Viendrait-il d’ailleurs ? Poème avec une improvisation musicale de Michel SEULS (flûte indienne), Dave Lanteigne(guitare) et Tim (tambourin chamanique)

 
Viendrait-il d’ailleurs . Impovisation MICHEL SEULS , DAVE LANTEIGNE, TIM
 
Est-il vivant ou mort,
Par où commence t-il
L’auteur de cette blague
Au carrefour d’Antibes,
Dîtes moi quelle chanson
S’étend sur d’autres rives ?
 
Est-il vivant ou mort
Ou simplement dans l’air,
Le ferez vous venir
Le ferez vous sortir
De votre chapeau à vent
L’artiste qui galère
En chantant à tue-tête
 
Il est porteur d’un arbre
Plus rayonnant encore
Que la jolie guitare
Qui drague ta mémoire.
 
Bouclier solitaire
D’une gueuse mémoire
Viendrait-il d’ailleurs ?
 
Celui que vous rêvez
Funambule, alchimiste
Nomade dans votre cœur.
Comment le voyez vous
Serait-il le voyou
Qui passe par vos nuages
A travers vos mirages
D’artiste solitaire
A genoux, à l’affiche
d’un rêve déchiré.
 
Salué, méconnu,
Drapé de sentiment
C’est un polichinelle
Qui parle comme les autres, n’est ce pas,
Dans sa luge de cristal
 
L’artiste solitaire
Qui lève la poussière
A l’ombre d’un menhir
Viendrait-il d’ailleurs ?
 
 Terre et feu
De mémoire
C’est sa chair consumée
De grâce au présent
Conjuguez le futur.
 
L’artiste solitaire
Qui lève la poussière
A l’ombre d’un menhir
Viendrait-il d’ailleurs ?
 
Et vous avez son nom
sur le bout de la langue
de cet inconnu là
qui jouerait au silence
seulement pour vous entendre
dans l’au-delà des songes
 
Au coin de votre bouche,
Il mâchonne un brin d’herbe,
Frictionne votre rêve
Viendrait-il d’ailleurs
Tel marchand ambulant
D’aventures inouies.
 
L’artiste solitaire
Qui lève la poussière
A l’ombre d’un cyprès
Viendrait-il d’ici ?
 
Evelyne Trân
 
Viendrait-il d’ailleurs . Impovisation MICHEL SEULS , DAVE LANTEIGNE, TIM
 
 
 
 
 
 

Italienne scène, spectacle de Jean-François Sivadier au Ciné 13 Théâtre

Ciné 13 Théâtre plan d’accès
1, avenue Junot – 75018 Paris (M° Abbesses / Lamarck Caulaincourt), tél. 01 42 54 15 12
Dates : du 12 septembre 2012 au 3 novembre 2012, du mercredi au samedi à 21h30, le dimanche à 17h30. Relâche le 20 octobre.

Distribution :

Texte de Jean-François Sivadier Mise en scène de Victorien Robert Avec Mathieu Alexandre, Benjamin Brenière, Katia Ghanty, Elise Noiraud, Thomas Nucci et Maud Ribleur Durée : 1h15

PS : Victorien Robert, Mathieu Alexandre, Maud Ribleur étaient les invités de « DEUX SOUS DE SCENE », le samedi 29  Septembre 2012 sur Radio Libertaire, en 1ère  partie (émission en podcast sur le site de Radio Libertaire).EXTRAIT INTERVIEW ITALIENNE SCENE 

Dans le miroir, un metteur en scène et ses comédiens en pleine répétition de la Traviata. L’expérience est intéressante et même  étrange, il ne manque à cette mise en abyme que l’auteur lui-même mais il s’agit de celui de la TRAVIATA.

 A l’opposé d’un écrivain qui est maitre à bord de toutes ses folies avant de livrer son manuscrit, un metteur en scène a affaire à des créatures vivantes. Et dès lors qu’il commence à parler, à se laisser aller à ses fantasmes,  on se dit qu’il ferait mieux de finir auteur. Car l’imagination a beaucoup de mal à s’adapter à la réalité.

 Ce décalage entre les rêves d’un metteur en scène et son sens des réalités, est exprimé par les comédiens qui ont du mal à comprendre ses exigences, et qui livrés à eux-mêmes finissent par prendre conscience d’eux-mêmes au point de s’autoriser quelques monologues « pirandelliens ».

 La mise en scène de cette comédie sur les coulisses du spectacle, explore le comique des situations avec joie. Il y a de l’ambiance sur la plateau, ou plutôt sur ce navire de la création, qui se nourrit probablement des obstacles qu’il rencontre.

 Mathieu Alexandre joue pleinement son personnage de metteur en scène survolté. Thomas Nucci , le chef d’orchestre est très drôle.

Benjamin Brenière, Maud Ribleur, Elise Noiraud, Katia Ghanty, chacun dans leur rôle, assistent leurs personnages avec chaleur.

Au final une comédie très divertissante, truffée ici et là de remarques lucides de Jean François SIVADIER sur les velleités de la création, oh mère tumultueuse !

 Paris, le 29 Septembre 2012                        Evelyne Trân

Est ou Ouest Procès d’intention Théâtre d’Agit-Prop – Auteur Philippe Fenwick – du 27 au 30 septembre au Cirque électrique de la Porte Des Lilas. Jeudi, Vendredi, Samedi à 21 H, Dimanche à 16 H

Comment s’amuser en restant sérieux, décliner une page d’histoire en dansant sur sa partition ? Au cirque électrique de la porte des Lilas, les spectateurs deviennent les jurés du procès de Martina K,  dissidente Est allemande qui est passée à l’Ouest et demande à réintégrer son pays. Procès interrompu par l’annonce inopinée de la chute du mur de Berlin.

