THEATRE DE L’AQUARIUM 1972 – 2016 ?

aquariumLe Ministère de la Culture et de la Communication vient d’annoncer pour juin 2016 l’arrêt du projet du Théâtre de l’Aquarium mis en place par François Rancillac et son équipe depuis six ans.

POUR QUE LE THÉÂTRE DE L’AQUARIUM DEMEURE UN THÉÂTRE DE SERVICE PUBLIC,

SIGNEZ LA PETITION

http://www.theatredelaquarium.net/La-cartoucherie

lien entier : https://www.change.org/p/ministère-de-la-culture-et-de-la-communication-pour-que-le-théâtre-de-l-aquarium-demeure-un-théâtre-de-service-public

merci de votre soutien

 

 

Cercle Miroir Transformation de Annie Baker Au Théâtre de Belleville 94,rue du fg du temple 75011 Paris métro Belleville – le 22 juin à 15h et 21h15 et le 23 et 24 juin à 21h15 – puis du 4 au 26 juillet 2015 à 17h30 Festival Off au Théâtre du Centre 13, rue Louis Pasteur 84000 Avignon –

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Texte de Annie Baker
Mise en scène Nick Millett
Traduction Patricia Morejon et Nick Millett
Avec Basile-Bernard de Bodt, Françoise Huguet, Lucie Millett, Patricia Morejon,
Pierre –Olivier Mornas

Ne l’avez vous pas ressenti cette gêne lorsque incidemment, vous avez posé votre regard sur une personne assise en face de vous dans un bus ? Une personne inconnue, cela va de soi, et aussitôt vous vous dites, ce n’est pas grave. Pourquoi les êtres humains ne seraient ils pas aussi sensibles qu’une flaque d’eau, véritable courant de vie et d’ailleurs aussi bien pour Narcisse que pour tous les porteurs de galets lisses et banaux.

Imaginons un galet lisse et vierge que nous poserions juste à côté de la flaque ou bien là ou nous est attribuée une place, une place toute nue avant que nous y posions nos fesses. D’ordinaire, nous ne questionnons pas le siège du bus sur lequel nous nous asseyons. C’est un peu bête, mais nous ne prenons jamais le temps de dire bonjour aux objets qui nous environnement.

La pièce d’Anne BAKER nous donne ce temps là, un temps inouï, celui catapulté par des personnes qui à la faveur de jeux de rôles et d’exercices incongrus dans le cadre d’un atelier de théâtre, vont pouvoir découdre de leur représentation sociale ou familiale, en dépassant leurs complexes, leur peur du ridicule, leurs blessures secrètes.

Le public qui assiste à cet atelier de théâtre dont les jeux se déroulent in vivo s’attache aux personnages qui évoluent progressivement, se transforment.Cela se passe dans une petite ville du Vermont, aux États Unis, mais cela pourrait se passer n’importe où car les exercices proposés ne font appel à aucune performance, talent ou spécificité . Ils s’adressent à tous indépendamment de l’âge, la situation sociale, les béquilles des uns et des autres.

Les scènes d’atelier sont entrecoupées de scènes plus intimistes qui se déroulent en coulisses avant ou après chacune des 6 séances. Du vivant secondaire qui perle le quotidien, un sac à dos dans un coin dans lequel on va chercher un portable. Tout cela qui échappe à notre essentiel et qui goutte à goutte pourrait devenir insupportable. Et zut, pourrait avoir envie de crier le spectateur, elle est intime cette relation que j’ai avec cet objet. Ne me regardez pas !

Dieu merci, nous sommes au théâtre, il y a un texte donc une distanciation avec le réel . Même si nous avons l’impression de vivre une expérience de télé théâtralité, Anne BAKER nous fait un roman plutôt ironique de nos souffre douleurs quotidiens .Pour sublimer le réel si abscons, si poussif, elle invite même ses personnages à jouer des meubles, des choses, des arbres etc. Fabuleux !

