêve éveillé; les acteurs, les techniciens auxquels il adresse ses ultimes conseils avant la première de Macbeth se terrent dans le silence, probablement abasourdis par la logorrhée de ce trublion passionné, dictateur plus sympathique que Charlot ou Aguirre confondus mais tout de même très atteint.

Le nec plus ultra, c’est sans doute ce que recherche ce créateur en plein bouillonnement qui doit combattre non seulement l’inertie, l’incompréhension de ses acteurs, mais également ses propres étourdissements, ses contradictions.

Ridicule parce qu’excessif sûrement, il n’empêche que ce metteur en scène est aussi attendrissant que Don Quichotte et ses moulins à vent et quelques intuitions « géantes » émergent parfois de ses notes abusées par la méthode qu’il défend, dite théâtre de distorsion.

Ce faisant à l’instar de Céline jetant par terre toute l’intelligentsia littéraire, il balaye tous ses prédécesseurs , Copeau, Jouvet, Dullin et pourquoi pas Dan Jammet lui même, le concept de personnage, le décor etc…

La démonstration cruellement drôle est assurée par le comédien David AYALA sidérant dans ce seul en scène d’une heure trente où les amateurs de MACBETH auront aussi le plaisir d’entendre les tirades de la pièce, les plus dramatiques.

Il faut voir le sang de Macbech tel une énorme vague Shakespearienne emporter son metteur en scène pour comprendre comment ils embrassent la scène ces fous du théâtre vivant . Comique ou cosmique cette manifestation de mise en scène de Macbeth s’apparente à tout le remue ménage qui précède la naissance d’un nouveau né, un spectacle. C’est magnifique, mais… mais oui !

Paris, le 31 Octobre 2015                              Evelyne Trân

Dans le cadre du Festival International de Théâtre SENS INTERDITS 2015, ACCESO de Pablo LARRAIN, Roberto FARIAS – Mise en scène : Pablo Larrain – Au THEATRE DES CELESTINS – 4 Rue Charles Dullin, 69002 Lyon – les 25 et 27 OCTOBRE 2015

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Avec Roberto Farías Dramaturge – Pablo Larraín, Roberto Farías / Créateur lumière – Sergio Armstrong

 C’est toute la misère du monde qu’il semble porter sur ses épaules mais il n’y a dans son baluchon que de dérisoires objets de pacotille. Il surgit d’une cour de miracles quelque part à SANTIAGO, d’un dépotoir au pied d’une cathédrale ; il est tout simplement extraordinaire, il s’appelle SANDOKAN.

 Au cours d’un monologue de 55 minutes mais à vrai dire on ne voit pas le temps passer, les spectateurs coincés dans leurs fauteuils au Théâtre des Célestins, comme dans les transports en commun doivent « subir » la présence d’un clodo qui transpire, qui postillonne et qui leur hurle dans les oreilles l’histoire de sa vie tout en brandissant des objets ridicules dont il vante dans la foulée les mérites.

 Les propos sont quelque peu incohérents parce qu’il les vomit avec  violence, une vitalité indécente à la gueule des faces contrites  apeurées ou frileuses que les spectateurs, auditeurs de l’impensable, sont bien forcés d’adopter.

L’homme n’appelle surtout pas la compassion. Il déverse des vérités sordides qui concernent des gens fort bien élevés, des banquiers, des curés,  qui ont abusé sexuellement de pauvres gosses abandonnés.

 L’homme hurle pour ne pas sangloter. Il y a un tel magma de douleur dans cet homme qui lèche l’enceinte du théâtre des Célestins et en même temps une telle énergie, une telle capacité de se moquer du monde absolument décapante !

Le monologue a été écrit à  partir d’un recueil de témoignages de garçons victimes d’abus sexuels et surtout de « longues séances d’écriture et d’improvisations ». Le manuscrit de 300 pages à l’origine est passé à vingt pages.

Le résultat est magnifique. Roberto FARIAS effectue une performance incroyable. Il ne joue pas, il se transmute en SANDOKAN, ce clochard terriblement humain qui à la faveur d’une escapade au théâtre nous débouche les oreilles et nous regarde droit dans les yeux.

