N’être pas né de et par Yves CUSSET au Théâtre de Ménilmontant – 15, rue du retrait 75020 PARIS du 24 Janvier au 3 Mars 2013, du jeudi au samedi à 19h30, le dimanche à 16h30

N. B : Yves CUSSET était l’invité de l’émission « DEUX SOUS DE SCENE » sur Radio Libertaire 89.4, le samedi 2 Février 2013. ( l’émission en podcast peut être écoutée et enregistrée en allant sur la grille de Radio Libertaire ) .

Le titre de la pièce d’Yves CUSSET, il me semble, résonne comme une goutte de pluie sur le bout du nez. Il est jeune, très jeune. On s’attendrait à voir débarquer sur scène Archimède et sa pomme car nous sommes tout de même impressionnés par le bagage philosophal d’Yves CUSSET.

Comment s’étonner qu’il ait quitté ses guêtres de professeur. Il n’était pas né. Quand à faire du yoyo, en brassant quelques airs d’Heidegger, de Sartre ou de Descartes, sous l’œil ahuri de quelques adolescents désenchantés, pourquoi pas ? Mais n’être pas né, ça vous donne un choix incroyable, celui de pouvoir superviser en toute liberté, tous ces futurs qui nous entourent et qui résistent justement parce qu’ils ne sont pas encore nés.

 Mieux vaut décliner sur le mode de l’enfance, nos tentatives de charabia philosophique. Ça ne mange pas de pain de s’estimer suffisamment môme dans l’âme pour prodiguer à sa façon quelques aphorismes mués en rôts ou gazouillements divers.

 Nos états d’âme en grenouillère ont cela d’inouï qu’encore très proches du cordon ombilical, ils débordent de sensualité, de tendresse, enfin tout ce qu’il faut pour rester insensibles au manège des savants pour qui n’être pas né ne veut rien dire.

 Dans le fond Yves CUSSET joue l’enfant qui ramasse  les mots tels qu’il les entend, tels qu’il les attrape avant de leur faire subir le hic et le hoc du flou de la question, en grand téméraire un peu filou qui guette les spectateurs, prêts à mordre à l’hameçon.

 C’est qu’à tout moment le spectateur qui s’amuse de voir un homme pas né,  ouvrir le chantier de sa prochaine naissance au milieu de poupées bien malmenées, de confettis, de confidences qui ont tout l’air de sortir d’un oreiller en plumes ou du ventre de belle maman, oui eh bien, le spectateur est tenté de les repêcher ces belles plumes pour chatouiller le beau prêcheur et pour vérifier, comme il se doit, leur pesant d’or.

 Il lui pend des paroles qui n’étoufferont certes pas notre raison, mais à n’en pas  douter, cet homme pas né a bien du talent.  Il  nous fait un peu penser à nous, lorsqu’en nous réveillant, n’étant pas encore nés,  nous nous posons la question « Où suis-je ? »

 Professeur Yves CUSSET, soyez donc la plume de notre naissance,  vos sourires questions valent bien un réveil. Bravo !

Paris, le 27 Janvier 2013                    Evelyne Trân

Interview express de Simon EINE à l’issue de la représentation de FAHRENHEIT 451, le 17 Janvier 2013.

Il est extraordinaire ce personnage du professeur FABER, cet amoureux des livres, clandestin. L’interprétation de Simon EINE nous permet de ressentir la passion qui l’anime avec une fougue, une violence toute juvénile qui va ressourcer le jeune MONTAG.

La rencontre entre FABER et MONTAG est capitale, puisqu’il s’agit de la transmission du savoir. FABER parle du livre comme d’une femme aimée « Les livres… ils montrent les pores sur le visage de la vie ».

 Vous avez dû avoir beaucoup de plaisir à interpréter ce personnage.

 Un immense plaisir. D’abord parce que c’est un livre que j’ai énormément aimé. J’aime beaucoup la science-fiction en général mais c’est vrai que dans l’œuvre de BRADBURY, il y a plein de choses magnifiques, notamment, les chroniques martiennes. J’ai toujours été attiré par ce genre de littérature qui propose des hypothèses pour le futur. Il y en a d’effrayantes mais il y en a aussi qui peuvent être exaltantes et très belles.