La pièce pourrait être qualifiée d’hybride dans sa relation au temps. Temps réel des jeux d’atelier en groupe, temps plus fictionnel lorsqu’il s’agit de scènes vécues en coulisses par seulement un ou deux protagonistes.

Comme si les confessions de vie ne pouvaient se passer d’imaginaire, hors cadre.

Le metteur en scène Nick MILLET penche le sablier de ce spectacle en retenant sons souffle, en authentique funambule. Quant aux comédiens excellents, nous les confondons complètement avec les cinq personnages qu’ils endossent : l’animatrice impliquée, l’adolescente rêveuse, la comédienne ambitieuse, l’ouvrier divorcé, le mari plein de bonne volonté de l’animatrice.

Un spectacle étonnant et instructif, de nature à apporter un sentiment de respiration salvateur en plein bouillonnement du festival off.

Paris, le 28 Juin 2015                          Évelyne Trân

Punk Rock d’après la pièce de Simon Stephens 25 > 28 juin au Théâtre de l’Aquarium

DIAPO-punkrock-aquariumAvec les élèves de l’Ecole du Nord (Ecole Professionnelle Supérieure d’Art Dramatique de Lille)

avec les 14 comédiens issus de la promotion 4 (2012-2015) de l’École du Nord : Jeanne Bonenfant, Ulysse Bosshard,

Clément De Preiter Baise, Baptiste Dezerces, Hugues Duchêne, Suzanne Gellée, Victor Guillemot, Lola Haurillon,

Jeanne Lazar, Zoé Poutrel, Lou Valentini, Arnaud Vrech, Haini Wang, Johann Weber

La petite salle de l’Aquarium investie par les comédiens de l’Ecole du Nord, devient cinéma théâtre pour une mise en scène à la fois feutrée et intense de Punk Rock, la pièce de Simon STEPHENS qui raconte la vie de jeunes lycéens au plus près de la réalité, c’est à dire une réalité à laquelle personne ne peut échapper, qui renvoit immanquablement à la nôtre jusqu’au moment où survient un drame.

Le principal acteur comme dans les pièces de Corneille ou Racine c’est le temps. Un temps pluriel naturellement qui au théâtre comme au cinéma doit repousser ses limites pour atteindre le spectateur. Temps subjectif de l’adolescence arboré par des adolescents qui peuvent s’éprouver au bord du vide tant les perspectives d’avenir sont angoissantes et qui doivent malgré continuer à faire comme tout le monde, aller aux cours, réussir leurs examens, commencer leur vie amoureuse, le tout derrière leur grille de « prison », le lycée.

Et puis il y a le temps de la cristallisation celle qu’opère le regard de celui qui sélectionne, qui refuse de voir s’échapper quelques moments de grâce, d’émotions et qui va se dépêcher autour des visages, des épaules, des gestes banaux, à l’affût d’une illumination soudaine, parasite, étrangère. Ce regard, c’est le miroir offert aux spectateurs sur l’écran au dessus de la scène, véritable voyeur insatiable qui grossit les visages, les gestes ordinaires, comme au cinéma.

La mise en scène au cordeau de Cyril TESTE entend diluer l’effet spectral de la scène sous le film de la caméra . La performance filmique qui rappelle ses codes, ses contraintes au début du spectacle s’empare de la pièce de Simon STEPHENS comme d’un tissus de vie, une sorte de tapis palimpseste qui dégorgerait sa poussière pour faire entendre les voix, tous les petits drames enfouis dans les motifs pourtant si connus de la vie de lycéens.

Les décors de scène réalistes sont empreints de la mélancolie sourde de ces jeunes êtres qui vivent dans des locaux étroits et sinistres et n’ont pour horizon qu’une porte peinte vitrée. L’on comprend alors l’œil persistant de la caméra qui aboie autour des personnages .

Nous avons envie de saluer l’interprétation des deux artistes principaux mais aussi la performance de toute l’équipe des comédiens dans cette mise en scène particulièrement impressionnante de Punk Rock, éloquente et talentueuse !