 Paris, le 29 Octobre 2015             Evelyne Trân

 

 

 

 

Dans le cadre du festival SENS INTERDITS – CAFI de Vladia MERLET au Théâtre des Asphodèles les 25 et 26 Octobre 2015 – 17 rue Saint Eusèbe à LYON et le 27 Octobre 2015 à LA MOUCHE à 8, rue des Ecoles SAINT GENIS LAVAL à 20 H 30 TEL. 04.78.86.82.28 –

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 Vous n’en avez pas souvent entendu parler des CAFI, ces Centres d’Accueil des Français d’Indochine ayant fui le Vietnam par crainte des représailles, après les accords de Genève de 1954. La majorité des rapatriés était constituée de femmes vietnamiennes abandonnées par leurs conjoints français, de veuves et de leurs enfants eurasiens, les bui doi, les « poussières de vie ».

 Il est vrai que le règlement strict de l’administration imposait le silence aux réfugiés, le mot d’ordre c’était « Pas d’histoires ».

 Un « petit Vietnam » s’était reconstitué au camp de Sainte Livrade sur Lot qui fut occupé de 1956 à 2015, soit près de 60 ans, soit plusieurs générations. Il s’agissait à l’origine d’un ancien camp militaire aux baraquements insalubres, sans eau, ni sanitaires. Après le choc de l’exil, du déracinement, les habitants les plus âgés s’étaient pourtant attachés au lieu.

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Photo du camp D.R.

 Les bulldozers ont eu raison d’une page de leur histoire. Ces Français d’Indochine n’ont plus de lieu de mémoire. Il reste cependant la mémoire affective, émotionnelle, la mémoire physique. Des voix s’élèvent pour dénoncer l’indifférence voire le mépris, l’oubli dont furent l’objet ces Français d’Indochine qui n’ont bénéficié d’aucuns dédommagements auxquels ils avaient droit en tant que rapatriés, au même titre que les harkis.

 C’est dans les racines de l’enfance que Vladia MERLET a puisé sa force, son intelligence pour raconter l’histoire de ce camp à travers celle d’un personnage, Louise à différents âges, de 1956 à aujourd’hui.

 Enfant, elle avait très impressionnée par une habitante du camp, Mémo BOC qui ne cessait de chiquer une curieuse pâte et avait les dents noires. Elle a eu envie de raconter l’histoire de Mémé BOC à travers les témoignages de ces Français d Indochine.

 Vladia MERLET qui interprète Louise a gardé sa fraicheur d’enfance qui irradie le spectacle, mis en scène au cordeau par Georges BIGOT.

 Extrêmement souple, la comédienne joue tous les personnages de la pièce où l’atmosphère « vietnamienne » est suggérée  finement avec des jeux d’ombres chinoises, les apparitions du génie Ong Dia, un personnage mythique ventru, au visage lunaire.

 Louise parle pour tous les enfants qui ont connu le CAFI. Elle évoque des histoires individuelles, bouleversées, brisées par la grande Histoire. C’est au nom de ces personnes qu’on n’entend jamais, au nom de ces femmes qui ont souffert en silence pour élever leurs enfants, que Vladia MERLET a écrit CAFI* et interprète ses personnages. Leurs témoignages nous permettent d’aller au-delà de nos réflexes et préjugés habituels. Tiens des chintoks, des boat people, des migrants !

Derrière les dents noires et le sourire de Mémé BOC, Vladia MERLET avait perçu une grande humanité. C’est cette humanité qui l’a engagée à ouvrir la porte du CAFI de Sainte Livrade.

 A une époque où la société de consommation absorbe toujours plus et toujours plus vite, les individus, le spectacle proposé par la compagnie nous rappelle que tous tant que nous sommes, ne sommes pas seulement des silhouettes, des facies, nous avons sûrement des histoires à partager, et ce sont ces petites histoires humaines individuelles partagées, que nous croyons du détail aux yeux de la grande Histoire, qui pèsent au contraire très lourd !

Le spectacle de la Compagnie Le Bruit des Ombres n’est pas seulement instructif, il est beau et bouleversant. Nous lui souhaitons sincèrement la diffusion qu’il mérite.

