LA MACHINE A EXPLORER LE TEMPS d’après l’oeuvre deH.G.WELLS au Théâtre de l’ALHAMBRA – 21 Rue Yves Toudic 75010 PARIS

Du 25 OCTOBRE 2012 AU 17 MARS 2012 A  19 HEURES

Mise en scène :Sydney Bernard Comédiens : Sydney Bernard Thierry Le Gad Musiques originales Chapelier Fou Vidéo et décors sonores : Loïc Le Cadre Création du décor : Patrick Chemin

La machine à explorer le temps, est sortie du cadre  du célèbre roman de H.H WELLS, elle existe et est même visible, en ce moment, au Théâtre de l’ALHAMBRA . D’aucuns diront que cette machine a tout de même à voir avec notre imagination car à défaut de culture scientifique, et de bagage matériel sophistiqué, il nous est loisible de bâtir autour de nos rêves, même si nous n’avons pas  les moyens de les réaliser. C’est ce qu’on appelle les  châteaux en Espagne.  

 Jules Verne avait  anticipé le voyage de  l’homme sur la lune. C’est fait. H.G. WELLES crée la machine à explorer le temps. Pour qu’elle soit efficiente cette machine, encore faut-il qu’elle soit utile.

 L’imagination l’emporterait elle sur la réalité ? G.H. WELLS met les pieds dans le sol de notre imagination pour mettre à l’épreuve ses lecteurs face à une situation extraordinaire, tout en leur assurant qu’ils auront la vie sauve. C’est lui le conducteur du récit, son moteur, il suffit de lui faire confiance.

 Pour mettre en scène théâtralement, l’aventure de l’explorateur du temps qui atterrit en l’an 802 7O1 de notre ère, la compagnie de l’Imaginaire Théâtre a déployé les grands moyens en ayant recours à la magie de décors mouvants, traversés de rayons effervescents sous le chapeau d’une musique originale du Chapelier Fou.

 Nous ne verrons pas les êtres surprenants qui peuplent la terre en l’an 802 701, à savoir les Elois et les Morlocks, ni la belle Weena, Et cependant, ils sont bien là puisqu’ils sortent  de la bouche du narrateur Sydney BERNARD, qui ménage posément mais sûrement ses effets pour faire haleter le public, tout au long du récit .

 Un conte où le souffle du visionnaire H.G. WELLS ne s’exprime pas seulement en surface mais fait balloter nombre de nos interrogations sur le devenir de l’humanité. Nous n’avons pas fini de rêver à un monde meilleur. Allons donc si l’homme, cet inconnu, n’existait pas, il faudrait l’inventer. En attendant,  fi d’élucubrations, entrons dans la machine à explorer le temps, à explorer l’homme, avec nos petits extra-terrestres, les enfants, capables d’ expliquer aux adultes perplexes ce qu’est la machine à explorer le temps.

 C’est tout de même incroyable, pour la voir et y entrer, il suffit d’aller au Théâtre de l’Alhambra. A bord, vous serez accueillis par un conteur de talent Sydney BERNARD et la main dans celle d’un enfant, vous partirez pour… l’an 802 701. C’est extra !

 Le 28 Octobre  2012                   Evelyne Trân

 

 

A L’AFFICHE DU THEATRE DE L’ESSAION : LA DERNIERE BANDE DE SAMUEL BECKETT AVEC JEAN PETREMENT ET UNE MISE EN SCENE DE JEAN-JACQUES CHEP

  • Du 10 Septembre au 11 Septembre 2012 Les lundis et mardis à 21 H 30
  • Je viens de découvrir « la dernière bande «  de Samuel Beckett au théâtre de l’Essaïon.et je dois dire que j’ai éprouvé le même choc qu’un visiteur dans un musée, saisi par la présence d’un portrait, ou d’un insolite regard débordant du cadre d’un tableau.

