LA NAIVE de Fabio MARRA – Mise en scène de l’auteur – au THEATRE POCHE DE MONTPARNASSE – 75 bd du Montparnasse, 75006 Paris – Du 21 mai au 30 juin Du mardi au samedi à 21h30 et dimanches à 17h. Relâche le 26 mai

Sonia Palau

Georges d’Audignon

Valérie Mastrangelo

Aurélien Gomis

Floriane Vincent

Fabio Marra

 

Sans aucun doute Fabio MARRA aime créer des personnages. Celui de la naïve lui a peut-être été inspiré par des personnes réelles. A vrai dire, nous avons l’impression qu’il y met beaucoup de lui-même et que l’attention qu’il porte à la nature humaine, lui permet de brosser des portraits forts croustillants qui relèvent de la comédie, la comédie de la vie à bâtons rompus.

 Ils ont aussi cela d’authentique ces personnages c’est qu’on les croirait cousus main sur les comédiens.

 Avec la naïve, il s’empare d’un lieu commun à la farce, à la comédie de boulevard mais de façon très crue, celui de l’adultère avec pour toile de fond, la condition d’une famille de Naples, qui se débat dans la misère, pour cause de chômage.

 Il s’agit donc d’une comédie populaire, puisque que les personnages ne sont pas des bourgeois, mais de simples ouvriers. En raison de son inactivité forcée, le mari n’a pas d’autre loisir que de tromper effrontément son épouse, la naïve.

 La force de la comédie tient à la tension dramatique qui noue les personnages, leur situation précaire .La misère auxquels sont acculés les membres de toute une famille, il la brosse avec un humour, un sens du comique absolument décapant. En somme ce qui devrait nous faire pleurer nous fait rire aux larmes.

 Car il s‘agit d’humains complètement à bout de leur humanité, filmés dans une cocotte-minute qui n’arrête pas de siffler pour finir par exploser.

 La seule qui ait un travail peut encore être bonne et naïve mais les autres n’ont pas d’autre répondant que leur méchanceté, leur férocité, ou perversité.

 Les comédiens expriment l’outrance et la grossièreté de leurs personnages avec une telle vitalité qu’un dessinateur serait bienvenu de dresser leurs portraits à couteaux tirés. Gennaro, notamment,  le beau-père insupportable, joué par Georges d’Audignon devrait figurer dans une anthologie de bande dessinée.

 Dans ce cocktail explosif à l’italienne, la comédienne espagnole  Sonia Palau « la naïve » est formidable.

 Le spectacle est un superbe moment de détente, digne d’une lecture du «Canard enchaîné ». Manifestement Fabio MARRA a du style. Quel est donc son secret ? Sinon une belle dose de naïveté, cette petite flamme tremblante d’humanité qu’il ajoute au tragique et burlesque de la vie. Juste un petit soupçon d’innocence, oh combien bienvenu sur nos regards blasés et corrompus.

 Paris, le 26 MAI 2013                                             Evelyne Trân

CABARET BORIS VIAN – mIse en scène de Serge Bagdassarian au STUDIO-THEATRE – Galerie du Carrousel du Louvre 99, rue de Rivoli 75001 PARIS

avec Véronique VELLA, Cécile BRUNE, Florence VIALA, Françoise GILLARD, Elsa LEPOIVRE, Serge BAGDASSARIAN, Stéphane VARUPENNE, Jérémy LOPEZ, et les musiciens Benoît URBAIN, pianiste, accordéoniste I Philippe BRIEGH, saxophoniste,clarinettiste, violoniste I Florence HENNEQUIN, violoncelliste I Hervé LEGEAY, guitariste I Stéphane VARUPENNE, tromboniste.

Instant privilégié, rêve d’ouate et de luxe, écrin géant où se mettent en place sur le taffetas rouge, dans leurs beaux costumes, des figurines dansantes sur la  rivière d’eau dormante de leur magicien. Tous les rêves sont permis avec Boris Vian, et l’écrin géant, c’est un peu touchée par la grâce, une jolie grappe de comédiens tels des fruits de mer débordant d’une corbeille de chansons.

La  première impression, c’est qu’ils sont trop beaux, trop chics, tous ces personnages pour parler la langue de Boris VIAN, le bohème, le désargenté.

D’un coup de langue dans un verre de champagne, à vrai dire, le metteur en scène Serge BAGDASSARIAN se risque de façon trompe l’œil, dans tous les manèges de son mentor avec une innocence éblouie.

Un train  d’images folles, intrépides, bouillonnantes, farfelues, mélancoliques, boulimiques, romantiques, ouvert au vent d’une musique espiègle, raffinée , déjantée. Stéphane VARUPENNE en oublie même son trombone lorsqu’il s’agit de jouer à même les mots la complainte du consommateur  quelque peu enhardi  par son élégante et suave partenaire Elsa LEPOIVRE.