Paris, le 27 Octobre 2015              Evelyne Trân

 * La pièce est éditée aux Editions Christophe CHOMANT 

Dans le cadre de SENS INTERDIT FESTIVAL INTERNATIONAL DE THEATRE 2015 : HATE RADIO – Mise en scène MILO RAU au Théâtre des Célestins 4 rue Charles Dullin 69002 Lyon – jeu 22, ven 23 et sam 24 oct à 21h – Puis du mar. 27/10/15 au mer. 28/10/15 à 20 Heures à Vaulx-en-Velin au Centre Culturel Charlie Chaplin

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Avec Afazali Dewaele, Sébastien Foucault, Estelle Marion, Nancy Nkusi, Diogène Ntarindwa, Bwanga Pilipili Idée, texte et mise en scène – Milo Rau / Dramaturgie & production – Jens Dietrich / Scénographie & Costumes – Anton Lukas / Vidéo – Marcel Bächtiger / Son – Jens Baudisch / Assistante à la mise en scène – Mascha Euchner-Martinez – See more at: http://www.celestins-lyon.org/index.php/Menu-thematique/Saison-2015-2016/Spectacles/Hate-Radio#sthash.KpwdMcLY.dpuf

 En 1994 entre Avril et Juillet, eut lieu le génocide des Tutsis au RWANDA, pendant la guerre civile qui opposait le gouvernement Rwandais au Front Patriotique Rwandais.

800 000 personnes ont perdu la vie dans des conditions atroces en raison de leur origine Tutsi. Ce drame humain avait été pressenti par différents historiens et politiques qui connaissaient l’idéologie raciste à l’encontre des Tutsis, qui s’est particulièrement développée du temps de la colonisation.

 Comment imaginer que des Rwandais  puissent d’un jour à l’autre se transformer en tueurs, en bourreaux de leurs propres voisins parce que ces derniers avaient le malheur d’être Tutsis.

 Milo RAU et les membres de l’International Institute of Political Murder ont eu l’idée de reconstituer une émission de la Radio Télévision Libre des Mille Collines qui émettait avant et après le génocide. Seule radio privée du Rwanda, la RTLM  était devenue un organe prépondérant de propagande anti-Tutsis. Sa responsabilité dans le génocide a été reconnue et ses animateurs jugés.

Véritable choc frontal avec une réalité mortifère pour les spectateurs munis de casques audio qui se retrouvent dans  la situation d’observateurs assistant pour la 1ère fois à une émission de la RTLM  en vis à vis avec les animateurs enfermés dans leur bocal.

 Le verbiage des speakers, leur aisance, leur jovialité sont le propre d’une émission de radio en plein audimat. Mas au fur et mesure de l’émission, les propos des speakers deviennent de plus en plus odieux, comme s’il s’agissait pour eux, tels des émissaires du gouvernement, d’entretenir la flamme de haine vis à vis des Tutsis. C’est d’autant plus choquant que les exhortations aux meurtres, à la délation , à la chasse aux Tutsis, sont souvent débitées sur le ton de la plaisanterie, tandis que se succèdent les grooves à la mode et que l’on voit danser, boire, s’amuser l’animateur vedette.

 Difficile de comprendre cette hystérie de haine, tout se passe  comme si la vanne de l’idéologie raciste ayant été ouverte, rien ne pouvait l’arrêter. Seuls au monde dans  leur studio, voila des animateurs gonflés à bloc qui exercent leur pouvoir médiatique, assurés de leur audience.  Le spectacle pose cette question cruciale de la responsabilité de journalistes détenteurs d’une tribune,  qui outrepassent leurs fonctions pour devenir des collaborateurs de la politique en place.

 Les appels à la haine, constamment répétés font  figure d’allumettes destinées à embraser une partie de la population totalement  conditionnée. Ces journalistes avaient ils vraiment conscience d’être des pyromanes ? 

Excellemment interprété, avec une mise en scène réaliste, naturaliste,  voilà un spectacle politique  percutant qui a l’outrecuidance de nous concerner tous alors même que peut être nous ne souvenions pas du génocide rwandais,  il y a juste 21 ans.  Hélas, la France a été témoin aussi de génocides.

