BOURLINGUER DE BLAISE CENDRARS avec Jean-Quentin CHATELAIN AU GRAND PARQUET – 35 Rue d’Aubervilliers 75018 PARIS – du 6 au 31 Mai 2015 – Heure : Mercredi, jeudi, vendredi et samedi à 20h et le dimanche à 16h

Bourlinguer-recto

Auteur : Blaise Cendrars
Artiste : Jean-Quentin Châtelain
Metteur en scène : Darius Peyamiras

PS :  Jean-Quentin CHATELAIN était l’invité en 1ère partie de l’émission  « DEUX SOUS DE SCENE »sur Radio Libertaire 89.4 , le Samedi  9 Mai 2015  (en podcast sur le site de Grille des émissions de Radio libertaire).

 Blaise CENDRARS à livre ouvert, oui  sur scène, qui revient détrempé d’un fulgurant voyage, nous faire le récit d’une de ses aventures  à Naples où il trouva asile dans le tombeau de Virgile. C’est plus qu’une découverte, c’est une révélation.

 Qu’un livre puisse être vivant, nous ne l’imaginions pas à ce point. Jean-Quentin CHATELAIN devient ce livre ivre, étourdissant bateau ivre de Rimbaud, qui fouette et scrute l’avenir, debout et dehors, le ventre nu, sur quelques feuilles de vie éparses, de chair fumeuse, inimaginable.

 Blaise CENDRARS n’est pas un enfonceur de portes ouvertes, il est toujours là en train de s’exposer, c’est un bourlingueur mais pas  seulement, jouissant de son corps comme d’une planche abrupte « Je bois, je mange je fume » dit-il et il invite ce corps à se saisir de ces outils les plus irréductibles, les mots, à couler dans une chair émue, animale, qui se frotte à tout œil.

 C’est une aventure impossible que celle de pousser la porte de l’enclos de l’enfance « Il ne faut jamais revenir au jardin de son enfance qui est un paradis perdu » Sait on ce que concoctent à notre insu les souvenirs, et si la mémoire n’était qu’un animal fabuleux, monstrueux ? Chez Blaise CENDRARS, les fantômes n’existent pas, il rencontre toujours la vie. Elena surgie de ses amours enfantines, est vivante et lui l’écrivain n’agite son bâton de sourcier, son épine d’Ispahan, que pour faire traverser les gens qu’il aime sur son chemin. Et d’une certaine façon, ce sont eux les tisserands de ses vagabondages.

 Telle une table gourmande dans un bar s’imprègne des odeurs, des sueurs, des cris, des paroles  de tous les clients, la planche d’écriture de Blaise CENDRAS fourmille de conversations, d’histoires à couper le souffle, qui courraient sous une main tremblante, frémissante,  toujours aux aguets.

 « Laissez venir à moi les souvenirs » semble dire l’homme qui parle debout au centre d’un cercle en bois comme un animal de foire .

 L’homme qui rumine, mâche ses mots, comme il dégusterait une cuisse de poulet ou enfoncerait ses dents dans une mangue juteuse, fait penser à l’ogre Pantagruel mais son visage est illuminé bizarrement par une sorte de grâce enfantine. Il y a cette fleur coupée, indicible, certes invisible qui se penche entre ses lèvres, qui caresse l’air, qui s’appelle la poésie…

 Darius PEYAMIRAS avec une mise en scène à brûle pourpoint, audacieuse par son économie, devient l’hôte de cet incroyable bourlingueur fascinant, pourvoyeur d’histoires vraies et monstrueuses dont regorge la vie pour peu qu’on aille la surprendre, la chatouiller au cœur de sa toile d’araignée.

 Jean-Quentin CHATELAIN est tout simplement magnifique, grâce à lui, nous pouvons dire que nous avons rencontré et même connu Blaise CENDRARS, en chair, en os, en pleine santé au Grand Parquet .

 Paris, le 8 Mai 2015                   Evelyne Trân

 

 

LES INQUIETS ET LES BRUTES au THEATRE DU LUCERNAIRE 53, rue Notre-Dame des Champs 75006 PARIS du 8 avril au 16 mai 2015 Du mardi au samedi à 19 H

LES INQUIETS

Auteur : Nis-Momme Stockmann
Mise en scène : Olivier Martinaud
Traduction : Nils Haarmann et Olivier Martinaud
L’Arche est agent théâtral du texte représenté.
Avec : Daniel Delabesse, Laurent Sauvage, et la voix de Claude Aufaure

12.00

Scénographie et costumes : Charles Chauvet
Lumière : Éric Wurtz
Son : Grégoire Durrande

12.00

Très impressionnante découverte que celle de l’écriture de ce jeune auteur allemand NIS-MOMME STOCKMANN à travers la pièce Les i quiets et les brutes qui met en scène un évènement intime, la mort d’un parent et les réactions de ses enfants.