Qu’ils rivalisent de talent, ces comédiens et musiciens, c’est peu dire. Le bouquet de chansons choisies par Serge BAGDASSARIAN, marie toutes les couleurs avec une prédominance pour la couleur violette, celle du sentiment. « Barcelone » chantée par Elsa LEPOIVRE  vous laisse quelques griffures, au coin du cœur, oh douceur de l’évanescence ! Comment ne pas être renversé par l’interprétation de « La marche turque de Mozart », si fruitée, douce-amère et coquine de Véronique VELLA .Boris Vian n’eût pas voulu crever sans l’entendre parler son poème « Je voudrais pas crever » car il est dingue, dingue d’amour pour la vie.

Boris Vian faisait feu de tout bois parce qu’il était pressé, pressé par l’amour. Il avait l’humeur chaude, mélancolique, sensuelle. C’était un touche à tout bizarre, et surtout des femmes qu’il sait si bien faire grimper aux arbres avec « Johnny fais-moi mal » et « Une bonne paire de claques dans la gueule »

Et puis on n’est pas sérieux quand on s’appelle Boris Vian, qu’on tire aux cartes avec ses chansons et on a même le droit de tricher. La seule règle c’est de prendre du plaisir et de se donner à fond.

Le bonheur des comédiens et des musiciens, oiseaux chanteurs, secoue si bien l’arbre imaginaire de Boris Vian, que tous les spectateurs à l’issue du spectacle auront l’impression d’avoir à portée de main, à portée de cœur, leur propre tirelire de chansons, un véritable petit trésor.  

Paris, le 25 Mai 2013                              Evelyne Trân

 

 

 

LA PATIENTE de Anca VISDEI au Théâtre du Mais – 37 RueVolta 75003 PARIS – Mise en scène de Pauline MACIA, avec Barbara LAMBERT et Michaël COHEN – Du 6 Avril au 26 Mai 2013 – les dimanches à 15 H, les samedis à 19 H

La rumeur courait que certains psychanalystes avaient des relations amoureuses avec leurs patientes. J’avais interrogé à ce sujet une camarade psychologue qui m’avait répondu très sérieusement « Ça peut arriver ».

 La comédie fort croustillante d’Anca VISDEI laisse supposer qu’elle a elle-même connu le divan de l’analyste. Dans tous les cas, elle tire si habilement les fils des entretiens entre la patiente et son docteur de l’âme, que les spectateurs ont l’impression de s’introduire dans celle de ce docteur auréolé de son devoir professionnel, certes, mais qui n’en reste pas moins un homme.

 Les psychiatres ne s’offusqueront pas de voir un de leurs collègues tomber amoureux de sa patiente. Ce n’est pas un sacrilège dès lors que toutes les règles de l’analyse sont respectées. Le transfert amoureux d’une analysante vers son analyste fait partie de l’analyse. Dieu merci, tous les médecins n’ont pas le coup de foudre pour leurs clientes, sinon la profession  mettrait la clé sous la porte.

 En attendant que l’amour frappe à la porte, nous avons l’opportunité d’assister à la cure d’une jeune femme qui se déroule sur plusieurs mois, et de voir évoluer les deux personnages dans leurs comportements, leurs attitudes, comme dans la vie somme toute.

 Qu’il est agaçant tout de même ce psychanalyste capable de répondre du tac au tac aux agressions verbales de sa cliente très exubérante, sans jamais se démonter, observant un calme olympien, avec un léger sourire ironique.

 A vrai dire cet analyste est plutôt sympathique et si nous avions son adresse, nous serions très enclins à prendre rendez-vous. Il est déjà pris hélas, et c’est tant mieux pour sa charmante cliente.

 Chassez le naturel, il revient au galop. Pile ou face, monsieur le psychanalyste ? Face, vous allez l’air d’être très sérieux, pile, seul dans votre cabinet, vous apparaissez particulièrement chamboulé, pris au piège de l’amour. Votre cliente arbore des tenues plus acidulées les unes que les autres, elle est vivante, elle est craquante, et elle n’est pas idiote,  comme nous vous comprenons !

 Barbara LAMBERT et Michaël COHEN excellent tous les deux chacun dans leurs personnages. La mise en scène très efficace est à la hauteur de la comédie légère, pétillante, drôle et brillante. C’est illuminant, gracieux et ça donne même à réfléchir. Si le cœur vous en dit, sachant qu’il s’agit d’une affaire très sérieuse que celle de décider de faire une analyse, commencez donc votre cure en allant au théâtre. Il n’y a pas de meilleure  thérapie pour relever ses cernes qu’un peu de rire avec une rincée d’intelligence.