 La haine fait partie de ces ressorts humains dévastateurs qui menacent l’humanité.  Sont bien placés pour en parler les rescapés du génocide Tutsi qui témoignent dignement au cours du spectacle de cette catastrophe humaine.

 Paris, le 26 Octobre 2015                           Evelyne Trân

 

 

 

 

PASCAL SANGLA avec Yannick SABAROTS – Concert, tous les lundis à 20 Heures du 12 octobre au 23 novembre 2015 – « A la fenêtre » – LA SCENE DU CANAL – ESPACE JEMMAPES 116 Quai de Jemmapes 75010 PARIS –

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On entendait tomber les feuilles. Cette phrase d’un poème de Maurice Maeterlinck pourrait à elle seule résumer l’état musical de l’artiste Pascal SANGLA, l’homme qui parle aux oreilles des femmes et des hommes, à l’entrée de leurs songes.

Tous les poètes le savent, ils se laissent volontiers émouvoir par la nature, ils entretiennent des conversations, des véritables relations avec tous les éléments, la pluie , le soleil, les arbres etc.

Nous nous moquons souvent de ceux qui parlent de la pluie et du beau temps. La vérité c’est que toutes nos conventions de langage ne sont qu’une fenêtre qui laisse suspendues des émotions qui n’ont pas d’autres choix que de rester muettes parce qu’elles n’obéissent pas aux règles de la grammaire, verbe, sujet complément. Elles nous échappent .

Pascal SANGLA, captif amoureux des petites choses de la vie, aborde donc ces petites grappes de raisin du langage humain , verbe, sujet, complément, en les remuant sous la fenêtre, au bord d’un parapet humide ou ensoleillé . Et du coup, les mots les plus simples se trouvent éclairés, grandis comme l’ombre, et surtout semblent être tissés par la voix de celui qui les dit toujours en s’adressant à des êtres familiers et inconnus à la fois.

Pascal SANGLA est un arbre à voix. Certes sa tessiture principale est grave et douce mais il est très impressionnant de l’écouter s’emporter dans ses propres textes, notamment « on accélère ».

A l’occasion de la sortie de son disque « A la fenêtre » qui nous permet de découvrir des magnifiques poèmes de Maeterlinck, Louis Calaferte, Norge, Eric Chantetelauze, Pascal SANGLA accompagné à la batterie par l’excellent Yannick SABAROTS, effectue plusieurs tours de chant à la scène du Canal-Jemmapes .

Les spectateurs installés à des tables comme dans un cabaret pourraient simuler la forêt qui écoute l’arbre chantant et ses bêtes de scène, le piano, la batterie. C’est une joyeuse fête parce qu’il y est question d’amour mais aussi de rêves qui forgent ces petits circuits émotionnels qui font trouver la vie belle. Cela fait du bien tout simplement de se dire qu’il y a des petits riens, des gestes anodins, des regards à portée de main, à portée d’oreille, à portée d’amour, à vivre musicalement, à vivre tout court.

Mis en scène avec délicatesse par Jeanne HERRY, Pascal SANGLA, pianiste accompli, auteur compositeur de talent et comédien, tacle la poésie avec humour et passion, une poésie bienfaisante, anti stress, à demi-mot, fruitée, touche à tout du quotidien, pleine d’éclairs.

Voilà un spectacle musical et poétique, qualité zen, qui porte la signature d’un artiste résolument poète donc très personnel, donc très riche ! A ne pas manquer !

Paris, le 24 Octobre 2015                        Evelyne Trân

 

LE DINER – Un spectacle du Collectif Jacquerie au THEATRE DE BELLEVILLE – 94 Rue du Faubourg du Temple, 75011 Paris – LE 13 OCTOBRE 2015 – Prochaines dates Le 15 novembre à 20H et le 16 Novembre à 18 H 30 –

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Un spectacle du Collectif Jacquerie

Mise en scène Joan Bellviure

Avec (en alternance) Joan Bellviure, Jean-Philippe Buzaud, Olivier Descargues, Véronic Joly, Stéphane Miquel, Maria Monedero, Juliet O’Brien, Richard Perret, Jennie-Anne Walker

Régie générale Romy Deprez

Avec le soutien du Conseil Départemental du Val de Marne et de la Municipalité de Villejuif

Durée 2H

La proposition est alléchante. Elle séduira tous ceux qui ont rêvé un jour ou l’autre d’être scénariste sinon de sa propre vie, d’une soirée, d’un dîner justement.