 La dernière bande  est une courte pièce de Beckett, destinée à l’origine à la radio. L’intrique est très simple, il s’agit d’un homme âgé, seul, qui papillonne avec ses souvenirs en jouant avec un miroir, un magnétophone capable d’enregistrer au passé et au présent ses états d’âme.

 Cet homme face à ce miroir nous fait penser à un singe surpris par ses différents reflets. Il est étrange mais sa vérité nous éclabousse parce qu’il nous fait signe comme n’importe quel homme dans la rue, se parle à lui-même naturellement, sans se soucier des spectateurs.

 C’est le privilège du théâtre de pouvoir faire entrer le spectateur dans la maison, donc dans l’intimité la plus secrète d’un individu.

 C’est le privilège aussi du romancier de pouvoir promener le lecteur parmi les infinis détails, créatifs d’atmosphère.

 « Qu’est que c’est que ce type ? » nous demandons nous en voyant une sorte de clochard tourner « en rond » dans sa piaule, de façon misérable parce qu’il ne tient pas debout, qu’il est presque cacochyme. Pendant un temps indéfini, le metteur en scène nous laisse observer son manège, sans qu’il dise un seul mot, et nous le suivons captivés par ses différents périples : allumer une lampe, glisser un livre sous une table branlante, fouiller dans des vieilles boîtes en fer cabossées ec…

 Après on comprend, que tous les efforts démesurés de ce vieillard, n’ont qu’un seul but, celui de remettre la main et l’écoute sur l’enregistrement d’une page de sa vie.

 En soi, c’est très banal. Nous sommes toujours en train de chercher quelque chose, si ce n’est pas un vieux peigne ou une adresse. Là, le bonhomme cherche dans son passé qui ne regarde que lui.

 Mais voilà c’est magique parce que sa voix enregistrée, il y a quarante ans, résonne dans la pièce au présent. Et c’est un autre qui parle, un autre que le vieillard entend.

 Vertige, oh profond vertige ! Nous éprouvons que cet autre dont la voix résonne froidement, le viellard s’y accroche comme au sortilège d’une parole, d’une émotion capable de le faire revenir à lui-même. L’on songe à ces vers de Fantaisie de «Gérard de Nerval :

 « Il est un air, pour qui je donnerais, Tout Rossini, tout Mozart et tout Weber. Un air très vieux, languissant et funèbre, Qui pour moi seul a des charmes secrets! »

 Non, cette pièce n’est pas sinistre ! Sa force comique, poétique et résistante, est vive grâce à l’intelligence du metteur en scène et de l’interprète qui arrivent à bousculer notre regard sur la vieillesse.

D’accord, il s’agit d’un homme délabré, boiteux, mais il vit ! Sa lutte avec son corps pourrait même faire penser à celle d’un homme préhistorique qui découvre le feu.

 L’homme a cette innocence-là, géniale, d’aller puiser dans ses anciennes braises et l’émotion rejaillit du frottement entre le passé et le présent comme une allumette.

 C’est une performance qu’accomplit Jean Pétrement, saisissant Monsieur KRAPP, aussi humain qu’un singe qui nous regarde !

 Paris, le 27 Octobre 2012     Evelyne Trân

LA CHANSON DU MATELOT – Poème dédié à Philippe JARRY, avec une improvisation musicale de TIM LAZER ( Bol tibétain, Didjéridoo) Michel SEULS (Guibarde, flûte) KEY YOSCHIDA (Trompette)

 
LA CHANSON DU MATELOT AVEC IMPROVISATION MUSICALE 20 10 2012
 
Poème dédié à Philippe JARRY
Matelot
 
J’irai mouiller au large de ta mémoire, matelot,
Pour une fleur d’écriture salée.
Ton toit sera étoilé, vois-tu et ton absence criminelle.
Celle de Mallarmé qui disait « La chair est triste, hélas,
Et j’ai lu tous les livres ».
Comme un grand œil au dessous de la mer, décrit,
la coque de ton innocence abrupte,
à travers une planche, avant le coup du marteau,
indéfinissable, évanouie, ta main tendue, sans adresse,
parlera l’étendue de la mer et ta solitude blessée.
 
