Paroles de soldat inconnu

J’ai demandé à la tristesse ce qu’elle voulait dire. Une voix, celle d’un soldat inconnu, m’a répondu :

 « Tu sais, tu sais, j’ai été étouffé, il y a longtemps, jadis, par je ne sais quoi, avant de pouvoir dire ouf. »

 La voie est libre ai-je dit, même si on ne la voit pas. Je n’avais besoin de rien dire mais ce bruit de l’âme me plaisait.

 La voix a continué :

Aux bottes du soldat mort, fallait regarder en face celui qui te disait « Si tu n’es pas d’accord avec nous, meurs ! » Le pire c’est que je n’ai rien vu, j’étais con, j’ai préféré regarder le ciel. Ça te bousille l’amour de la vie, la mort. Comment tu peux faire lorsque tu marches sur des cadavres qui sont tes proches. Te lamenter, jamais, jamais. Ils ont tué cet homme pour le faire taire. Et c’était un homme qu’on n’avait jamais entendu. Après j’ai rejoint la cohorte des morts-vivants, ceux qui trimballaient des cadavres sur le dos. Ils pouvaient plus parler, tu comprends. Une branche d’arbre qui remue est plus audible que leurs soupirs.

Aucune munition de mots. Les mots sont lourds comme des pavés. Il faut la voix, la voix capable comme un oiseau de danser sur le visage d’un mourant ou de son meurtrier. La voix avec ces deux pattes d’oiseau qui passe d’un visage à l’autre, capable de réveiller un mort et son meurtrier. Une voix comme un oiseau qui prend l’homme pour ce qu’il est et non pas un épouvantail. Une voix en forêt qui remue le loup dans sa tanière, une voix qui sous le tapis de la peur, entend chaque feuille murmurer et jouir comme une goutte de rosée, et porte chaque bribe de pensée impuissante, entre le vagin d’une femme, cette tige d’amour respectable. Que mes cris me portent en forêt. Je veux une voix qui danse comme un oiseau sur mon front. Je veux le courant d’air d’une voix devineresse de mon corps pétri en forêt. Je veux réconcilier l’homme avec son corps au cœur de la forêt. Rendre un son faible pour mesurer l’amour que je te porte et te prédire, mon amour.

                                                                   Evelyne Trân

Exposition de laques poncées du VIETNAM à Venise du 9 Juillet au 2 Août 2013 à l’Espace culturel de San Léonardo – Cannaregio 1584, 30121 Venezia Centrostorico.

L’exposition est placée sous l’égide  de l’ambassade du Vietnam en Italie, dans le cadre des Journées vietnamiennes à VENISE qui se déroulent du 14 Juin au 3 Août 2013 à l’occasion du 40ème anniversaire de l’établissement des relations diplomatiques entre le Vietnam et l’Italie ( 1973-2013).

 

 

C’est l’ancienne église SAN LEONARDO située dans le quartier de CANNAGERIO, à proximité du Pont GUGLIE, qui tient lieu de galerie où sont exposées les oeuvres de peintres Vietnamiens renommés tels que Nguyen Tu Nghiem, Nguyen Sang, Phan Ke An, Tran Van Can, mais aussi d’autres jeunes peintres talentueux.

 

L’artisanat de la laque existe depuis la Haute Antiquité en Asie.  La laque est un matériau extrêmement populaire au Vietnam . Il s’agit de la sève du laquier, le cây son  qui pousse dans les montagnes du nord. La technique de la laque en peinture s’est développée et a été enseignée,  en tant que spécialité vietnamienne,  à l’Ecole des BEAUX ARTS de l’Indochine dans les années 1930.

La beauté et la diversité des tableaux exposés témoignent de la vitalité artistique des artistes vietnamiens. Ils trouvent si bien leurs racines à travers la laque que modernité et tradition se conjuguent  naturellement dans leurs créations.

