LES TRAVAUX ET LES JOURS DE MICHEL VINAVER au Théâtre du Lucernaire du Mercredi 25 Avril au 2 Juin 2012

Du mardi au samedi à 21h30 Du 25 avril au 2 juin 2012 Auteur: Michel Vinaver Mise en scène: Valérie Grail Musique originale : Stefano Genovese Avec: Cédric David, Luc Ducros, Agathe L’Huillier, Julie Ménard, Mireille Roussel Durée: 1h25

Excellent, excellent, le spectacle « Les travaux et les jours »  auquel nous convie » la Compagnie Italique. Et pourtant le titre  de la pièce est plutôt rébarbatif. On croirait que l’auteur forcément impliqué, a voulu exprimer le contre-pied des visions pessimistes d’un Kafka ou d’un Dostoïevski sur la vie de quelques éphémères employés de bureaux, enfermés dans une boîte.

 L’entreprise familiale à dimension humaine, avait le cœur battant  dans les années soixante. Des insectes qui se battent pour la bonne image de l’entreprise qui absorbe toute leur vie : c’est épique, confondant, émouvant.  Ça sent le vécu, ça ne peut pas s’inventer.

 A la trappe, les documentaires sur la vie des employés aux visages détrempés, coincés dans le métro. Tout se mélange à l’intérieur d’une boîte, le passé, le présent, l’avenir. On est plusieurs. Chacun arrive avec son histoire, chacun essaie de placer sa petite identité sous l’œil sournois de l’horloge et de la sacro-sainte image pour laquelle il est censé travailler. C’est tellement drôle de voir comment dans la conversation,  Monsieur un tel ou Madame un tel, beurrent leur soumission à la tâche de désir de vie beaucoup plus intense. Ça peut se traduire en flirts, en confidences, en rêves. Car il faut tenir bon, il faut se sentir exister derrière le téléphone, derrière la pile de paperasses, il faut savoir qui couche avec qui.  Il faut se raconter le baptême de sa petite fille, s’intéresser aux malheurs d’un collègue et ceci et cela avant de se demander « Qu’est-ce que je fous là ? » Le reportage est terrible, les employés sont manipulés, ils obéissent à des ordres venus d’ailleurs. Tout vient d’ailleurs, d’ailleurs, les réclamations des clients que l’on ne voit pas, les décisions de patrons invisibles, et le tout pour finir dans un cercueil. Parce qu’à force de confondre sa vie avec l’entreprise,  lorsque celle-ci est rachetée, c’est normal et de triste augure, l’employé fidèle qui s’est donné corps et âme, n’a pour lui, devant lui que le gouffre, le précipice. On voudrait bien encore les entendre ceux qui ont toujours dans leur langue de bois, la rétorque « Vous êtes payés pour ça »

 Pas de pathos, pas de politique. La metteure en scène balaie,  toute poussière de récriminations avec une virtuosité digne de Mary Poppins. L’histoire est tragique certes puisque l’on assiste à la vie et la mort d’une entreprise. Mais qu’importe semble dire l’auteur, les employés ont partagé tant d’années ensemble, tant  de bons et mauvais souvenirs émergent; ils ont ri, pleuré soupiré, ils se sont même embrassés !

 Les rapports amoureux qui s’instaurent entre membres d’une même entreprise, à taille humaine, c’est pas de l’invention.

Paternaliste, la petite entreprise n’est-ce pas ? Que le patron déniaise la petite jeune, c’est normal. Ce sont les situations qui créent l’homme. Pavlov ne disait pas autre chose.  Enfermés dans une boîte, des humains n’ont pas d’autre choix que de se déclarer l’amour, la guerre ou le statu quo.

 Michel VINAVER ne cesse de faire des clins d’œil à l’horloge dont les aiguilles marchent à reculons parfois. Hallucination ou illusion d’optique ? Tout de même à l’heure où nous allons, malgré toutes ces voix robotisées qui chloroforment nos téléphones, que nous puissions écouter quelques râles d’Amour, quelques soupirs et quelques prières à travers la bouche d’employés à vie et pauvres pécheurs d’oseille, eh bien oui, ça rafraichit nos oreilles.

Michel VINAVER visionnaire et humain sûrement.

 Nous n’avons pas rêvé. Il y a des spectacles de vie qui se forgent à mains d’hommes et de femmes, et dépasseront les frontières de la machine, ex machina.

 Enfin, il faut rendre grâce à Valérie GRAIL et aux comédiens de nous plonger justement dans une sorte d’hyper réalité où le temps, la parole se déchainent.C’est tellement froissant, tellement réel que l’on  comprend que la valeur hystérique du travail puisse se muer en danse syncopée avec décharges d’électrogènes.

A se demander s’il n’existe pas une hormone du temps de travail et un vaccin contre ses dérives.

