FAUTE D’IMPRESSION, une histoire de traductrice , écrit et interprété par Laurence SENDROWICZ. Mise en scène de NAFI SALAH à la MANUFACTURE DES ABESSES – 7, rue Véron 75018 PARIS – du 20 Août au 11 Octobre 2014.

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 Elle est enjouée, elle a la voix douce et sa présentation est agréable,  ainsi apparait d’emblée Fany BARKOWICZ, l’héroïne   de « Faute d’impression », qui va entrainer les spectateurs durant une heure 10 dans un poignant voyage intérieur.

 Fany BARKOWICZ vient de commettre une grave faute professionnelle, du moins c’est ainsi qu’elle analyse son acte manqué assez invraisemblable et pourtant tellement éclairant.

Au lieu d’adresser à un éditeur renommé la traduction du roman d’un auteur de best seller, intitulé « En passant par la montagne »  elle envoie son propre roman autobiographique « Les passe- montagnes de mon père », refusé par tous les éditeurs. Elle reçoit un coup de fil de son employeur qui adore le livre. Et voilà Fany BARKOWICZ en proie à un tsunami  émotionnel qui vient bouleverser sa propre image, le joli vernis de la traductrice scrupuleuse, appliquée, celle de la bonne épouse et de la bonne mère. Tout se passe comme si elle avait été poussée par une force inconnue d’elle-même, à prendre le risque de laisser ses démons intérieurs s’exprimer.

 L’héroïne de ce thriller psychologique est une traductrice en littérature. C’est un métier bien particulier au service des auteurs et qui peut être extrêmement enrichissant lorsqu’il s’agit d’auteurs respectés mais aussi très frustrant lorsqu’il s’agit d’écrivains qui n’ont plus grand-chose à dire. Ce qui n’est pas le cas de Fany  BARKOWICZ, auteure méprisée parce qu’inconnue, victime des impératifs commerciaux.

Qu’a t-elle donc de si important à dire Fany ? Au fur et à mesure de son récit, elle comprend qu’elle avait à cœur de faire entendre les voix des membres de sa famille décimée pendant l’holocauste, à travers son livre. Elle ne s’est pas rendu compte combien l’indifférence des éditeurs l’avait ulcérée.

 Tout est revenu en boomerang à la faveur d’une coïncidence, du  mot montagne qui a percuté son inconscient parce qu’il faisait partie du titre du livre à traduire mais également de son propre roman autobiographique.

 Dans ce monologue bouleversant de Laurence SENDROWICZ, mis en scène avec justesse et sobriété par Nafi SALAH, la voix intérieure s’exprime avec une grande vivacité, comme si les sources qui s’étaient tues pendant longtemps reprenaient vie par capillarisation. L’auteure aborde presque naturellement comme si elle se baignait dans l’eau, les fantômes de son enfance, de sa jeunesse, exorcisant par là même la douleur, l’amertume, pour affirmer sa vérité qui vaut bien tous les subterfuges, donnant raison à sa vie d’ouvrière et de femme pour qui écrire, c’est aussi faire remonter les voix en héritage, celles sans lesquelles nous n’existerions pas.

 Paris, le 22 Août 2014           Evelyne Trân

 

SIGNÉ FRANCIS BLANCHE sur une ambiance jazzy – HOMMAGE A FRANCIS BLANCHE Le 23 août 2014 à 20h30 à Eze-Village – Place de l’église – Entrée libre

hommage a francis blanche bis hommage a francis blanche bisimageshommage a francis blanche bisEZE MAISON FRANCIS BLANCHE EN VIOLET

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Chansons, poèmes, aphorismes,  textes

 Sur des musiques jazzy
avec Béatrice Alunni au piano

 Mise en scène : Barbara Blanche

A l’occasion du quarantième anniversaire de sa disparition, sa famille, ses proches et ses admirateurs lui rendront hommage le 23 août à Eze-Village à quelques mètres de la maison qu’il occupait lorsqu’il travaillait à RMC et du lieu où il repose désormais.

 

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photo du spectacle du 23 Août 2014, en plein air, devant l’église d’EZE VILLAGE.

CRIME ET CHATIMENT de Fiodor DOSTOIEVSKI du 22/01/2014 AU 13/09/2014 au Théâtre Lucernaire – 75006 PARIS

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De Fiodor Dostoïevski, Adaptation et mise en scène de Virgil Tanase Avec Serge de Lay, Thibaut Wacksmann, Augustin Kokoreff-Brutt, Dorel Iacobescu, Laurence Guillermaz, Magali Bros, Noémie Daliès, David Legras, Barbara Grau Durée : 1 h 45

Dostoïevski avait-il l’étoffe d’un criminologue ? Curieux motif que cette affaire de meurtre  idéologique qui place le narrateur et le lecteur du côté de l’assassin sans l’accabler, ni le juger, au bord du précipice.