C’est un soulagement pour les spectateurs qui n’ont pas envie de prendre parti, et qui font la sourde oreille aux discours propagandistes qui ont fait trembler la terre allemande. Ils assistent en direct à la chute du mur de Berlin et rejoignent la scène pour vivre l’évènement.

Vingt ans plus tard, Martina K est toujours là. Elle n’avait pas attendu que le mur s’écroule pour passer à l’Ouest. Mais voilà qu’elle tient des propos très très communistes qui vont à l’encontre des valeurs libérales d’une autre Allemagne encensée par un Monsieur Loyal, publiciste d’un paradis sur terre.

De quelque côté où elle se place, Martina K sera toujours une dissidente parce qu’elle ne peut faire l’apologie des idéologies : le mur de Berlin c’est aussi bien celui de l’Est que de l’Ouest.

C’est très émouvant de voir cette acrobate « dissidente » raconter sa vie tout en tressant son corps le long d’un drap fabuleux, un corps qui doit parfois se tordre pour se nouer au seul mât qui tienne, sa vérité, sa liberté de conscience.

Pour raconter son histoire, le théâtre de l’AGIT PROP a choisi un agitateur de pensées, très engagé  et bien inspiré Philippe Fenwick,  un auteur interprète qui doit jubiler d’avoir pour personnages, des individus en chair et en os et en l’occurrence de fameux comédiens.  

Inspiré, c’est le premier qualificatif qui nous tente pour décrire ce spectacle-cabaret qui fait des spectateurs des partenaires insoumis de « notre histoire » Comme si elle s’écrivait au présent, l’équipe de l’AGIT PROP a trouvé la formule pour faire du théâtre un lieu de réunion hautement politique, celui  de l’expression artistique, interactive. Et tous les petits clichés qui beurrent nos ignorances deviennent aussi effervescents que des slogans politiques. Reste la figure humaine de Grit KRAUSSE que nous avons été trop heureux de rencontrer.

Paris, le 28 Septembre 2012              Evelyne Trân

Création collective Avec Hugues Hollenstein, Grit Krausse, Philippe Fenwick, Max Morallès ou Valo Hollenstein

Le spectacle aura lieu également du 5 au 23 Décembre à l’Epée de Bois – Cartoucherie de Vincennes –

 

T’auras des mots, poème dédié à Guy Catusse, avec une improvisation musicale de Michel SEULS et Keï YOSHIDA (Harmonium et trompette)

T’auras des mots   Improvisation musicale Michel SEULS ET Keï YOSHIDA 
Emission DEUX SOUS DE SCENE Radio Libertaire 89.4 du Samedi 22 Septembre 2012
 
G T’AURAS DES MOTS 4mn 23
 TIM LASER : SITAR – PERCUSSION DIJIRIDOO, GUIMBARDE
MICHEL SEULS FLUTE, PERCUSSION, BOL TIBETAIN
 
T’auras des mots
 
T’auras des mots pour t’enfuir
Seulement t’enfuir
Traverser des montagnes,
Ton propre corps,
Faudra leur donner des sandales
Leur rire au nez aussi autour d’un nuage.
 
T’auras des mots qui pousseront
Comme des pommes de terre
Au fond de ton jardin;
T’auras des spectateurs,
La pluie, le soleil et la lune.
 
T’auras à ton insu, ton corps
Qui saigne, qui sue, qui pue
Qui se souvient
 
T’auras la fatigue,
Quel arbre étrange
Qui sommeille au fond de l’abîme
Ils ont décrété, bien sûr, que tu étais un homme,
Et maintenant, vois tu, tes mains
Laissent échapper les mots
Ils peuvent bien chausser des sabots,
Des bottes ou des sandales,
T’es la question, bien sûr,
Avant la réponse.
 
Regarde moi, ami,
Et joue avec moi
Au temps qui passe
Dans le fleuve de nos émois,
Je ris  et je pleure
Et je t’aime,
T’auras le souvenir de mon amour.
T’auras l’amour qui saigne
Et les arbres grimperont au-dessus
Des livres ensommeillés, 
Tu seras leurs mains
Et tu agiteras ma mémoire
Au creux de leurs paupières,
Tu feras naître une chanson
Toute fraîche, saillie
Entre tes doigts, maligne,
Cavalcade de sons,
Carnaval d’odeurs et de couleurs,
Et tu enfonceras ton doigt
Dans le paysage.
 
La musique encens de ton âme
Boira ton sang
Couleur de tes folies.
 
Je te suivrai au bout de ma pensée
Je reprendrai mon souffle
Dans le silence
Je serai en dessous d’une nappe
De bruyère,
Impassible, exaucée,
En t’écoutant passer.
Je me soulèverai
Et t’entendrai pousser
Au sein de ma mémoire
Penchée vers toi.
 
Lève les yeux, ami,
Et crois donc me voir,
Moi qui partage enfin,
Ta douleur et tes joies.
N’aie crainte de l’illusion,
Rappelle-moi à toi,
Simplement souriant
A l’enfant tapageur,
Je serai à l’heure de notre amour.
 
Evelyne Trân                  Le 22 Septembre 2003
 
N.B : M.Guy CATUSSE était mon professeur de Français, en classe de 4ème; il m’a beaucoup appris.
 
 Cf article en hommage à Guy CATUSSE : http://www.cairn.info/revue-litteratures-classiques-2012-3-page-3.htm

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

INTERVIEW DE JULIEN SIGNOLET SCULPTEUR DANS SON ATELIER A COTE DU PERE LACHAISE

signoletAu cours d’un entretien qui a duré près de deux heures, nous avons parlé de son parcours, de ses sculptures,  aujourd’hui toutes inspirées des hexagrammes du Yi-King, de son maître, le sculpteur COUTELLE et aussi des cours qu’il donne dans son atelier. Nous aurions encore pu parler des heures car Julien SIGNOLET est intarissable sur le Yi-King, de plain chant avec son matériau de sculpture, le bois. Je crois avoir été convertie sans le vouloir à la philosphie du Yi-King. 

