FILLE DU PARADIS d’après PUTAIN de Nelly ARCAN – Adaptation et mise en scène de Ahmed MADANI – avec véronique SACRI à 14 H 10 du 4 au 26 Juillet 2015 au Théâtre GIRASOLE – 24 Bis rue guillaume Puy 84000 AVIGNON –

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Tirée du récit PUTAIN de Nelly ARCAN, l’histoire de la fille du paradis, fait penser à un immeuble dont la façade a été marquée par les flammes d’un incendie.

La jeune femme qui apparaît sur le plateau est belle, elle est habillée en noir peut être trop sagement. C’est déconcertant, voilà une femme qui raconte son expérience d’escort girl et qui n’a pas l’air d’une putain !

Le metteur en scène Ahmed MADANI couve d’un regard juste et délicat cette jeune femme fraîche . D’emblée, le spectateur n’a pas la sensation d’être un voyeur venu écouter les confessions sulfureuses d’une prostituée. Car le réquisitoire de Nelly ARCAN contre la condition sexuelle des femmes dans la société n’a rien de sulfureux.

N’être qu’un corps, une image, un sexe, vis à vis d’un ou d’une autre, c’est une sensation terrible . Les mots de Nelly ALCAN ont cela d’incroyable qu’ils donnent l’impression d’être des petits cailloux de chair porteurs de la mémoire de son corps blessé, avili, méprisé.

Les hommes qui ont recours aux prostituées pour assouvir des besoins sexuels naturels – après tout la prostitution n’est il pas le plus vieux métier du monde – savent ils que la chair et l’âme ne font qu’un.

Nelly croyait ne vendre que son corps mais sa tête qui ne plie pas, qui enregistre tout, l’oblige à cogner contre ses souvenirs, à se demander pourquoi, comment, elle s’est retrouvée piégée parce qu’un jour comme toutes les femmes, elle a voulu plaire, prendre du plaisir. Cela avait l’air si facile, si naturel…

Les journaux féminins qui entendent cultiver l’image d’une femme belle, jeune, ne font pas autre chose que de mettre en valeur nos comportements les plus primaires. Au balai les intellectuelles, ce sont des chieuses. Et puis faut être réaliste, tant pis pour la vulgarité du propos, la queue d’un homme ça ne pense pas, ça bande !

Nelly devenue Cynthia confie en effet : Chaque bout de queue bande de ma putasserie . Chacun est le seul à me faire plier – Que voient ils en moi ? Le lit, la table de chevet, le fauteuil ? – Minute après minute, heure après heure, jour après jour, je laisse la motte de poils différents au milieu de la pièce . – Trop de clients sont semblables par la misère des hommes à aimer la putain. –

La chair de Nelly est devenue écrivaine. Véritable travail que celui de l’écriture destiné à élever une digue de fortune. Oui, Nelly clame son existence, face à des bourreaux anonymes accrochés au miroir, oh combien lucratif, de la belle femme jeune et sexy.

Au milieu de la scène sombre, où l’on voit de côté quelques chaises se chevaucher, Véronique SACRI seule apparaît, incandescente, habitée par la langue tourmentée de Nelly ARCAN. Elle est une femme et peu importe notre sexe, c’est ainsi que nous la voyons, l’entendons à travers son tissu de voix plein de reliefs, si jeune, si pur…

Paris, le 20 Juillet 2015                          Evelyne Trân

 

LE MANAGER, LES 2 CRAPAUDS ET L’AIR DU TEMPS par la Compagnie ACTA FABULA du 4 au 25 Juillet 2015 à 16 Heures au GRENIER A SEL – 2, rue du Rempart Saint-Lazare 84000 AVIGNON –

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Interprète(s) : Loïc Auffret, Christophe Gravouil, Solenn Jarniou
Mise en scène : Solange Malenfant
Crapaud des villes : Gilles Bouhier
Crapaud des champs : Denis Poulin
Création lumière : Yohann Olivier

Voilà une pièce irrésistiblement drôle, d’une subversivité délicieuse de nature à libérer de leurs complexes, les clients de Pôle emploi.

L’entretien avec un conseiller de Pôle emploi ou un employeur est incontournable. Dans la situation de demandeurs, nombre de candidats à un emploi peuvent perdre leurs moyens, bafouiller, avoir le tract devant devant celui ou celle capable de les jauger d’un seul coup d’œil. Et quand la sentence tombe “Non vous n’avez pas le profil”, il faut se contenter de quitter le bureau, la tête ou la queue basse .