 En résumé, Raskolnikov, le héros du roman, tue deux femmes parce qu’il les juge nuisibles à la société. Au fur et à mesure du roman, il va éprouver qu’il ne peut endosser seul un crime qui le dépasse et va avouer son crime tout d’abord à une femme qu’il respecte et ensuite au juge qui l’amènera à ravaler son orgueil parce qu’il saura lui parler en tant qu’homme.

 Cette imminence d’une voix humaine qui viendrait tordre le cou à toutes les idéologies meurtrières, Dostoïevski, la cherche, la fouille dans les têtes de pauvres gens qui se réfugient soit dans l’alcool soit dans la religion pour supporter leur existence. La misère n’est pas seulement matérielle, elle peut être morale dans le cas de SVIDRIGAILOV, propriétaire terrien, impressionnant, sous les traits de Laurent LE DOYEN.

 Ce qui est passionnant dans « Crime et châtiment » c’est le besoin de parler de tous les personnages pour  se délivrer d’un mal existentiel incommensurable. Parce dans le fond, plus les êtres prennent conscience du mal, plus ils souffrent. Or dans leur quête de sens, les personnages de Dostoïevski  refusent de faire semblant, ils ne peuvent pas vraiment se planquer. Leurs voix déportées sont terribles mais elles se veulent salvatrices et combatives pour franchir les digues de l’inconscience. « Au secours ! » crient l’homme et la femme chez Dostoïevski.

 Que ferait le bruit de toutes les pensées des individus réunis dans un métro bondé ? C’est incroyable cette sensation dans un lieu public d’avoir pour éveil sa conscience au milieu des autres. Au-delà de la promiscuité physique involontaire, n’y a-t-il pas une promiscuité sensorielle et mentale ?

 Dans la mise en scène de Virgil TANASE, ce qui frappe c’est la volonté du metteur en scène de mettre sur le même plan tous les protagonistes du roman parce qu’ils alimentent la conscience du héros Raskolnikov.

 Les confessions, les confidences des uns et autres se font écho. Tout se passe comme si Raskolnikov prenait la mesure de son crime à l’aune de ses rencontres avec d’autres humains confrontés à des situations révoltantes. Dans cette approche où chaque personnage  a son mot à dire, le crime de Raskonikov ne change pas la donne; les êtres qu’ils côtoient ont d’autres problèmes. Son crime est une affaire de conscience, il devient quelque chose d’intime alors même que Raskolnikov croyait commettre un acte politique révolutionnaire.

 La scène devient un lieu de parole pour des personnages  qu’on entend parler avant qu’ils meurent et après leur mort car à travers un courant d’air fantastique SVIDRIGAILOV parle aux morts, notamment à sa femme.

Tout se passe sans artifice, de façon linéaire, ce qui permet d’aborder ce roman sur le fil. C’est un parti pris de mise en scène, à l’écoute du texte, dans le processus d’une lecture.

A vrai dire, dans le jeu de la parole c’est le juge d’instruction, interprété par l’excellent Serge LE LAY qui l’emporte naturellement parce que semble-t-il, lui, il a les pieds sur terre. Dans tous les cas, il  a fonction de ressort au milieu de tous ces êtres au bord de la dérive,  bridés par leur mal être.

 A notre sens, les comédiens peuvent prendre le risque de de s’oublier dans leurs personnages, la véhémence de leurs propos pouvant leur tenir lieu de tuteur quoiqu’il arrive.

 Ils ont tellement de choses à dire ces gens-là comme disait Jacques BREL, qu’il faut sinon avoir lu « Crime et châtiment » les voir sur scène au moins une fois dans sa vie !

Paris, le 16 Août 2014     Evelyne  Trân

Le Bel indifférent de Jean Cocteau au Théâtre Les Feux de la Rampe – 2, rue Saulnier 75009 PARIS – Tous les Lundis à 20 Heures jusqu’au 25 Août 2014 et à 19 H du 1er au 29 Septembre 2014.

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Auteur : Jean Cocteau
Mise en scène : Raphaël Beauville
Avec: Crystal V. Lesser

Jean COCTEAU disait modestement du Bel indifférent qu’il s’agissait d’une pièce mineure « d’un style lâché, vite écrit ». En vérité,  il s’agit d’une pièce d’amour écrite spécialement pour Edith PIAF qu’il admirait passionnément et qu’il se représentait en tragédienne sur  une scène de théâtre.

