LA CENDRE DES SAISONS – FRAGMENTS PROUSTIENS en compagnie de Marcel Proust par la Compagnie Le bruit du Monde au Théâtre 14 Jean-Marie Serreau 20 Rue Marc Sangnier 75014 PARIS – Festival En Compagnie d’été 2012

Auteur : Marcel Proust Artistes : Camille Devernantes, Céline Barricault Metteur en scène : Michel Azama

 Bien sûr, il eût paru superfétatoire de convier les spectateurs, amateurs de Proust, à tremper une madeleine dans une tasse de thé, tout en laissant fondre dans leurs oreilles les fragments proustiens choisis par Michel Azama et coquinement servis par le comédien Camille Devernantes.

 Quel élève du secondaire a-t-il échappé à la madeleine de Proust ? Au moins, peut-on imaginer que le professeur Henri AGEL a su faire tomber une de ses madeleines dans les cervelles de ses ouailles, comme au théâtre.

 On peut très bien se lécher les babines avec la langue de Proust. C’est cela le miracle de la littérature : faire appel aux sens tout simplement.

 Certes, il faut se lever de bonne heure pour saisir cette langue aussi rétractile et vive qu’un serpent, être capable d’apprivoiser cette anguille qui se nourrit de toutes les humeurs passables et étranges dans le vivier d’une société mondaine. Avec Proust pour guide, nous avons l’impression de déambuler autour d’un superbe aquarium où les poissons se frottent contre les parois en nous faisant des signes.

 La comparaison doit s’arrêter là. Proust tel un chasseur de papillons prend toujours l’air. C’est un détective qui observe à la loupe toutes les étrangetés humaines, celles qui ressortent de  leurs méandres, comme s’il était toujours aux  aguets de quelque apparition, de quelque nouveauté, pour saisir à l’insu de ses objets de proie, ce qu’ils seraient incapables de voir eux-mêmes, puisque c’est une vérité de la Palisse, on ne se voit, ni ne s’entend soi-même.

 Le regard de Proust a un aspect prédateur mais ils sont tellement vivants les gens qu’il emporte dans sa lucarne. Ces visions sont si confondantes qu’il faut parfois se retenir de rire et pouffer comme Madame VERDURIN, un pouce sur la madeleine avant qu’elle ne fasse « Plouf ! » dans la tasse de thé.

 Camille Devernantes, glisse dans les longues phrases de Proust avec une dextérité digne d’un champion de natation. Sans ostentation, il délivre avec élégance toute l’ironie contenue dans le sac de sable de ses fragments proustiens.

 Il est dignement accompagné de la violoncelliste Céline BARRICAULT qui interprète des musiques de Beethoven, Fauré, Ravel, Saint Saëns… sans oublier Vinteuil.

 Proust récréatif ? Sûrement et très drôle ! Un peu comme un éventail, le spectacle laisse planer toute la suavité de ce personnage.

 La mise en scène sobre s’accorde en douceur avec le jeu des ailes de l’oiseau écrivain qui au milieu d’une tonne de papiers froissés trouve le moyen de se jucher sur une falaise, à livre ouvert.

 Paris, le 5 Août 2012              Evelyne Trân

 

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