Combien de livres pour expliquer aux chômeurs comment ils doivent se comporter pour retenir l’attention d’un futur patron. Dans ce monde impitoyable où le temps presse et recule, sachez que votre image et vos manières de parler comptent autant sinon plus que votre curriculum vitae. Affaire de psychologie, de flair, puisque étant donné le nombre de chômeurs, un conseiller de Pôle emploi n’a pas de temps à perdre, il doit avoir du nez et renifler dès votre arrivée dans son bureau si vous correspondez à l’emploi auquel vous postulez.

Essayez d’oublier ce qui vous distingue du lot, votre moi je n’intéresse personne. Par contre votre capacité à jouer le jeu, à entrer en empathie avec votre interlocuteur sera certainement appréciée.

Si cela peut vous rassurer, pensez et ce n’est pas une fable que les conseillers de Pôle emploi peuvent aussi être menacés de licenciement, s’ils ne réussissent pas à sortir du chômage au moins une brebis par jour. Soyez cette brebis !

Dans un scénario,fort bien ficelé, Solenn JARNIOU, met en scène deux crapauds , une chômeuse et un chômeur qu’un manager, un coach, doit remettre en selle. Les deux gusses en question sont absolument rédhibitoires, l’un ne parle qu’en alexandrins, l’autre en argot.

Le manager qui connaît parfaitement ces deux langues ne se laisse pas démonter, il n’a qu’un but : apprendre à parler normalement à ces deux handicapés du langage.

 Les joutes verbales entre le manager, l’homme qui ne sait parler qu’en alexandrins et la chômeuse vulgaire qui maîtrise l’argot comme personne, emportent les spectateurs dans un délire de bon aloi puisque s’il s’agit pour le manager de faire accoucher ces phénomènes, d’une petite souris qui entraînera toutes les autres propres et saines, une petite crotte communicative et pourtant si étincelante, un petit sésame : Bonjour !

Les deux chômeurs ne savent même pas dire bonjour. Cela leur arrache les lèvres, pourrait même faire sauter leurs plombages. Crie t-il au loup, celui qui claironne son bonjour ou se trouve t-il atteint d’une mélancolie désastreuse celui qui le pousse d’une voix si basse qu’on pourrait le ramasser sous la poussière. Vous l’avez compris, votre bonjour doit être posé, lisse comme un galet, et si possible juste aimable, pas davantage.

Fine bouche et mine de rien Solenn JARNIOU convoque le public à un cours magistral linguistique de haut vol. Fort probable que cette artiste ait fréquenté Rabelais, Molière, Michel Audiard, Racine, enfin tous ces orfèvres de la langue. Il est possible aussi qu’elle connaisse Nathalie Sarraute si sensible aux intonations de mépris, involontaires qui sulfatent d’un poison amer nos propos les plus convenus.

Sachez donc lustrer, astiquer les clés de mots que vous utilisez de façon à ce qu’elles ne fassent pas grincer les poignées ou les serrures des portes que vous êtes obligés, qui que vous soyez, de franchir pour continuer votre chemin !

Toutes les vannes qu’ouvre la talentueuse Solenn JARNIOU font glousser de bonheur les spectateurs. Elle même comédienne assure avec Solange MALENFANT, une mise en scène clinquante et réaliste, accompagnée d’excellents partenaires, Loïc AUFFRET et Christophe GRAVOUIL. Quand les mots à force de se prendre au sérieux dérapent, mieux vaut en rire. Et si la leçon finit par vous tirer les larmes, à votre insu, dîtes vous que vous n’êtes pas un malheureux président obligé de serrer des milliers des mains, soyez naturels, tant pis pour vous et pour Pôle emploi !

Paris, le 20 Juillet 2015                             Evelyne Trân

 

SARAH de John MURRELL – ADAPTATION Eric-Emmanuel SCHMITT – par la Compagnie des Ambroisies avec Marthe Vandenberghe et Jean-Christophe Armand au Théâtre Littéraire LE VERBE FOU – 95, rue des Infirmières 84000 AVIGNON à 16 H 45 – du 4 au 26 Juillet 2015 –

A.Affiche_Sarah_AVIGNONMise en scène : Marthe Vandenberghe
Interprétation : Marthe Vandenberghe, Jean-Christophe Armand
Décors, costumes et affiche :Grain d’ Sel
Coiffure : Marticoup’ Arles
Bande son : Philippe Monpert
Réglages lumières : Didier Champion
Photos : Véronique Tabar

La petite scène, un véritable petit écrin de douceur, a été aménagée en salon mondain pour accueillir la prestigieuse, l’impérissable Sarah BERNHARD, sinon la plus grande comédienne de tous les temps, celle qui a réussi à imposer son image, sa voix, un peu partout dans le monde, utilisant tous les médias possibles à son époque, c’est à dire, la radio, le gramophone, les affiches publicitaires, la littérature, la peinture etc. Elle eût droit comme Victor Hugo qui lui offrit le rôle d’Hernani, à des funérailles nationales !

