DES HOMMES DEBOUT d’après « Cahier d’un retour au pays natal » de Aimé CESAIRE Au Théâtre de La Huchette – 23, rue de la Huchette 75005 PARIS – Mise en scène : Stéphane MICHAUD avec : David VALERE

C’est à un incroyable retour au pays natal que nous convie la Compagnie  CYPARIS CIRCUS dans ce petit  Théâtre de la HUCHETTE , sorte d’aimant incrusté au milieu de la foule qui arpente  la rue de la Huchette.

  Un homme, Aimé CESAIRE a écouté la foule, « cette foule si étrangement  muette et bavarde »  celle des Antilles, celle de son pays natal.  Il s’est promené aussi au quartier Latin pendant ses années d’étude et j’imagine volontiers que s’il rentrait dans la salle du Théâtre de la HUCHETTE, il serait bouleversé de voir son poème en chair, illuminé par l’homme qui l’incarne sur   scène, David VALERE.

  La langue d’Aimé CESAIRE entraine le lecteur sur des brasiers ardents mais pas seulement, c’est un peu comme si toute la terre des Antilles, Aimé CESAIRE la respirait par la bouche, le nez, le ventre, enfin tout le corps.

  Ce qui est formidable avec David VALERE, c’est qu’il ne récite pas Aimé CESAIRE,  il évite aussi l’écueil du lyrisme qui emporte la voix mais oublie les silences.  David VALERE devient Cyparis, fils putatif de Césaire, l’homme debout  qui va témoigner des destins de l’homme humilié, l’homme esclave.

  « Vous me  voyez comme une bête, alors regardez moi bien en face ! »  Et David VALERE , Cyparis, fait le singe face au public en épluchant une banane. Une banane miraculeuse puisqu’en balayant  la poussière, elle est sourire de banane pour ceux qui n’ont pas honte de se dire de toutes races.

  « Je suis un martiniquais, un Africain transporté, mais je suis avant tout un homme » disait Aimé CESAIRE. « Un cahier d’un retour au pays natal » est devenu un classique «  il est peut être lu  au lycée et c’est tant mieux ! Je recommande notamment aux jeunes d’aller voir le spectacle de la Compagnie CYPARIS CIRCUS, pour la mise en scène vigoureuse et courageuse de Stéphane MICHAUD.

  On y voit un homme entrer dans le texte d’un poète combattant, s’accoucher de lui même, s’accoucher de nos hontes, de nos torpeurs, le feu aux lèvres, ce feu qui doit être transmis  puisqu’il est de tous les combats contre toutes les formes de racisme.

  Il y a tout un parcours à entendre, extraordinaire, bouleversant,  entre tumultes et silences, parce qu’au-delà de la beauté de la langue et du paysage, le volcan de la soufrière qui se regarde dans la mer  et ses îles, il n’y a sans doute qu’une chose qui compte, c’est qu’un homme puisse encore se frayer un passage et parler pour les siens et parler pour des hommes debout.

  Merci, à la Compagnie CYPARIS CIRCUS, vraiment merci !

  Paris, le 28 Février 2014                        Evelyne Trân

 

 

 

 

 

 

des hommes debout affiche

ALA TE SUNOGO / DIEU NE DORT PAS – de Jean-Louis Sagot-Duvauroux et Ndji Yacouba – Du 6 au 30 Mars 2014 – Tout public à partir de 10 ans – Jeudi, vendredi et samedi : 21 H. Dimanche 17 H. Durée 1 h 15. Théâtre du Grand Parquet Jardins d’Eole, 35 rue d’Aubervilliers, 75018 PARIS

les afriques

Artistes : Adama Bakayoko, Alimata Baldé, Diarrah Sanogo, Souleymane Sanogo, Tidiani Ndiaye

http://theatreauvent.blog.lemonde.fr/2013/05/03/ala-te-sunogo-dieu-ne-dort-pas-un-spectacle-de-blonba-du-2-au-26-mai-2013-theatre-du-grand-parquet-jardins-deole-35-rue-daubervilliers-75018-paris/

Informations pratiques

Le Grand Parquet

Jardins d’Eole, 35 rue d’Aubervilliers, 75018 PARIS

Métro : Stalingrad, Riquet  / Station Vélib’ et Autolib’ devant le théâtre

Renseignements et réservations :

01 40 05 01 50 / billetterie@legrandparquet.net  /  www.legrandparquet.net

La visite de la vieille dame de Friedrich Dürrenmatt – mise en scène Christophe Lidon – Du mer. 19/02/14 au dim. 30/03/14 au Théâtre du Vieux Colombier

Quiconque est entré dans une mairie française aura eu le loisir de loucher vers la fameuse « Déclaration des droits de  l‘homme » en vitrine qui stipule que nous naissons libres et égaux en droits.