Il s’agit tout simplement de mettre vos idées à l’épreuve. Et vous savez que vous n’en manquez pas. Vous en auriez même un peu trop. Qu’à cela ne tienne, un chef d’orchestre très accommodant va les prendre en charge, vous inciter à les partager car vous êtes nombreux à avoir répondu à l’appel. Il suffit que vous suiviez l’un des cinq comédiens de la future pièce et que vous répondiez aux vingt questions élaborées par Joan Bellviure. Les réponses vous appartiennent et peuvent être retenues grâce à un vote à main levée . Que va t-il en advenir, suspens ? Alea jacta est, la balle est désormais dans le camp des comédiens qui vont endosser les personnages que vous avez étoffés de vos désirs.

Pas de mise en scène nous dit le metteur en scène très humble. Tout juste une table et des chaises. C’est encore le public qui choisit toujours à main levée les musiques d’introduction et de fin du spectacle.

Pas de coulisses, les comédiens s’habillent sur la scène. Ils n’ont pas eu le temps de se concerter. Leurs personnages, un couple et trois invités doivent apprendre à se connaître au fur et mesure de la pièce, et donc improviser !

Aucun dogmatisme dans la démarche de la Compagnie mais un réel désir d’exploration de l’essence même de la dramaturgie qui se trouve dans la vie elle même où  découlent nos affects, nos désirs, notre fantaisie et nos folies…

Les comédiens donnent très vite le ton de leurs personnages équipés du seul trousseau de clefs confiées par les spectateurs.

Une belle occasion pour le public devenu dramaturge d’un soir d’exercer son esprit critique face aux situations invraisemblables ou trop vraisemblables qu’il aura suscitées.

Reconnaissons que la complicité des spectateurs donne des ailes aux comédiens manifestement très heureux d’incarner pour un soir et une unique représentation, une pièce cousue de leurs mains.

Un spectacle participatif, jouissif, insolite et stimulant à ne pas manquer !

Paris, le 20 Octobre 2015                                    Evelyne Trân

 

Prochaines dates : Le 15 novembre à 20H, Le 16 novembre à 18H30,  Le 13 décembre à 20H,  Le 14 décembre à 21H15, Le 15 décembre à 18H30,  Le 10 janvier à 20H,Le 11 janvier à 18H30, Le 12 janvier à 21H15, Le 7 février à 14H, Le 8 février à 18H30, Le 9 février à 21H15 .

Dans le cadre du festival NOVART 2015 de BORDEAUX, BONJOUR TRISTESSE A LA MANUFACTURE ATLANTIQUE BANQUET LITTÉRAIRE D’APRÈS FRANÇOISE SAGAN / COMPAGNIE DU CHIEN DANS LES DENTS, le 18 OCTOBRE 2015.

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avec : Bergamote Claus, Thomas Groulade, Anaïs Virlouvet

Voici sorti d’un rayon de bibliothèque papillonnant, le célèbre livre de Françoise SAGAN, « Bonjour tristesse  », direction LA MANUFACTURE ATLANTIQUE à Bordeaux. Inviter un livre à un banquet littéraire, dominical de surcroît, c’est vraiment une superbe idée que défend Frédéric Maragnani , le directeur de la Manufacture .

C’est un bon choix que celui de Bonjour tristesse . Publié en 1954 soit il y a une soixantaine d’années, il fût adapté au cinéma en 1958 par Otto Preminger avec Jean Seberg .

La configuration du banquet permet une mise en espace théâtrale étoilée, c’est à dire que les comédiens peuvent aussi bien évoluer autour des tables que sur une petite scène ou si le lieu le permet au dessus d’un balcon de mezzanine. Les convives ont le choix de piquer le nez dans leur assiette ou de le lever de droite à gauche en se laissant traverser, agripper, solliciter par les voix des comédiens.