T’es tu dis un jour je serai sculpteur ?

A non pas du tout. C’est un concours de circonstances. Toutes les étapes se sont déroulées malgré moi. Je suis passé d’abord par le dessin, ensuite par le modelage, ensuite il y a eu ma rencontre avec ce maître, Coutelle.

 Mais tu avais une démarche artistique ?

Oui et non . Pour moi la création ne s’arrête pas à l’art. La vie est une création. Quand on a un esprit créatif, on peut être créatif partout. Le mode de création d’une œuvre cristallise davantage. Mais d’une façon générale on peut être créatif. Avant j’avais une autre existence où j’étais chef d’entreprise

 Je pensais que tu étais devenu artiste très jeune

J’ai eu une autre vie avant celle-ci. Je devais répondre aux exigences de mes parents. Alors j’ai créé ma propre boite, à vingt ans

 Tu n’as pas envie d’être subordonné. Les artistes ne supportent pas la tutelle. Sauf pour la bonne cause …

Je n’ai jamais été l’employé et le salarié de qui que que ce soit.  Pour beaucoup de gens c’est la sécurité qui prime mais pour moi ce serait une véritable prison. Si un jour, j’étais dans une fonction rémunérée,  avec un itinéraire tout tracé,  des taches répétitives, cela me serait insupportable, pire que la prison.

 Pourtant ça n’est pas évident quand on a une famille, des enfants, financièrement…

C’est là que c’est encore plus marrant. J’ai monté ma société à 20 ans, j’ai fait du commerce international qui a très bien marché. C’est avant 30 ans, à la naissance de ma fille, que je me suis dit que je devais arrêter, que j’étais en train de perdre mon temps. Le commerce m’a amusé un temps, j’ai gagné de  l’argent mais ce n’était plus moi.

J’ai entamé ce parcours pour répondre à la volonté de mes parents. Après j’avais l’impression de répondre à ce que la société attend d’une personne et la société attend d’une personne qu’elle génère de l’argent, qu’elle aille gentiment consommer. Je me suis dit que je ne pouvais pas continuer comme ça sinon « le petit être qui arrive, je vais lui transmettre ce qu’on m’a transmis », je voulais transmettre à ma fille autre chose que : faire des études, gagner de l’argent, trouver un poste.

J’ai vendu ma société et j’ai repris des études. J’ai passé 5 années à côté de Coutelle.

 Il vit toujours

Il est mort en Janvier de cette année.

 J’imagine qu’il est assez connu

Oui, c’est une grande figure de Paris Est, de Ménilmontant, c’est un des fondateurs de la Maison des Artistes, c’est lui qui a créé le syndicat des sculpteurs. C’était l’ami d’Asturias. C’était un sculpteur, mais aussi un poète, un grand philosophe, un humaniste génial

 Tu as l’impression d’être un disciple

Il ne voulait surtout pas qu’on dise ça, mais pour moi dans mon cœur, dans mon rapport avec lui, c’est clair, ça a été le maître, le père spirituel, l’artiste qui m’a tout appris dans la lignée où je me trouve.

 Quand tu es arrivé chez lui, tu étais humble comme un enfant

Exactement, j’avais une pratique artistique dans le modelage et le dessin mais je n’avais jamais taillé et là aussi c’est un concours de circonstances

Quand j’ai vendu la société. Je ne savais pas ce que j’allais faire

 Tu avais un peu d’argent de côté

Je savais que je pouvais arrêter de travailler sans mettre la famille en risque. J’ai commencé à me remettre à dessiner, à modeler. Quand je me suis jeté  dans l’inconnu : je quitte le monde des affaires et je ne sais pas où je vais – cela a généré une certaine forme d’angoisse, d’incertitude, de doutes, de questionnements. Mais en me remettant dans la création, sans autre but que de créer,  je me sentais aller mieux de jour en jour. Ma création soutenait ma propre dynamique dans l’inconnu. Et c’est à partir de ce moment que j’ai commencé à m’intéresser à l’art thérapie, puisque j’étais en train de le  vivre, de l’éprouver pour moi.

 A partir du moment où j’ai fait de l’espace, il y a eu un assaillement de ce qui était une évidence. C’est comme un grosse vague qui m’est arrivée en pleine figure

C’est plutôt la sculpture qui est venue à moi que moi qui suis venu à la sculpture. Il n’y a pas eu de décision en disant : je serai. Je suis devenu par un flux super naturel .Si je fais ce parallèle c’est qu’avant dans le monde des affaires, j’étais très volontaire. Une fois que j’ai lâché cette attitude, les choses me sont arrivées et ce sont des choses justes qui me sont arrivées, pas un effet de mon égo, de ma volonté. La vie s’est organisée de façon à m’emmener là où je devais aller.

L’exemple le plus frappant, je me  suis inscrit en art thérapie et j’ai été pris. Je me suis mis au modelage de façon intensive en me disant que je ferai faire de la terre aux gens dont je m’occuperai.Un de mes grands amis, qui est inventeur mais qui était sculpteur à la base, a remarqué mes modelages et m’a proposé de rencontrer Coutelle.

 Dès la première rencontre, ça été le coup de foudre. Je suis d’abord tombé amoureux du personnage, de son atelier, de l’amosphère générale. On a discuté une heure et demie sans parler de sculptures.  et à la fin de la conversation, il me demande « Bon, vous avez quelque chose à me montrer. »

Je suis revenu quelques jours après avec des travaux. Et là il m’a regardé : « Vous voulez commencer quand ? » J’ai passé 5 ans à ses côtés ; c’est très nourrissant .Et c’est de fil en aiguille, en côtoyant d’autres artistes en art thérapie qui m’ont proposé  d’exposer avec eux que j’ai exposé mes premières oeuvres. C’étaient des terres à l’époque que j’ai pratiquement toutes vendues.