 Dans sa pièce « La visite de la vieille dame » Friedrich DURRENMATT avec un malin plaisir nous montre comment une belle déclaration de justice entre les mains des notables d’un village n’a pas besoin d’être regardée à la loupe, puisqu’il ne s’agit que d’un papier, pour servir de trompe l’œil et envoyer à la mort au nom de l’intérêt de la communauté, un pauvre type.

 Ce qui est particulièrement poignant dans cette histoire c’est que l’on a l’impression d’assister à quelque chose d’inéluctable, la condamnation à mort d’un homme tout simplement  parce que la machine ayant été mise en route, rien ne peut l’arrêter.

 Dans ce que l’on pourrait considérer comme le puits du village, où fermente toute son histoire, une vieille dame, Claire Zahanassian,  vient regarder son visage de jeunesse et tout remonte à la surface, l’amour qu’elle a éprouvé pour Alfred Ill, l’épicier et aussi l’humiliation dont elle fut victime quand  son jeune et bel amant l’abandonna . Devenue riche, elle actionne la poulie qui lui permettra d’assouvir sa vengeance, sachant qu’il lui suffit de donner de l’argent au village pour obtenir la tête d’Alfred Ill.

 « Non, non, nous ne tuerons par notre épicier Alfred Ill pour de l’argent » renchérissent en chœur les notables. Evidemment l’hypocrisie du maire aussi obséquieux que le pharmacien de Flaubert, du pasteur, du commissaire, nous rassure  sur leur sens politique des réalités. Seul, le professeur parait encore rongé par ses illusions, ses valeurs humanistes de justice.

 La vieille dame perchée dans son carrosse doré, voit tout, entend tout, et s’amuse. Non, l’argent ne fait pas le bonheur puisqu’elle a perdu l’amour de sa jeunesse. S’il ne fait pas son bonheur, par contre il fera le malheur de l’homme qui l’a trahie.

 Ce vague à l’âme de l’amour  borne comme une cicatrice les visages usés de la vieille dame et de l’épicier. Alfred Ill  qui se sait condamné voit avec horreur progressivement tous les gens du village, famille comprise, s’enrichir sur son dos en s’endettant à crédit. Petit à petit lui-même s’enfonce dans la vase et se résigne à mourir. Il y a une très belle scène où retrouvant sa dulcinée dans un bois, il pose sa tête sur les genoux de  Claire.

  Quand le politique rejoint la métaphysique, quand il faut regarder une homme mourir à petits feux,  condamné par les siens au nom de l’intérêt commun, on peut se sentir assommé moralement. Mais que vaut une petite dépression de l’âme face à cet argument majeur de la lutte contre la pauvreté. La mort d’un seul homme vaut elle, même que l’on gaspille deux heures de son emploi du temps pour en parler. La roue tourne et ceux qui savent la pousser, seuls, méritent d’être applaudis.

 Que le curé retourne à sa paroisse, le professeur  ses élégies de Virgile, le maire à ses discours enflammés, le commissaire à ses lorgnons, la vieille dame à ses maris fantômes et son trophée, la tête de mort de son amant. Un homme est mort assassiné ignominieusement au nom de la Justice et surtout de l’argent. Vive la vie !

 Dans la mise en scène de Christophe LIDON, on entend les ricanements, les grimaces grotesques des uns et des autres, qui dégoulinent comme les fards d’un faux plafond très joli, mais peut être bien pourri de l’intérieur. De très beaux décors d’arbres tels des guirlandes de Noel argumentent en faveur d’un rêve lequel bien qu’il ait tourné en cauchemar, rapporte les amours de Claire Zahanassian et d’Alfred Ill.

 La distribution est particulièrement soignée, et les comédiens du français prouvent une fois de plus qu’ils sont de grands artistes.

 C’est du grand art d’arriver à mettre en balance,  la galerie de caricatures interprétées par Simon EINE, Yves GASC, Gérard GIROUDON, Christian GONON, Didier SANDRE, avec les suintements d’âmes qui suffoquent comme celles d’Alfred Ill, du professeur, et de Claire.

 Danièle LEBRUN comme toujours ne peut se départir d’une certaine grâce, qui la rend émouvante alors  même que son personnage est antipathique. Samuel LABARTHE parait interpréter un de ses plus   grands rôles tant il est saisissant d’humanité comme  Michel FAVORY en professeur torturé.

 Voilà une visite de la vieille dame qui à défaut d’être optimiste a un effet revigorant, comme si durant 1 heure et demie, nous avions été à l’écoute d’une araignée qui tisse sa toile, sa belle toile si dentelée, si souriante, avec cet œil perçant, envoûtant qui pourrait bien être le nôtre quand nous nous regardons au fond du puits.