Il va sans dire que le menu proposé peut s’inspirer de la substance du livre invité. En ce qui concerne « Bonjour tristesse », pas de charcuterie mais une tarte aux courgettes et anchois, une soupe méditerranéenne, un dessert léger et fondant.

« Bonjour tristesse » est un texte à une voix, celui d’une jeune fille Cécile qui défriche les porte-bonheur et malheur de l’amour sous de multiples facettes, les siennes, celle de son père volage, celles de ses deux maîtresses, l’une mûre, intelligente et dure, l’autre plus jeune mais superficielle.

Cet aspect multi-facial de l’œuvre est fort bien exprimé par la compagnie Du Chien dans les Dents qui a voulu orchestrer à plusieurs voix comme dans une symphonie, la naïveté, la mélancolie, la jeunesse qui émanent des propos de Cécile.

Nous avons été séduits par l’interprétation des comédiens qui rendent hommage à la fraîcheur volubile de cette jeune écrivaine Françoise SAGAN que François Mauriac qualifiait de charmant petit monstre.

Fraîcheur de bon augure pour un roman de jeunesse, d’une étonnante maturité, qui joue des rouages de notre belle vieille langue classique, des jeux d’Eros et Thanatos, l’œil malicieux sous le nuage. Bonjour tristesse !

Paris, le 19 Octobre 2015                               Évelyne Trân

Dans le cadre du festival NOVART 2015, LE TAROT PERFORMANCE D’ ALEJANDRO JODOROWSKY au CAPC DE BORDEAUX, les 17 et Octobre 2015

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C’est assez mystérieux, cela fait écho à toutes ces sources invisibles immatérielles, dont on pourrait imaginer le manège au dessus de nos têtes. Nous sommes tous des extra- terrestres nous dit Alejandro JODOROWSKY et nous avons à peine le temps de rassembler quelques pièces du puzzle de notre identité humaine qu’il enchaîne avec les 22 arcanes du tarot de Marseille. Les cartes grandeur nature à hauteur d’enfant, sont de véritables compagnes pour lui. Son rôle en tant que psycho magicien c’est d’instaurer entre les spectateurs et les cartes un jeu de va et vient perceptif comme si les cartes brûlaient d’être interprétées, se laissaient aimanter par les rêves, les désirs, les fantasmes des observateurs.

L’intérêt du jeu évidemment, c’est la place laissée au hasard qui va creuser l’inconnu au sein d’une combinaison inattendue de cartes bien vivantes capables par leurs seules figures, leurs appellations, aussi bien de réveiller nos peurs, nos superstitions que nos espoirs.

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JODOROWSKY nous fait la démonstration qu’une carte par exemple celle du diable doit être interprétée en fonction des autres cartes. Tout l’art consiste à faire communiquer les cartes entre elles en ayant à l’esprit que ce que nous appelons hasard n’est pas aussi fortuit que nous le croyons. C’est un signe qui dépend certes de notre bon vouloir mais aussi de notre capacité de l’appréhender soit de façon négative ou positive. Certains verront dans la fiente qui vous tombe sur la tête un bon ou un mauvais présage Mais il s’agit d’aller plus loin, toujours plus loin, c’est ce que permet la combinaison des cartes qui vient troubler notre perception la plupart du temps figée par nos habitudes, nos préjugés, notre raison plus accrochée à la terre qu’aux vertiges de l’inconnu .

L’initiation au tarot de Marseille par JODOROWSKY dans la superbe nef de CAPC de BORDEAUX, fait partie du programme de choix du festival NOVART . L’élégance de l’homme, sa simplicité lumineuse, sa tendresse au coeur de ce festival, nous a véritablement émus, marqués du sceau de son prestige d’extra-terrestre !

Paris, le 19 Octobre 2015                                  Evelyne Trân

N.B : A voir au CAPC l’exposition ALEJANDRO JODOROWSKY du 28.05.2015 -> 31.10.2015 conçue par Andreas Angelidakis à partir des vingt-deux arcanes du jeu de cartes divinatoire.