Tu as pris au mot le verbe « aller »
 Et ceux qui de demandent « comment vas-tu ? » sont cons,
mais ce n’est pas grave
car l’eau trouble de ta mémoire nourrit l’écorce encore jeune
de tes épousailles avec l’arbre.
 
Et sur l’eau, la vérité n’aura l’air que d’un lézard effarouché,
Et sur tes épaules, l’enfant aura l’impression de toucher le ciel,
Et sans excuse, tu existeras.
 
Au large de ta mémoire,
 j’irai refaire le geste de l’enfant à genoux face à la mer
 Mon Dieu, mon père, mon Dieu ma mère,
 pourquoi m’avez vous fait naître ?.
 
Et tu approuveras leur silence,
dans un coin de mouchoir, ta douleur,
comme un peu de fièvre, comme un peu de flamme pour les éclairer.
 
Evelyne Trân    
 

NE LE DITES A PERSONNE, poème dédié à Vincent JARRY, suite à une promenade à ARCUEIL

 
NE LE DITES A PERSONNE Improvisation musicale Michel SEULS, KEI YOSCHIDA, TIM LAZER (Emission DEUX SOUS DE SCENE Radio libertaire du 6  Octobre 2012)
 
Ne le dîtes à personne,
J’habite un livre
Comme un point sur un i
Au-dessus de l’océan.
un de ces livres, voyez-vous,
Déniché à la brocante,
Poussiéreux et humide,
À peine défloré,
Qui rumine en silence
Tout en semblant dormir.
Un livre troué par la lisière
Des jours endormis
Dont on se débarrasse à la mort de
De son propriétaire.
Un des ces livre inouïs, croustillants d’odeurs,
De feuilles mortes,
Qui escalade les murs, et n’a plus de virgules,
Affranchi au bord des lèvres d’un poète,
Aussi fier qu’une maison spectacle
Aux fenêtres murées, sans paupières, ni porte,
Qui traverse la rue, toujours incognito.
 
Ne le dîtes à personne,
J’habite un livre en cloques, démesuré,
Troué de toutes parts,
À l’encre transparente des ruelles transpirantes
À l’entrevoyure d’une porte d’église, un livre
Dont je descends les marches chaque jour,
En dormant, qui tient lieu de lunettes à mon aveuglement,
Sans domicile fixe, précipice d’une torche en plein océan,
 
Qui n’a pas l’air sérieux,
Sec comme une branche posée sur les genoux.
Un livre qui laisse échapper tant de soupirs
Que ça n’est pas convenable.
 
Ne le dîtes à personne,
J’ai élu domicile sous la page d’un livre
Jouet de la lumière, du vent et de la pluie,
Intimité oblige.
Un livre déchu, abandonné, laminé, sali,
Qui ne fait pas d’histoire
Qui s’est donné,
Pour n’être qu’un point de mire
De ton apparition,
Oh lecteur invisible !
 
 Evelyne Trân
 
 

A propos d’HELEN JUREN à la MANUFACTURE DES CHANSONS – 124 Av de la République 75011 PARIS – Vendredi 19 et Samedi 20 Octobre 2012 à 20H 30

World music, , folk rock troubadour au rythme des Balkans et des mélodies d’Afrique et d’Orient. Hèlèn JUREN est accompagnée de Thierry LE POLLES à la guitare.

  HELEN JUREN a vraiment une très jolie voix, ce genre de voix qui peut remuer l’oreille la moins réceptrice au verbe musical, elle accroche par sa naturalité, un peu comme le bruit de la pluie ou même le tic tac des d’un réveil. C’est une voix qui s’offre au silence.