Paris, le 27 Juin 2015                              Évelyne Trân

 

 

 

 

CELINE/PROUST: UNE RENCONTRE ? (faire bouillir le chevreau dans le lait de sa mère – Du 04 au 26 Juillet 2015 – Théâtre du petit Louvre – 23 rue Saint-Agricol à Avignon –

YVAN MORANE

Composé par Mikaël Hirsch et Emile Brami à partir de textes de Marcel Proust et Louis-Ferdinand Céline.

Mise en scène, scénographie et lumières : Ivan Morane
Décor et costumes : Lucie Albugues

Avec
Silvia Lenzi – musicienne
Ivan Morane – comédien
Et Eugénie Marcland

Avec la voix de Marie-Christine Barrault

Durée : 1 heure 10Idée judicieuse s’il en est que celle de faire se rencontrer à leur insu, deux monstres de la littérature française, PROUST ET CELINE.

Au cours de leur existence, les deux écrivains ont disséminé dans des correspondances, des confidences sur leurs mères et grand-mères respectives.

Une génération sépare CELINE de PROUST, l’un est né en 1871,  l’autre en 1894. Cette distance n’est pas vraiment importante. Par contre, l’on découvre par les voix d’Ivan MORANE qui passe de CELINE à PROUST avec une aisance remarquable, des différences sociales qui éclairent quelque peu les personnages.

PROUST est  issu d’un milieu grand bourgeois, raffiné et cultivé. CELINE avait pour mère une petite commerçante, qui avait beaucoup de mal à joindre les deux bouts. Son enfance s’est déroulée dans une ambiance proche de la pauvreté.

Le contraste entre ces deux univers est presque comique. L’assemblage des lettres  est si bien réussi que l’on a l’impression, parfois, que les deux écrivains se répondent. Et très curieusement, de fil en aiguille, des ressemblances immergent qui font que CELINE qui parait au premier abord brutal, se révèle particulièrement émouvant lorsqu’il parle de la mort de sa mère, et se rapproche de PROUST, qui bien au delà de sa préciosité, pouvait être cinglant.

Les voix de CELINE et de PROUST se retrouvent dans l’intimité, elles paraissent à la fois venir de très loin et parfois au contraire vouloir s’ imposer pour répéter à l’infini l’amour pour leurs mères.

La très fine musicienne Silvia LENZI enrichit l’atmosphère intimiste mais très vivante de ses  interventions musicales au violoncelle, viole de gambe, percussions, accordéon.

Une jolie hôtesse sert le repas au comédien qui passe d’un bout à l’autre de la table. Nous pourrions nous croire par association dans  une scène de table tournante qui fait parler les morts.

 Avec une certaine malice et un plaisir évident, Ivan MORANE jongle avec PROUST et CELINE. Nous aurions pu craindre un spectacle scolaire. Il n’en est rien, les deux écrivains dans ce spectacle nous livrent des confidences qui nous touchent par leur humanité, leur authenticité.

 Vraiment, nous recommandons ce spectacle original, drôle et émouvant qui entrelace  les voix de PROUST au CELINE vers la cime de l’arbre, le sentiment et le rêve, qui les rapproche de nous avec générosité et la ferveur de ceux qui croient aux vertus de l’écriture et des lettres, naturellement.

 Paris, le 3 Février 2015 , mis à jour le 23 Juin 2015           Evelyne Trân

SOUS LA GLACE DE FALK RICHTER – Mise en scène Vincent DUSSART – Du 4 au 26 juillet / Avignon Off 2015 au Théâtre des Lucioles – 10 Rue Rempart Saint-Lazare, 84000 Avignon –

SOUS AL GLACE BISDe Falk Richter

Traduit de l’allemand par Anne Monfort

L’Arche est éditeur et agent théâtral du texte représenté http://www.arche-editeur.com.