Dans le cadre du festival Novart 2015 de BORDEAUX – LORENZACCIO – Texte Alfred de Musset – Mise en scène Catherine Marnas – du 7 au 22 Octobre 2015 au TnBA -Théâtre du Port de la Lune –

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Lorenzaccio_05.10.2015_461Avec : Frédéric Constant, Vincent Dissez, Julien Duval, Zoé Gauchet, Franck Manzoni, Catherine Pietri, Yacine Sif El Islam, Bénédicte Simon / Assistante à la mise en scène : Odille Lauria / Scénographie : Cécile Léna, Catherine Marnas / Lumières : Michel Theuil / Création son : Madame Miniature avec la participation de Lucas Lelièvre / Costumes : Edith Traverso, Catherine Marnas / Maquillage : Sylvie Cailler / Fabrication décor : Opéra National de Bordeaux / Production : Théâtre national de Bordeaux en Aquitaine / Coproduction : Maison de la Culture de Bourges / Avec la participation des Treize Arches – Scène conventionnée de Brive / Création le 7 octobre 2015 au Théâtre national de Bordeaux en Aquitaine / Remerciements Alexandre Péraud

Crise de valeurs, déceptions, dégoût constituent la matière grise du personnage de Lorenzaccio, l’alter ego politique de Musset. Musset n’avait que 23 ans lorsqu’il entreprit d’écrire LORENZACCIO, en réaction aux événements qui venaient de se dérouler en France, la prise de pouvoir de Louis Philippe après les journées révolutionnaires de Juillet1830.

La pièce monumentale avec 36 tableaux, une centaine de rôles, fut publiée dans une revue « Un spectacle dans un fauteuil » mais ne fut pas représentée du vivant de Musset.

Pourquoi donc monter aujourd’hui LORENZACCIO même dans une version très allégée ? Pour Catherine MARNAS, ce personnage qui accomplit son vœu, tuer le tyran Alexandre, sans croire que son action aura l’effet escompté, la libération de Florence, témoigne d’une lucidité terrible, elle l’accule dans une solitude désespérée.

Ce désenchanté politique fait donc écho au sentiment de crise généralisé « aux bras morts » des politiques qui tournoient autour d’un tyran économique, sans ressort parce qu’ils n’ont plus d’idéal. Quels idéaux en effet au risque de soulever des ricanements peuvent s’affranchir des réalités économiques mondialistes ? Ceux qui s’accrochent aux soi-disantes règles du jeu n’ont pas d’autre contenance que de s’y complaire.

Lorenzaccio et en cela son geste est purement romantique se jette vivant dans un gouffre. Sa faille c’est la solitude, il eût du savoir qu’il n’est pas possible d’agir seul. Sa conscience exacerbée n’aura fait que tourner autour de lui-même. Incapable de compromis, son action est vouée à l’échec.

Il est néanmoins possible de tirer des leçons de l’échec de Lorenzaccio. Certes la position de Lorenzaccio est extrémiste, mais il a le mérite d’aller au bout de lui-même, et pourquoi ne pas le dire sa conscience individuelle est beaucoup plus parlante, plus humaine que tous les discours politiques de langue de bois. Souvenons nous de Daniel BALAVOINE qui interpellait François MITTERAND en lui disant que les jeunes n’en pouvaient plus ! Du passé déjà bien sûr !

Il n’est pas évident de faire le parallèle entre le règne du tyran Alexandre de Médicis, à Florence en 1537, et notre époque. Musset s’est beaucoup documenté pour l’aspect historique de cette pièce mais en vérité c’est son propre temps qu’il interroge, celui de l’arrivée au pouvoir de Louis Philippe.Il pointe du doigt la corruption politique, le machiavélisme des hommes de pouvoir dissimulés derrière leur homme de paille, tel Alexandre un débauché plus inconscient que méchant.

Le carnaval de la débauche d’Alexandre et ses amis pourrait bien passer pour une métaphore du carnaval des grandes manifestations électorales avec musique techno.

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Dans cette mise en scène, Catherine MARNAS a la main de velours dans un gant de fer. Le velours c’est la place donnée au personnage de la marquise voluptueuse, mais oh combien idéaliste interprétée par Bénédicte SIMON, étincelante. Le fer s’exprime notamment dans sa vision du personnage de Lorenzaccio qu’elle nettoie de son faste romantique à la Gérard Philipe, et qui devient incarné par Vincent DISSEZ à la fois plus mordu et sec en véritable animal politique.