 Paris, le 19 Mai 2013                 Evelyne Trân

 

LA TEMPETE DE William SHAKESPEARE, mise en scène de Philippe AWAT au Théâtre d’IVRY ANTOINE VITEZ – 1, rue Simon Dereure 94200 IVRY du 13 Mai au9 Juin 2013

Mise en scène Philippe Awat traduction et adaptation Benoîte Bureau assistante à la mise en scène Magali Pouget effets scéniques Clément Debailleul compagnie 14:20 espace scénique Benjamin Lebreton lumière Nicolas Faucheux assisté de Fabrice Guilbert création musicale Victor Belin et Antoine Eole création sonore Emmanuel Sauldubois création costumes Pascale Robin assistée de Marine Bragard maquillages et coiffures Nathy Polak travail corporel Véronique Ros de la Grange
avec Thierry Bosc, Mikaël Chirinian Xavier De Guillebon, Laurent Desponds, Benjamin Egner, Malik Faraoun Serge Gaborieau, Florent Guyot, Pascale Oudot ,Jean Pavageau, Angélique Zaini

 La Tempête,  dernière œuvre de Shakespeare, est une tragi-comédie fascinante, portée de bout en bout par une réflexion sur la condition humaine, très ouverte.

 Prospéro, un mage vieillissant y incarne toute la suffisance d’un homme doté de pouvoirs surnaturels, un demi-dieu en quelque sorte, qui ébloui par ses pouvoirs finit par comprendre qu’ils n’apportent pas de réponse à ses questionnements sur la nature humaine.

 Par désir de vengeance à l’encontre d’un frère qui a usurpé son royaume, aidé par Ariel, l’esprit de l’air, il orchestre la tempête qui fera échouer sur son île, son frère, le roi de Naples et quelques napolitains.

 Le cauchemar que vont vivre ces personnages est symptomatique de la misère morale et spirituelle de petits hommes qui se débattent comme des insectes pris au  piège. Prospéro les considère tous avec mépris, dont le bât va le blesser dès lors qu’il devra examiner le sort de sa propre fille, Miranda à qui il entend donner pour époux Ferdinand, le fils du roi de Naples.

 Thierry BOSC infuse tout son aspect humain au personnage de Prospéro, exprimant les déchirements d’un homme vieillissant (Comme le Roi Lear) qui sait que le glas va bien sonner. Il lui faut redevenir solidaire de la misère des autres humains.

 A cet égard, Caliban, demi-monstre, superbement joué par Florent GUYOT, configure le personnage le plus humain de la pièce, il est à la fois le plus enchainé, esclave de Prospéro, et le plus libre parce qu’il peut parler à partir de sa propre expérience, sans avoir recours à aucun pouvoir qu’il soit surnaturel ou livresque. C’est un poète hypersensible, capable physiquement d’être en symbiose avec la nature, alors même qu’il est désigné comme un monstre et qu’il se conduit comme tel.

 La 3ème figure emblématique de la pièce c’est Ariel, un esprit de l’air. Pascale OUDOT lui donne toute sa densité aérienne. C’est un esprit  secourable qui n’a d’autre réalité que celle d’être entendue, appelée. C’est Ariel qui respire au bout de chaque branche, au bout de chaque feuille, bourgeons d’humains que ne peut s’empêcher d’invoquer Prospéro.

 » Nous sommes faits de la matière dont les rêves sont faits et notre petite vie court du sommeil d’avant la naissance à celui de la mort ». fait dire à Prospéro,  Shakespeare.   Cette réflexion qui parait incontournable, n’empêche pas de vivre et d’accepter d’être le jouet d’illusions car dans le mot illusion, il y a l’idée de la lumière, du jour, et quand bien même les humains ne seraient pas les auteurs de leurs rêves, ils les vivent.

 La dimension fantastique, féérique de cette épopée humaine est fort bien agencée par le metteur en scène qui privilégie cependant l’aspect cauchemardesque,  en plongeant la scène dans une obscurité, très pesante,  celle-là même, s’ils en étaient vraiment conscients, que devraient soulever chacun des protagonistes pour devenir cette brèche humaine qui dialogue avec l’univers.

 Car Shakespeare décrit des êtres à la fois prisonniers des autres et d’eux-mêmes, qui n’ont d’autre lumière que celle de leurs désirs et Prospero n’échappe pas à la règle puisque sa motivation première est la vengeance.

 La scénographie fait naturellement appel à la magie et la vision d’un Ariel flottant en l’air est très impressionnante.

 La couleur noire de la mise en scène pourrait faire penser à certains tableaux de Soulages. Sous l’enclume, le texte tellement exaltant de Shakespeare d’un point de vue philosophique et poétique, peine parfois à respirer.