 Paris, le 22 Février 2014                          Evelyne Trân

 

LES BIENFAISANTS- Une pièce de Raphaël THET- Mise en scène de Gaelle BOURGEOIS – Compagnie « Qui Porte Quoi ?  » au Théâtre de Verre – 17, rue de la Chapelle 75018 PARIS – Les 20, 21 et 22 février 2014 à 20 H et le 23 Février à 17 H 30. Dans le cadre du Festival au Féminin, lecture au Théâtre du Verre le 3 Mars à 17 H 30 et représentation le 4 Mars à 20 H 30 au Lavoir Moderne Parisien.

 
N.B : GAELLE BOURGEOIS et RAPHAEL THET étaient les invités de la 1ère partie de l »émission »DEUX SOUS DE SCENE » sur Radio Libertaire 89.4, le samedi 22 Février 2014 , en  podcast sur le site « grille des émissions de Radio Libertaire ».
 

Qui voudrait être qualifié de bienfaisant aujourd’hui ?  Peu de monde sans doute parce que le cynisme, l’ironie, l’humour permettent mieux de tenir la rampe, dans les réseaux sociaux,  notamment.

 Le vocable de bienfaisant nous renvoie naturellement à celui de malfaisant. Quelle curieuse connotation,  est-ce à dire que nous n’en avons pas fini avec une perception manichéenne du monde.

 Avec Raphaël THET,  nous faisons connaissance avec des « Bienfaisants » tout à fait ordinaires, sauf qu’ils sont comédiens, sauf qu’ils ont des vocations humanitaires, sauf qu’ils sont encore jeunes et plein d’idéaux.

 Nous les voyons sous la tente de leur théâtre au Togo, dans les coulisses, parler de la pièce que la meneuse de la troupe a créée pour sensibiliser la population au problème du sida, de leurs soucis d’interprétation sur scène,  de leurs conflits amoureux,  de leurs ambitions, de leur engagement humanitaire. Tout cela dans l’urgence, celle de la représentation de la pièce qui est en train de se jouer, celle des nouvelles qui risquent de changer la donne, un comédien appelé par un réalisateur connu, hésite à abandonner la compagnie. Et puis, il y a surtout le mal qui va tomber comme une lettre à la poste. Dans son affairement, une jeune comédienne tombe sur le résultat d’un dépistage anonyme révélant que l’un des membres de la compagnie est séropositif.

 Mais qui est donc malade dans la troupe se demande, plus ou moins paniqué, chacun des membres, excepté l’intéressé qui trouve le moyen de nier sa maladie.  La pièce prend des tournures pirandelliennes et ce n’est pas une mince qualité.

 Ajoutons qu’elle traite d’un sujet, la maladie du sida  qui reste  tabou, plus encore que le cancer, Sans doute parce qu’il s’agit d’une maladie sexuellement transmissible, d’une maladie contagieuse.

 En mettant en scène une troupe de théâtre jouant une pièce à vocation humanitaire, Raphaël THET fait d’une pierre deux coups, la faisant rebondir à l’envers et à l’endroit, côté cour, côté jardin, coté missionnaires,  côté autochtones. Il montre aussi que le théâtre est dans la vie quand il faut improviser, quand le « chacun pour soi » n’est plus de mise au sein d’une équipe, quand pour les comédiens résonne, de façon accrue, la frontière entre leur vocation « jouer » et être au sens le plus vertigineux qui soit, sans masques.

 Le propos n’est pas moralisateur mais il met le doigt sur  une réalité, la difficulté pour un individu d’affronter le regard des autres, famille ou collectivité, quand il est porteur d’une maladie qui fait peur. Tout va bien quand tout le monde est d’accord, rassuré, mais comme la tentation du groupe est violente de chasser la brebis galeuse hors de son champ. Facile de regarder le mal chez les autres, en Afrique par exemple, mais l’ausculter dans ses propres murs, c’est une autre histoire.

 Dans ce théâtre dans le théâtre comme des poupées russes, les comédiens étonnent pas leur aisance, leur vivacité. Ils sont tous formidables, notamment Christophe NTAKABANYURA, à la présence désopilante.  La mise en scène nerveuse et sensitive  de Gaelle BOURGEOIS ainsi que  la scénographie astucieuse d’Emmanuel MAZE, mettent  en émulsion ces jolis feux de Bengale que sont les artistes qui jouent en quelque sorte leurs propres rôles, en quête de sens, en quête d’action.