 Deux frères dont les relations sont manifestement très conflictuelles, doivent faire face à une situation à laquelle ils ne s’attendaient pas, la mort de leur père. Ils découvrent son cadavre gisant dans un fauteuil jonché d’excréments de chat. EIRIK, l’ainé est choqué par cette saleté, par cette indignité qui recouvre la figure du père, il refuse d’appeler les pompes funèbres ou la police comme souhaite le faire, le cadet BERG, apparemment plus détaché, sur l’instant et beaucoup moins ému par l’aspect sordide de l’événement.

 Le point dramatique de la pièce, son nœud coulant c’est la présence du mort qui configure une sorte de scène de crime. Elle est tellement incontournable que tous les échanges des frères tournent autour en se bousculant, se déchirant, mais sans jamais complètement se rejoindre.

 Est-ce donc la mort qui regarde les deux frères qui les enjoint de se démasquer, de cracher l’un et l’autre leur venin tout en exprimant leurs angoisses.

  Cette mort »infecte », ce cadavre ridicule devenu un objet immonde, leur parle d’eux en faisant éclater un à un les cadenas de leurs réalités suffisantes, faisant craqueler leurs défenses, leurs chambres fortes personnelles.

 Il semblerait que c’est leur propre mort que chacun des frères dévisage. Le père n’est plus là mais sa dépouille tellement présente devient une représentation de la mort qui chamboule la perception.

 Les deux frères savent l’un et l’autre que le cadavre va quitter l’appartement comme les énormes sacs poubelles que le père a laissés, mais après ?  Ils sont tellement rares ces moments d’intimité entre les deux frères. Etrange que cela soit cet événement, celui de la mort d’un père qu’ils ont plus ou moins oublié, qui les pousse dans leurs retranchements les plus inavouables. L’aîné est submergé physiquement par l’angoisse de la mort, il tente de se raccrocher à son frère sans succès.

 Le cadet lui répond présent à la mort. Il en est le percepteur presque impitoyable, il entend endosser son rôle d’acteur et de témoin dans cette scène de « crime », en un mot regarder en face cette mort .

 Il se profile tout de même de cette confrontation terrible à la mort, que le mort lui-même existe ailleurs. Il n’ y a pas de point final à son existence sauf pour les vivants, sauf pour ceux qui se le représentent. Il est vivant en ce sens qu’il est à l’origine (ou du moins, il y participe) de l’émotion qui envahit ses enfants et aussi délétères que puissent leur apparaître les poèmes qu’il a écrits, jetés en pagaille sur le sol par un fils aîné qui ne comprend pas, ils font signe.

 Toutes ces émotions, ces refoulements, ces non-dits qu’on évacue par le biais des conventions, sont l’apanage des humains . L’auteur nous rappelle pourtant que face à un mort, leur comportement n’est pas si éloigné de celui des animaux. Dans la cage de l’appartement, deux hommes vivent dans une pièce avec un cadavre qui les dérange.

 L’auteur flaire le  comique de la situation. De ce comique, de cet aspect trivial de la mort, il tire la tragédie, le drame osseux qui se noue entre deux frères qui ne partagent pas la même vision de la vie et donc de la mort.

 Les deux interprètes Daniel DELEBASSE, Eirik et Laurent SAUVAGE, Berg,  rendent captivants ces personnages tourmentés. Paradoxalement c’est leurs aspects antipathiques qui suscitent la sympathie. Il y a aussi la présence de la belle voix off de Claude AUFAURE qui dit les bouts de poèmes.

 La mise en scène d’Olivier MARTINAUD est tout à fait en adéquation avec la surprenante maîtrise de l’auteur qui se saisit d‘une situation intime indicible pour la porter aux confins de ces extrémités qu’il appartient au théâtre et à la poésie d’explorer.

Un spectacle à ne pas manquer, vraiment !

Paris, le 1er Mai 2015             Evelyne Trân

 

 

 

 

 

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