Une femme extraordinaire donc, devenue un mythe. Née en 1844 d’un père inconnu et d’une mère courtisane, élevée au couvent, elle fait figure d’aventurière théâtrale en un temps où les femmes, souvenons nous, n’avaient guère le droit à la parole, n’avaient pas le droit de vote, et si elles étaient bourgeoises, condamnées à jouer les  femmes au
foyer. Rendez vous compte ! Cette femme a connu Oscar Wilde, Sacha Guitry, Edmond Rostand, Cocteau, Jules Renard, Marcel Proust etc. Elle a interprété les plus grands rôles de tragédie à la Comédie Française et au sein de sa propre troupe qu’elle a entraînée au bout du monde, se réservant même des emplois masculins, ceux d’Hamlet et de l’Aiglon.

Un tourbillon que cette femme ! Nous comprenons pourquoi un de ses admirateurs canadiens John MURRELL a choisi de la mettre en scène à une période de de sa vie, la moins tumultueuse. La dernière, cela va de soi mais quoique…

Sarah Bernhardt, interprétée avec grande classe par Marthe Vanderbergue, bien que presque clouée dans son fauteuil – elle a été amputée d’une jambe – déborde encore de vitalité. Elle ne cesse d’asticoter son fidèle secrétaire, le dénommé Pitou, un amoureux transi peut-être, lui demandant de jouer quelques scènes de sa vie passée, les plus intimes, en endossant les rôles de divers personnages dont le plus étonnant est celui de la mère.

La comédie est fort bien enlevée, légère. Il y a du froufrou dans l’air celui qu’exaltent les mouvements de robe de Sarah. Impossible de l’imaginer austère cette grande dame. Elle n’en garde pas moins son mystère qui plisse à travers les yeux rieurs et pleins de gourmandise de son interprète. Jean-Christophe ARMAND, son complice partenaire, parfaitement drôle, est excellent.

Un bon moment de théâtre qui fond comme un morceau de sucre dans une tasse de thé au salon de Sarah Bernhardt. Le public s’y croit !

Paris, le 19 Juillet 2015                              Evelyne Trân

MARCHE – RITUEL THEATRAL D’AVANT LE COUCHER DU SOLEIL – PAR LA COMPAGNIE SERGE BARBUSCIA DANS LA COUR DU MUSEE ANGLADON – 5, rue du Laboureur 84000 AVIGNON – du 4 au 26 Juillet 2015 à 19 Heures –

MARCHE-977x1024D’après le texte de Christian Petr
Mise en scène: Serge Barbuscia
Composition musicale: Dominique Lièvre
Avec Camille Carraz, Aïni Iften, Gilbert Laumord, Fabrice Lebert, Serge Barbuscia

Nous pouvons nous le demander, sommes nous bonne ou mauvaise conscience, nous qui levons les yeux au ciel, nous qui passons en aveugles dans les rues pour ne pas les voir, juste les frôler les vagabonds par crainte d’être assaillis par leur misère car la misère est une maladie aussi honteuse que la lèpre.

Ne soyons pas angéliques, la misère a toujours existé, elle fait partie de notre monde, c’était déjà écrit dans la bible “Bienheureux les pauvres !”.

« Et le progrès alors ? » se mettront à glapir quelques esprits chagrins. On croirait que ce cri sort d’une poubelle qui déborde ! Et vous, est ce que vous trouvez cela normal qu’au petit matin en sortant de votre immeuble vous puissiez tomber sur des gens en train de fouiller désespérément dans un conteneur ?

Entrez vous le dans le crâne, une fois pour toutes, vous venez de heurter un fantôme qui vit dans un monde parallèle qui n’est pas le vôtre. Certes, ce fantôme vous ressemble, il a des pieds, des mains. Mais essayez de comprendre, dans sa tête ce n’est pas la même chose que dans la vôtre. Le fantôme dont vous parlez, il a largué les amarres depuis longtemps . Il n’a pas de point fixe comme vous, un logement, un compte en banque, internet, internet, un blog, un téléphone portable. Il vit dans la rue parce que la rue appartient à tout le monde, encore ! Mais ce n’est pas si sûr, souvenez vous de ce politique à Montpellier qui voulait chasser tous les mendiants parce qu’ils donnaient une mauvaise image de la ville.