 

 

Paris, le 30 Juillet 2013                            Evelyne Trân

 

LE GRAND CIRQUE DE LA CHANSON ITALIENNE AVEC JOHNSON RIGHEIRA/ GIORGIO LI CALZI/ GIAN LUIGI CARLONE au château de VENARIA REALE le 14 JUILLET 2013

Quelle bonne idée d’offrir aux festivaliers du Teatro a Corte, un concert de chansons italiennes, les plus populaires qui transbahutent chacune un petit bout de l’histoire de l’Italie !

 Les trois troubadours  de la chanson italienne, Johnson RIGHEIRA, LI CALZI, GIAN LUIGI sont tous les trois très connus en Italie. Johnson RIGHEIRA notamment pour des tubes estivaux des années 1980 «  Vamos a la playa » et « L’estate sta finendo », Giorgi LI CALZI pour des jingles à la radio et la télévision dans les années 1990 et GIAN LUIGI CARLONE  en tant que saxophoniste, chanteur, compositeur de la Bande OSIRIS, groupe comique du théâtre musical italien et international.

 A travers 12 chansons qui touchent plusieurs générations des années 1950 aux années 1990, c’est un véritable feu d’artifice de la chanson de variété qu’ils ont concocté pour le public, heureux de raviver la flamme d’antan mais aussi de rappeler  comment les chansons accompagnent, rythment et colorent individuellement et collectivement nos histoires.

 Les Français qui ont goûté  l’âme italienne à travers les films de Fellini, sont très vite gagnés  par ses effluves où le cirque, la parade, la danse avec le saxophone, la trompette,le chant, se marient allègrement, pour former des tableaux très vivants, parfois comiques, et très émouvants. Et pour peu que la mémoire se soit estompée, des myriades d’images du passé, présent et avenir  courent sur un écran géant, levant en bouquet les moments  forts de la 2ème moitié du siècle dernier, illustrant en cascade la valse des sentiments.

 Les Français auront eu le bonheur de vibrer à l’unisson avec le public italien aux refrains  les plus célèbres : SE STASERA SONO QUI de Luigi TENCO (un des plus grands chanteurs italiens, amant de DALIDA), TINTARELLA DI LUNA de MINA, LARGO ALL’AVANGUARDIA du groupe rock SKIANTOS et L’ESTATE STA FINENDO  de RIGHEIRA et CANTO DEGLI  ITALIOTI, le cœur des italiotes, hymne surréaliste,  tiré de la comédie Settimo de Dario FO.

 Une façon tellement agréable de donner la main au « cœur des italiotes » que nous garantissons un grand succès au concert de ces trois artistes, unis pour le meilleur de la chanson italienne. Bravi, bravi, bravi !!!

 Paris, le 23 Juillet 2013                                        Evelyne Trân           

CUERDO de KARL STETS au Château de RIVOLI le 13 JUILLET 2013 et au château de VENARIA REALE le 14 Juillet 2013

Le cadre est magnifique : juste un croissant de façade du château de Rivoli qui vient de recevoir l’orage. La nuit descend et les spectateurs ont rejoint leurs sièges encore mouillés. Un personnage dans le sillage d’une rampe de lumière apparait. Sa silhouette longiligne fait penser à un insecte géant. D’ailleurs la malle qu’il trimballe est aussi lourde que la miette de pain que traine la fourmi.

  Karl STETS est  funambule et dompteur de cordes. Ses tours sont d’apparence fort simple, mais en vérité  ce que nous raconte Karl STETS c’est que les choses sont magiques en elles-mêmes : il suffit d’un peu de lumière  sur une valise pour jeter le trouble.

Avec Karl STETS, la frontière devient extrêmement mince entre  ce nous croyons voir et ce qui se passe réellement. Parce que cet homme vient d’un autre univers que le nôtre, c’est un voyant, il sait déplacer les choses dans  l’invisible mais aussi capter les mouvements, les émotions du public de façon assez extraordinaire. Grand  charmeur de cordes, Karl est aussi manipulateur d’ondes psychiques.

 Très réceptif à la tension du public qu’il sait faire grimper comme un montreur de foire, il semble jouir de l’effroi qu’il suscite avec de simples souricières ou en se métamorphosant en Frankenstein grâce à sa corde à nœuds qui martyrise son visage.