 Cette porteuse de voix légères et graves,  parfois douloureuses, où s’entremèlent des émotions universelles, doit libérer de l’espace pour dialoguer avec l’invisible. La formule est pompeuse mais elle me parait essentielle. Un artiste sur scène doit rester dans l’axe de l’inconnu, faute de quoi,   il se répète et n’offre plus de répondant à tous les petits commutateurs invisibles que représente le public qui n’est ni ami, ni ennemi mais simplement convié à une aventure extra- ordinaire.

 La tentation d’un artiste sur scène est de donner  le plus de lui-même comme s’il devait ne plus jamais revoir le public et qu’il devait lui ouvrir l’armoire entière de ses trésors. En ce sens, HELEN JUREN, hier, a fait étinceler quelques perles avec ses chansons d’amour ( Les p’tit recoins »entre autres) et elle a prouvé qu’elle était aussi une bonne diseuse avec « La femme africaine ». C’est une femme de tempérament, incapable de mièvrerie  ce qui est tout de même rare avec des chansons d’amour. Mais elle en fait un peu trop lorsqu’elle gesticule. La scène de la Manufacture, au  demeurent très agréable, n’est pas grande et  on imagine mal un cheval, aussi élégant soit-il, l‘investir.

 HELEN JUREN, nous le sentons, a la mélancolie joyeuse; c’est toute sa force, son terroir, son horizon, auxquels elle doit réserver son exubérance.

Son champ créatif est large et mérite beaucoup d’attention et d’écoute : HELEN JUREN est davantage qu’une bête de scène, c’est l’esprit d’une voix.

 Paris, le 20 Octobre 2012                        Evelyne Trân

 

 

VIS MA VIE de Emmanuel Darley Mise en scène : Yves Chenevoy au VINGTIEME THEATRE – 7, rue des Plâtrières 75020 PARIS du 10 OCTOBRE au 25 NOVEMBRE 2012

 Du mercredi au samedi à 19 H 00, le dimanche à 15 H 00. Avec : Bruno Allain, Claudie Arif, Brice Beaugier, Malika Birouk, Yves Chenevoy

Coréalisation : Vingtième Théâtre et Compagnie Chenevoy

Comment imaginer sur notre bonne terre, le fossé qui sépare les « zurbains » des « ruraux » à moins de disposer d’une résidence secondaire ou de lire dans Libération un article documenté qui remet les pendules à l’heure en chiffrant le nombre de paysans à 3 milliards et demi, lesquels ne nourrissent pas seulement l’humanité mais dessinent les paysages.

 Les Zurbains d’Emmanuel DARLEY, affolés par la beauté sublime des champs de blé qui défilent sous leurs yeux tandis qu’ils pianotent sagement sur leurs manches électroniques pendant leur voyage en TGV, semblent sortir d’un paquet de lessive comme des personnages de bande dessinée.

 Nous comprenons que ces zombies auxquels nous devons ressembler, sont si bien connectés aux effets virtuels de leurs portables qu’ils ne peuvent concevoir l’existence d’autres individus coupés du monde moderne et végétant  dans leur campagne.

 La rencontre entre un couple de zurbains et quelques ruraux dont une paysanne rebelle sera l’occasion de bousculer les clichés qui séparent leurs univers parallèles, manipulés par un grand ordonnateur, un Président invisible. Pourquoi d’ailleurs ne pas imaginer un Président mondial avec une petite tête d’ordinateur, dernier cri.

 Pour illustrer cette fable science-fiction, le metteur en scène Yves CHENEVOY a fait appel aux talents d’un scénographe, Didier GAUDUCHON, d’une costumière Elisabeth de SAUVERZAC,du musicien Alain  LITHAUD et des comédiens Bruno ALLAIN, Claudie ARIF, Brice BEAUGIER, Malika BIROUK.

  Tous contribuent à créer une atmosphère assez irréelle. Les tableaux des belles prairies pourraient être vendus dans une galerie car leurs joyeuses couleurs se moquent avec candeur des chimères des zurbains et des ruraux. Nous en perdons notre latin.