 Cela dit, les spectateurs retiendront de ce spectacle, sans conteste, de superbes tableaux, où les figures de Prospero, Caliban et d’Ariel se détachent de façon toute shakespearienne, véhémente, tragique, avec toujours cette note de comique et d’humour qui est la marque de tendresse de Shakespeare pour ses personnages.

 Paris, le 18 Mai 2013         Evelyne Trân

 

 

 

44 Duos pour violons de Béla BARTOK – Spectacle musical à l’Essaïon 6 rue Pierre au Lard 75004 PARIS – Mise en scène de Jean PETREMENT- jusqu’au 24 Mai 2013, les jeudis, vendredis, samedis à 21 H 30 .

Avec  Jean PETREMENT et aux violons :

Leonard STEFANICA et

Clément   WURM

 Les 44 duos pour violons de Béla BARTOK sont de véritables petites perles musicales, à l’état brut, inspirées des airs populaires de la musique paysanne hongroise s’étendant aux territoires slovaques,serbes et roumains.

 A la faveur d’une commande pour une nouvelle méthode de violon, Béla BARTOK composa ce bouquet de duos en 1931, puisant, dans le vivier des mélodies paysannes, les airs les plus représentatifs d’une musique qui renferme en quelque sorte l’âme de tous ceux qui l’ont véhiculée et qui semble rejaillir des racines mêmes de leur terre, pour devenir leur langue musicale.

 Il est possible d’écouter seulement la musique, mais il faut reconnaitre que l’on assiste aussi à une sorte de chorégraphie naturelle des archets sur les violons, ce qui plonge l’oreille dans le mouvement inouï des êtres et des choses. Etrange sollicitation de tous les sens à  partir de quelques bulles d’air qui tirent leur résonance, on le sent, aussi bien de l’impact de la main sur la charrue, que du ressenti rude, chargé d’embruns et de soleil, émulsionné, presque sauvage. C’est l’oreille qui travaille la terre, qui y plonge physiquement avec pour seul ferment l’âme de la musique.

 La mise en scène de Jean PETREMENT, sorte de clin d’œil à BARTOK nous décrit un personnage entier, en quelques évocations de sa vie difficile (Il quitta sa chère Hongrie à 58 ans parce qu’il refusait le régime nazi) dévouée à l’exploration de cette musique paysanne peu connue. Ces évocations s’intercalent à travers les 44 duos qui forgent le dialogue entre deux jeunes musiciens très inspirés, soucieux d’exprimer,  aujourd’hui, à partir de leurs propres expériences, leur bonheur de toucher cette matière si  riche, si dense, si physique.

 Un spectacle à l’essence de Béla BARTOK, secrète et profonde, mais aussi ruisselante de fraicheur par sa simplicité. Car ces mélodies, disait-il, doivent être « des exemples pour la qualité et la densité sans égale de la pensée musicale qui s’exprime sans détail superflu ».

 Une grande leçon de musique !

 Paris, le 17 Mai 2013                  Evelyne Trân

 

Le Café Frappé de et mise en scène Gérard CHABANIER au Théâtre de l’Epée de Bois – Cartoucherie – Route du champ de manoeuvre 75012 PARIS du 11 Mai au 9 Juin 2013, le samedi à 21 H., le dimanche à 18 H.

Avec Gérard CHABANIER, Juliane CORRE, Lionel MUZIN

Musique Eric KRETZ, au piano Akémi SOUCHAY

Décor Sandrine LAMBLIN et Philippa BUTTLER

Si vous avez envie de passer un bon moment, attablés à une tasse de café, dans un décor de rêve, sans vous prendre la tête et bailler aux corneilles, rendez vous au Café Frappé du Théâtre de l’Epée de Bois.

Vous serez accueillis par deux serveurs et une serveuse tout à fait « branques » qui n’ont pas d’autre ambition que celle de récréer l’ambiance des Cabarets 1945-à 1960 quand sévissaient de drôles de loustics tels que Roger Pierre et Jean Marc Thibault, Francis Blanche et Pierrre Dac etc.

Pari réussi et sans une gousse d’ail de nostalgie.Les  gugusses ont dans leur tablier ce qu’il faut pour retourner l’estomac et faire plier de rire leurs clients.

Des recettes de grands parents et pourquoi pas. Accompagnés d’une jolie pianiste qui égrène quelques  airs d’Eric KRETZ,  ces joyeux drilles illustrent avec panache qu’il suffit de déboucher un peu son imagination pour rire,  à partir de situations les plus dérangeantes mais si proches du quotidien, sans même faire référence à l’actualité.

Leurs sketches ont le bon sens de se saborder les uns les autres sans fumisterie aucune, disons plutôt qu’ils se renvoient la balle, courts et efficaces,  avec une rapidité digne de numéros de jongleurs et une diversité de bon aloi . En effet, ces apôtres du rire maitrisent aussi bien l’art du mine que celui de la contrepéterie ,  ils nous délectent de chansons « A la claire fontaine » et nous médusent, mine de rien,  avec des tours de magie comique.