 Au départ, je n’avais pas d’atelier, je travaillais chez Coutelle. Il m’a fait basculer dans son ancien atelier. Et pendant deux ans, j’avais l’ancien atelier de Coutelle.  C’était génial.Un jour le bail de Coutelle a expiré.

Pendant six mois, je me suis réveillé en me disant « je dois trouver un atelier ». Et puis je l’ai trouvé ou plutôt il est venu à moi.

 h2-the-receptive Parlons du Yi King. Tu l’as découvert avec Coutelle où par un autre chemin ?

Un autre chemin. Avec Coutelle, j’ai fait beaucoup de figuration. Mais une figuration qui s’inspire beaucoup de l’art moderne, plus proche d’Henry Moore, Brancusi que de Michel Ange. Mais il avait une grande thématique sur les oiseaux, le corps humain, le couple .

Coutelle était vraiment quelqu’un qui nous laissait beaucoup de liberté. Il pouvait avoir son avis sur tout mais il vous accompagnait vraiment dans le processus créatif. Quand j’ai senti que j’avais fait le tour de la figuration, j’ai eu envie de m’essayer à l’abstraction. Contrairement à ce que l’on peut penser, l’abstraction c’est beaucoup plus difficile. Dans la figuration, il y a une base sur laquelle on peut se reposer qui est la réalité. L’abstraction, c’est beaucoup plus délicat de trouver des harmonies qui n’existent pas ailleurs que dans l’imaginaire. Je ne voulais pas que ce soient des formes d’élans de mon humeur, je voulais que cela s’appuie sur une démarche de la raison philosophique si on peut dire. En fait le Yi-King, je l’étudie depuis l’âge de 14 ans.

Le Yi-King ca vient d’un autre continent ?

Ca vient d’un autre continent mais d’une même humanité. Le Yi-King c’est à l’aube de l’humanité quand l’homme ne savait pas encore écrire et s’organiser en cité. C’est vraiment la racine de l’humanité, le Yi-King appartient à l’humanité. Evidemment c’est né en chine mais cela ne veut pas dire que c’est chinois. Aujourd’hui, la plupart des chinois ne connaissent pas le Yi- King et les asiatiques non plus. C’est tombé en désuétude. Par contre ce qui est intéressant c’est que le Yi-King va donner naissance à l’organisation des premières cités, le confucianisme, le taoisme, et par extension le bouddhisme qui est né en même temps. Mais c’est avant l’organisation de la religion, de la cité.

Il y a des diagrammes ?

C’est basé sur un truc extrêmement simple, le principe de dualité. Mais encore plus simple, à la base tu as le Tchi, l’énergie primordiale qui va donner naissance à toutes choses. On peut peut être le rapprocher aujourd’hui  du bozon de X .C’est ce genre de démarche. Il s’agit d’un flux d’énergie qui va donner naissance à la matière. Ce flux d’énergie se polarise dans notre incarnation en yin et en yang. On peut le répercuter aujourd’hui sur ce que l’existence compte en nombre d’hommes, de femmes,  de jours , de nuits, de bien , de mal.

 C’est binaire

Oui et ce rapport binaire, on le retrouve aujourd’hui dans toute l’informatique.A partir de ce rapport binaire, par combinaison mathématique, il va y avoir des trigrammes au nombre de 8 et en combinant ces trigrammes, tu as 64 hexagrammes. Mais le yin n’est pas séparé du yang. En fait le yin se transforme en yang et vice versa en permanence. Chaque hexagramme peut se transformer en n’importe quel autre hexagramme.C’est pas un truc cloisonné. C’est vraiment une poétique de l’impermanence, une tentative de décryptage de la transformation, de mutation permanente des choses et des circonstances. C’est par l’observation de la nature que les premiers génies ou rois ont commencé à écrire sur le sujet et après Confucius pour l’organisation de la cité. Mais tout va tenir dans ce qui va donner après le taoisme, c’est-à-dire la posture de l’homme noble face à n’importe quelle situation. En fait les choses ne sont ni bien ni mal comme disait Spinoza, elles sont et c’est nous les personnes par notre aptitude à être flexibles et  à accueillir les choses telles qu’elles viennent qui pouvons en faire des choses créatives.

 Comme on dit, du mal peut sortir du bien et inversement

On peut le vivre concrétement. Dans n’importe quelle situation, il y a un enseignement, un travail sur soi à accomplir en essayant d’être le plus ouvert possible. Il faut toujours rester dans cet état d’esprit de mutation permanente des choses. C’est comme ça en fait que je suis passé à l’abstraction, je voulais avoir une base de réflexion philosophique .

J’ai essayé de faire un hexagramme

 Exprimer l’idée de l’hexagramme ou son dessin ?

Un hexagramme, c’est six lignes, ça a une forme graphique. La première fois, j’ai taillé l’hexagramme, les six lignes . Je voulais tailler l’hexagamme de la révolution qui correspondait à ce que j’étais en train de vivre, un changement radical  – un nouvel atelier, je venais de quitter Coutelle,  une nouvelle technique –  En commençant, je vois une lègère hanche de femme, une évocation du baiser de Brancusi. Pour que la hanche de cette femme se libère, il me fallait 2 traits yin en bas et pas un trait yang comme il y avait. Quà cela ne tienne , j’ouvre le trait yang pour en faire un trait yin et là je me retrouve avec l’hexagramme de la demande en mariage qui est un hexagramme charnière, le n° 31 dans le Yi-King , c’est l’hexagramme du passage de l’adolescence à l’age adulte. C’est l’étape charnière où on bascule vraiment dans ce que l’on doit être.

C’est ce qui m’a le plus plu dans cette histoire de Yi-King. Je voulais sculpter l’hexagramme de la révolution et finalement j’ai réalisé l’hexagramme qui correspondait à mon étape de vie qui était tout à fait charnière.

Je commence un hexagramme avec une intention et pas une volonté et je vais me laisser porter par la matière elle-même et les circonstances de la vie pour que ça puisse changer en permanence.