 Pas de  morale dans cette histoire. Sachez tout de même que s’il vous prend l’idée de sauter d’un TGV en marche en pleine campagne, c’est vraiment à vos risques et périls. Mais qui sait, en panne d’inspiration, vous vous souviendrez des belles toiles du spectacle « Vis ma vie » illusoires mais charmantes.

Paris, le 14 Octobre 2012               Evelyne Trân

A L’AFFICHE DU GRAND PARQUET : LA FARCE DE MAITRE PATHELIN – CREATION RICHARD DEMARCY- Jardins d’Eole – 35, rue d’Aubervlliers 75018 PARIS –

La farce de Maître Pathelin

DUREE : 1h15    mercredi, dimanche à 15H00.

Montée par Richard Demarcy
Avec Jean Lacroix Kamga , Antonio Da Silva , Guy Lafrance , Leontina Fall , Nicolas Le Bosse

Pour inaugurer sa nouvelle implantation dans les Jardins d’Eole, 35 rue D’Aubervilliers, à proximité du Bd de la Villette, qui regorge de boutiques « exotiques » où les amateurs de tissus, denrées et épices africaines peuvent s’approvisionner, Le GRAND PARQUET programme La farce de Maître Pathelin.

 Le seul nom de Pathelin a des résonances comiques mais à moins de faire accroire que nous avons lu la pièce dans sa langue du Moyen-Age, force est de reconnaitre que pour subvertir notre  ignorance, nous nous sommes arrêtés à nos souvenir scolaires.

 Pour réchauffer notre mémoire, l’adaptateur de la pièce, Richard DEMARCY s’est tout simplement laissé emporter par la verve e la truculence de la farce en l’assaisonnant de quelques anachronismes épicés qui débouchent les narines.

 Cette farce est un régal pour le palais. Elle nous rappelle que notre bonne vieille langue française se nourrit au sens propre des pérégrinations de nos corps terrestres, et que beaucoup de bons mots que nous utilisons tirent leurs saveurs de l’appétit des beaux parleurs.

 Pour conjurer la grisaille qui ameute les cœurs, il n’y a pas de meilleur remède que le rire. L’intrigue da la farce de Maître PATHELIN, fieffé avocat est aussi mince que celle de la fable du corbeau et du renard mais elle recèle des finesses fort croustillantes.

 Allez faire bêler un  berger  qui couve amoureusement ses moutons. Et représentez-vous son avocat de lumière sous les traits  de certains hommes de pouvoir, vous aurez aussitôt le vertige. « Je bêle, je bêle et cela vous en bouche un coin ». Qui, du renard ou du corbeau ferait le meilleur politicien ? Et la femme dans tout ça ? Dieu a créé la femme pour mettre du piquant dans cette humanité foireuse sous les traits de la délicieuse Guillemette, Léontina FALL.

 Les 5 comédiens-musiciens de la pièce se démènent comme les cinq billes d’une ceinture de massage qui frotte et relaxe l’épiderme. Le spectacle est très joyeux, bien enlevé, il impressionne par sa gourmandise de couleurs, d’objets hétéroclites, de costumes improvisés. Un tour de manège incroyable avec pour destination la bonne humeur et l‘étonnement qui écarquille les yeux des enfants, nos théâtreux de demain !

 Un spectacle qui s’inscrit aussi dans la ligne de mire de tous nos métissages, ici et maintenant.

 Paris, le 13 Octobre 2012            Evelyne Trân

 

 

L’ENFANT – DRAME RURAL – Texte et mise en scène de Carole Thibaut au Théâtre de la tempête à La Cartoucherie de Vincennes du 26 Septembre au 27 Octobre 2012

De : Carole Thibaut
Mise en scène par Carole Thibaut
Avec Avec Marion Barché, Thierry Bosc, Eddie Chignara, Sophie Daull
Emmanuelle Grangé, Donatien Guillot, Fanny Santer, Boris Terral, Carole Thibaut spectacle à 20h30 durée 2h

Il est assez étrange et percutant de songer que le drame rural que raconte Carole Thibaut n’est pas daté. Il se produit dans un village où les villageois sont équipés de télévisions, de portables, mais  cela n’a aucune importance : les battements de cœur de ce village résonnent en vase clos .Des drames il  y en a toujours eu, il  y en aura toujours, mais  c’est cette fatalité qu’entend conjurer le regard de Carole Thibaut en mettant en plat, les multiples circonstances qui y conduisent.