 Et nous avons envie de défendre ce théâtre là, un auteur contemporain qui trempe sa plume dans l’actualité, dans la langue des jeunes d’aujourd’hui avec naturel et beaucoup d’exigence, en interprète d’une génération qui doit apprendre à digérer peu à peu l’héritage de ses parents. Le sida, rappelons-nous, a déjà un quart de siècle. C’est à peu près l’âge des membres de la Compagnie Qui Porte Quoi ? , à la fois jeune et mûre, en tout cas pleine de promesses, porteuse d’un théâtre vivant, qui se remet en question sur le terrain, dans la vie, jamais  blasé, en pleine exploration. C’est le genre de théâtre que nous avons envie d’encourager ad vitam aeternam !

 Paris, le 21 Février 2014                                      Evelyne Trân

JEANNE ET MARGUERITE de Valérie PERONNET- Mise en scène Christophe LUTHRINGER avec Françoise CADOL au Théâtre de La Bruyère 5, rue de la Bruyère 75009 Paris

Mise en scène Christophe LUTHRINGER
lumières Thierry ALEXANDRE
Son Franck GERVAIS
Musique Gérald ELLIOTT
Costumes Alice TOUVET

avec Françoise CADOL
avec les voix d’Emmanuel JACOMY et Rémi BICHET

jeannelabruyere2Ecouter la voix d’une femme qui parle d’amour,  ailleurs que dans des magazines, dans un roman, c’est inattendu presque inespéré parce que bien que nous n’en ayons pas vraiment conscience, ce sont les hommes qui ont créé les personnages des femmes amoureuses, c’est à travers la littérature des hommes, sauf exception, que les voix des femmes se sont exprimées, pendant des siècles.

 Dans le jardin intime d’une femme, l’amour a une place souvent voilée parce que le rôle principal de la femme a été celui de mère, et que le mariage en tant qu’institution n’était pas synonyme nécessairement de mariage d’amour.

 Dans Jeanne et Marguerite, Valérie PERONNET fait entendre les histoires d’amour  de deux femmes  en parallèle, celle de Marguerite en 1900 (Marguerite est l’arrière grand mère de  Jeanne qui a retrouvé  ses lettres dans un grenier) celle de Jeanne en 2000, à travers la voix d’une seule comédienne Françoise CADOL 

 C’est ainsi qu’à travers une seule voix, l’auditeur peut se rendre compte que les sentiments parce qu’ils sont irréductibles  à toutes  conventions d’espace, de durée, de lieu, transportent invisiblement mais sûrement l’âme de ceux qui les ont vécus, exprimés ou pas.

 Ce qui frappe tout d’abord dans le texte de Valérie PERONNET, c’est sa fraîcheur, sa façon de se jeter à l’eau pour dire l’amour, l’attente de l’être aimé, la douleur de la séparation, comme si l‘amour était une flamme de vie, porteuse de vie et que toute sa fragilité  pouvait être contenue malgré tout dans la parole pour continuer à le faire vivre.

 Parce que les deux femmes Jeanne et Marguerite à un siècle de distance, se trouvent confrontées à l’idée, que leur amour peut être oublié, qu’il est éphémère comme la vie, qu’il s’agit aussi peut être d’une illusion. Or elles ne renoncent pas à laisser vivre à l’intérieur d’elles-mêmes, l’amour pour un homme mort ou un homme disparu.

 L’interprétation de Françoise CADOL est exceptionnelle. A vrai dire, elle ne joue pas, elle est en train de vivre ce que racontent Jeanne et Marguerite. Elle rayonne. C’est très beau et c’est mieux qu’au cinéma parce que les images ne s’imposent pas, les spectateurs, écoutent aussi la voix comme une source paysage, entendant  s’y refléter leurs propres émotions.

  La mise en scène avec doigté, semble mesurer l’impétuosité des sentiments. La comédienne ne quitte pas la barre de son pupitre, mais parfois on l’imagine en pleine mer ou face à  la mer, prête à être emportée par une déferlante.

 Après tout, diront certains « Qui n’a pas eu son histoire d’amour ». Nous leur répondrons que des histoires d’amour racontées et exprimées avec une telle fraicheur, c’est très rare, c’est très fort !

  Il faut aller voir Françoise CADOL, en Jeanne et Marguerite, elle est étonnante !  Même les hommes s’y retrouvent, eux qui croient  si bien connaitre les femmes !