 Vous avez déjà travaillé avec le metteur en scène David GERY ?

 Oui, j’ai joué « Rêve d’automne ». de JON FOSSE au Théâtre de l’Athénée et en tournée. J’ai bien aimé son idée d’adapter « FAHRENHEIT 451 ». Ce n’était pas commode. Mais je pense qu’il a réussi à restituer l’ambiance du livre. Il y a eu le film de François Truffaut, très beau mais traité d’une façon différente. Mais là je trouve que l’essentiel qui est dit dans le livre, très actuel, passe vraiment bien.

 Ce n’est pas un manifeste contre les médias, la radio, la télévision ?

 C’est contre les gens qui enterrent le livre à tout bout de champ. Contre toute forme de dictature, de toute manière. Et c’est vrai que l’abrutissement du plus grand nombre est quelque chose de concerté parfois, voulu. A la télévision, il y a une espèce d’auto célébration des présentateurs, des animateurs.

 C’est un système réduit ?

 Oui, un peu. Ça m’intéresse la télévision. Mais je trouve que l’on privilégie certaines choses qui ne me plaisent pas forcément.

 Est-ce que ce n’est pas un problème : le pouvoir de l’argent ?

(Comment ne pas regretter les émissions de qualité des années soixante, soixante-dix  et des hommes tels que Pierre Dumayet, Claude Santelli, Jean Christophe Averty. Aujourd’hui c’est l’audimat qui prime et la création s’en ressent).

 Sur le plan de la réalisation. Evidemment sur le plan technique, ce n’était pas aussi bien que ce que l’on est capable de faire maintenant. On est capable de  faire des choses formidables avec la télévision. Si vous voyez des séries anglaises, américaines, israéliennes, nordiques, vous voyez hélas, des téléfilms infiniment supérieurs aux productions françaises.

 Vous regardez les séries américaines ?

  Oui, ça me passionne, l’invention au niveau des scénarios est tout à fait extraordinaire.

 Vous êtes ouvert, vous ne rejetez pas les nouvelles technologies, portable etc.  ?

 Je n’ai rien contre la technologie à condition qu’elle soit bienfaisante, intelligente. On profite de l’inventivité de l’époque.

 Et vous pensez vraiment qu’il y aurait un risque pour le livre ?

 Non, pas de nos jours. Les livres se vendent malgré les tablettes.  Bien sûr les autodafés ne sont pas à l’ordre du jour, mais ce que je crains c’est que les grandes surfaces fassent tort aux petites librairies que j’aime tant. 
J’ai eu la chance de rencontrer des libraires formidables, ce sont eux qui sont en danger. Il en est de même pour les petites maisons d’édition. 
Quoiqu’on dise et n’en déplaise au progrès, une tablette ne remplacera jamais pour moi un beau livre…

 « Fahrenheit 451 » c’est de la science-fiction ?

 C’est une vision extrême. Mais c’est intéressant de voir comment elle est développée. C’est un beau moment de célébrer la lecture, d’avoir l’idée des hommes-livres, de faire venir des libraires, des écrivains …

 Le personnage que vous jouez est pittoresque. Cette histoire de petit coquillage dans l’oreille…

 – A l’époque cela n’existait pas, c’est l’œuvre d’un précurseur.

 Comme d’habitude vous êtes excellent. Cela faisait  quelque temps que je ne vous avais pas vu sur scène. Mais j’ai retrouvé votre profil, votre silhouette, votre voix. En définitive, le théâtre ça rajeunit, ça empêche de vieillir. Merci Simon Eine !

 Propos recueillis, le 17 Janvier 2013  par Evelyne Trân

 

MENELAS REBETIKA RAPSODIE de Simon ABKARIAN . Création au GRAND PARQUET du 9 JANVIER AU 3 FEVRIER 2013 avec Simon ABKARIAN, Grigoris VASILAS (Chant et Bouzouki) et Kostas TSEKOURAS(Guitare).