 Rencontre entre l’idée et l’objet et quelque chose qui n’est pas formé qui est en devenir et qui est soi…

 Qui est une part de moi

 Une part de toi et de ce qui t’entoure

C’est vraiment une intéraction entre la matière, moi, la vie et ainsi de suite

Je n’ai jamais dérogé à cette régle.Tous les hexagrammes que j’ai sortis correspondent  à ce que je suis en train de vivre.Chaque fois que je fais un hexagramme, je note tout ce que je suis en train de vivre et un jour j’essaierai de faire un petit manuscrit. Mon objectif c’est de sculpter les 64 hexagrammes, de faire un parcours dans tout le prisme des transformations Je note chaque jour ce que je suis en train de vivre au cours de la  réalisation de cet hexagramme.

 As-tu recherché comment ces hexagrames avaient  inspiré d’autres artistes ?.

C’est une des premières choses que j’ai faites.Je suis allé voir si d’autres artistes avaient été inspirés comme moi par les hexagrammes  mais je n’ai trouvé personne. J’ai trouvé des gens qui s’étaient inpiré du Yi-King mais dans son ensemble. Il y a une ou deux sculptures qui s’appelent Yi-King mais personne n’a sculpté un hexagramme en particulier.

 Mais ils ont quand même été gravés sur des pierres, ils ont été écrits, ils ont été calligraphiés ?

Ala base, c’était sur des écailles de tortue qu’on a commencé à décrypter les hexagrammes .Il y a eu des culptures, des objets, des pièces des baguettes d’achillées, des amphores qui ont nourri l’histoire du Yi-King mais qui ne représentaient pas tel ou tel hexagramme.

 Des reproductions sur papier ?

Un hexagramme c’est une forme graphique qui comprend six lignes et un idéogramme. Moi je transpose en trois dimensions, soit l’hexagramme soit la philosophie de l’hexagamme.Je navigue entre la figuration et l’abstraction.

 Tu n’a pas de parti pris

Si j’ai envie de faire une figuration qui correspond bien à l’hexagramme je ferai une figuration. Si c’est une abstraction, ce sera une abstraction. Si c’est une symbolisation c’est-à-dire reprendre exactement l’hexagramme et le tailler dans un bloc avec un léger mouvement, c’est possible . Cela va dépendre de mon humeur, de la matière de plein de choses

 Et donc ton support de matière?

C’est le bois. J’ai fait tout mon apprentissage sur la pierre parce que le bois m’avait dit Coutelle, c’était plus difficile. Un jour Coutelle m’a ramené une traverse de chemin de fer en me disant «  Vas y, essaie. » J’ai sorti ça. (Il s’agit d’une petite statuette de femme)  

 On voit tout le lignage du bois.

C’est une grosse partie de mon travail. J’écoute la matière visuellement, je cherche à  voir la vie de l’arbre. Je travaille énormément avec son veinage.J’essaie de faire coincider le veinage avec ce que moi j’ai envie de dire. Une vraie conversation entre la matière et moi. La matière,elle m’emmène quelque part. Elle a déjà une vie, une existence et moi je m’emploie à la révéler au mieux en fonction de ce que j’ai envie de dire.

 C’est laqué ?

Il n’y a que de la cire.Aucun travail de teinte Je les laisse les plus naturelles possible. Je la laisse le plus naturel possible.

 C’est quoi comme bois

C’est du chêne

 C’est presque pas photographiable.

La sculpture c’est très délicat à photographier

 C’est intime

Celle là, c’est particulièrement intime. C’est à partir de ce moment que Coutelle m’adonné son ancien atelier. Là il s’agit d’une maquette, je voulais la faire en taille réelle . C’était l’idée de ma petite fille quand elle avait 4 ans. Encore une fois un concours de circonstances. Après j’ai eu une boulimie de bois. Coutelle respectait mon travail. Je me suis engagé dans beaucoup de figurations dans le bois. C’est à ce moment là aussi où j’ai commencé à travailler pour lui. C’était très intéressant. Il y a :  être son élève et être ses mains. C’était son esprit qui guidait mes mains Je n’ai jamais copié pour Coutelle mais j’ai travaillé pour lui . C’est comme si je traversais ce que lui avait traversé pendant 50 ans de sculptures. C’est une expérience géniale dans le parcours d’un artiste.

 Tu as été ses mains.

J’étais son exécutant mais je comprenais ce qu’il voulait, comment ça devait se faire, où il voulait en venir et du coup on avait des conversations riches, on était dans un rapport d’échanges, avant j’étais l’élève.

Coutelle disait toujours que techniquement le bois c’était plus difficile.Il faut suivre le sens du fil. Dans le rapport avec la matière, la pierre on la brise, le bois on le tranche.Tout ce veinage, toute cette animation, cette vie contenue dans le bois  si on ne la comprend pa,s il y a des dissonances.Donc il faut vraiment se mettre à l’écoute du bois pour obtenir une sculpture qui tienne dans son ensemble avec ce que le bois a à dire . C’est pour ça que c’est une vraie conversation entre la matière et le sculpteur

 Nous qui sommes profanes, on se dit du bois qui n’a plus de racines dans la terre, il est mort et en fait non …

Chaque anneau c’eest un hiver et un printemps. Quand je travaille avec le bois, c’est un voyage dans le temps. Sur du vieux bois, quand j’arrive dans le coeur du bois, il m’arrive de me dire, tiens je suis en 1970 ou en 1950

 C’est une autre vie finalement

C’est retrouver la vie qui était contenue dedans et la révéler. Et ça corerspond bien au Yi-King, parce que c’est le livre transformations

Ca colle bien avec la logique du sculpteur qui est dans un processus de transformation et ça colle bien avec le bois parce que le bois dans la philosphie chinoise et le Yi-King, c’est un élément extrêment important qui revient en permanence, il y a le bois, le feu, l’eau et le métal. Le bois, il est hyper important, c’est la force tranquille qui pousse. Mais il a un mouvement aussi le bois et une vie qui est encore contenue dedans.Pour moi c’est le meilleur des matériaux pour traiter du Yi-King.