 Paris, le 19 Février 2014     Evelyne Trân

CHANTS D’EXIL : textes et chansons de Bertolt Brecht au Théâtre du Balcon 38 rue Guillaume Puy 84000 Avignon du 13 au 16 Février 2014, puis du 18 au 24 Février à LENCHE – 4 Place de Lenche 13002 MARSEILLE –

CHANTS D'EXIL BISMise en scène : Serge Barbuscia

Adaptation : Aurélie Barbuscia

Avec : Aïni Iften , Serge Barbuscia

Bandonéon : Yvonne Hahn

Scénographie et lumière : Sébastien Lebert

Mais qui est donc Bertolt BRECHT ? Son nom résonne dans la mémoire collective comme celui de SHAKESPEARE et vient aussitôt à l’esprit sa pièce  la plus connue « L’Opéra de quatre sous ». Mais sait-on  que c’est pendant  ses quinze  années d’exil qu’il a écrit une grande partie de son œuvre : La vide  Galilée, Mère courage et ses enfants, la Bonne âme de Se-Tchouan, la Résistible ascension d’Arturo UI etc.

 Né en 1898, Brecht a connu les horreurs de la 1ère  guerre mondiale, la montée du nazisme, il devient marxiste,  résistant de la première heure, opposant à Hitler, ses œuvres sont brûlées lors de l’autodafé 10 Mai 1933.  Il  quitte l’Allemagne au lendemain de l’incendie du Reichstag. Il parcourt l’Europe, s’installe en Finlande, en Suède puis en Californie et ironie de l’histoire, après le  2ème guerre mondiale, il est à nouveau chassé des Etats Unis en 1947 à cause de son étiquette »Rouge » de dangereux communiste.

 Son œuvre est inséparable de sa vie et d’évènements historiques qui peuvent paraitre lointains pour des jeunes de 20 ans, mais qui restent encore brûlants pour leurs parents, leurs grands et arrières grands parents. Faire entendre  la voix de Bertolt BRECHT, aujourd’hui, c’est une manière de se palper, pour se comprendre en tant que citoyen du monde .

 Les chants d’exil de de Bertolt Brecht, adaptés de ses chansons et poèmes par Aurélie BARBUSCIA, ne sont pas des chants de désespoir, ce sont des chants pleins de fièvre ardente, de frémissements qui remuent la chair, qui appellent au combat pour la liberté, ils rejoignent les voix d’autres exilés comme Victor Hugo, Pablo Neruda, Nazim Hikmet, Dostoïevski pour ne citer qu’eux.

 Serge BARBUSCIA saisit  tout d’abord par sa gravité quand il apparait sur la scène plongée dans l’obscurité. C’est un peu comme s’il avait invité BRECHT à venir parler de sa vie sur scène. Oui, BRECHT est présent,  c’est un poète, un chanteur nomade, un griot, un conteur d’aujourd’hui. A même l’obscurité, les ténèbres, il est possible de faire rebondir, perler les sons de la révolte, de l’espérance, de la joie, du plaisir, grâce aux talents conjugués du scénographe Sébastien LEBERT et  des interprètes.   

balcon_2_2014_363 Accompagnés par une bandonéiste exceptionnelle, Yvonne HAHN, Serge BARBUSCIA et AINI IFTEN deviennent l’esprit des voix qui ont inspiré à BRECHT ses chansons les plus crues, les plus familières, les plus drôles et les plus libertaires.

 Le spectacle dure à peine une heure  mais il est très dense, très émouvant. Rendez-vous compte, parcourir la vie d’homme qui a traversé les pires événements qu’ont connu nos parents, en chansons, en poèmes vivants…

Le théâtre du Balcon était bondé, cet après-midi du  Dimanche 16 Février 2014,  s’y côtoyaient plusieurs générations de spectateurs, enfants, adultes, personnes âgées, tous heureux d’avoir assisté ensemble à ce magnifique cabaret chantant, parlant de  BRECHT.

 Un très joli après-midi, ma foi ! Comment ne pas être émus d’avoir pu réunir en un seul regard, aussi bien les yeux brillants d’une vieille dame avec une canne que ceux d’une enfant sur le même rang, exprimant le même bonheur.

 La vie continue, que le spectacle continue, merci le Théâtre du Balcon, nous vous souhaitons une belle tournée, à Marseille, en Martinique et toujours en Avignon puisque maintenant,  nous pourrons dire, sur le pont d’Avignon, on y danse, on y danse avec Brecht !!!

 Paris, le 18 Février 2014                  Evelyne Trân

 

 

 

 

 

 

Comme un arbre penché de Lilian LLOYD sur une idée de Michel LEEB au Théâtre La Bruyère – 5, rue La Bruyère 75009 PARIS – A partir du 21 Janvier 2014 –

comme un arbre penchéMise en scène Jean-Luc TARDIEU
Décor Pierre-Yves LEPRINCE
Costumes Virginie HOUDINIERE
Lumières Jacques ROUVEYROLLIS

avec Francis PERRIN, Gersende PERRIN et Patrick BENTLEY

Comme un arbre penché, le titre de la pièce de Lilian LLOYD pourrait être celui d’un poème. Il exprime en tout cas de façon magnifique comment la poésie  peut venir au secours de la vie dans ses circonstances les  plus dramatiques.