Pour le bonheur des spectateurs à l’affût de créations originales, Simon ABKARIAN, auteur, metteur en scène, comédien, s’est associé à deux musiciens grecs  talenteux Grigoris VASILAS, bouzoukiste virtuose et Kostas TSEKOURAS, guitariste hors pair, pour donner la parole à un héros de la Guerre de Troie, beaucoup moins glorieux qu’Agamemnon ou Achille, le roi MENELAS, l’époux trahi par son grand amour Hélène, enlevée par PARIS.

Dans le rôle d’un amoureux transi, désespéré jusqu’aux larmes, Simon ABKARIAN réussit avec panache, non dénué d’humour, à captiver l’auditoire, tant son hymne d’amour recelle des parfums audacieux, trépidants, des parfums musicaux, issus du rebetiko, une musique née en Asie Mineure dans les années Vingt.

Les chants  rebètes accompagnés à la guitare et au bouzouki s’entremêlent au récit  de MENELAS avec ferveur et délicatesse. Simon ABKARIAN dit de ses chants qu’ils sont les derniers soubresauts de la tragédie grecque et d’une parole libre. Jugés  trop orientaux, ils ont été interdits sous la dictature METAXAS.

Il s’agit de chants populaires qui parlent d’amour, de trahisons, d’alcool, de drogue, de crimes d’honneur etc… On les entendait dans les tavernes, les troquets.

Une table, trois chaises, deux musiciens et un poète suffisent pour transporter le public dans le coin d’un café, et lui donner à respirer une musique à la fois légère, animée et doucement épicée.

Et MENELAS devient alors cet amoureux, hors temps ,qui rentre dans la mémoire de tous les poètes et musiciens s’adonnant aux vertiges de l’amour qui s’accordent si bien à leurs cordes .

Du plaisir, rien que du plaisir, en souriant à MENELAS, ce drôle d’amoureux un peu gauche,  parfois comique, qui danse et qui chante et qui croit toujours qu’Hèléne reviendra.

Le public conquis, par la performance de ce beau trio, applaudit à rendre l’âme.

Paris, le 20 JANVIER 2013                                      Evelyne Trân

 

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Fahrenheit 451 de Ray Bradbury. Adaptation, mise en scène et son David Géry, du 16 Janvier au 3 Février 2013 au Théâtre de la Commune, Centre Dramatique National d’AUBERVILLIERS

Avec Quentin Baillot, Lucrèce Carmignac, Simon Eine sociétaire honoraire de la Comédie-Française, Gilles Kneusé, Alain Libolt, Clara Ponsot et Pierre Yvon

L’homme au chevet de lui-même , au chevet de sa préhistoire. Il n’y a pas d’écrivain qui fasse pencher sa plume pour tenter de tracer ses émotions, qui inconsciemment ne puisse se projeter à l’époque des cavernes quand ses ancêtres dessinaient sur leurs parois, à la lueur du feu. On pourrait presque dire que leurs fresques s’apparentent à des bandes dessinées et qu’elles leur tenaient lieu de livres à cœur ouvert.

 L’association du livre et du feu est antique. Probablement parce que  la découverte du feu et l’invention du livre, font partie de l’évolution humaine.

 Ray BRADBURY a écrit « FAHREHEINT 451 » en 9 jours dans les années cinquante pour exprimer sa révolte  contre la « chasse aux sorcières » pendant la guerre froide aux Etats Unis. Il pose une simple question : qu’adviendra t-il de l’humain si à l’aune d’une idéologie «barbare» il ne puisse plus s’écouter lui même en tant qu’individu et croire en sa propre lueur de vivre, de respirer, de créer.

 C’est une vision de cauchemar qu’il décrit dans un lieu et un temps qui ressemblent hélas aux nôtres. Mais irions-nous cracher dans la soupe de ce qui meuble notre quotidien ? Le point de vue de Ray BRADBURY est lucide, parce qu’il fait entendre plusieurs couches de la conscience d’un homme qu’il s’appelle Pierre ou Jacques. Nous nous sentons tous concernés à travers les portraits de personnages qui se révélent amis ou ennemis, en raison du stade de leur parcours, de leur éclairage, de leur chevauchement sur une toile d’araignée, une sorte de labyrinthe de conscience, où tous se cherchent ou ne cherchent plus.