Levez donc le bras au ciel ! Et le ciel, le soleil, la pluie à qui appartiennent ils ? Ne rêvez pas, il n’ y a pas de mauvais sort qui tienne ! Même le soleil a été accaparé par des hommes marchands, c’est dans les régions les plus ensoleillées que se construisent les plus belles villas autour d’un piscine ! Arrêtez avec votre angélisme ! Ok, nous arrêtons, mais laissez nous l’espace d’un instant de théâtre imaginer autre chose. Après tout cet homme qui marche en rond en bas de mon immeuble doit être très étonnant ? N’est ce point extraordinaire à notre époque de vivre sans d’autres chaines que son propre corps ? Cet homme là qui marche doit avoir des antennes comme un escargot, des antennes peut être plus disponibles que les nôtres.

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Qui n’a pas regardé qui ? Dans une arène imaginaire où trône un fossé, cinq comédiens arpentent les parapets qui les séparent de l’homme qui marche. Ils sont comme des funambules, ils ont dans la bouche ce zeste d’émotion qui alimente le long poème de Christian PETR, l’homme qui regarde l’homme qui marche.

Les esprits sont-ils convoqués ? Le ciel, la terre, le public ?

Les comédiens du théâtre du Balcon ont investi la cour du musée ANGLADON pour en faire non pas une cour de miracles, mais une cour de théâtre ambulant. Les comédiens, ne l’oublions pas, sont avant tout des saltimbanques à la fois colporteurs et mendiants de bonheur.

Leur mission c’est aussi celle de fourrer leurs mains dans le puits de nos consciences obscures, leur mission c’est aussi de faire trembler nos âmes dans cette eau que nous croyons calme à l’abri du tumulte.

Car il y va de cette eau comme celle de nos regards, elle glisse, elle est fuyante mais elle n’est jamais complètement noire. Les cinq comédiens agitent donc leurs mouchoirs de tête, en chantant en dansant, avec une trompette, un tambour, comme des magiciens, mais ce n’est pas les oiseaux qu’ils appellent sur leurs épaules, c’est le regard du public de façon que ce regard, oui, ait le droit de se croire écuelle de vie aussi bien troublée par le vent, par le soleil couchant que par le poème d’un poète juste subjugué par un homme qui marche.

Moment de théâtre privilégié dans une sorte de jardin des Hespérides.  Certains spectateurs peuvent avoir l’impression de se trouver démunis face à la charge émotionnelle que dégage la troupe des comédiens, rejointe par celle des compagnons d’EMMAUS venus déposer leurs valises pour témoigner – l’avons nous vraiment cru – que les sans domicile fixe ne sont pas des fantômes !

Merci à Serge BARBUSCIA et à son équipe ainsi qu’à celle des compagnons d’EMMAUS pour ce grand moment de partage qui fait la part belle au public. Dans ce jardin, il se sent aussi bien qu’un arbre applaudissant !

Paris, le 19 Juillet 2015                                Evelyne Trân

Le dernier jour d’un(e) condamné(e) de Victor HUGO avec Lucilla SEBASTIANI au THEATRE DES CORPS SAINTS – 76 Place des Corps Saints 84000 AVIGNON – du 4 au 26 juillet 2015 à 11 heures – relâche les 13, 20 juillet –

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Interprètes / Intervenants

Interprète(s) : Lucilla Sebastiani
Metteur en scène : Pascal Faber, Christophe Borie
Créateur Lumière : Sebastien Lanoue
Producteur : Serge Paumier
Créatrice sonore : Jeanne Signé
Adaptatrice : Florence Le Corre
Costumière : Madeleine Lhopitallier
Chargée de diffusion : Dorothée Avet

Le dernier jour d’un condamné à mort pourrait bien figurer l’épine dorsale de l’oeuvre de Victor Hugo. Parce que paradoxalement, il s’agit d’un hymne à la vie. Victor Hugo avait 28 ans lorsqu’il a écrit ce texte . L’homme qui parle dans son cachot en attendant le couperet n’est qu’un humain au sens le plus littéral. Faut-il qu’il soit acculé à la dernière extrémité pour rendre grâce à la vie ?

L’humain condamné est jeune et sain, en pleine force de l’âge. La vie qu’il sent en lui, on est en train de lui dire qu’au nom de la loi, on va l’arrêter. Qui ça on, des juges, des bien pensants, qui tiennent pour rien l’arbre de vie que représente son corps – Vous allez me tuer en pleine chair pensante, crie cet humain, vous allez me tuer vivant alors que je suis déjà mort pour vous, parce que ceux qui condamnent à mort n’entendent pas la vie. –