La pièce a pour origine une idée de Michel LEEB, les retrouvailles après une brouille de deux amis dont l’un est en état de locking syndrome, le syndrome d’enfermement consécutif à un accident vasculaire cérébral.

En vérité, il s’agit d’une véritable histoire d’amitié    entre deux hommes qui nous l’apprendrons au fil des confidences de Louis, se sont quittés en raison d’une trahison, Louis ayant séduit un jour la femme de Philippe.

Face à son ami qui ne peut plus s’exprimer que par des battements de paupière, Louis engage une véritable lutte pour ne pas sombrer dans le désespoir, il descend au plus profond de lui-même, il se déshabille, se critique, fouille dans les ridicules de son personnage un peu vain, pour distraire Philippe, et surtout convoque le souvenir de la même femme aimée Claire. En se moquant de lui-même, de sa mère envahissante, en faisant de Philippe son confident, sans doute espère-t-il, le ramener à la vie, à leur amour partagé.

Les spectateurs ne voient Philippe que de dos, ils ne savent pas comment il réagit aux paroles de Louis, ils se trouvent dans la même situation que ce dernier qui sait que Philippe entend et comprend tout mais ne peut intervenir que par l’intermédiaire d’un vocabulaire restreint, des petites phrases, épelées par des ultimes soupirs de battements de paupières.

Louis parle tout seul comme un arbre penché qui s’éprouve dans le même sillage d’ombres que son ami, il formule la solitude de l’arbre et sa tendresse  qui peuvent dans un élan mystérieux, pousser un être à l’entourer de ses deux bras.

 Francis PERRIN est plus que remarquable, il est humain. C’est dire que sa drôlerie n’a besoin d ‘aucuns artifices, la drôlerie de la vie qu’il exprime c’est une façon de charmer la vie et ses coups du sort. Gersende PERRIN, est parfaite dans le rôle de l’aide-soignante généreuse et lucide.

Oui, Louis parle tout seul, mais la présence de Philippe, Patrick BENTLEY est indéniable. A la fois terrible et fraternelle, elle représente cet écueil invisible toujours à franchir pour sortir de soi, et en dirigeant même maladroitement ses pensées, éprouver le secours d’une aide amie, puisque après tout la parole a pour origine le silence.

En se parlant à soi-même, on se parle à d’autres, la tricherie n’est plus de mise et cela sonne juste comme le saule pleureur imaginaire que contemple Louis comme s’il s’agissait de l’âme de son ami.

Cette pièce est aussi mouvante qu’un poème fleur sur l’eau et qui se balance vivante, insaisissable, avec violence, avec amour, invraisemblable, entre deux branches d’un même arbre.

Avec la vitalité qui le caractérise Francis PERRIN réussit à être drôle avec un oursin à la main, mais pas seulement, offrant à son personnage, un parcours où l’on entend crisser plusieurs voix contrariées en résonance  avec une musique intérieure, avec le silence de Philippe.

A vrai dire la délicatesse est une qualité qui passe souvent inaperçue,  elle mérite cependant d’être soulignée car  elle met en valeur le talent d’un artiste tel que Francis PERRIN,  de ses partenaires, du metteur en scène en osmose avec l’auteur de« Comme un arbre penché « . Il s’agit d’une des plus bouleversantes créations sur scène de  la rentrée ! A ne pas manquer !

 

Le 15 Février 2014           Evelyne Trân

LES ENFANTS DU PARADIS d’après le scénario de Jacques PREVERT- Mise en scène : Philippe Person – au THEATRE DU LUCERNAIRE du 5 Février au 30 Mars 2014

 

lesenfantsduparadis2Adaptation : Philippe Honoré

Avec : Yannis Bougeard, Florence Le Corre-Person,

Philippe Person en alternance avec Pascal Thoreau, Sylvie Van Cleven.

Lumières : Alexandre Dujardin

Décors : Vincent Blot

Costumes : Marion Robillard et Bédite Poupon-Joyeux

« Les enfants du Paradis » au théâtre, comment s’en étonner ? Ceux qui ont vu le film culte de Marcel Carné se souviennent évidemment des scènes de théâtre où se déploient ces vedettes mythiques, le mime DEBURAU et Frédéric LEMAITRE. C’est tout le charme aussi de ce film d’évoquer sans cesse le théâtre, celui que rêve Jacques PREVERT à travers ces personnages.

 Car tous ces personnages,  qu’il s’agisse de Lacenaire, de Deburau, de Garance, de Nathalie ou Frédéric Lemaitre,  ont des personnalités « dramatiques », dignes des répliques sur mesure que leur attribue Jacques PREVERT comme dans une véritable pièce de théâtre.