Si le souffle romantique de Musset continue à vibrer dans cette mise en scène, ce n’est pas pour endormir les esprits, juste pour faire la balance avec cette ferveur qui émane de Lorenzacio en dépit de son accablement, un Lorenzaccio qui a l’autorité de son intransigeance, de sa droiture qu’il met au service d’un idéal. La flamme est haute mais elle respire encore !

Voilà une mise en scène très juste, réfléchie, qui interroge le cœur même du texte de Musset (la pièce mérite d’être lue dans son intégralité) de façon tonique mais refusant les effluves, avec une belle distribution.

Paris, le 19 Octobre 2015                 Evelyne Trân

ORPHANS au THEATRE DE L’ESSAION – 6, rue Pierre au lard (à l’angle du 24 rue du Renard) 75004 Paris – du 27 Août 2015 au 19 Décembre 2015 Les jeudi, vendredi et samedi à 21h30

ORPHANS BIS

Auteur : Lyle Kessler

Mise en scène : Sylvy Ferrus

Distribution : Etienne Ménard, Vincent Simon, Bastien Ughetto

Durée (mn) : 1h30 

La violence n’est pas une fatalité, tel semble être le message de cette pièce qui se déroule comme un psychodrame très intense mettant en présence trois orphelins.

Deux frères Treat et Phillip vivent en huis clos dans la maison de leurs parents décédés, nous l’apprendrons au cours de la pièce, depuis de nombreuses années. Phillip le plus jeune se souvient à peine de ses parents, il est sous la tutelle de son frère aine Treat qui entend jouer le rôle de chef de famille.

Treat, un petit délinquant, en réalité est complètement immature, il s’est construit une identité de façade d’homme fort vis à vis de son frère et est devenu prisonnier de son personnage . Ses conflits internes, notamment le désespoir qu’il a éprouvé à la mort des parents, il n’a pas pu les exprimer. Dès lors, il semble avoir développé une névrose affective qui le conduit à terroriser et à séquestrer son jeune frère alors même qu’il l’adore. Phillip se comporte comme un enfant désemparé mais aimant qui accepte l’autorité de Treat, puisqu’il n’a pas d’autre repère. Son seul échappatoire est la télévision.

Treat ramène un jour dans la tanière une homme bizarre, complètement ivre, Harold. Découvrant que ce dernier est très riche, Treat décide de le prendre en otage pour obtenir une rançon.

HAROLD, personnage très étrange, va se comporter vis à vis de ces preneurs d’otage avec une bienveillance tout à fait déconcertante. ..

La pièce tient du polar psychologique. Elle ne donne pas de leçons, il n’y a pas d’explication satisfaisante. Les personnages évoluent dans un brouillard affectif désespérant, aveuglés, ils réussiront pourtant grâce à Harold à se tendre la main.

L’impact de la rencontre entre les deux frères et Harold, est exprimé de façon quasi irrationnelle. Les personnages ont le langage sourd et muet de l’inconscient . Ils se retrouvent sur la même charnière entre la vie et la mort.

La mise en scène de Sylvy FERRUS relève les contrastes de chacun des protagonistes. La violence physique, l’énergie désordonnée des deux frères s’émoussent face à un Harold, toujours très attentif, imperturbable.

Cette présence d’Harold énigmatique, imposante, charmeuse aussi, est exprimée de façon remarquable par Étienne MENARD.Vincent SIMON, Treat et Bastien UGHETTO, Phillip sont également très impressionnants.

Nous pourrions croire vu le thème de la pièce avoir affaire à un mélo du style « Sans famille » d’Hector Malot, mais rien de tel. L’auteur Lyle KESSLER concentre son sujet sur les arcanes mystérieuses de ces trois orphelins, en véritable explorateur d’abîmes humains.

La metteure en scène et les comédiens ont mis en œuvre tous leurs talents et leur passion pour cette pièce passionnante, saisissante, véritablement percutante ! Ils font résonner cette phrase si rare et si juste «Tous les hommes ont besoin d’être encouragés un jour ou l’autre ».

Paris, le 17 Octobre 2015                                      Évelyne Trân