 Le Yi-King ça fait partie des éléments, il est autour de nous. C’est une manifestation…

C’est plus que ça et moins que ça. La vie c’est la vie et le  Yi-King est une tentative de décryptage des mouvements de la vie

 Pourquoi veut-on décrypter ?

 C’est un outil de connaissance de soi

 Et de la connaissance de la matière pour aller vers autre chose que soi

 Ca c’est l’usage que j’en ai  avec la matière. Mon propos artistique c’est ça, la connaissance de soi. En bon Montaignien, j’apprécie beaucoup Montaigne, je me dis que la chose la plus importante qui soit, c’est de se connaitre. A partir du moment où l’on se connait, on sait user de sa personnalité, ses travers, ses bienfaits d’une facon créative intéressante pour soi et pour autrui . Si on se ment en permanence, qu’on s’imagine être un personnage que l’on est pas, si on se fabrique des sécurités en permanence pour éviter d’aller là ou ça fait un peu mal…

C’est par les autres qu’on apprend à se connaitre

Montaigne disait qu’on se connait par réflection, par réflection dans l’autre. C’est-à-dire l’autre est un miroir qui nous renvoie une image de nous-mêmes mais l’autre est un outil pour se connaitre soi même.Goethe disait : on se connait dans l’isolement, on s’éprouve dans le tumulte  du monde.

 Le yi king comme outil de connaissance de soi t’apporte un certaine sérénité

Oui

Toi tu ne cherches pas la gloire

Non je cherche à élever mes enfants ; il y a deux choses où j’arrive à me définir :  d’abord Papa et ensuite sculpteur

En fait ma fonction de sculpteur c’est le meilleur moyen, enfin celui qui m’a trouvé,  pour trouver une vie qui vraiment m’enrichisse au quotidien et qui me permette d’élever mes enfants; la gloire c’est vraiment une question très subsidiaire. Je suis ravi losque mon message artistique passe puisque c’est pour ça  que je le fais, mais si cela n’intéresse que quelques personnes, ce n’est pas grave. Je préfère m’adresser bien à quelques personnes que mal à beaucoup mais pour de fausses raisons

Et puis tu arrives aussi à vivre en donnant  des cours

Oui je n’ai pas cherché. Au départ je voulais donner des cours d’art thérapie et ça n’a pas très bien marché, En revanche beaucoup de gens m’ont demandé des cours de sculpture et je me suis découvert une aptitude à transmettre. Il y a cette phrase qui m’est venue, on ne possède que ce que l’on donne. J’ai eu le sentiment d’apprendre davantage la sculpture en l’enseignant car cela m’oblige à remettre en question mes connaissances en étant à l’écoute des élèves.

Quels sont tes élèves ?

Il y a des enfants, des  adultes, des artistes aussi. Mais en fait je ne stigmatise personne. C’est un atelier ouvert, les gens viennent pour ce qu’ils veulent mais  ils n’ont pas forcément à me le dire. Les gens savent que je suis art-thérapeute, que je donne des cours c’est tout. Ce que j’ai créé ici c’est un univers. Je sais que certaines personnes vont bien se sentir dans cet univers qui va les aider …

Tu n’es pas directif

Pas du tout. En échange,  je  donne des conseils. Je suis assez pointilleux avec la technique. Pour discuter avec le bois, il faut connaitre l’usage des outils etc. mais une  fois que je vois que l’élève a compris les règles de bases  je le laisse entrer dans sa poétique. Mois mon job c’est de l’inscrire dans sa poétique

Et de lui permettre de prendre ses ailes

Voilà et la plupart de gens qui sont venus ici en retirent des bienfaits. Ça marche bien aujourd’hui.

Quand tu donnes libre cours à ton  imagination, tu es déjà dans un chemin, tu ne fais pas n’importe quoi. Il y a des artistes qui sont animés par leurs sentiments, leurs émotions du moment, toi tu as tempéré tout ça ?

La sculpture c’est un processus long, le sculpteur n’a pas la même démarche qu’un peintre qui va envoyer beaucoup de peinture sur son tableau pour créer un mouvement et  voir ce qu’il  en fera plus tard. J’avance pas à pas dans la matière

 Tu es dans le langage de l’arbre, c’est posé un arbre

J’essaie de me disposer de telle sorte que je puisse engager une conversation avec la matière. Je peux aussi avoir des élans de folie .

 h30shineL’’éclat, je vais te raconter une histoire par rapport à l’hommage à Coutelle. Paul Savatier m’offre un bloc de noyer Du Japon de 2 mètres et 90 cm de circonférence. Je m’étais dit : je vais rendre hommage à monsieur Coutelle qui était toujours en vie. Monsieur COUTELLE avait eu une grande période de bustes de femmes, sans le visage, ni les bras Je commence à tailler un hexagramme, la plénitude,  c’était un buste de femme, on voyait les hanches, les fesses, il y avait un effet de torsion du buste qui avait l’allure d’une grande feuille. Je l’avais fait sur l’ensemble du bloc sur 2 m. J’étais assez satisfait, j’avais appelé Coutelle  pour la nouvelle année.  Il devait venir voir la sculpture en fin de semaine mais  le mardi, j’ai appris sa mort et il devait être incinéré le jeudi. Cette œuvre-là, la plénitude,  ne correspondait plus du tout à ce que je voulais dire. J’ai un peu pété les plombs, j’ai repris la sculpture qui était finie et j’ai passé plusieurs nuit blanches du mardi au jeudi à retailler, retailler jusqu’à garder l’essentiel qui est cette grande flamme aujourd’hui. Je n’avais aucune idée de ce que j’allais faire . J’ai entrepris ce travail  dans une sorte de folie, une émotion, il y avait de la peine , j’avais pété les plombs. Quand j’ai terminé, j’ai eu le sentiment d’avoir trouvé l’essentiel de cette pièce et en reculant j’ai pensé : c’est une flamme en fait que j’ai réalisée. Et  je savais que dans le Yi-King, il y avait un hexagramme où il y avait les deux trigrammes du feu. Je vais consulter le Yi-King à la page de l’hexagramme de l’éclat et je lis que c’est l’hexagramme des maîtres où il est dit « la lumière luit deux fois, la première fois dans le cœur du sage qui a su faire la lumière en lui, et la seconde fois au dehors pour éclairer les autres sur la beauté du monde «  Cela ne pouvait pas mieux correspondre à Coutelle sous cette forme-là. Donc, je me laisse parfois emporter par mes émotions mais dans un processus plus long mais avec une détermination  conséquente