 Lacenaire, l’orgueilleux assassin, Deburau, le romantique mélancolique, Garance, la belle fine mouche, Nathalie la passionnée,  Fréderic Lemaitre, cabotin au cœur tendre, se retrouvent donc sur une authentique scène de théâtre, au LUCERNAIRE, avec pour seuls habits les dialogues de Jacques  PREVERT, et  les ruisseaux d’une belle histoire d’amour.

 Philippe PERSON qui endosse entre autres, le rôle de Frédéric LEMAITRE entend  offrir en quelque sorte une scène ouverte à la poésie de Jacques PREVERT en faisant appel à l’imagination des interprètes à qui il arrive même de danser sous l’impulsion de musique rock. Pas de temps mort, les personnages semblent toujours jaillir d’une touffe d’ombre, happée un instant par la lumière avec la rapidité d’un pinceau.

 Chez PREVERT, les pensées semblent à la fois couler de source et venir de très loin, elles sont teintées du mystère propre à chaque personnage, ce qui doit être un régal pour les comédiens qui réussissent à nuancer leurs jeux avec brio.

 ENFANTS DU PARADIS TOUS DROITS RESERVESA défaut de marcher sur l’eau de la poésie de Jacques PREVERT, nous avons avec ce spectacle, le bonheur d’être éclaboussés par ses enfants du Paradis, le Paradis qui ne l’oublions pas, se trouvait tout en haut du théâtre  et était réservé au peuple, trop heureux d’y avoir sa place . Pour Philippe PERSON et son équipe, le théâtre c’est toujours  une fête et davantage encore avec pour invité PREVERT !

 Paris le 12 Février 2014                 Evelyne Trân

 

 

KNOCK OU LE TRIOMPHE DE LA MEDECINE de Jules ROMAINS – Mise en scène : Olivier MELLOR au Théâtre de l’épée de Bois – CARTOUCHERIE DE VINCENNES – Route du champ de Manoeuvre 75012 PARIS – Jusqu’au 23 Février 2014.

knock-ou-le-triomphe-de-la-medecineAvec Stephen Szekely, Rémi Pous, Jean-Christophe Binet, Vincent Tepernowski, Dominique Herbet, Valérie Jallais, Marie-Laure Boggio.

Le Docteur KNOCK nous donnera toujours la chair de poule. Jules ROMAINS a créé la pièce éponyme en 1923 et l’a dédiée à Louis JOUVET qui la mit en scène et interpréta le rôle-titre au théâtre et au cinéma.

 De sa création à nos jours, l’espace d’un siècle, la pièce qui tient de la fable continue à nous interpeller au plus fort de notre inconscient collectif. Au Moyen Age, faisait-on la différence entre guérisseur, sorcier et médecin ?

 Nous attendons des médecins qu’ils guérissent tous nos maux mais nous restons complètement démunis  face à leur savoir, de sorte que la confiance reste de mise. Elle peut tourner à la crédulité dès lors que des charlatans qui n’ont cure du serment d’Hippocrate, usent de leur charisme, profitent de l’ignorance de leur clientèle pour prescrire n’importe quelle potion magique, assurés  que ce n’est pas tant le remède qui compte que son effet placebo.

 Disposant d’un  flair psychologique à toute épreuve, Le Docteur KNOCK sait qu’un patient est un humain qui n’entend bien que ce qu’il veut entendre. Il lui donc est loisible de flatter ses patients aussi bien les vrais malades que les hypocondriaques et donc tout le monde pour accroître sa clientèle.

  Avec un sens inné de l’art publicitaire et commercial, le Docteur KNOCK séduit tout un village, qui se laisse berner en souriant en vertu  de la loi de la chaine alimentaire, la meilleure qui soit, puisque le médecin en s’enrichissant, enrichit la commune et les notables, le pharmacien, l’hôtelier etc. Comment aller à l’encontre des réalités commerciales ? Il est heureux que les gens meurent de toute façon, faute de quoi, il faudrait les faire mourir pour que continuent à s’épanouir les entreprises de Pompes funèbres dont les enseignes s’affichent régulièrement  sur nos postes de télé.

 Le propos de Jules ROMAINS n’est pas seulement cynique, il est fort réaliste car nous sommes toujours aussi bêtes, victimes des pilules aphrodisiaques  de la publicité toujours plus envahissante et il n’y a pas de quidam qui y échappe.

 Dans une mise en scène très colorée, qui s’attache à restituer la naïveté encore bon enfant des villageois et du vieux médecin  pantouflard PARPALAID, le distingué Docteur KNOCK, incarné très justement par Stephen SZEKELY, devient un homme- machine, réglé sur une seule note, le commerce, le commerce et encore le commerce !