 Ce n’est pas tant la technique qui impressionne chez cet artiste que sa manière d’être sur le fil, celui qui s’offre un coin de façade de château, le plus naturellement du monde comme s’il faisait partie du lieu et ses légendes.

 Ne croyons pas qu’un château ne soit jamais blasé par les louanges du public. L’on dit que les murs ont des oreilles mais  n’ont-ils  pas aussi des yeux ?  Une chose est sûre c’est que la magie a opéré pendant la performance de Karl STETS, ce samedi 13 Juillet 2013, funambule circassien, aussi léger qu’un arbuste animal  sur l’écran fantastique du château de Rivoli et le cœur du public pour peu qu’il soit resté jeune a dû bondir entre ses mains.

 Paris, le 20 Juillet 2013                                        Evelyne Trân           

MORCEAUX DE CLOWN écrit par YANN FRISCH et RAPHAEL NAVARRO, interprété par YANN FRISCH le 13 Juillet 2013 au château de RIVOLI

 C’est un clown timbré, un enfant qui n’a pas grandi et pourtant il nous ressemble. Au milieu de  ses peaux de banane, on pourrait  aussi le prendre pour un clochard éméché.

Quelles interprétations  ne sont pas possibles ? Il nous dit qu’il est un clown, il a le visage brouillé comme s’il avait été griffonné à la hâte. Son gros nez lui bouffe la face, il est plus que grotesque, il est grinçant, moche, monstrueux.

 Pendant son numéro qui dure à peine un quart d’heure, ce personnage se démène entre ses tours  de magie expéditifs et idiots, et ses démangeaisons existentielles. Ses tentatives de dialogue avec les objets peuvent faire remonter à l’enfance. Tout dépend du regard du spectateur également : faire jouer ensemble une petite et une moyenne théières peut avoir l’air tellement sot, ridicule et pourtant quel jeu de môme, formidable. Et cet objet que l’enfant clown pousse jusqu’au rebord de la table et fait tomber… Bien sûr, il s’agit d’un événement tout bête mais pour l’être responsable de la chute de la  chose, c’est tragique.

  A travers cette lumière sombre dévorant le personnage du clown qui réussit à paraître lamentable de bout en bout, rejaillit et c’est tout de même très fort, la petite  clochette de l’enfant roi, créateur de son propre monde. C’est bouleversant, magique, bien plus magique qu’un tour de magie spectaculaire.

 Bien que les créateurs de « Morceaux de clown »  aient pris soin d’indiquer aux spectateurs  que leur création était encore au stade de l’expérimentation, le personnage du clown interprété par Yann FRISCH a bel et bien une présence, une personnalité. Oui, il mérite d’exister et de persister sinon dans sa folie, dans sa fantaisie dramatique !

Dans la furie brouillonne de son imaginaire, le sentiment brille lunaire comme le regard du clown qui de loin glisse et vacille, invisible, trop visible ?

 Paris, le 18 Juillet 2013                           Evelyne Trân

 

               

LA SERRE – Création de l’ATELIER LEFEUVRE & ANDRE les 13 et 14 Juillet 2013 à TURIN – Piazzeta Reale –

Vraiment  la poésie et l’enfance sont à l’honneur au Festival TEATRO A CORTE  de Turin, cette année, et le spectacle « La serre » imaginé par deux artistes français, vient à pic apporter sa bouffée de fraicheur, tandis qu’il règne à TURIN une chaleur étouffante.

 Le descriptif du spectacle parle de petit cirque bestial et intime. Nous avons cherché la petite bête, en vain, A moins qu’elle se cache chez  ces deux jardiniers qui se cherchent un peu comme deux enfants  préparent leur terrain de jeu, sans se parler, dans cette bulle intime que configure la serre.

 En piste, une brouette, la  3ème personne inimaginable que Jean-Paul impose à Didier en déployant une ingéniosité effarante. Tout de même, il réussit à  faire sortir de son hamac, l’ami qui somnole,  grâce au tintamarre muet de ses exploits avec cet engin merveilleux. Mais qui a donc inventé la brouette ?