  Qui ne rime pas avec volonté

La détermination c’est s’engager dans le processus mais je n’ai pas la volonté d’aboutir à une chose que j’aurai visualisée, ce n’est pas une transposition de ce que j’ai dans mon imaginaire.

 Tu as du recul

Par exemple je travaille sur l’hexagramme de la douceur du vent, et je vais m’employer à rechercher un mouvement extrêmement doux qui va circuler dans le bloc mais je ne sais pas comment il va se traduire le mouvement dans le bloc Tout ce que je sais c’est que je cherche de la douceur et un mouvement de pénétration. Je ne sais pas comment il va s’inscrire mais en prenant son temps comme disait Coutelle « Laisse dormir le travail, laisse dormir le travail » il y a des évidences qui apparaissent,  c’est  pas un truc intellectuel, c’est un truc sensible, je sais ce que je dois faire.

 Propos recueillis par Evelyne Trân le 7 Septembre 2012 dans l’atelier de Julien SIGNOLET.

Jeanne d’Arc au Bûcher de Paul Claudel (Adaptation) à la Crypte de L’Eglise St Sulpice – Du 12 septembre au 27 octobre 2012 du mercredi au samedi à 20h30

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mise en scène Emmanuel Ray avec
Mélanie Pichot
Pierre Yves Demonceaux
Musique : Olivier Messiaen interprété par François Cornu
  • Que reste-il de Jeanne d’Arc ? Des cendres, des cendres de voix. L’histoire de cette jeune bergère ignorante, héroïque, « qui ne savait signer que d’une croix en lettres de sang et d’or » a été récupérée par tant de politiques que  l’on ne peut que se réjouir d’un autre son de cloche, celui du poète Paul Claudel  « En réalité Jeanne ne soutient pas un seul combat…elle en soutient deux , l’un contre les hommes et l’autre contre Dieu, car la sainteté n’est pas autre chose que la victoire de l’amour sur notre mortalité humaine qui résiste tant qu’elle peut et qui demande à être réduite».

 Dieu si vous n’êtes pas chrétien peut se dire la vie tout simplement. Quand on dit « oui »  le matin en se frottant les yeux « Tiens les mirabelliers ont fleuri ».

Si les passions humaines pouvaient s’exercer seulement en contemplant les cerisiers en fleurs, ou en écoutant les chants des oiseaux ! Pour donner un visage humain à la figure mythique de Jeanne d’Arc, Paul Claudel sait qu’il ne peut s’appuyer que sur l’idée d’une voix, celle de l’espérance capable de traverser les vacarmes et les murs de notre entendement.

 Il y a des voix plus claires ou plus chargées que d’autres mais toutes prennent leur source quelque part.  Et il doit y avoir une différence entre entendre une voix et être cette voix. Une ambiguïté augurée par Jeanne d’Arc et assumée par le poète dont la sœur Camille Claudel fut enfermée parce qu’elle « criait trop fort ».

 Pour représenter Jeanne d’Arc, Paul Claudel éprouve que la parole ne suffit pas, et « qu’il était indispensable d’avoir recours à la musique ».

Dans le spectacle mis en scène par Emmanuel Ray, c’est celle d’Olivier Messiaen qu’on entend, interprétée par François Cornu au piano. Cette musique en clair-obscur est surprenante. Olivier Messiaen, spécialiste des chants des oiseaux, l’est aussi des forêts en mouvement aux tonalités sourdes, ténébreuses.

 Par contraste avec une scénographie presque bienveillante – un escalier transparent, agrémenté de bulles lumineuses, un bûcher invisible-, la cacophonie (création sonore d’Antoine Mercier) qui annonce le jugement de Jeanne d’Arc, déboussole l’oreille.

Comment suggérer autrement dans quelle galère sordide s’est retrouvée Jeanne la Pucelle ?

 C’est une Jeanne, femme, pourtant qu’interprète Mélanie Pichot, sans complexes, capable de faire la roue  et de danser, incarnant avec chaleur, la joie de vivre plus que la douleur. A ses côtés, Pierre Yves Desnonceaux (le chœur et Frère Dominique),  interprète avec un certain humour la force imperturbable de « la voix sur la terre».

 A travers ce spectacle singulier, le long poème en marche de Paul Claudel fait transpirer la grotte, la crypte de Saint Sulpice, sans bondieuserie, avec bonheur.

 

Paris, le 15 Septembre  2012                Evelyne Trân

 

 

A L’AFFICHE DU GUICHET MONTPARNASSE,SPECTACLE MUSICAL : Il était une femme. Sur les ailes de l’amour – 15 Rue du Maine 75014 PARIS, Françoise Pons : Soprano, Piotr Odrekhiskyy : Accordéon, mise en scène Jaques DUTOIT du 5 Septembre au 28 Décembre 2012

Les mercredi et vendredi à 19h

Nous aurons le plaisir de recevoir les artistes, accompagnés du metteur en scène Jaques DUTOIT, Samedi 22 Septembre 2012, sur l’antenne de RADIO LIBERTAIRE 84.4 (Emission DEUX SOUS DE SCENE 15H 30-17 H). 