Un enfant trouvé sur le seuil d’une porte, en guise de fait divers.  Pour évacuer ce problème, il y a une solution évoquée rapidement par le maire du village : faire appel aux services sociaux. Mais en attendant, parce qu’après tout, il s’agit d’un enfant tombé du ciel, pourquoi ne pourrait-il pas être l’enfant du village ?

La baguette de sourcier de Carole Thibaut nous conduit dans plusieurs foyers où l’on s’aperçoit  que l’enfant inconnu est un indésirable, une chose improbable qui va réveiller chez les villageois, leurs démons, leurs frustrations, leurs lâchetés. Seule l’idiote du village voit en l’enfant, le retour de son nouveau-né.

Volontairement Carole Thibaut force le trait des portraits des personnages qui ressortiraient de la lecture d’un sordide fait divers, de rumeurs ou de conversations peu amènes, échangées dans le café ou sur le banc de la place  publique.

Les visions que se renvoient les villageois sont très caricaturales. Les comédiens interprètent pourtant de façon très crédible : l’idiote du village, la sœur du maire, une Marie couche toi- là, le chasseur violeur, le maçon intello, la mère castratrice, le maire, un fils à maman. Parmi tous  ces gens-là, il n’y en a aucun pour sauver l’autre. Il manque juste le curé mais le maire le remplace aisément.

Parce que les villageois ne s’aiment pas entre eux, qu’il y a toujours ces rapports de classes – seigneur/ paysan, autochtone/étranger _ , et les préjugés qui empoisonnent l’atmosphère, c’est à l’accouchement d’un enfant mort-né  qu’assistent les spectateurs.

Celle  qui  aurait pu sauver la face du village est au demeurant une idiote, elle est poursuivie comme une animale qui cherche à sauver son petit. C’est indigne mais ça existe nous dit Carole Thibaut.

En même temps Carole Thibaut ne cesse de parler des rapports entre le sexe et le désir, pour nous demander où se trouve la place de l’enfant. Elle évoque le sexe bestial : on fait l’amour pour jouir, pour échapper à l’ennui, à la solitude, mais pas pour faire des enfants. Comment mesurer tout le chemin que l’humain doit faire pour assumer cette réalité-là ? Nous voici bien loin du « Il est né le divin enfant «.

De la capacité des humains à accueillir leurs enfants dépend la survie de l’humanité, serait-on tenté de penser. Nous ne voyons pas poindre dans le ciel d’une nuit de Noël, le doux enfant Jésus. Tout de même  la nature  parait fort conciliante puisqu’elle permet aux femmes de se concentrer sur  leur enfant pendant neuf mois avant d’accoucher. Si les humains ont l’air de se conduire moins bien que des animaux, ils ne doivent s’en prendre qu’à eux-mêmes.

La pièce de Carole Thibaut semble piocher dans la mauvaise conscience qui forme le terreau de tout un village. La  vie et la mort s’entremêlent impitoyablement.

La mise en scène dépouillée de tout accessoire, offre à chaque tableau sa vérité brutale, sommaire  et efficace.

Me revient en mémoire, le poème de Jacques Prévert « Etranges  étrangers ».Sommes donc nous tous étrangers sur terre ? Quand Carole Thibaut laisse enfin la parole à l’enfant, nous ne prenons à  espérer que les villageois l’entendent aussi.