A travers le regard de cet humain qui n’a plus que quelques semaines à vivre, Victor Hugo dénonce, l’attitude inique des juges qui se retranchent derrière l’écriteau de la loi. Que peuvent ils faire d’autre d’ailleurs ? Faut-il qu’une sentence de mort mette fin aux troubles de la pensée, au doute. – Oui, maintenant que cet homme a été condamné, nous pouvons arrêter de penser à cet homme criminel. Qui prouve d’ailleurs qu’il fût un homme, il n’existe plus, nous l’avons effacé . Seul le tranchant un peu rouillé de la guillotine pourrait rappeler notre geste . –

Le souvenir d’une exécution publique d’un condamné ne s’est jamais effacé de l’esprit de Victor Hugo qui a combattu sa vie durant pour l’abolition de la peine de mort. Le journal d’un condamné à mort est un témoignage ulcéré de la part d’un homme qui se demande comment rester humain dans une société aveugle, devenue une bête humaine lorsqu’elle crie “A mort” pour réclamer la tête du criminel.

Il s’agit d’un texte fort qui a du ventre, des tripes. Qui mieux que Lucilla SEBASTIANI peut mettre en valeur ce texte en chair et en os. Car il faut de l’étoffe pour incarner cette condamnée qui parle de la vie d’une façon si lumineuse. Impossible d’oublier la prestation de cette comédienne et la mise en scène de ce spectacle.

Parce que c’est extraordinaire de ressentir comment la présence d’un seul être peut remplir l’espace qu’il soit celui d’une chambre ou d’une geôle. Plus que les chaines, ce sont les ailes de cette condamnée qu’entendent éclairer les metteurs en scène, Pascal FABER et Christophe BORIE, des ailes qui fouillent la vie, de façon sensuelle, à même le sol, à même une marelle où s’écrit à la craie la vie contre vents et marées.

Il faut cette incarnation du roman de Victor Hugo pour comprendre combien il est brûlant, actuel, universel.

Et puis, il faut le reconnaître c’est émouvant d’entendre dire ce texte par une femme, de l’entendre en tant que mère évoquer sa fille Marie. Extraordinaire Victor Hugo capable de se mettre aussi bien dans la peau d’un homme ou d’une femme, nous pensons à Lucrèce Borgia, toujours à la recherche de sa vérité, qu’elle soit obscure ou palpable.

Avec un tel spectacle, il y a le risque de se retrouver face à soi même, mais ce risque d’être touché corps et âme au théâtre, vaut tous les déplacements !

Paris, le 18 Juillet 2015                         Evelyne Trân

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D’UN SOUFFLE TU CHAVIRES, librement inspiré de « Deux mots » d’Isabel Allende du 10 au 23 juillet 2015 à 17 H 30 (relâche le 20 Juillet) par la Compagnie ESCALE dans le cadre du festival VILLENEUVE EN SCENE – Plaine de l’Abbaye 30400 VILLENEUVE LEZ AVIGNON –

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Interprètes / Intervenants

Interprète(s) : Hugues Hollenstein, Grit Krausse, Guillaume Druel
Adaptation : Hugues Hollenstein, Grit Krausse
Musique : Guillaume Druel
Masques et Peintures : Lara Manipoud
Administration : Lucile Malapert
Diffusion : Lucie Arnerin-Idoux
Attachée de Presse : Catherine Guizard

Villeneuve lez Avignon, à deux pas d’Avignon, un lieu unique, la plaine de l’Abbaye, avec des arbres, des arbres envahis par les cigales. Puisqu’elles viennent de faire leur mue les cigales, les spectateurs sont invités à faire la leur avec cette manne poétique que recèle le spectacle de la Compagnie l’Escale « D’un souffle tu chavires », librement inspiré du conte “Deux mots” d’Isabel ALLENDE.

Dans une roulotte aménagée pour donner la vie à tous ces objets à la fois insolites et communs tels des bibelots, une chaise, un livre etc. , dans ce vivier intime, oui, ils semble que les marionnettistes soient entrés en transe fantastique avec leurs jeux de corps et de masques qui s’enroulent, s’enchevêtrent comme s’ils entendaient mimer la danse du dieu indien SHIVA aux huit bras.

Seulement au bout de leurs bras, leurs jambes, leurs pieds, ce sont les personnages du conte d’Isabel ALLENDE qui mènent la danse .

Il y a le narrateur philosophe qui s’amuse du vide derrière son masque, Belissa, la vendeuse de mots et quelque peu sorcière, le Colonel qui ne sait faire que la guerre. Rencontre étrange et impossible entre ce colonel et Bélissa laquelle forcée à écrire des discours électoraux, saura néanmoins jeter un sort au Colonel grâce à deux mots. Qui n’ignore en effet le pouvoir des mots ?