 Un spectacle éloquent, superbement bien agencé et rythmé.  L’auteur a du se pourlécher les babines en dressant ce portrait d’entreprise. La comédie du bon vouloir devient une récréation extraordinaire et si c’était vrai ?

 Pour de rire ! Vous gagnez à être portraitisés, chers employés !

Vie de bureau, mode d’emploi, dirait Georges Pérec ! Il pense, il  transpire le joli pansement d’ironie de Michel VINAVER. Si nous n’avons pas le temps de penser, nous avons le temps de vivre, et d’aller nous voir au spectacle « Les travaux et les jours».

Voilà une belle manière de manifester que nous les travailleurs de la vie, nous ne sommes pas des machines !

 Paris, le 28 AVRIL 2012                 Evelyne Trân

 

mise en scène Valérie Grail

du mardi au samedi 21h30 au Lucernaire  53, rue Notre Dame des Champs 75006 Paris

Cie Italique  avec Cédric David, Luc Ducros, Agathe L’Huillier Julie Ménard, Mireille Roussel

ART PEKIN 2012 – SALON D’ART CONTEMPORAIN – IKIOU – EXPOSITION DU 29 AVRIL AU 2 MAI 2012

 Le peintre IKIOU, accompagné de son ami poète Jean-Marie BLANCHE fait voyager ses oeuvres jusqu’en CHINE. En effet, suite à sa dernière exposition au Salon d’Art International de CANTON, ses tableaux ont été remarqués par les organisateurs  du Salon d’Art Contemporain de PEKIN. Il y exposera une  série de tableaux où l’arbre exprime comme un humain une pleiade de sentiments et de couleurs. Nous ne manquerons pas de vous faire un compte rendu de cette exposition sur ce blog en compagnie d’IKIOU et de Jean-Marie BLANCHE.

 

L’arbre aux valises

Au pied de son arbre épanoui dans le ciel,

Ikiou peint un carré : l’esprit se réalise.

Un être absent vous manque, il est providentiel :

Sa place devient chaise, il pose ses valises.

Ce tableau interroge. Des idées plurielles

Siègent en ses couleurs si calmes qui hypnotisent.

Un prénom s’en retourne de l’extrasensoriel.

Approchez-vous du cadre –serait-ce convoitise-

Plongez dans l’océan du rêve existentiel,

Dont les reliefs abrupts, bleu, rouge, vert, jaune, vous grisent.

Hanté par le démon de l’enfant éternel,

Que de cris, de chansons, de pleurs, de gourmandise.

Oh, peinture, je t’écoute : tes sons ascensionnels

Epandent au soleil des flots de friandises.

 Jean-Marie Blanche

 

 

DRACULA MON HISTOIRE …au Théâtre de la Huchette 23 rue de la Huchette 75005 PARIS

De Alan Commitie et Gaetan Schmid, d’après l’œuvre de Bram Stoker

Conférence sur l’état du vampirisme au 21ème siècle  DATE ET HORAIRES : A partir du 2 avril 2012  du lundi au samedi 21h

DISTRIBUTION : adaptation et mise en scène : Nathalie Juvet
avec : Adriano Sinivia, Bernard Gabay

P.S Adriano Sinivia, Bernard Gabay sont les invités de « DEUX SOUS DE SCENE » sur l’antenne de Radio Libertaire 89.4, Samedi 21 AVRIL 2012 de 15 H à 17 H.  

  Il faut quand même le dire, Dracula a vu le jour ou la nuit à une époque où les écrivains pouvaient laisser libre cours à leur imagination de façon artisanale en compulsant leurs grimoires, leur environnement et en voyageant aussi beaucoup. Parfois les auteurs sont supplantés par les personnages qu’ils ont imaginés, de sorte que l’on se souvient bien davantage de Dracula que de son géniteur un certain Bram Stoker contemporain d’un individu très louche qui défraya la chronique à Londres, un certain Jack l’éventreur. Dracula vampirisa à ses débuts, le cinéma puisqu’il contraint le cinéaste MURNAU, en 1922 à raconter son histoire sulfureuse dans NOSFERATU. Son esprit délétère ou maléfique inspira également Roman Polanski dans le Bal des vampires et Werner Herzog dans des films époustouflants.

 Il manquait cependant à DRACULA une incarnation de visu, celle que nous offre de façon instantanée une représentation théâtrale. Pour convaincre de  son existence un public de plus en plus large, Dracula a guidé la plume de deux auteurs sud-africains très  humoristiques Alan Committie et Gaétan Schmid et nous devons à  Nathalie  JUVET l’adaptation théâtrale de cette pièce qui se joue actuellement au théâtre de la Huchette en  pleine campagne électorale.