 Le héros est un pompier, très fier de sa fonction dont le rôle consiste, pour sauvegarder le bonheur de ses concitoyens, à brûler tous les livres considérés comme des insectes nuisibles et inutiles. Des rencontres avec des marginaux, une jeune fille  poète et un vieux professeur FABER vont le conduire non seulement à se remettre en question, mais à braver l’interdit au risque de sa vie.

 Sans nul doute le metteur en scène se souvient de la fable des hommes de caverne de Platon qui prennent pour réalité les seules ombres qu’ils puissent percevoir. Les personnages voient leur intimité réduite à une peau de chagrin car les murs des maisons sont envahis par des projections télévisuelles qui vaporisent leurs jets euphoriques anesthésiants et insipides. La scène obscure donne au feu la première place. Il y a la beauté du feu, cet organe de la nature qui fascine et terrifie.

 Des blocs de murs très blancs déplacés par les comédiens eux mêmes font penser à des pages géantes de livres. Leur blancheur est une révérence aux montagnes crayeuses que Prométhée, continue à soulever  car il incarne la soif de la connaissance, la soif de vivre, qui s’expriment aussi à travers la jeune fille, le professeur Faber et Montag le pompier.

 Quentin BAILLOT traverse presque naturellement le cauchemar éveillé de son personnage, Montag qui voit sa belle femme Mildred le quitter, le dénoncer, qui assiste à l’autodafé d’une femme avec ses livres, qui doit aussi convaincre le vieux professeur de résister, avant de devenir un homme traqué.

 Grâce à la mise en scène de David Géry, le roman de Ray BRADBURY devient ce livre incandescent, ignifugé, d’une conscience humaine toujours en quête d’elle-même, aux accents shakespeariens. L’interprétation chaleureuse et remarquable de Simon EINE souligne ses déchirements. Il y a ce moment émouvant où Montag lui offre un livre et où l’on sent que c’est une part de lui-même aussi précieuse que sa propre chair qu’il emporte.

 Tous les comédiens, techniciens, pyrotechniciens,  s’associent à cette randonnée fantastique pour dire qu’un livre est vivant, qu’ils en sont l’incarnation sur scène, tels les hommes et les femmes livres (éditeurs, libraires ou simples lecteurs) qui dans un mouvement bouleversant, à la fois humble et assuré forment une foule d’éclaireurs.

 Je vois encore beaucoup de gens lire dans le métro, certains  écoutent en même temps de la musique avec leurs casques.  Comment croire que le livre puisse disparaitre du paysage humain ? Un homme a besoin de sa mémoire pour avancer, comme tout être vivant qui porte en lui les éléments du feu, du bois, de l’eau…

 Le spectacle de David GERY concerne tous les défenseurs et  amoureux des livres mais il est susceptible aussi de réveiller de nombreux MONTAG  qui se liront avec surprise dans « FAHRENHEIT 451 » avec leur propre imagination, leur propre corps, leurs propres rêves.

 Paris, le 19 Janvier 2013              Evelyne Trân

Au Cabaret TCHEKOV, spectacle musical au Centre Culturel Jean-Houdremont – 11 avenue du Général-Leclerc 93120 LA COURNEUVE

    • Programmation : Mercredi, vendredi, samedi : 20h30. Jeudi : 19h. Dimanche : 16h30.

    Distribution : D’après les nouvelles d’Anton Tchekhov, mise en scène Rainer Sievert. Avec Marc Allgeyer, Damiène Giraud, Maria Gomez, Jean-François Maenner, Jean-Luc Mathevet, Jean-Pierre Rouvellat, Frédéric Pradel, Fabian Suarez, Arnaud Vilquin

  • J’avais déjà assisté à une représentation de  L’ours et de La demande en mariage, jouée par la même Compagnie, en plein air dans une cour de récréation en Juin 2011 et c’est avec plaisir que j’ai retrouvé le même théâtre sur tréteaux sur la scène du Centre Culturel Jean HOUDREMONT.