Fabuleux n’est pas un mot trop fort pour décrire ce spectacle. Les masques sont extraordinairement expressifs, les marionnettistes de vrais acrobates et quant au musicien, qui ne ne se laisse pas perturber par le chant des cigales, un véritable chef d’orchestre.

Nous recommandons ce spectacle tout public à partir de 7 ans, d’un charme inouï, inespéré. Nous en avons oublié la chaleur, la fatigue, nous avons fait notre mue comme les cigales !

Paris, le 17 Juillet 2015                               Evelyne Trân

 

 

LA COMPAGNIE SAN TUO QI au Théâtre de l’Etincelle – 14, rue des Etudes 84000 AVIGNON – LE PETIT MONDE à 10 H 30 du 4 au 26 Juillet 2015 – Relâche le 20 Juillet – HYMNE A LA DISPARITION du 4 au 26 Juillet 2015 – Relâche le 20 Juillet – Je poursuis mon voyage après ton départ, à 20 H 45 du 4 au 17 Juillet 2015.

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Photo D.R.

Avignon ne serait par le théâtre du monde sans la présence de la Compagnie SAN TUO QI, ambassadrice de la Chine, venue présenter trois spectacles exceptionnels au Théâtre de l’Etincelle.

En Chine, pour se faire comprendre, il n’ait pas besoin de parler, il suffit de dessiner en l’air un idéogramme chinois. Ce sens du geste est imparable, il est dans l’essence même du théâtre corporel chinois et plus généralement de de tous les arts traditionnels. Comment ne pas être intrigué en contemplant une peinture chinoise ancienne par les calligraphies dansantes toujours en symbiose avec l’image, déroulant un chant de poème mystérieux.

C’est avec beaucoup d’émotion que nous nous sommes laissés submerger par le souffle intemporel de cette Compagnie.

LE PETIT MONDE

Dans le petit monde, elle met en scène des histoires tirées d’un auteur taoïste, Tchouang-tseu, d’une philosophie délicate et merveilleuse notamment celle du rêve du papillon.

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HYMNE A LA DISPARITION

Avec l’Hymne à la disparition, neuf contes muets inspirés de faits divers nous parlent de : La révolution, le mensonge, la confession, le fratricide, le fossé, la solitude, l’adieu, la vie, l’amour. Autant de thèmes qui s’enchevêtrent mimés par les artistes qui ont endossé les masques traditionnels du théâtre Nuo, très expressifs puisque chacun exprime un trait de caractère allant de la gentillesse à la férocité.

Je poursuis mon voyage après ton départ

Avec “je poursuis mon voyage après mon départ” , nous avons assisté à une comédie musicale chinoise tragi-comique. C’est l’histoire de Madame LEE , une dame de 86 ans qui perd son mari au cours d’un croisière, sombre dans la mélancolie puis repart seule pour un nouveau voyage.

Tous les artistes chantent sans mots, utilisant des onomatopées, des cris d’animaux, des bafouillages. A vrai dire nous avons trouvé le spectacle plus drôle que tragique, voire même très gai. L’actrice principale est délicieuse. On l’appelle l’Audrey Hepburn chinoise.

Nous avons été conquis par le dynamisme de cette troupe, qui pète véritablement le feu. L’impression d’avoir été sur un tapis volant chinois, poussés par le vent poétique et gestuel d’artistes accomplis . Ils ont fait le voyage jusqu’à Avignon, et méritent que nous allions à leur rencontre. Dans le théâtre de l’Etincelle, ils ont tout l’air de mages, de véritables mages porteurs de trois spectacles de choix, représentatifs du théâtre corporel chinois.

Paris, le 17 Juillet 2015                           Evelyne Trân

L’inattendu de Fabrice Melquiot par la Compagnie de Villers St Paul Théâtre Tiroir à Présence Pasteur -13, rue du Pont Trouca Avignon – du 4 au 26 Juillet 2015 à 18 Heures – relâche le 17 Juillet –

l-inattendu-festival-off-avignon-2015-compagnie-theatre-tiroirScénographie & Mise en scène : Philippe Georget
Interprétation : Cathy Castelbon
Création lumières : Jérôme Bertin
Création musicale : Charly Mullot
Conception du visuel : Corinne Journo
Chargée d’administration : Mathilde Georget

Ce n’est sans doute pas par hasard que Fabrice MELQUIOT fait des bayous, une région marécageuse de la Louisiane, le paysage mental de Liane qui durant un long poème qui serpente telle une rivière autour des arbres et leurs reflets, se laisse emporter, bercer, sourire en tremblant, en frissonnant, pour s’arracher au vide terrible que représente l’absence de son compagnon.

L’a t-il abandonnée, est-il mort ? Etrange disparition qui évoque une mort flottante, le sourd mystère qu’engrange cette atmosphère humide, vaporeuse et étouffante.