Les fleurs chantent-elles dans le pré ? On oublie souvent qu’elles sont immortelles et que leurs couleurs peuvent être musicales.

C’est toute l’impression qu’occupent les vieilles chansons de notre enfance au coin d’un souvenir pour l’opéra des songes des sentiments lesquels sous quelque forme qu’ils s’expriment tempèrent nos mouvements de cœur.

 De la même façon que l’on ne regarde pas un coquelicot sans souhaiter faire disparaitre au même instant le périphérique et les voitures qui l’ignorent,  il faut s’abstraire de notre panoplie technologique pour traverser la rue comme un simple piéton à la rencontre d’une poésie qui brille sous ses pieds.

 Ce bonheur-là Jaques Dutoit entend nous le faire partager en nous guidant simplement par la voix d’une soprano et d’un accordéoniste rompus au tricycle de la poésie, la musique et du chant.

 Les vers de Verlaine, Hugo, Desnos, Ronsard  froncent notre mémoire à travers des mélodies légères mais ardentes faisant résonner en cascade une belle toupie qui valserait sous nos yeux étourdis.

 Complices, Françoise Pons et Piotr Odrekhivskyy  s’offrent et nous offrent parmi d’éloquentes surprises, leur improvisation de « Mignonne » de Ronsard, « Le  papillon et la fleur (Fauré, Hugo) , « Faut l’oublier » (air populaire)‘et sans doute plus connus, « Les trois beaux oiseaux du paradis » (Ravel).

 Tout au long de son répertoire (33 chansons) Françoise Pons peut jouer sur les différents accents de l’amour, fil conducteur du spectacle : tendresse, colère, jalousie, innocence, coquetterie.

 Cela divertit l’âme, la secoue un peu comme des plumes, chatouillant nos cœurs endurcis qui s’accordent en sourire aux jeux de scène des deux artistes.

 Parmi les diverses flagrances du spectacle, les poèmes les plus courts sont les plus pénétrants. Une histoire de goût car le bouquet soigneusement ficelé par Jaques Dutoit est très riche.

 Dans leur conquête de l’amour, nul doute que l’alchimie créée par cette myriade de poèmes et de mélodies ne jette un sort heureux et infini à leurs vaillants interprètes.

 Paris, le 7 Septembre 2012     Evelyne Trân

 

 

SOUFFLES DE BIRAGO DIOP avec une improvisation musicale de Michel SEULS et Keï YOSHIDA (flûte indienne Bansuri, harmonica et trompette).

 

Improvisation musicale du 1/09/2012, sur Radio Libettaire Emission Deux sous de scène SOUFFLES DE BIRAGO DIOP 1 09 2012 

Ecoute plus souvent
Les Choses que les Etres
La Voix du Feu s’entend,
Entends la Voix de l’Eau.
Ecoute dans le Vent Le Buisson en sanglots :
C’est le Souffle des ancêtres.

 Ceux qui sont morts ne sont jamais partis :
Ils sont dans l’Ombre qui s’éclaire
Et dans l’ombre qui s’épaissit.
Les Morts ne sont pas sous la Terre :
Ils sont dans l’Arbre qui frémit,
Ils sont dans le Bois qui gémit,
Ils sont dans l’Eau qui coule,
Ils sont dans l’Eau qui dort,
Ils sont dans la Case, ils sont dans la Foule :
Les Morts ne sont pas morts.

 Ecoute plus souvent
Les Choses que les Etres
La Voix du Feu s’entend,
Entends la Voix de l’Eau.
Ecoute dans le Vent
Le Buisson en sanglots :
C’est le Souffle des Ancêtres morts,
Qui ne sont pas partis
Qui ne sont pas sous la Terre
Qui ne sont pas morts.

 Ceux qui sont morts ne sont jamais partis :
Ils sont dans le Sein de la Femme,
Ils sont dans l’Enfant qui vagit
Et dans le Tison qui s’enflamme.
Les Morts ne sont pas sous la Terre :
Ils sont dans le Feu qui s’éteint,
Ils sont dans les Herbes qui pleurent,
Ils sont dans le Rocher qui geint,
Ils sont dans la Forêt, ils sont dans la Demeure,
Les Morts ne sont pas morts.

 Ecoute plus souvent
Les Choses que les Etres
La Voix du Feu s’entend,
Entends la Voix de l’Eau.
Ecoute dans le Vent
Le Buisson en sanglots,
C’est le Souffle des Ancêtres.

 Il redit chaque jour le Pacte,
Le grand Pacte qui lie,
Qui lie à la Loi notre Sort,
Aux Actes des Souffles plus forts
Le Sort de nos Morts qui ne sont pas morts,
Le lourd Pacte qui nous lie à la Vie.
La lourde Loi qui nous lie aux Actes
Des Souffles qui se meurent
Dans le lit et sur les rives du Fleuve,
Des Souffles qui se meuvent
Dans le Rocher qui geint et dans l’Herbe qui pleure.
Des Souffles qui demeurent
Dans l’Ombre qui s’éclaire et s’épaissit,
Dans l’Arbre qui frémit, dans le Bois qui gémit
Et dans l’Eau qui coule et dans l’Eau qui dort,
Des Souffles plus forts qui ont pris
Le Souffle des Morts qui ne sont pas morts,
Des Morts qui ne sont pas partis,
Des Morts qui ne sont plus sous la Terre.

 Ecoute plus souvent
Les Choses que les Etres
La Voix du Feu s’entend,
Entends la Voix de l’Eau.
Ecoute dans le Vent
Le Buisson en sanglots,
C’est le Souffle des Ancêtres.

DU RECUEIL LEURRES ET LUEURS, 1960, ÉD. PRÉSENCE AFRICAINE