 Il est probable que les drames, les faits intimes et divers qui tracent les sillons ou séquelles de la condition humaine, se transposent en fables ou en mythes. Mais ils font partie  de la mémoire collective pour aujourd’hui. C’est le message de Carole Thibaut, avocate qui réussit, malgré son plaidoyer tranchant, à nous interpeller humainement.

Paris, le 8 Octobre 2012                                 Evelyne Trân

                 

A L’AFFICHE DU THEATRE DU LUCERNAIRE – THEATRE ROUGE – LA CHAIR DE L’HOMME – DIAGONALE 1 – avec Marc-Henri LAMANDE – 53, rue Notre-Dame des Champs 75006 PARIS – Du 3 octobre au 18 novembre 2012

Du 3 octobre au 18 novembre
Du mardi au samedi à 21h30 et dimanche à 15h
Auteur : Valère Novarina
Mise en scène : Marc-Henri Lamande
Avec : Louise Chirinian, Marc-Henri Lamande, Marc Roques
Durée : 1h10

Marc-Henri LAMANDE était invité à l’Emission DEUX SOUS DE SCENE de Radio Libertaire le samedi 13 Octobre 2012 (émission que vous pouvez écouter sur le site de Radio Libertaire) Ci-joint :  EXTRAIT INTERVIEW MARC-HENRI LAMANDE

Vais-je nommer les choses ? Les choses vont-elles se dénommer ? Le rapport qu’entretient l’homme écrivain avec le langage est-il fusionnel, évènementiel, extatique ou tout simplement absurde au sens brutal parce qu’imaginaire ? Une chose au moins est sûre c’est que les mots passent par le corps qui augure, c’est sa première qualité, ses entrées et ses sorties.

Valère NOVARINA parle une langue étrangère aux motifs singuliers pour les profanes. Mais nous portons tous en tant qu’individus uniques une langue singulière, un corps singulier, le nôtre. Ainsi le mot chair n’a de réalité que celle que nous lui prêtons; l’intention, le geste, la désignation importent davantage que le mot lui-même qui est une convention.

En ce sens, l’écrivain est celui qui explore les conventions du langage un peu comme un casseur de noix qui veut retrouver l’ultime saveur de son noyau. Comment elle éclaterait cette noix si le sujet est enfermé, si le sujet est dans la noix. C’est donc de l’homme sujet qu’il est question, l’homme sujet des mots.

La plupart du temps, nous sommes dépassés par ce que nous disons. N’allez pas demander à un homme de se regarder en train de marcher, il tomberait. Valère NOVARINA n’échappe pas à la règle mais il l’utilise un peu comme un joueur de billes dans une cour de récréation.

Il ne faut pas croire que toutes les billes parce qu’elles se rencontrent, se comprennent entre elles. L’espace d’incompréhension qui subsiste entre elles, est celui-là même qui permet leur mouvement. Si nous nous comprenions tous, nous serions semblables, nous nous ennuierions, et ce serait la pire des calamités.

L’enfant au milieu de son sac de billes récrée le monde à son intention. S’il allait à la rencontre de l’homme écrivain, dirait-il

« Je vais parler à l’homme épouvantail ». Il pourrait le dire, parce que pour lui, un épouvantail, c’est très beau. Et puis les épouvantails ne font peur qu’aux oiseaux, alors !

Imaginons alors, un épouvantail, un livre totem, un livre sorcier qui s’amuserait à recycler toutes les paroles entendues qui l’ont traversé. Vous seriez étonné du résultat, cela pourrait donner par exemple un livre totem comme la chair de l’homme de Valère NOVARINA ou même son adaptation par le comédien ludion Marc Henri LAMANDE.

Et pourquoi pas ? A la cour de récréation du Théâtre du Lucernaire, au Théâtre Rouge, il y a en ce moment, un drôle de bonhomme habité par une fontaine de mots qui passent par tous les orifices de sa chair, qui bourdonnent, discutent, se bousculent comme des abeilles.