Pourtant Liane essaie de faire surface. Elle est seule, parfois presque recroquevillée au dessus de petites mottes de souvenirs, parfois fantastiques comme l’apparition soudaine de flacons colorés et lumineux offerts, s’imagine Liane, par son amant.

Il y a quelque chose d’animal chez Liane, une sorte de rage amoureuse qui l’empêche de renoncer à l’espoir, le retour de l’amant. Mais elle tourne en rond dans sa chambre et les années passent, les années… Les bayous ont-ils conscience de cette fuite du temps ? Il est terrible quelque part de songer que seule la conscience de Liane luit véritablement. Parce qu’elle entend vivre l’impossible, un amour éternel; elle refuse de faire le deuil, sachant sans doute confusément que le temps fera son travail d’oubli, malgré elle.

L’interprétation de Cathy CASTELBON fait ressentir cette absence charnelle de l’autre, comme si le corps de la jeune femme s’était trouvé amputé d’une part de lui même, et réagissait en aveugle désespéré. Où sont passés les bras, les mains, les caresses de son “petit chou, son tigre”?

Mais elle évite le pathétique, elle est vivante, le corps à l’affût toujours prêt à danser, à chanter pour faire revenir l’amant.

Le décor imaginé par le metteur en scène Philippe GEORGET est particulièrement suggestif. C’est un mât de cocagne dans une pièce circulaire, sorte de nid sylvestre imaginaire qui a la faculté de se déplacer.

C’est surtout un lieu hanté par Liane véritable sœur d’Orphée, son cœur palpite et luit comme les yeux d’une femme à la recherche de son amant. Il est à découvrir à la présence Pasteur où il vibre de toute son ardeur poétique et musicale, passionnément.

Paris, le 16 Juillet 2015                   Evelyne Trân

LA LISTE DE JENNIFER TREMBLAY – MISE EN SCENE : YVES CHENEVOY – du 4 au 26 juillet: Avignon Présence Pasteur 13, rue du Pont Trouca 84000 Avignon à 14h10

photo-la-liste--jennifer-tremblay-10_largeAvec Claudie ARIF

et Léopoldine Hummel

Vous n’iriez pas frapper à la porte de l’héroïne de la liste, la pièce de Jennifer TREMBLAY une auteure Québécoise, à moins d’être un distributeur de tracts publicitaires ou politiques.La porte de son appartement se confond avec toutes les portes de l’immeuble; les bruits d’assiettes, de casseroles, d’aspirateur qui s’en échappent, vous pourriez aussi bien les entendre à Sarcelles, Ivry que dans la banlieue de Montréal.

Celle qu’on étiquette femme au foyer ou ménagère croyez vous n’intéresse que les vendeurs de produits ménagers et elle n’a pas de nom.

Les personnes solitaires qui dans la journée n’ont accès au monde extérieur que par la radio, le téléviseur ou internet, savent que la solitude est une compagne étrange et particulière qui projette toutes sortes de particules invisibles susceptibles sinon de remuer la pensée, la promener, la suspendre, et parfois l’élever. Pendant des années,L’héroïne de la pièce, semble t-il, a laissé faire le silence qui s’est déposé sur chacun des objets de sa cuisine qu’elle connait par cœur.

Aujourd’hui, au moment présent sur la scène, la femme se met à parler. La façon dont elle parle, c’est comme si elle écrivait ses pensées, des pensées qui n’accourent pas, qui ont parfois du mal à suivre ses gestes. Au début le spectateur ne comprend pas ce qu’elle raconte, un peu comme s’il regardait de loin une personne en train de déambuler en zigzag de l’autre côté de la rue. L’irruption d’une autre jolie jeune femme portant en bandoulière un accordéon l’étourdit. Mais oui, c’est la ménagère qui en parlant a provoqué son apparition. Celle qui n’a pas de nom raconte pour elle même et pour qui pourrait l’entendre, le sentiment de culpabilité qui la ronge depuis la mort de sa voisine Caroline. Elle ne l’a pas tuée mais elle s’accuse d’avoir été négligente à son égard, elle une femme perfectionniste qui dresse tous les jours la liste des choses à faire.

En vérité, cette femme est en train d’accoucher d’un mal, d’une douleur sur lesquels les mots glissent, suffoquent, deviennent objets eux mêmes. Heureusement, la femme a recours à de véritables phrases, celles qui lui rappellent sa voisine : Quel film aller voir ? On s’en crisse pas mal ! Caroline aime la facilité d’avoir des enfants. Le regard léger me manque. J’ai trouvé une débarbouillette dans sa culotte . Le linge sale règne dans le salon de Caroline.