Un cocktail de loufouquerie fort bien bien fouetté, agrémenté de pochettes surprises dont nous ne dirons mot pour laisser aux spectateurs la primeur de la découverte.

Une heure 15 de plaisir bon enfant, de plaisir tout court !

Paris, le 13 Mai 2013                                     Evelyne Trân

 

 

LA NUIT DES ROIS de William Shakespeare – Mise en scène Serge Lipszyc – au Théâtre de l’Epée Bois à la Cartoucherie – Route du Champ de Manoeuvre 75012 PARIS du 10 Mai au 9 Juin 2313

Mise en scène Serge Lipszyc

Avec Bruno Cadillon, Gérard Chabanier, Juliane Corre, Jean-Marc Culiersi, Valérie Durin, Serge Lipszyc, Sylvain Meallet, Lionel Muzin, Henri Payet

Scénographie Sandrine Lamblin – Costumes Anne Rabaron – Lumière Jean Louis Martineau

Dans la salle en pierre de l’Epée de Bois, un objet insolite, d’une grande beauté, intrigue tous les regards. Il fait penser à une sorte d’insecte géant de l’espèce des libellules, figé dans le temps par suite d’une tempête.  Il s’agit en réalité d’un bateau échoué de l’époque Elisabéthaine, dont les voiles se dressent encore.

 La Nuit des Rois, mais pourquoi donc ? Parce que c’est la 12ème nuit de Noël, l’épiphanie qui commémore l’arrivée de rois mages, un jour de fête célébré dans toute l’Europe, où l’on se travestissait comme au carnaval. Cette pièce fut jouée à la cour d’Elisabeth 1ère, le 6 Janvier 1601, soit plus de 4 siècles avant notre ère.

 Il faut le souligner parce qu’étonnamment, cette pièce respire la jeunesse et la fantaisie, un véritable festin pour le cœur et l’imagination, avec en ligne de mire l’amour, sous toutes ses formes ou derrière tous ses masques.

 Par jeux de miroir, redoublés, des chemins de traverse romanesques, surprenants, les personnages jouent à cache à cache avec l’amour, cet amour qui finit par exploser,  en dépit des apparences souvent trompeuses.

 A l’époque d’Elisabeth 1ère, les femmes n’avaient pas droit à la scène, de sorte que leurs personnages étaient joués par des hommes. Le metteur en scène se fait un malin plaisir de respecter la tradition et va plus loin encore …

Sachant que  chaque humain porte en lui aussi bien des composantes féminines et masculines, il suffit d’adapter son regard à la situation. Qu’est ce qui est le plus important en somme, le rôle que joue Olivia dans la pièce ou son aspect physique ?

C’est son rôle qui est déterminant, bien davantage que son physique. En vérité, Shakespeare suggère qu’il n’y a pas tant de différence entre l’homme et la femme. Les conventions ont creusé cette différence, pour le pire et le meilleur, allez savoir.

Quel bonheur de voir jouer une femme par un homme, de façon naturelle, sans affectation, nous voilà bien loin de la « Cage aux folles », Bruno Gadillon excelle dans le personnage d’Olivia.

C’est l’esprit de la farce qui domine dans cette pièce mais délayé tout de même par des personnages qui ont la droiture de leurs sentiments, capables de grandes envolées poétiques et de pensées très philosophiques.

 Il ne faut pas chercher d’autre intrigue que celle de l’amour qui tisse contre vents et marées sa toile, histoire de se laisser porter comme de vrais aventuriers naufragés, par cette pièce qui pétille de fraicheur, qui regorge de traits d’esprit.

 Et les comédiens libèrent tout ce charme, à cœur joie, sous la houlette du facétieux metteur en scène Serge Lipszyc.

 Paris, le 12 Mai 2013                  Evelyne Trân

 

 

 

Les tentations d’Aliocha d’après les Frères Karamazov – D o s t o ï e v s k i au Théâtre de l’Aquarium du 10 au 24 Mai 2013 à la Cartoucherie – du Champ de manoeuvre 75012 PARIS –

Traduction André MARKOWICZ   Mise en scène Guy DELAMOTTE Adaptation Véro DAHURON / Guy DELAMOTTE

Avec

Véro DAHURON (Grouchenka)
Catherine VINATIER (Katerina)
David JEANNE-COMELLO (Aliocha)
Anthony LAIGNEL (Smerdiakov)
Gilles MASSON (Ivan)
Timo TORIKKA (Dmitri)
Décor Jean HAAS
Costumes Cidalia DA COSTA
Lumières Fabrice FONTAL
Vidéo Laurent ROJOL
Son Jean-Noël FRANÇOISE
Régie générale Kévin PA
 
 
 
    Pour tous ceux qui n’auraient pas lu « les frères Karamozov » la mise en scène et adaptation théâtrale de l’œuvre par Guy DE LAMOTTE et Véro DAHURON, les plongera d’emblée dans  l’univers mental de Dostoïevski, un univers hanté par l’idée du péché, le sentiment de culpabilité et cela bien au-delà des dogmes judéo chrétiens.
 