C’est un homme arbre de mots, qui secoue ses feuilles avec allégresse, jovialité même, mais sans affèterie, normalement parce que les mots font partie de sa peau, que grâce à eux, il peut dégainer son souffle de différentes façons, dans plusieurs directions. Comment ils viennent, comment ils sortent de son corps, c’est un mystère, Marc-Henri LAMANDE est un virtuose, son corps est un instrument de musique et les mots configurent la partition qu’il interprète.

Dans le fond, il faut se laisser emporter, glisser dans les motifs de paroles qui jouent de leurs déconvenues, qui éclatent comme des bulles de savon à la lueur de son souffleur qui pour l’occasion a adopté le visage de Pierrot de la Lune.

En veilleuse, mais très présents sur la scène, les musiciens Marc ROQUES (clavier, électronique), Louise CHIRIQUIAN (au violoncelle acoustique) deviennent les pressentis musicaux tel un refuge pour les mots après le silence.

L’arbre homme, fontaine de mots, dit et ne dit pas, il explore nos cavités intruses. Cher NOVARINA !

Paris, le 7 Octobre 2012                         Evelyne Trân

 

Müller Machines Du 3 octobre 2012 au 28 octobre 2012, Grande salle à la MAISON DE LA POESIE – Heiner Müller I Wilfried Wendling Denis Lavant I Cécile Mont-Reynaud I Kasper T. Toeplitz

 

Derrière le projecteur, le parterre des spectateurs. Pourquoi ne pas imaginer que ce sont les spectateurs eux-mêmes qui sont en train de projeter leur rêve collectif sur la scène. D’abord la scène ferme les yeux, il y a cet incroyable rideau de cordes où se meuvent presque assoupies et en veilleuse des alvéoles lumineuses. Et l’attente offerte comme une obole, le temps surprise, qui accouche d’une forme idéale celle peut-être d’un femme-oiseau dont les ballotements font penser à ceux d’un fœtus dans le ventre de sa mère.

Soudain une voix qui pourrait provenir du silence contenu par les arbres, le soleil confondus, dresse son propre rideau de mots qui viennent s’embrancher aux réseaux de lumières, de figures et de sons.

L’aspiration du poète à prendre corps avec les choses pour qu’elles traversent les mots, ses identités abstraites, s’exprime de façon convulsive, mais puissante chez MULLER. Des mots qui jouent sur leur durée primitive, insolite, qui pourraient rejaillir du mouvement d’une flamme devenue écho de ce qu’elle éclaire.

La langue de MULLER donne à penser que l’homme primitif n’est qu’une émanation de la nature elle-même parce que la façon dont la nature souffre chez l’homme, embrasse forcément les éléments et il faut l’entendre pour être non seulement visible mais voyant.

Impossible d’avoir une perception linéaire des pans de textes de MULLER proposés dans ce spectacle : « Paysage sous surveillance » « Nocturne et « Libération de Prométhée ». Ce sont des dragées chargées d’émotions violentes : « le cri engendre la bouche », « les dieux se suicident ».

Or, cet extraordinaire illusionniste qu’est le metteur en scène Wilfried WENDLING, orchestre les voix de Denis LAVANT, les compositions hybrides de Kasper T.TOEPLIZ (basses, percussions, musique électronique) et les figures aériennes de Cécile MONT-RAYNAUD, de telle façon que la crudité de la langue de MULLER trouve ses correspondances entre bruit et douceur, force et légèreté, sérieux et comique.

Et le jeu de Denis Lavant devient presque transparent, c’est l’évidence même des paroles-poèmes de MULLER qu’il trimballe.

Oui, c’est un privilège d’assister à un tel spectacle qui prouve une fois de plus que la poésie est vivante, qu’elle a plusieurs branches, la musique, la danse, qu’elle peut devenir voyante lorsqu’elle scrute à ce point le cœur de nos forêts.

Merci, les artistes !

Paris, le 6 Octobre 2012                                    Evelyne Trân