AGAIN par la Compagnie ZERO VISIBILITY CORP au THEATRE ASTRA à TURIN le 17 Juillet 2014

AGAIN

Chorégraphe : Ina Christel Johannessen / compositeur : Marcus Fjellström
danseurs : Line Tørmoen, Pia Elton Hammer, Camilla Spidsøe Cohen, Kristina Søetorp, Sudesh Adhana, Mate Meszaros, Antero Hein
performeur/son/musicien : Tommy Jansen / création lumière : Kyrre Heldal Karlsen / scénographie et costumes : graa hverdag as / Kristin
Torp son : Morten Pettersen / photos : Yaniv Cohen et Carl Thorborg / production : zero visibility corp. et NorrlandsOperan
co-production : Carte Blanche, Bærum Kulturhus / zero visibility corp. est soutenu par Arts Council Norway

 Again ! Vous venez juste de cligner les yeux face à un immense rideau végétal que surplombe la tête d’une jeune femme, nouvelle née qui semble vouloir embrasser avidement toute la scène.

 Une femme insecte, aux branches fines presque acérées, réplique inverse de la jeune femme épanouie, semble crisser sur ses pattes sèches et stridentes à la fois, comme si elle entendait imprimer sa silhouette dans l’air, ne se souciant que d’elle-même, absolument solitaire.

La chorégraphie d’Ina Christel Johannessen parle de la répétition des mêmes gestes, des mêmes émotions qui fortifient notre présence au monde, d’une conscience qui tenterait de surgir à travers tout le fatras de nos automatismes.

 Les danseurs et danseuses comme s’ils se déplaçaient à travers un carton perforé d’un orgue de barbarie, règlent leurs gestes comme du papier à musique. Ils parlent avec leurs corps un langage déroutant presque mathématique.

 Les tracés en solitaire, en collectif, ne se bousculent pas, ils restent parsemés comme des rondelles d’air qui se déploient étrangères les unes aux autres.

 Dans cet opéra quelque peu froid, Dionysos incarné par une femme qui piétine une sorte de harpe à plat, xylophone à cordes,  vient au secours des automates, suggérant une sorte de refrain insubmersible de l’être solitaire qui tel un oiseau sur un éventail siffle « Again ».

 AGAIN PHOTO E.T.Dans cette réflexion en forme d’organigramme, c’est le un qui domine le plusieurs caractérisé par les pliures d’accordéons en carton  qui s’ouvrent et se resserrent  sur l’individu.

 La démonstration visuellement impressionne par sa sobriété. Nous retiendrons, véritablement magnifiques, les solos de la dame insecte comme une branche végétale qui tâte de l’invisible, de ses bruits qu’elle seule entend, telle une danseuse fossile.

Ne pas penser, voir, sentir. Ce n’est pas si évident. La chorégraphie d’Again nous rappelle que nous sommes des êtres de langage dépendants de partitions que nous déroulons sans y faire attention. Viendra le temps de l’hybride,  du désordre, d’un pffuit, d’un again, susceptible de projeter l’individu vers le bel et joyeux inconnu. Encore et ailleurs, encore et toujours, le regard de la chorégraphe n’entend rien bousculer, contemplatif, endurant,  il repose sur une écriture de gestes, une langue qui a sa grammaire ses codes, qui les assume comme des rituels aussi élémentaires que le passage du jour à la nuit . Les danseurs ne friment pas, ils s’exécutent entrainés par l’inéluctable tic-tac  d’une horloge inhumaine, submergée, quelque part égarée dans l’univers.

 Un bel argument pour une chorégraphie méditative, en creux et en plein. qui entend s’exprimer dans la durée, ce qui requiert de l’attention du spectateur, cet éphémère, un certain travail de reconnaissance au-delà de l’infernal tic-tac vers un salutaire ou insensé « Again ».

 Paris, le 18 Juillet 2014               Evelyne Trân

 

 

 

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