 Pour comprendre Dostoïevski, il faut savoir qu’il a vécu les pires expériences : la torture, le bagne pour des raisons politiques, le deuil de plusieurs enfants et surtout la maladie : l‘épilepsie.
 
Cet homme qui a écrit les frères Karamazov à la fin de sa vie, n’a plus rien à perdre, sauf son âme.  Ce reste d’âme qui suffoque, il l’exprime à travers le personnage d’Aliocha, le plus jeune des frères karamozov. Les tentations d’Aliocha ce sont ses frères, auxquels il est attaché par des liens non divins, des liens affectifs, même si ses frères représentent le « mal »
 
 A la mort de son père spirituel, Zosime, Aliocha le moine, retourne dans le monde, en partant à la rencontre de ses frères :   Dimitri, un homme débauché, et Yvan un intellectuel athée.
Le père décrit comme un être « sans foi ni loi » meurt assassiné par le dernier de ses fils, devenu son domestique et qui accumule les tares, celle d’être batard et épileptique.
 
 Tout indique que c’est la souffrance morale, le sentiment d’avoir été abandonnés, humiliés par un père abject qui ont conduit à la catastrophe : le meurtre du père.
 Dostoïevski continue l’enquête policière qu’il avait menée dans « Crime et châtiment » acculant le meurtrier Raskonikov à avouer son crime.
 
 Ce que suggère Dostoïevski, c’est que ce n’est pas seulement Smerdiakov qui est coupable mais toute la fratrie  puisque chacun de ses membres souhaitait la mort du père  ou bien personne n’a rien fait pour l’en empêcher.
 
 Et les femmes dans tout ça ? Dostoïevski leur assigne un rôle presque angélique. Elles sont capables d’aimer jusqu’à l’abnégation, des hommes « monstrueux ».
 
 La vision de Dostoïevski n’est pas intellectuelle. Elle parle de souffrance et de misère morale. Les personnages qu’il décrit, il  les a côtoyés, ils lui ressemblent comme des frères. Dans ces conditions « le père » aussi pourrait être un frère. Car le meurtre du père ne résout rien.  Le sentiment de fatalité héréditaire qui pèse sur la destinée de ses frères,  cette obscurité fait partie des tentations d’Aliocha et pourtant lui qui se trouve épargné par celle de la débauche, celle de du nihilisme, qui finit par douter de son père spirituel Zosime dont le cadavre pue, lui, Aliocha n’aurait plus d’autre alternative que de se supporter lui-même, impuissant spectateur des malheurs de sa fratrie et du meurtre du père ?
 
 Pas de réponse de toute façon, comme si cet Aliocha, il faisait partie du tissu humain, le nôtre. Un pays à feu et à sang n’empêche pas de vivre. L’assassinat d’un père n’entraine pas la mort de la famille. Cela signifie-t-il qu’au lieu de vivre, les humains ne feraient que survivre à leur indignité.
 
 Il est vrai, Dostoïevski donne l’impression de camper du côté des réprouvés, de peindre des personnages excessifs  et violents. Mais nous avons à cœur de les entendre parce ce sont ces hommes-là qui se font la guerre et que si le coupable désigné n’est plus Dieu, alors oui, il est possible de parler de responsabilité, plus positive que la notion de péché.
 
 Néanmoins celui qui ne s’est jamais senti coupable au point de sombrer dans la dépression, ne peut que retirer les tisons du feu.
 
C’est une histoire d’amour entre frères que relate Dostoïevski. Quand tout a brûlé, restent encore les souvenirs d’enfance heureux. Pour un seul de ses souvenirs, Aliocha dit que la vie vaut la peine d’être vécue.
 
 Timo TORIKKA, Dmitri, et Gilles MASSON, Yvan, tous deux remarquables, incarnent les sentiments de honte, de révolte, de désespoir qui minent un homme jusqu’à la déréliction. Comment ne pas se sentir bouleversés par la véhémence de leurs propos. Ils ne cessent de se frapper : « Le diable et le bon Dieu qui  luttent ensemble avec pour champ de bataille, le cœur des gens… »
 
David JEANNE-COMELLO, incarne avec subtilité, la fragilité d’Aliocha, plus délicat, moins expansif que ses frères.
 
Anthony LAIGNEL souligne fiévreusement, l’aspect maladif, répulsif et odieux de Smerdiakov.
 