 Leur jardin recèle des trésors inaudibles  et inestimables, des  cassettes audio suspendues sur une corde à linge qui dispensent des ritournelles de la vieille époque, et pourtant bien plus jeunes que la brouette .elle-même.

Quel enfant n’a pas rêvé de faire des numéros de cirque soit devant ses parents, soit face à un public invisible ? Personne ne peut briser cette corde imaginaire. Pour que le jeu continue, chacun des partenaires doit mouiller sa chemise, inventer des réponses aux situations les plus déconcertantes, les plus osées. Jean Paul et Didier ont plus d’un tour dans leur sac, disons qu’ils sont jongleurs, acrobates et  charmeurs d’ustensiles.  

Nous n’irons pas plus loin dans la description du spectacle. C’est une création qui se tisse comme une toile d’araignée suave et coquine. Comment fait-elle pour se nicher dans le creux de l’arbre ? De même cette « serre » magique comment est-elle arrivée à se poser dans l’imposant opéra de la Piazzetta Réale ?

Est-elle tombée du ciel pour que deux jardiniers amoureux de la terre puissent faire partager au public leurs trouvailles, en dignes explorateurs des inventions de l’homme qui se conduit  parfois comme un parfait animal domestique.

Eh oui, Jean Paul et Didier à leur manière refont le monde dans leur petite serre et nous rappellent, mine de rien, qu’être humain, même avec beaucoup d’imagination, c’est pas si simple et que les jeux d’enfants peuvent être sinon cruels, embarrassants.

Mais cela fait rire le public, signe de bonheur pour ces talentueux jardiniers de notre enfance.

Paris, le 14 Juillet 2013            Evelyne Trân

 

 

 

 

http://vimeo.com/7098226#t=19

 

 

TRATTATO DELLA LONTANANZA par la Compagnie ZEROGRAMMI le 12 Juillet 2013 au château d’AGLIE- Création in situ – Première Italienne –

Les danseurs de la Cie ZEROGRAMMI n’entendent pas meubler le vide, ils donnent l’impression de le laisser échapper d’eux-mêmes pour ouvrir l’espace.

 Chacune de leurs interventions vis-à-vis de leurs partenaires tiennent du mime mais c’est en solo que chacun donne la mesure de son chant propre.

 A  les voir, le spectateur peut se remémorer le manège de moineaux devant des miettes de pain et se souvenir comment l’envol inopiné  et pourtant prévisible d’un de ces oiseaux peut le surprendre pendant sa contemplation.

 Les mouvements d’attraction et de répulsion qui vrombissent les corps des danseurs parlent toujours de communion et de solitude, du désir de l’autre et de sa peur.

  Il se dégage de leur corps parlants un langage propre à engager le dialogue avec les pures sensations du  toucher et au-delà,  dans la mesure où l’exploration peut se révéler aussi bien embarrassante, contrariée que limpide.

  Les danseurs de la compagnie ZEROGRAMMI sont des poètes qui s’ignorent, des Pierrots lunaires qui ont oublié jusqu’à leurs noms. Du moins le prétendent-ils car ils scrutent l’involontaire, ce qu’il y a de plus démuni, de sot, de naïf, de rustre dans leurs élans,  pour retrouver la grâce.

 Car l’inouï, la grâce dépend sans doute de cette aptitude à laisser parler tous les feuillages de son corps, le temps d’un oubli.

 Ils s‘oublient donc ces danseurs, vulnérables, dans le poème de leurs affrontements, leurs retrouvailles, leurs cassures, leur désarroi. Ils repoussent la logique narrative qui entend qu’il y ait un début,  une fin.  Ils préfèrent l’attente et la surprise même s’il peut s’agir d’une déconvenue.  Ils ont supprimé le téléphone.

 Mais le spectateur y gagne un espace de rêverie lumineux où lui même s’il lui prend de s’oublier, volerait jusqu’au plafond superbe de la salle du château d’Aglié pour décrire ses peintures doucement naïves. Comme si toutes les figures de ces danseurs s’étaient échappées du rêve de l’albatros de Baudelaire pour enchanter  le château. Quel bonheur !