Mise en scène Vincent Dussart  Scénographie & lumières Frédéric Cheli

Costumes Vincent Dussart & Mathilde Buisson

Création sonore & musique live Patrice  Gallet

Avec Xavier Czapla,  Patrice Gallet, Stéphane Szestak, Ingénieur du son & Régie Joris Valet

Production & communication Caroline Gauthier,  Administration Sophie Torresi

P.S. : Vincent DUSSART était  invité à  l’émission « Deux Sous de Scène » sur Radio Libertaire 89.4, en 1ère partie le Samedi 20 Juin 2015 (en podcast sur le site grille des émissions R.L.).

 Nous vivons dans un monde où l’individu est sommé de vivre dans un perpétuel décalage avec lui-même parce qu’il doit s’adapter à une sorte de surmoi sociétal censé exprimer le  dénominateur commun .

 Un enfant aussitôt né doit être apte à s’adapter au système éducatif qui l’attend. C’est encore le système économique qui veut ça. De sorte que les dispositions individuelles particulières sont gelées au profit des plus communes. Le mot  même de naissance devient un mot creux.  Il faut le dire tout net, un enfant qui naît n’est pas libre. L’être humain considéré comme un produit, ce n’est pas nouveau. Les hommes préhistoriques avaient ils la notion d’égo, de personne ? A l’époque des fusées, de la spectaculaire avancée technologique, est il possible que la  conscience de soi ait rejoint l’ère glaciaire des mammouths ?

 Qu’est ce donc que ce lui même ? Un flop probablement, une sorte de souvenir infantile d’un individu qui jouissait enfant de pouvait laisser couler la bave de sa bouche  sous les applaudissements de ses parents « Ah qu’il est mignon ! » Quelle chance, le bébé est muet, certes il peut hurler mais on ne l’entend pas traiter ses parents d’imbéciles .

 Voila des considérations  quelque peu choquantes, qui peuvent venir à l’esprit en découvrant la pièce « Sous la glace » de Falk RICHTER  un auteur allemand qui raconte l’effroyable solitude d’un homme consultant dans une entreprise d’audit qui  flatte son égo de quille flambant neuf avant de le jeter.

 La perspective est très personnelle car l’auteur met en rapport la solitude existentielle d’un homme déjà emmuré enfant, avec la solitude qu’il va connaitre au sein de la boîte qui l’exhorte à la performance,  exerçant sur lui une pression insoutenable.

 Ces collègues se démènent comme des robots déjantés qui débitent à longueur de journée les slogans de l’entreprise. Le héros en question s’appelle Jean Personne ce qui revient à dire qu’il n’a pas d’identité. Quand l‘horizon d’un homme se borne à la conscience primaire de son entreprise qui ne l’entend pas comme ne l’entendait pas sa propre famille, Jean Personne titube, s’allongeant dans la flaque d’un rêve cauchemardesque, celui de la chute d’un chat lancé par la fenêtre.

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La mise en en scène de Vincent DUSSART, la scénographie et lumières de Frédéric CHELI  ainsi que la création sonore et musique live de Patrice GALLET magnifient superbement la dimension fantastique du cauchemar de Jean Personne. Trône au centre de la scène un ourson géant qui laisse dubitatif . Cet ourson, ce hochet de l’enfance, cet automate joujou se rapproche t-il du robot sans âme de façon inéluctable ?

  Il faudrait fouiller dans la conscience de Jean Personne  pour comprendre ce qui s’y passe . Jean Personne est-il retombé en enfance tel un vieillard sans avenir ?

 Pourtant les corps des trois consultants bougent, s’expriment avec sensualité, manifestant leur énergie, leur vitalité. Quel gâchis alors, pensons nous en observant ces  trois hommes en pleine force de l’ âge se conduire comme des marionnettes avec pour seul interlocuteur un leurre, un robot ?

 Nous avons froid dans le dos. Cela dit, Xavier CZAPLA interprète de façon très naturelle ce Jean Personne, coincé entre deux acolytes consultants qui se la jouent, Patrice GALLET et Stéphane SZESTAK, fort convaincants.  Le contraste est violent mais très efficace.