 Dans ce monologue d’une femme éprouvée par l’indifférence de son compagnon, le huis clos de la solitude morale d’un être atteint une résonance quasi universelle.

 Il s’agit d’un sentiment de solitude, d’abandon que ceux qui ne connaissent pas ne peuvent pas comprendre. Nous n’avons pas besoin de savoir si l’homme aimé par l’héroïne est véritablement ce monstre qu’elle décrit. Il vit dans une autre planète. C’est un amour impossible, et pourtant pourvoyeur d’étranges transports.

 Oui, cet homme auquel elle s’adresse, absorbé dans son journal,ne vaut « rien », en tout cas pas davantage qu’un meuble.

 Le metteur en scène pourtant a décidé de le faire incarner par une marionnette en chiffon. Du coup, la comédienne peut  projeter  ses élans affectifs sur un mannequin complètement malléable comme une enfant esseulée parlerait à sa poupée. Un petit clin d’œil à Edith PIAF, qui dormait avec ses peluches.

La scénographie sobre restitue fort bien l’imaginaire pictural de Jean COCTEAU, sa fantaisie poétique et rêveuse. Nous avons l’impression d’être à la fois dans une scène de film de Marcel CARNE et dans un éclat de miroir brisé de Jean COCTEAU.

L’interprète Crystal V. LESSER est tout à fait charmante. Si bien que toutes les vipères contenues dans le texte de Jean COCTEAU s’ébrouent dans une eau fraiche et amoureuse.

 Le grand poète rêvait de mettre entre les mains de nouvelles solistes cette tragédie susceptible  de révéler « un aspect dramatique de leur personnalité ». Nul doute qu’il ait été séduit par la composition cristalline de Crystal V.LESSER.

Paris, le 13 Août 2014                Evelyne Trân

 

Les élans ne sont pas toujours des animaux faciles au Théâtre du Lucernaire 53 Rue Notre Dame des Champs 75006 PARIS – Du 16 juillet au 13 septembre 2014 – Du mardi au samedi à 21h30

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Auteurs : Frédéric Rose et de Vincent Jaspard
Mise en scène et adaptation : Laurent Serrano
Avec : Pascal Neyron, Emmanuel Quatra et Benoît Urbain
Durée : 1h15

P.S : Benoit URBAIN, Emmanuel QUATRA et Pascal NEYRON étaient les invités de l’émission « DEUX SOUS DE SCENE » sur RADIO LIBERTAIRE  le  Samedi 16 Août 2014 (Peut être écoutée pendant 4 semaines, en podcast  sur le site Grille des émissions de Radio Libertaire).

Un mot qui tombe dans la soupière, qui n’arrive pas à se relever, qui se noie ou s’évapore, des pensées qui s’effilochent, qui ne trouvent pas le bout, les conversations entre amis ont un parcours de montagnes russes quand il s’agit de meubler le silence, donner corps à quelques inquiétudes, ou vous sortir de votre ennui.

Comme au jeu du mikado, trois compères musiciens se balancent quelques idées fraiches ou rassies qui font mouche ou tombent à l’eau en les éclaboussant, le temps d’un éclair, un orage, une illumination. Dans le trio, on va retrouver celui qui avance l’idée, celui qui va la contredire et l’autre qui va jouer l’arbitre plus ou moins neutre ou l’observateur.

 Mais où veut il en venir, qu’est-ce qu’il raconte, il est fou, il est cinglé. Ah bon, eh comment ? Mais tais-toi donc, tu ne comprends rien, c’est pas sérieux… Attention, tu dérapes…  Laissons le dire… après  tout …

 Quand ils en ont assez de parler sans véritablement s’entendre,  les trois compères remballent leurs questions sans réponse, et s’offrent des bouffées d’air musicales.

 Les élans ne sont pas toujours des animaux faciles mais ils réunissent les trois musiciens, les libèrent dans une forêt devenue magicienne, la musique. Et  les voilà qui voguent en rêve, ballotés par des sirènes, des chansons qui les transportent comme de véritables bouteilles à la mer.

 L’enthousiasme des musiciens est communicatif, les spectateurs ont la sensation d’assister à la mue de  la chenille en papillon. Oubliées les discussions oiseuses, les bougonneries, les piques et les pensées qui font mal à l’estomac, les musiciens forment un trio de papillons  pour un éventail de chansons de rêve, butinées au cours de leurs voyages : Chanson d’automne (VERLAINE, TRENET) , They can’t take that (I.et G. GERSHWIN), Yellow  train (B.URBAIN), Home at last (St DAN), The Girl Next Door (R.BLANE et M.HUGH), Extraterrum (B.URBAIN), Wonder Why (M.ANDERSAN et R. WEEKS), Anne-Laure Song (B.URBAIN), Summertime Blues ( E. COCHRAN), Une bouteille à la mer ( C. NOUGARO et M.VANDER).