     Ce petit théâtre ambulant s’ouvre comme une boîte à jeux, une sorte de panière à surprises, si bien soulevée par l’âme de Tchekhov que cette fois-ci ses interprètes ont décidé de s’en donner à cœur joie dans un cabaret créé spécialement pour eux à l’invite de l’auteur lui-même.

     C’est un cabaret bon enfant, et sur mesure dont l’étoffe a été soigneusement découpée, brossée, à même la chair de Tchekhov, du côté charnu, épidermique et tendre.

     Comment l’esprit de Tchekhov peut-il se promener dans un cabaret, un caf conc’, et trouver sa place parmi les spectateurs groupés autour de quelques guéridons en bois ? Incarné par un serveur qui présente quelques numéros désopilants, dans une ambiance musicale exotique très chagallienne (orchestrée par les étudiants du Pôlesup 93), il découvre simplement que les pièces les plus comiques de son répertoire, font partie du spectacle, en tant que tours de magie.

     Ce cabaret concocté avec amour par la Compagnie de la Courneuve, est bâti comme une passerelle, une sorte de Pont d’Avignon où la poésie et le burlesque se réunissent à merveille, sous la houlette d’un metteur en scène inspiré Rainer Sievert.

     Le burlesque retentit à travers les deux farces de l‘Ours et la Demande en mariage qui caricaturent au forceps, à la tenaille, quelques vices de la nature humaine. Mais la poésie, terre d’ambiance de Tchekhov, plane au-dessus des gesticulations humaines. Quel plaisir d’entendre la chanson « Plaine, ma plaine » (musique de Lev Knipper, paroles de Francis Blanche)  ou  Good Bye Gagarine (Allain Leprest/Gérard Pierron) !

     A travers ce cabaret, c’est Tchekhov lui-même qui donne l’opportunité aux spectateurs les plus jeunes, d’ouvrir un pan de rideau sur son œuvre si vaste, avec la seule idée de nous divertir et faire rêver en goûtant à sa poésie.

     Un spectacle comme une fête foraine chagallienne, un tour de piste fellinien, marqué par le style de la troupe, bien trempé, qui se nourrit aussi bien  du théâtre de la rue, des influences de la comedia del arte, que de sa propre expérience sur le terrain à LA COURNEUVE. A voir de toute urgence !

  • Paris, le 12 Janvier 2013     Evelyne Trân                       

A propos de l’aquoibonisme

A quoi bon écrire des petits poèmes qui ne changeront pas le monde ? A quoi bon rêver ? A mon sens, ce que l’on estime bon pour soi ne l’est pas forcément pour les autres. Il faut se garder de ramener aux autres sinon pour témoigner,  la perception que l’on peut avoir du monde, en dépit de son bagage intellectuel, de ses connaissances. Nous ne pouvons-nous départir de notre subjectivité. L’objectivité est un leurre.

Si beaucoup de gens s’accordent à penser que nous vivons dans un monde malsain où l’inégalité règne, où l’homme reste un loup pour l’homme et si nous entendons œuvrer contre l’injustice et refaire le monde pour qu’il devienne un paradis sur terre, qui s’élèverait contre cette pensée humaniste, sinon les sceptiques et ceux « qui ne pensent qu’à leur gueule ».

L’humanité est riche de la diversité des hommes qui la composent; la notion de paradis n’est pas la même pour un enfant, un adulte, un vieillard. Pourquoi ? Parce que la conscience d’un individu s’éprouve, se ramifie tout au long de sa vie et qu’il doit nécessairement s’adapter à son environnement. Il faut prendre du recul pour ne pas confondre avec l’environnement dans lequel on baigne, ce qui relève de ses propres émotions, de ses affects, de son histoire individuelle.

Cela ne signifie pas qu’un individu n’ait pas son mot à dire dans la société, dès lors qu’il s’éprouve rejeté, étouffé par des rapports de force qui le dépassent.