 L’écriture de Falk RICHTER est violente. L’auteur entend dénoncer ce qui broie dans leur chair des individus tels que Jean Personne, la culture d’entreprise, le management, Cela dépasse la démonstration, c’est exprimé en terme de vécu, de ressenti de façon à affermir cette idée, que nous avons tout à gagner humainement à écouter des  paroles dites isolées.

 Voilà un excellent spectacle, saisissant visuellement, furieusement  parlant, puisqu’il s’agit du vertige d’un individu piégé entre deux monstres dominants, l’ourson géant de son enfance,  et la boîte vampire qui l’emploie.

 Paris, le 5 Avril 2015, mis à jour le 23 Juin 2015         Evelyne Trân

 

 

HARD COPY de Isabelle SORENTE mise en scène Nicolas Goudart au Théâtre de l’ESSAION – 6, rue Pierre au Lard 75004 PARIS – Du jeu. 18/06/15 au sam. 27/06/15 à 21 H 30 –

hard copy

Avec : Marjorie Ciccone, Louise Corcelette, Ghita Serraj, Lani Sogoyou

Signes de reconnaissance, tailleur cintré autour de la taille, talons hauts, joli maquillage, quoi de plus ordinaire, voire banal que la représentation de ces quatre employées de bureau « modèles » relayée joyeusement par les magazines féminins. Le tatouage n’est pas fortuit puisqu’il est destiné à donner une bonne image de l’entreprise.

 Il serait grossier d’assimiler ce groupe d’employées à du bétail, il s’agit d’êtres humains après tout. L’auteure d’HARD COPY, Isabelle SORENTE a t-elle donc travaillé comme employée de bureau ? Et si oui, le moins que l’on puisse dire c’est que sa tête s’est échauffée au point qu’on l’imagine boursouflée, coincée entre deux barreaux d’une cage , débiter ses sornettes.

 Mais non, nous nous trompons, ce n’est pas elle ! Qui ça elle, de qui parlez vous ? De la pauvre fille qui pourrit notre quotidien. Vous vous rendez compte, nous travaillons huit heures par jour, confinées dans un superbe open space, nous essayons de bien nous entendre, mais il faut se coltiner une collègue incompétente, qui par dessus le marché transpire, pue , c’est horrible ! Quelle tache, quelle tache pour notre valeureuse entreprise !

Vous bêlez, chères employées, pourrait dire en voix off, la voix chaude du patron, continuez du moment que cela ne nuit pas à la bonne marche de nos affaires.

Qu’il est beau, sympathique, l’échantillon d’employées de bureau qui égayent leur travail fastidieux en conversant à propos de leurs petits problèmes toujours décortiqués par les magazines. L’une est nymphomane, l’autre frigide, une troisième boulimique  et la quatrième ne jure que par son manque de personnalité , son manque d’humour et et ses odeurs de transpiration.

Il y a de l’électricité dans l’air, on se croirait dans un poulailler, les plumes volent avec des réflexions acides, à l’encontre de la brebis galeuse. Les pauvres filles n’ont pas vraiment beaucoup de place. Alors, elles en viendront à supprimer au propre comme au figuré celle qui pue. Le patron fermera les yeux puisque le bien être de toute l’équipe était en jeu.

Vous l’avez compris, la pièce d’Isabelle SORENTE traite du harcèlement moral en entreprise de façon particulièrement virulente et troublante. Démonstration cruelle de ces paroles insidieuses coiffées d’hypocrisie, destinées à empoisonner l’ennemi, celui qui empiète sur votre espace vital. De toute façon chez l’autre il y a toujours quelque chose qui dérange, alors ? Alors, les politiques, les grands coqs n’ont guère de soucis à se faire pour remplumer leurs partis, ils n’ont qu’à continuer leur chasse aux moutons noirs…

Le parfum d’ambiance qui bouche le nez des employées modèles d’Isabelle SORENTE, n ‘est autre que celui qui trône dans les WC.