Véro DAHURON est une Grouchenka aussi excessive par sa vitalité que Dmitri, tandis que Catherine VINATIER incarne une Katerina manifestement plus froide et fière.
 
Le metteur en scène, très habilement, met de temps en temps en perspective des séquences filmées où l’on voit en champ narratif, les personnages marcher dans une ville, rencontrer leur père etc. Une rue sépare le cinéma du théâtre en quelque sorte. Mais il s’agit d’une rue si voisine du rêve. Les visages y apparaissent souvent silencieux, inquiets, très expressifs.
 
 Cette adaptation des « Frères Karamazov » fort soutenue, travaillée, se distingue par son intensité. Sans conteste, le metteur en scène  et les comédiens sont si bien imprégnés par l’œuvre de Dostoïevski qu’ils se rejoignent généreusement, physiquement, pour exprimer à haute tension, la présence incroyable de leurs personnages  qui disent tout haut ce que parfois nous pensons tout bas. N’importe, cela fait du bien de savoir que ces êtres déchirés, impossibles, mais réels, aient trouvé leur place au théâtre, sous les auspices de la Compagnie PANTA-THEATRE.
 
 Paris, le 12 Mai 2013                 Evelyne Trân

LA BANDE DU TABOU AU THEATRE 13/JARDIN – 103 A, boulevard Auguste-Blanqui – 75013 Paris (métro Glacière) du 14 Mai au 23 Juin 2013

 P.S. : Claire BARRABES, Lorraine de SAGAZAN, Guillaume TARBOURIECH,  était  invités  à l’émission « Deux sous de scène » sur RADIO LIBERTAIRE, le samedi 25 Mai 2013 (disponible à l’écoute sur le site « grille des émissions de Radio Libertaire » et téléchargeable.)

  • Avec
    Claire Barrabès (Françoise),
    Fiona Chauvin
    (Zazie),
    Sol
    Espeche (Juliette),
    Antonin Meyer-Esquerré (Jean-Paul),
    Pascal
    Neyron (Boris),
    Yoann Parize
    (Serge),
    Lorraine de Sagazan (Simone),
    Jonathan Salmon
    (Jacques),
    Guillaume
    Tarbouriech (Marcel)
    et les musiciens
    Cédric Barbier (percussions),
    Delphine Dussaux (piano)
    Lucas Gaudin (saxophone)

Il doit y en avoir encore quelques bougres qui ont connu la  cave du Tabou dans les années 50. Je pense notamment à Jo DEKMINE le directeur du Théâtre 14 à BRUXELLES. Le mythe veut que la cave ait été découverte par Juliette GRECO qui laissa tomber son manteau par inadvertance dans la cave. A cette époque, ni Gainsbourg, ni Ferré, n’étaient encore connus. Simone de Beauvoir et Jean Paul Sartre étaient jeunes, déjà célèbres et attiraient comme des papillons, des artistes fauchés au Café de Flore.

Il faut dire que rien que le nom Tabou résonne comme un défi. Boris Vian, surnommé le Prince du Tabou, y installa avec ses frères un orchestre de Jazz.  Un vent d’Amérique soulevait les tables et les esprits, on y croisait Miles Davis, Henri Salvador, et les danseurs improvisaient leurs danses sous des airs de bebop.

Véritable créateur d’ambiance, Boris Vian noctambule et lunatique y enfanta ses meilleures chansons. Oui, il faut bien imaginer que c’est au milieu de la danse, en plein boum, au cœur de l’estrade  dans un espace confiné mais explosif que s’emballèrent ses chansons les plus disjonctées : Déshabillez-moi, La java des bombes atomiques,  Fais-moi mal Johnny etc.

Le sublime Marcel MOULOUDI fût son interprète ainsi que la délicieuse Magali NOEL. Je profite de l’occasion pour rappeler  que le grand mélodiste Claude VENCE a mis en musique 23 chansons de Boris Vian dont la fameuse « Je voudrais pas crever ».

Dans la cire de ce nid d’abeilles, nombres d’artistes et écrivains ont laissé leurs empreintes, tels que Prévert, Queneau, Brel, auxquels se sont associés les compositeurs : Kosma, Jimmy Walter, Michel Legrand et bien d’autres.

La bande du Tabou s’est donc réincarnée sous les traits de jeunes venus du Studio d’Asnières qui inaugurent de très jolies chorégraphies d’abeilles capables de tirer de nos mémoires parfois jaunies, ce miel dont nous avons tant besoin pour réveiller nos ardeurs. Qui danse, qui chante, qui parle ? Qui rêve sinon les spectateurs qui croient vivre un rêve éveillé, celui de la bande du Tabou, quand les mots font la  fête et s’entrelacent joyeusement, se conjuguent aux corps pour les faire danser, s’échappent du piano, des percussions,  guidés par leur seul flair.