 Et quand la cruauté culmine et que nous songeons aussi bien à IONESCO qu’à Alfred JARRY, les comédiens aiguisent leurs violons aux airs nostalgiques, égarés sur la place du marché, rêvant de poésie, d’amour et d’eau fraiche .

 Très pertinente, la mise en scène d’Olivier MELLOR réussit à faire valser les cœurs entre effroi et sourire, servie par une jolie distribution, qui reflète comiquement avec plusieurs couleurs, ce drôle d’éventail humain que brandit Jules ROMAINS, sinon pour nous rafraîchir, nous faire respirer…

 Paris, le 9 Février 2014            Evelyne Trân

EL CID ! d’après Pierre CORNEILLE – Mise en scène de Philippe CAR – Par la Compagnie Philippe CAR – Agence de Voyages Imaginaires – au THEATRE 13 – 30 Rue du Chevaleret 75013 PARIS – Jusqu’au 16 Février 2014

Distribution 

Philippe Car Rodrigue et Alonso,
Valérie Bournet Chimène et Alonso,
Vincent Trouble Le Roi Fortunando Primero, le Comte Gomez et Alonso,
Marie Favereau Elvira, le Comte Gomez et Alonso,
Nicolas Delorme Sancho et AlonsoAvec

AFFICHE EL-CID_2701686922117738132Imaginons CORNEILLE, ce grand poète dramaturge dont les pièces Le Cid, Cinna et bien d’autres figurent toujours au programme scolaire, assister à une représentation de EL CID au Théâtre 13.

Croyons qu’il suffirait de ce théâtral choc, pour qu’il émerge d’une hibernation de 4 siècles, se remette debout, la plume à la main, prêt à batailler avec de futurs dramaturges.

 Oui, Corneille se reconnaîtrait dans ses valeureux troubadours qui tiennent une agence de voyages imaginaires à Marseille et nourrissent leurs spectacles de leurs aventures. C’est d’ailleurs en sillonnant les routes d’Espagne et du Maroc qu’ils ont recréé Le Cid de Corneille.

 Corneille de son côté s’est largement inspiré d’une pièce de Guillén de Castro, racontant les exploits d’un certain Rodrigo Diaz qui a réellement existé et qui est devenu légendaire  à l’instar de Don Juan. Et à la source, oui, il suffit de laisser flotter son imagination pour écouter les voix de Chimène et de Rodrigue victimes d’un drame, il va sans dire Cornélien, puisque les deux héros voient leur amour contrarié par les conflits de leurs pères respectifs, les devoirs filiaux de vengeance passant avant leur amour. Question d’honneur !

EL CID  BISimagesCAN8COAB La pièce se déroule comme un roman feuilleton, tenant toujours en haleine le spectateur. Les cinq comédiens musiciens habillés comme des personnages de cirque, se font l’écho de toutes les interrogations du public en faisant parler le narrateur Alonso. Mais comment donc auriez-vous réagi à la place de Chimène éperdument amoureuse de l ‘assassin de son père ?

 Les saltimbanques sont à la fois conteurs, musiciens et interprètes et ils convient les spectateurs à un tour de manège fulgurant, faisant jaillir d’accessoires enfantins – une auto tamponneuse, une caravane –  les âmes légendaires de Chimène et du Cid, palpables et incantatoires. Le décalage bien sûr fait sourire, mais il nous ramène à cette réalité élémentaire : nous pouvons entendre parler Chimène et Rodrigue débattre de  leur amour, n’importe où, car la poésie de Corneille nous surélève où que nous soyons et c’est ce merveilleux-là, monté en neige qui donne l’impression aux spectateurs d’assister à un spectacle de magie.

 Les comédiens ne cessent de se transformer, ils jouent plusieurs personnages qu’ils ne craignent  pas de bousculer avec des compositions musicales de Vincent TROUBLE, inspirées d’airs et chansons hispaniques, illustrant  chaleureusement les roucoulades des deux héros.

 Le public est conquis. Il applaudit en chœur cette résurrection de la pièce  de Corneille, festive et burlesque qui de façon étonnante met en valeur les plus belles tirades de Corneille, car ne nous y trompons pas, les comédiens respectent sa poésie. Et la voix de Gérard PHILIPE que l’on entend avant la représentation souligne leur ferveur.

 Ajoutons que ce n’est pas une mince surprise de voir une enfant de 5 ans, assister à une pièce de Corneille, les yeux souriants. Précoce sûrement, il n’empêche, la vérité sort de la bouche des enfants, le spectacle est incroyablement ouvert à tout public. A ne pas manquer !

 Paris, le 9 Février 2014              Evelyne Trân