Les comédiennes jouent avec un tel naturel que nous n’avons pas l’impression d’avoir affaire à des caricatures d’employées. Le comique ressort du contraste entre leur mal de vivre et leur image sociale. Le décor qui peut faire songer aussi bien à une maison de poupées d’employées qu’à un open space, est éloquent, la mise en scène énergique et précise.Nous saluons le talent de ses quatre comédiennes engagées qui donnent toute son envergure à cette farce sociale, hélas très réaliste. Un spectacle à ne pas manquer !

Paris, le 20 Juin 2015                        Evelyne Trân

FESTIVAL DES ECOLES DU THEATRE PUBLIC du 18 au 28 juin 2015 à la CARTOUCHERIE DE VINCENNES – Route du Champ de Manœuvre 75012 PARIS

FESTIVAL DES ÉCOLES DU THÉÂTRE PUBLIC À LA CARTOUCHERIE

Depuis six ans, à l’initiative du Théâtre de l’Aquarium, la Cartoucherie ouvre ses portes pour accueillir les « spectacles de sortie » des élèves des écoles de théâtre public. Les nouveaux talents de demain dans de véritables spectacles concoctés par des metteurs en scène de grande qualité à découvrir ! C’est gratuit !
http://www.theatredelaquarium.net/Festival-des-ecoles-du-theatre,475

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L’EXTRAORDINAIRE AURA LIEU AU THEATRE LES DECHARGEURS – 3, rue des Déchargeurs 75001 PARIS – du 19 Mars au 25 Juin 2015, tous les jeudis, à 21 H 30

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https://youtu.be/7m2LAHiy8Is

Textes de Camille de COURCY

Musique Maureen ESIVERT, Camille de COURCY, Franck NICOLAS

Avec Camille de COURCY, Maureen ESIVERT, Mathieu MEYER, Leila RENAULT

Mise en scène Nicole FOURNIERE NEY

Quelle bonne idée de jouer, danser, chanter ses propres textes ! Camille de COURCY semble t-il n’a peur de rien sinon du mot peur. La voilà partie à la conquête de l’extraordinaire grâce à son regard de poète capable de brouiller toutes les pistes goudronnées par l’habitude, les mesquineries, et le métro, boulot, dodo.

 Douée d’une humeur explosive, elle a séduit la metteure en scène Nicole FOURNIERE NEY et la musicienne, comédienne Maureen ESIVERT.

 Camille et Maureen sur scène rivalisent de pétulance et de drôlerie. Maureen a un véritable tempérament de comédienne, elle insuffle aux textes de Camille une fraîcheur désarmante. Nous avons adoré sa composition dans Lulu où elle joue une femme amoureuse du diable. Quant à Camille qui aime se tourner en dérision, elle estomaque dans sa composition de clocharde ivrogne.

 Les textes semblent sortir d’une boite de pandore, véritables petits démons décidés à réveiller le spectateur. Mais la douche n’est pas froide, elle est plutôt tendre.

 Cela dit, les deux musiciens, la contrebassiste Leila RENAULT et le pianiste Mathieu MEYER contrôlent la situation . Ils font preuve de grand sang froid pour canaliser l’énergie des deux jeunes femmes à l’unisson lorsqu’il s’agit de manifester à travers un magnifique « Flic, flac, floc ».

 Voilà un bon moment de cabaret où le spectateur se trouve pris au piège de la poésie à pleins poumons, sans complexes, échevelée, qui ferait sortir de sa tombe Baudelaire, ce grand amoureux des démons et des femmes !

Paris, le 19 Juin 2015           Evelyne Trân

Dans le cadre du festival du Théâtre public à la Cartoucherie de Vincennes : Lady Aoï de Yukio Mishima, mise en scène Raphaël Trano de Angelis du 18 > 21 juin au Théâtre de l’Aquarium

LADY AOI

copyright Joséphine Lointaine

Mise en scène : Raphaël Trano de Angelis (CNSAD)