Les chansons de Boris Vian et de ses complices n’ont pas pris une ride. Même plongées dans leur sirop d’époque, elles sont en train de manifester qu’elles appartiennent à la jeunesse de tous les temps qui grimpe sur les tables pour chanter, fanfaronne ou pleine de résolutions, à qui veut bien l’entendre, sous la plume de Prévert : « Je suis faite comme ça ».

Véritable comédie musicale où chaque danseur- chanteur- comédien s’amuse à sur jouer des personnages célèbres : Françoise, Simone Jean Paul, Marcel, Serge, Jacques que les spectateurs se feront un plaisir de retrouver derrière leurs  prénoms.

 Les spectateurs de ce joyeux cabaret dansant, piqués par ces guêpes effrontées, sauront reconnaitre le dard de Boris et les autres, en guise de tatouage de leur éternelle jeunesse.

Vous qui refusez de vieillir, empressez-vous d’aller boire cet élixir au Théâtre 13, à consommer sans modération !

   Paris, le 10 Mai 2013              Evelyne Trân                     

 

 

 

PARLOIR Pièce de Christian Morel de Sarcus au GUICHET MONTPARNASSE – 15, rue du Maine 75014 PARIS – Les mercredis et vendredis du 8 Mai au 14 Juin 2013 à 19 H.

Mise en scène :
Paul-Antoine Veillon et Mélanie Charvy

Avec : Jean-Dominique Peltier Frédérique Van Dessel, Romain Picquart.

Un homme et une femme, divorcés depuis une vingtaine d’années, se retrouvent dans la salle d’attente d’un hôpital, suite à l’accident de leur fils, tombé dans le coma.

 Nous assistons à l’affrontement entre deux personnes qui se sont aimées puis détestées, mais l’issue de cette rencontre, inattendue, est révélatrice de la confusion des sentiments de ces deux êtres qui masquent leur solitude, en s’attisant l’un et l’autre dans l’ouvroir de leur détestation réciproque. Mais puisque leur couple parle de destruction, qu’officiellement il n’y a plus rien entre eux, alors, pourquoi pas, tout recommencer à zéro.

 Il s’agit d’un véritable duel verbal où chacun décide de  frapper là où le bât blesse car évidemment les deux êtres se connaissent bien. Dans ce combat quelque peu sado masochiste, il n’y a pas de vainqueur. Les parents se révèlent aussi odieux l’un que l’autre comme s’ils avaient déteint l’un sur l’autre et que leur dénominateur commun à défaut de l’amour, était la hargne et la méchanceté qui recouvrent une véritable souffrance : le deuil d’un amour disparu mais qui flotte encore dans les décombres et dont on ne sait s’il peut renaitre de ses cendres.

 C’est l’enfant qui se fera l’écho impuissant du désastre, du tsunami affectif dans lequel se débattent ses parents, en tant que témoin assisté d’un procès qui le dégoûte sincèrement « Se peut-il qu’il soit issu d’une telle union dangereuse ». Sa fibre d’amour filial pourrait en prendre un coup. De fait, il chancelle, craint de ne pas se relever sous le poids de ce lourd héritage. « Il me faudra du génie pour aimer » dit-il et cet humour-là, recèle de l’espoir.

 Au travers sa pièce, Christian Morel de Sarcus fait l’autopsie du cadavre d’un amour et rêve même à sa résurrection par analogie avec le retour de l’enfant prodigue en amour.

 Tel un  thriller psychologique, le duel entre la femme et ‘Lhomme captive, agace, émeut.  Jean Dominique PELTIER sous l’épaisseur d’un personnage cynique et provocateur arrive à faire entendre la désespérance d’un homme saccagé intérieurement.

 De même Frédérique VAN DESSEL, arbore une figure féminine prompte à se masquer sous quelques dehors hystériques, mais toujours aux aguets, pour non seulement esquiver les coups, mais les observer de loin, sans doute parce qu’il s’agit de son homme, un homme qu’elle a aimé.

 La mise en scène et direction d’acteurs sont dues à deux jeunes metteurs en scène, très efficaces. On les penserait volontiers dompteurs de fauves dans un manège, manège infernal de l’amour et la haine. Mais même dans cette cage à lions, la main sur les barreaux, ils témoignent de la sensibilité de l’auteur, une pudeur de tendresse ineffable.

 Une très bonne pièce, des comédiens surprenants, que dire de plus sinon qu’il faut vraiment se déplacer pour aller voir ce spectacle qui donne beaucoup à réfléchir, qui parle d’amour féroce, d’amour inverti, d’amour tout court, « Et comme  l’espérance est violente » chante Apollinaire.

 Paris, le 9 Mai 2013                        Evelyne Trân