 Que font les musiciens quand ils ne chantent pas, ils discutent de tout et de rien comme n’importe qui. Mais qui sait si leurs compositions de charme n’ont pas pris naissance quand l’ennui battait son plein, ou bien au milieu de discussions bruyantes. Apprenons à observer celui qui tapote le bras de son fauteuil tout en ayant l’air de vous écouter, n‘est- il pas en train de pondre une chanson ?

 Ils n’ont pas voulu choisir, ils aiment les mots pour leur destin tragi-comique, ils aiment par-dessus tout la musique, Benoit URBAIN, Emmanuel QUATRA et Pascal NEYRON sont des comédiens musiciens aguerris mais toujours étonnés, qui racontent comment nos états d’âmes se transforment en notes musicales.

 Voilà un spectacle original, riche de sketches souvent comiques de Frédéric ROSE et Vincent JASPARD. Joli parcours dessiné avec tendresse par Laurent SERRANO qui nous introduit dans le cœur quelque peu mystérieux du musicien avec chaleur et beaucoup de charme.

 Paris, le 10 Août 2014          Evelyne Trân

 

Les 7 jours de Simon Labrosse de Carole FRECHETTE au Théâtre du Lucernaire Du 9 juillet au 20 septembre 2014 du mardi au samedi à 20 Heures

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Autrice : Carole Fréchette
Mise en scène : Cendre Chassanne
Avec : Nathalie Bitan, Laurent Lévy, Philippe Saunier
Durée : 1h10

P. S. Nathalie BITAN, Laurent LEVY et Philippe SAUNIER étaient les invités de l’émission « DEUX SOUS DE SCENE » sur RADIO LIBERTAIRE  le  Samedi 6 SEPTEMBRE 2014 (Peut être écoutée pendant 4 semaines, en podcast  sur le site Grille des émissions de Radio Libertaire).

Ne serait-il pas aussi désespéré qu’un personnage de Shakespeare ou de Cervantès, ce Simon LABROSSE qui multiplie les tentatives de  créations d’emploi pour venir à bout de ce monstre le chômage et qui entend mesurer sa prodigieuse inventivité aux sept travaux d’Hercule ?

 C’est qu’on le mettrait à la porte de Pôle emploi, Simon LABROSSE et avec un grand sourire parce que les poètes qui font du ram dam, les  arrangeurs de cravates, les promeneurs de chiens en laisse, les chercheurs d’or dans les corps, ne sont pas côtés en bourse. Et pourtant Simon LABROSSE est un spécimen de notre époque, qui a fort à faire pour recycler l’homme préhistorique au chômage.

 Ça ne mange pas de pain de se déclarer finisseur de phrases, flatteur d’égo, cascadeur émotif, allégeur ou détecteur de conscience, remplisseur de vide. Les psychanalystes, les écrivains publics, les hommes de compagnie, les animateurs de télé, les prêtres, les politiques pourraient bien en prendre de la graine.

 Les cireurs de chaussures ont disparu, il y a encore quelques vendeurs à la sauvette, brocantes et vide-greniers ont le vent en poupe sur les trottoirs devant les grandes enseignes qui claironnent leurs soldes. Simon LABROSSE est un paumé comme sa consœur friande de recettes d’épanouissement personnel et son confrère  poète maudit.Il entend offrir aux spectateurs le récit de 7 jours de galère de recherche d’emploi, avec un enthousiasme qui frise la folie. Pourquoi ne rejoint- il pas Nathalie, sa muse, en voyage humanitaire en Afrique ?

 Sept jours ne suffiront pas  à refaire le monde, mais c’est tout de même un joli défi que nous offrent  la dynamique mise en scène de Cendre CHASSANNE,  Laurent LEVY, émouvant et génial  Simon LABROSSE,  et ses partenaires, l’époustouflant Philippe SAUNIER en poète casse gueule, et son pendant féminin Nathalie BITAN, drôle et palpitante.

 Des idées, des idées, croyons en  le cinéma théâtral de Carole FRECHETTE qui ne craint pas de sulfater cette bonne vieille plante humaine d’un grain de folie audacieux. Oui, Simon LABROSSE,  vos idées qu’elles prennent le large ou pas, parce qu’elles nous font rêver, valent bien que nous vous regardions puisque vous existez !

 Paris, le 9 Août 2014                                 Evelyne Trân