Composition musicale : Hacène Larbi
Traduction et adaptation : Dominique Palmé
Regard chorégraphique : Kaori Ito
Travail du choeur : Philippe Lardaud
Scénographie et costumes : Yaël Haber et Karolina Howorko (ENSAD)
Création lumière : Dominique Nocereau
Avec : Noémie Ettlin (danseuse professionnelle), Nicolas Gonzales (comédien professionnel), Clarisse Sellier (élève comédienne Conservatoire du 19ème)
Choeur : Claire Bosse Platrière, Suzie Cahn, Charlotte Fox (élève comédienne Conservatoire du 5ème arrondissement), Camille Chopin, Miya Kabbaj (élèves chanteuses Conservatoire du 5ème), Nastasia Berrezaie, Cécile Messineo
Flûte : Mihi Kim
Clarinette basse : Maurenn Nédellec
Violoncelle : Alexis Girard
Piano : Frédéric Lagarde
Harpe : Sabine Chefson
Percussions : Christophe Bredeloup
Percussions : Benjamin Soistier
Percussions : Thierry Le Cacheux
Mezzo : Marie Kobayashi
Baryton : Yann Toussaint
Projection audio-numérique et Sound Designer : Gilbert Nouno
Assistant à la mise en scène : Adrien Guitton
Equipe technique : Vincent Détraz, Dominique Nocereau, Félix Depautex

Ce projet est le fruit d’une collaboration avec le Labex Arts-H2H, l’ENSAD et les Conservatoires Municipaux des 5e et 19e arrondissements de Paris.

Est-elle donc si irraisonnée notre perception de l’immobilité ? Les mots jonchent le sol de la forêt et le mot immobilité s’y déploie. Mishima se trouve derrière le paravent ou bien il fait partie des ombres qui le traversent car il a toujours été en quête de cette lumière. Une lumière qui absorbe, qui revomit ceux qui se sont laissés capter. C’est aussi tout le miracle d’un spectacle qui s’adresse à tous, connaisseurs ou pas du Nô et de l’œuvre de Mishima.

La mise en scène de Raphaël Trano de Angelis de Lady Aoï a toutes les caractéristiques du filet, sorte de poche pleine de vide qui remue le vide et force le regard à jouer à travers les mailles.

La dernière vision de Lady Aoï, c’est celle d’une pièce qui se situerait dans le château de la Belle au bois dormant. Sur fond de scène, un orchestre immobile, à gauche, un chœur de femmes immobile, et puis juste le souvenir d ‘un homme qui est parti en courant… Il y aussi le sol en sable qui lui répond comme une longue traîne de fantôme qui se souvient du joli masque de Nô, fracassé par une amante jalouse.

Si la vue d’un insecte écrasé sur une page de livre vous émeut c’est qu’elle est indissociable de la connaissance que vous avez de cet insecte qui se rappelle à vous, mort. Mais dans très peu de temps, il va se remettre à vivre, il suffit que vous y croyiez ou que vous vous détachiez de cette image de mort qui n’est qu’une parmi les autres …

Terrible ballet d’un insecte, une mante religieuse, une femme jalouse, qui porte en elle l’amour et la mort . La mort serait-ce ce rien ou cette surprise du vide derrière le masque. « Vous vous trompez dit l’homme à la femme – qui n’a que cette faiblesse ou cette folie, celle de croire à l’amour – je ne vous aime pas  » . Un désaveu qui met fin à la danse des amants éphémères.

lady aoi bis

Copyright Joséphine Lointaine

C’est sur la lisière d’un sable aussi innocent qu’infantile que la danseuse lève ses talons comme pour rappeler sa naissance, elle est née amoureuse, elle est portée par ce sable mouvant, prisonnière d’un fil auquel est rattaché fugace, improbable, un jeune bateau en papier.

Les convulsions sonores d’une chanteuse, l’orchestre, le chœur des femmes ne jouent pas les rôles de décors extérieurs, ils sont absorbés, tétanisés par la folie de Rokujô, qui a manigancé le mal de Aoi, l’épouse de l’amant, figurée par un simple masque sur un lit d’hôpital.