 Paris, le 13 Juillet 2013                                      Evelyne Trân

 

 

              

FREEZE ! Answers are blowing in the wind – Création in situ de NICK STEUR au château d’AGLIE, le 12 Juillet 2013 et au château de RIVOLI, le 13 Juillet 2013

Dans le parc du château d’Aglié, la nuit est encore très claire. Les spectateurs descendent tranquillement les marches de l’imposant perron pour s’approcher d’un curieux bonhomme affairé autour de cubes en verre.

 C’est Nick STEUR  qui expose des pierres dans une  galerie en plein air sur la pelouse. Devant le regard médusé des curieux, Nick STEUR se livre à un exercice d’équilibriste qui pourrait rappeler celui, oh combien périlleux, des bâtisseurs de châteaux de cartes.

Ce qu’il choisit de mettre en équilibre ce sont des pierres de taille, de formes très diverses dont nous ignorons l’origine, l’histoire, mais qui, très certainement, l’ont séduit.

 Nick STEUR est extrêmement concentré; la pierre en soi n’est pas dangereuse mais sa matière recèle des possibilités à explorer. Pour  l’utiliser non plus comme un objet mais comme une amie, il  faut la connaitre.  Sans nul doute, le fait seul de toucher la pierre instruit l’artiste, sur sa résonance, sa densité, et il communique avec elle. Une pierre est vivante et c’est pour cela qu’elle peut accompagner le désir d’un homme, se laisser apprivoiser par lui.

 Nick STEUR est peut-être un dompteur de pierres. La vérité est qu’il entend exprimer sa joie de manipuler des pierres en leur offrant des apparitions inattendues, en leur faisant profiter d’une intention éphémère mais inoubliable.

 Les sculptures nocturnes de Nick STEUR, ne reposent que sur un souffle de pause.

Les pierres se rejoignent dans la mémoire de celui qui les utilise et au-delà puisque c’est sur l’instant, tandis qu’une fontaine coule, que des spectateurs chuchotent, que  Nick STEUR  va leur offrir une nouvelle figure.

 Spectacle insolite, captivant où l’homme semble murmurer à l’oreille des pierres pour les faire « danser » au moment même où nous retenons notre souffle pour les voir. Et nous pensons que nous avons participé avec un peu de ferveur à l’éclosion de ces sculptures, en sondant presque miraculeusement  avec Nick STEUR, l’âme de ces pierres qui ne soupirent qu’en silence.

 Paris, le 13 Juillet 2013                               Evelyne Trân              

POEME EN FLEURS – CONTE FAMILIAL –

Maman me dit d’écrire un poème. mais je n’ai que 4 mots en tête : papillon, prière et carnaval…A vrai dire je ne sais pas compter. Le 4ème mot, il sort de l’égout, il a la forme d’un scarabée d’or. C’est la faute de ma sœur, ah la malheureuse, elle avait fait  tomber une pièce dans l’égout et ma mère l’avait grondée.

 Le scarabée d’or a la couleur rouille d’une plaque d’égout mais je ne suis jamais allée dans les égouts. Je crois bien que le scarabée qui s’est échappé de ma mémoire, a beaucoup joué avec ses pattes avec la pièce de ma sœur. Comme j’étais contente de voir que la pièce n’était pas plate  et qu’elle dansait à l’envi, à l’envi avec son cavalier.

 Le scarabée d’or venait de la forêt, il a demandé à ma mère un poème alors ma  mère nous a envoyés ma sœur, mon frère et moi chercher des mots, parce que parait-il, ils poussent comme des champignons, dans la forêt en automne.

 Sous un tas de feuilles, j’ai trouvé le mot prière et ma sœur en grimpant sur un marronnier a trouvé le mot trésor et  elle a l’a posé sur le tas de feuilles. Nous n’osions pas le toucher, il brillait, il nous impressionnait. Alors mon frère a dit qu’il fallait le cacher et l’oublier parce qu’un trésor c’est  pas fait pour être regardé, que c’était comme une fleur, que ça pouvait grandir mais à l’abri des regards, la nuit par exemple.