Il est important qu’un individu puisse croire que sa pensée est nécessaire à la société dont il fait partie. Elle est nécessaire parce qu’elle n’est pas figée, qu’elle est en mouvement, qu’elle se cherche, qu’elle peut refuser de se retrancher derrière des dogmes, des conventions, des superstitions, des préjugés, qui nous sécurisent mais sont aussi des barreaux auxquels se heurte la liberté de conscience.

Il y a des gens qui n’ont pas le temps de penser, il y en a d’autres qui éprouvent le besoin de se remettre en question, parce qu’ils prennent conscience du fossé entre leur raison d’être, leurs sentiments et ce qu’ils observent de toutes parts, la misère, l’injustice, la tristesse.

La société de consommation est de nature à endormir, les capacités réactives de tout individu. La conscience d’un individu est limitée dans le temps, et un homme ce n’est pas seulement quelqu’un qui pense, c’est aussi un animal qui obéit depuis des millénaires à des réflexes organiques de conservation.

Ne demandez pas à un homme de se couper les bras, les jambes et de devenir chaste pour mieux penser. Combien de siècles pour permettre à une montagne de s’élever dans le paysage ?

L’homme va-t-il accepter de devenir un robot dont toutes les pensées auront été programmées sans espoir d’évolution.

Des voix s’élèvent contre ce danger. Nous ne connaissons pas la suite de l’histoire de l’homme, nous savons seulement, que chaque voix compte et comptera pour qu’il puisse répondre simplement OUI à la vie.

Paris, le 6 Janvier 2013                           Evelyne Trân

 

 

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MA MERE QUI CHANTAIT SUR UN PHARE de Gilles Granouillet, mise en scène François Rancillac au Théâtre de l’Aquarium à la Cartoucherie de Vincennes du 4 Janvier au 3 Février 2013

du mardi au samedi à 20h30, le dimanche à 16h

Assistante à la mise en scène Lucile Perain
Scénographie Raymond Sarti, assisté de Vera Martins
Lumière Marie-Christine Soma, assistée de Manon Lauriol
Costumes Cidalia Da Costa
Son Michel Maurer avec la voix d’Isabelle Duthoit
Danse des pompons Israel Sánchez- González

avec Patrick Azam, Anthony Breurec, Antoine Caubet, Riad Gahmi, Pauline Laidet, Françoise Lervy.

Y a-t-il un enfant qui n’ait pas été troublé, un jour, en désignant sa mère à ses copains. Dire aux autres « C’est ma mère », c’est reconnaitre une personne qui a tout affaire avec soi et c’est dévoiler aussi sa part d’inconnu, celle dont on ne parle pas parce qu’elle fait partie d’un autre monde,  trop intime, pour qu’il puisse s’ébruiter  en vaines paroles.

 Mais tout de même dès lors qu’on accepte de la reconnaitre cette mère, pour soi et pour les autres, d’accuser le coup, parler d’elle au passé, parce qu’on est devenu adulte, c’est se garantir au fond de soi que la « chose » est respectable, intouchable. Au passé, rien ne peut la déranger, elle peut devenir une eau forte, n’appartenir qu’à soi, à sa propre vision, en un mot elle ne dépend que de soi.

 Qu’ils soient vivants ou morts, ceux dont on parle c’est déjà au passé, et cette fulgurance du passé au présent, elle se manifeste dans l’émotion. Ces sensations de frottement instable, nous les nions,  les dépassons, la plupart du temps parce qu’elles empiètent sur le bonheur de vivre au présent, censé effacer la douleur.

 Ma mère qui chantait sur un phare, est non seulement le sujet du poème de Gilles GRANOUILLET, mais l’auteure invisible. C’est la vision effarante qu’elle offre à ses enfants qui va ourler leurs propres sentiments d’existence. Cette femme brûle le passé et le présent parce qu’elle met à bas toutes les conventions possibles,  en un seul acte, celui de chanter nue sur un phare.

Du coup, il n’est pas difficile de voir en elle une héroïne de tragédie qui telle Médée, exprime son désespoir d’avoir été quittée et abandonne ses enfants. Livrés à eux-mêmes, ils doivent inventer pour survivre.