La danseuse de Nô, Noémie ETTLIN est fascinante. Elle a la silhouette d’un roseau qui aurait l’énergie tempétueuse d’une algue de mer, ou d’une libellule croisée avec une mouche. Elle dispose d’une fragilité indocile qui fait penser à la nervure d’une feuille calligraphiée sous le joug d’un pinceau.

Le metteur en scène Raphaël Trano de Angelis qui réunit autour de lui une équipe impressionnante, musiciens, chœur, chorégraphe, frappe par sa maîtrise, sa maturité. Sa vision belle et dépouillée nous introduit dans l’univers de Mishima de façon très claire, l’œil devant le masque, en signe de dépôt de nos précieuses illusions.

Paris, le 19 Juin 2015                               Evelyne Trân

Compagnie Dairakudakan – « LA PLANETE DES INSECTES » – Chorégraphie, direc­tion artis­ti­que et inter­pré­ta­tion : MARO AKAJI à LA MAISON DE LA CULTURE DU JAPON du 11 au 13 Juin à 20 Heures puis du 18 au 20 Juin à 20 Heures

insect-2-3---chris-randle_-vidf2015-a09b9Chorégraphie, direc­tion artis­ti­que et inter­pré­ta­tion : Maro Akaji

Crédit photo Chris Randle VIDF2015
- Pièce pour 22 dan­seurs

Nous n’en avons pas conscience mais les relations sont plus étroites que nous le pensons entre les insectes et les hommes. Qui n’ a pas été frappé en observant un papillon dans une vitrine de pouvoir reconnaître son origine géographique. Par effet de mimétisme, sans que l’on puisse déterminer qui de l’homme ou de l’insecte a déteint sur l’autre, nous pourrions dire par exemple qu’en Chine, tous les papillons ont l’air asiatique.

 Mais les insectes ont fait leur apparition sur terre, il y a 400 millions d’années, bien avant les hommes (apparus il y a seulement 7 millions) nous rappelle Akaji MARO, le chorégraphe de la Compagnie DAIRAKUDAKAN créée en 1972.

 A vrai dire, si nous faisons abstraction de notre supériorité humaine, nous pourrions en nous observant à la louche reconnaître que nous avons vraiment l’air d’insectes. Corporellement, nous sommes simplement un peu plus gros qu’eux.

 Disciple de Tatsumi HIJIKATA et de Kazuo ONO , les fondateurs du bûto, Akaji MARO fonde ses chorégraphies sur trois piliers : « La collecte des gestes du quotidien, le corps matrice, le corps espace ».

 Quoique l’esthétisme ne fasse pas partie des préoccupations des danseurs du bûto – lesquels sont encouragés à « laisser aller » leurs corps à s’exprimer comme s’ils étaient adeptes à leur façon du cri primal – les tableaux, notamment le premier, impressionnent par leur beauté.

 Davantage que les costumes d’insectes, ce sont les visages blancs des danseurs, poignants, douloureux qui attirent le regard. Curieusement dans cette chorégraphie, les insectes ont l’air de se prendre pour des hommes et ces derniers pour des insectes.

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Akaji MARO respire ou retient son souffle d’auteur de science fiction qui verrait l’insecte supplanter l’homme, pour accueillir le poète errant Matsuo BASHO compositeur de plusieurs haïkus sur les insectes. Mais que vient faire le poète dans cette galère où les hommes et les insectes ne cessent de se battre ?

Il suffit de se souvenir du rêve de papillon de Tchouang-Tseu qui rêva qu’il était papillon pour comprendre celui de Akaji MARO. Ne danse t-il pas avec toute la présence d’esprit d’un insecte ?

A l’issue du spectacle qui s’est déroulé comme une longue rêverie pleine de turbulences, rythmée aussi bien par la musique électronique de Jeff MILLS que par la flûte mélancolique de Keisuke DOI, quel bonheur de songer que nous avons emporté avec nous quelques visions de ce rêve sublime, celui de voir des hommes s’exprimer comme des papillons. Âmes sensibles s’abstenir, certaines scènes sont aussi expressives que des tableaux de GOYA !

Paris, le 14 Juin 2015                     Evelyne Trân