 Mon frère a trouvé un mot inconnu, très mal écrit sur un bout de papier  extrêmement mince : marmot. Il nous a  fait rire aux éclats.

  Finalement ma sœur a écrit le mot : maman.

 « Prière, trésor, marmot, maman » cela ne faisait pas beaucoup de mots, mais nous nous sommes attelés à la tâche. Nous avons peint tous ces mots sur  une belle carte postale et sommes allés à la rencontre de notre mère. Elle discutait avec le scarabée d’or. En nous voyant, elle a souri et le scarabée d’or aussi a eu l’air content et j’ai crié « Papa ! ».

 Paris, le 5  Mai 2013                     Evelyne Trân

 

 

 

 

 

HENRY PESSAR : un arbre à histoires fabuleuses, sur les pages d’un livre : Dans la mémoire des étoiles (EDITIONS APOPSIX)

Henry PESSAR est un arbre volant qui prend racine là où il se déplace. Bien sûr la comparaison avec un arbre peut paraitre saugrenue mais c’est l’impression qu’il donne car il regorge d’antennes et sait faire fructifier dans son corpus terrestre les éléments essentiels de l’eau et de la terre.

 L’arbre de sa mémoire est si spongieux qu’il est capable de recueillir et de conserver toujours en mouvement tout ce qui contribue à son exaltation et  sa curiosité insatiable vis-à-vis d’un monde qu’il a parcouru et qu’il  parcourt toujours en quête de nouvelles rencontres souvent confondantes, inattendues, étranges, débordantes.

 Dans son roman-voyage intitulé « Dans la mémoire des étoiles » Henry PESSAR  tisse sa toile d’araignée de telle sorte que le lecteur puisse s’y déplacer comme sur une carte du monde presque en suspension et sans se soucier ni du décalage horaire, ni des distances, en se laissant balloter tout simplement, suspendu à l’écriture  élégante et souple, légère et intimiste.

 Evidemment, Henry PESSAR, en digne chasseur de papillons de rêves a choisi pour le lecteur les histoires les plus incroyables, celles qui débordent de la soupière. Mais encore faut-il être capable de soulever le couvercle.  Avec Henry PESSAR pour guide, le lecteur finit  par se croire visionnaire car c’est sous la nappe de l’invisible à l’œil nu que se présentent les  plus saisissantes découvertes.

 Oui  vraiment, il faut se laisser surprendre par le guide de musée aveugle, le vieillard aux yeux d’azur,  assister à sa rencontre avec José  GORRAL, un « rouge » espagnol, réfugié à Gibraltar qui pleure en lisant un  poème de LORCA, suivre l’enterrement d’un ami au cimetière de Tolède…

 Ses personnages sont des villes : TOLEDE, SAN MIGUEL, SANTO DOMINGO, EDINBOURG, CHARTRES, COPENHAGUE …et des anonymes qu’il baptise : le lévrier philosophe, le lapon de haute époque …

 Ses évocations stupéfiantes ne sont pas sans rappeler Jorge-Luis BORGES, autre voyageur de mémoire impénitent.

 Pour réveiller sa vision de Kirsten, une femme aimée, Henry devient lyrique et c’est si beau que je ne résiste pas à vous livrer cet extrait :

 « Redoutant de perdre ce joyau, je dois tenter de me rapprocher de toi avec prudence ; évoquant à peine les bribes de toi qui somnolent au fin fond de ma  mémoire. Je crains de pulvériser ton image et te réduire en miettes impalpables… Souvenir restauré qui ne m’appartiendra plus ; qui n’existera qu’au second degré, réinventé, éloigné de cet instant aux mélancoliques délicatesses ; tel le parfum trop suave, volatile d’une rose thé. »

 Voilà un livre à lire sans soif, un soir par exemple où on a laissé tomber la télévision  pour s’abandonner à cet exercice audacieux de la lecture-rêve, miraculeuse… Merci Henry PESSAR !

 Paris, le  11 Juillet 2013                 Evelyne Trân

http://www.apopsix.fr/catalogue/dans-la-memoire-des-etoiles–978-2-35979-068-9.html