  Et cette liberté effarante, ils la doivent à leur mère qui n’en est plus une tout à fait parce qu’elle se révèle comme une personne indépendante d’eux, une femme que  peuvent voir tous les autres.

 Ce passé qui brûle avec le présent, se déroule dans le temps de  l’enfance qui ne fait pas partie de la grammaire.

 La vision de la mère apparait comme une immense vague vue de loin qui éclabousse à l’infini les enfants de l’autre côté sur la berge. Ici et là, les enfants repêchent des indices sur la vie d’adulte, ils les confrontent à leur imaginaire, pour découvrir que la vie est entre leurs mains. Ainsi symboliquement pendant toute la durée de la pièce qui leur donne la parole, l’enfant adolescent trimballe dans un sac plastique 3 chiots qu’il voulait noyer et qu’il ne jettera pas finalement à la mer.

 Les adultes font mouche  de façon souvent pitoyable, dans leur cheminement ; ils bousculent  leurs rêves brutalement, mais leur font signe aussi d’avancer, de poursuivre à côté d’eux des rêves simples de fraternité d’amour,  en actes plutôt qu’en paroles.

 Le temps de  l’enfance n’est pas à proprement parler théâtral. Il possède une intériorité que les adultes occultent nécessairement. Nous avons parfois l’impression d’assister à une lecture de la même façon que des vagues s’ébrouent contre un récif. C’est l’imaginaire qui a force théâtrale faisant du spectateur un auteur à part entière d’un spectacle insoumis à tous les clichés télévisuels, pour revenir au banc de sable de ses premières intuitions, voire ses émotions inavouées.

 Le metteur en scène François Rancillac, pousse cette pièce tel un capitaine  qui pourrait conduire en aveugle son navire tant il est attentif aux bruits de la mer. Et croyez-moi, non ce n’est pas fortuit si mer rime avec mère.

 Elle est profonde cette mer et semble-t-il, elle a intériorisé tant de voix d’enfants qui croient voir à l’horizon, sinon leurs parents, leur propre avenir, qu’elle  est aussi émouvante que cette mère qui chante et chante encore sur un phare.

Se baigner dans la mer nue de notre enfance, pour rejoindre les comédiens qui marchent sur l’eau de nos plus beaux fantasmes, c’est palpitant.  

 Nous remercions toute l’équipe de ce spectacle d’exprimer sous différentes touches, entre fiction et rude réalité, tout le charme qui investit cette belle pièce de Gilles GRANOUILLET.

 Paris, le 5 Janvier 2013   Evelyne Trân              

 

LA CHAISE D’IKIOU. Oh tableau, Mademoiselle !

Je viens de découvrir une reine dans l’univers pictural d’IKIOU, une chaise blanche et grise.

 Comment s’est-elle échappée des derniers tableaux d’IKIOU où l’œil la cueille comme un fragile mais expressif coquelicot ? Elle est  tout simplement le fruit de plusieurs chaises et  de plusieurs arbres couvés depuis très longtemps par IKIOU.

Elle flotte enveloppée de son mystère propre, svelte et aussi gracieuse qu’une chèvre. En un mot, il s’agit d’une chaise vivante,   accompagnée d’un jeune frère, un tabouret qui n’ose lui faire de l’ombre.

Elle rassemble par sa présence toutes les fourmis que doivent avoir les arbres avant parfois de devenir des chaises, mais surtout elle contient tous les rires  des enfants qui ont sauté dessus et bien des souvenirs cocasses concernant les fesses des humains qui l’ont essuyée.

L’ARBRE AUX CHAISES

Chaise qui a tant de choses à dire qu’elle draine dans l’invisible son émouvante fonction, permettre le repos aux hommes et femmes qui assistent à la naissance d’un arbre et pourquoi pas celui qu’IKIOU est en train de peindre dans son sillage.

Cette chaise règne en ce moment  au Café-Restaurant  Coréen « Bons moments » (116, rue Sadi Carnot 93170 BAGNOLET, Tél. 01.71.86.91.41)  où elle est exposée en compagnie d’autres tableaux. C’est une Joconde !!!

 Paris, le 1er Janvier 2013                   Evelyne Trân