Elle se les répète en boucle ces bouts de pensée, ils deviennent ses postits, ils éclairent finalement le visage de Caroline omniprésente.

La mise en scène aérée et bienveillante d’Yves CHENEVOY offre un joli piédestal à la comédienne Claudie ARIF bouleversante dans ce personnage “sans nom”.

La liste n’est pas un spectacle parmi d’autres, il a cet atout de réunir un metteur en scène de talent, une grande comédienne et une auteure Québécoise contemporaine remarquable, Jennifer Tremblay. Chers festivaliers, n’oubliez pas de le mettre sur votre liste !

Paris, le 16 Juillet 2015                                    Evelyne Trân

COMPAGNIE LA CYRENE – PAS DE PARDON du 3 au 26 Juillet 2015 à 13 H 00 au FESTIVAL OFF D’AVIGNON – THEATRE DU CENTRE – 13, rue Louis Pasteur 84000 AVIGNON – Réservations 06 64 91 55 67 –

 

Pas de pardon  le groupe N&B

Description : Au Théâtre du Centre Pas de pardon est le Premier Photo Roman Théâtre de l’Histoire !

De Roger WALLET

Distribution :  avec Julie Evrard, Michel Fontaine,

Guillaume Paulette et Gérard Eloy et la participation de Stéphanie Fibla

Mise en scène : Gilles Rémy  Photographe : Jean-Louis Bouché

Eclairagiste et projectionniste : Jérôme Pigeon

Costumière : Jacquotte Fontaine

40 villageois de Maisoncelle-Saint-Pierre (Oise) et du Beauvaisis 

Vous revenez du festival d’Avignon où vous avez fait une belle provision de théâtre, de rêves et de souvenirs de toutes sortes. Et puis vous allez au supermarché ou chez le dentiste bien décidé à revenir sur terre, quoique encore abasourdi par le chant des cigales.

Comme c’est bizarre, vous n’avez pas sitôt mis les pieds dans la salle d’attente du dentiste que vous vous croyez encore au théâtre . Est ce possible ? Mais oui bien sûr ! vous répondra le Commissaire BOURREL alias Raymond SOUPLEX des Cinq dernières minutes. Y a t-il un Commissaire de l’âme capable de discerner quelques uns de ses mystères ?

Cie DE LA CYRENE _PHOTO-ROMAN_ REF 1843« Le théâtre est la vie » renchérit la Compagnie la Cyrène . Et elle nous le prouve avec un joli spectacle “Pas de pardon” qui, tout en défilant une intrique policière captivante, invite le public à faire connaissance avec les habitants d’un village de Picardie, MAISONCELLE.

Ils sont quarante villageois comédiens en noir et blanc à avoir participé à ce spectacle. Ils composent le roman photo qui illustre brillamment – les photos de Jean-Louis BOUCHE sont superbes – l’histoire policière, concoctée par Roger WALLET et mise en scène par Gilles REMY. L”équipe du spectacle, sur scène, est si bien imprégnée de l’histoire mi fictionnelle, mi réelle qui appartient au village, qu’on peut croire les comédiens surgir des photos elles mêmes.

 Cie DE LA CYRENE _PHOTO-ROMAN_ REF 1437De fait, les quatre artistes présents sur le plateau entraînent avec eux tout le village. L’exercice a quelque chose à voir avec la magie, celle à la fois du conte et de la réalité quelque peu vacillante.

C’est son ici et maintenant qui résonne dans ce spectacle . Les années cinquante se retrouvent nez à nez avec les années 2000 ! Bien qu’il se défende d’être comédien, l’accordéoniste Michel FONTAINE assure avec enthousiasme le rôle d’Hippolyte POTOSKI, le commissaire à la retraite, accompagné de joyeux partenaires, Julie EVRARD, Guillaume PAULETTE et Gérard ELOY.

Pas de Pardon gerard et foutraque 01190

Comment ne pas fondre en écoutant la voix de BREL ou celle de Léo FERRE sortir d’un minuscule pickup ?

Ne dites pas que nous sommes à la brocante ! Les visages qui nous dévisagent sont bien réels . Ils ont autant de secrets que BREL ou Léo FERRE. Mais nous ne vous en dirons pas plus. Pour résoudre l’énigme, il convient de s’adresser à Hippolyte POTOSKI et son équipe qui vous attendent en chair et en os et en musique au Théâtre du Centre, tous les jours à 13 Heures.

Vous y serez bienvenus ! Car à MAISONCELLE comme à AVIGNON , le théâtre c’est la vie !

Paris, le 15 Juillet 2015                           Evelyne Trân