De la même façon que Dieu préfère laisser parler ses disciples à sa place, Dracula qui fait davantage référence au diable, ne se présente que par l’intermédiaire de ses valets qui déploient tous leurs efforts pour apologiser leur maître. Le résultat est catastrophique. En effet, nous croyions Dracula capable de terroriser les spectateurs, en les faisant hurler de frayeur. Hélas, ses deux domestiques ne réussissent qu’à  nous faire sangloter de rire. Il s’avère que l’un est analphabète et n’est capable que de mimer quelques bribes de son histoire, quand à l’autre qui voudrait revêtir l’aspect de Dracula lui-même, s’emmêle les pinceaux. Nous étions venus pour écouter une conférence sur le vampirisme, mais les vampires que nous avons devant nous sont anémiés, ils ne tiennent pas debout et nous les soupçonnons de faire diversion au milieu du public pendant que Dracula invisible mais bien présent serait en train de guetter sa future proie. Oui ces vampires, Adriano Sinivia et Bernard Gahey sont des imposteurs, des créatures malfaisantes et pitoyables qui ne disposent plus que d’accessoires obsolètes, crucifix, gousses d’ails, ou manche à balai et boite à musique,  oubliant entre leurs mains tout leur pouvoir horrifique.

 Très souvent les maîtres ont de mauvais serviteurs, Dracula n’échappe pas à la règle. Ces deux zigottos réussissent quand même à nous mettre l’eau à la bouche en nous racontant l’aventure de la belle fiancée du notaire, victime de Dracula et nous avons droit à un sursaut d’angoisse lorsqu’ils choisissent parmi le public une jeune femme pour la représenter.

 Hormis cet épisode, ces deux imbéciles qui ne savent pas lire, s’évertuent avec moult fanfaronnades à incarner quelques personnages du roman de Dracula, faisant davantage appel à l’imagination du public qu’à leur talent. Des pitres, des clowns, des baudruches, des monstres dégonflés, et peut être des âmes damnées que Dracula nous a envoyées dans l’espoir de titiller notre curiosité, sans nous asperger d’eau bénite. Nous avons compris qu’il se cachait derrière ses pâles acolytes, lesquels avant de devenir vampires étaient des humains.

Ce n’est pas tout à fait une espèce en voie de disparition. Des suceurs de sang  qui ont le toupet de se déclarer comme tels, il n’y a pas de meilleure façon de les étudier que d’assister à leur exhibition au Théâtre de la Huchette. Il y a un risque celui de se faire vampiriser à son tour, mais c’est pour la bonne cause, C’est le rôle des spectateurs de donner le change, ne serait-ce que pour délier le vrai du faux. Erudits et naïfs à vos marques, Dracula est de retour !

A défaut de grincer des dents, vous vous tordrez de rire et en cette époque de crise de foi, ça fait un bien fou !

 Paris, le 15 Avril 2012                            Evelyne Trân.

LA CONVERSATION DE BOLZANO (une aventure de Casanova) De Sàndor Màrai au Théâtre de l’Atalante – 10 Place Charles Dullin 75018 PARIS – Adaptation scénique Jean-Marie Galey et Jean-Louis Thamin. Mise en scène Jean-Louis Thamin

  DATE ET HORAIRES A partir du 30 Mars 2012 Lundi, mercredi, vendredi à 20h30 Jeudi, Samedi à 19h  les dimanches à 17h

 DISTRIBUTION Jean-Marie Galey, Teresa Ovidio et Hervé Van der Meulen

La conversation de Bolzano, est une pièce de théâtre adaptée du roman de Sàndor Màrai, un écrivain Hongrois, aussi connu que Stefan Zweig. Cette pièce s’articule comme une courte nouvelle, une sorte de flash quelque peu foudroyant, tel un éclair d’orage, qui relate un épisode la vie Casanova, cet aventurier, mémorialiste notamment de ses aventures amoureuses.

 Le spectacle produit le même effet qu’une coupe de champagne qui vient d’être bue à l’improviste et qui procure juste un peu d’ivresse par surprise.

 Il y est question d’amour bien entendu, de l’amour qui serait contenu dans une coupe si belle que l’idée d’y tremper les lèvres suffit à étourdir l’âme. Cette belle coupe c’est  Francesca qui pétille de jeunesse et qui rend jaloux son propriétaire le Compte de Parme, grand seigneur, très âgé. Mais nous savons bien, nous spectateurs, qu’une femme n’est pas un objet, qu’il ne suffit pas d’épouser, pour ainsi dire acheter une femme pour s’en faire aimer. Avec dépit, le Compte découvre que Francesca est amoureuse de Casanova, un homme, à l’opposé de ses valeurs, aventurier, frivole et désargenté.

 A vrai dire, ce n’est pas tant les positions sociales des protagonistes qui jouent le rôle de ferment. Au-delà de l’amour, il  est question dans cette œuvre, de solitudes comme de branches d’un même arbre qui se pencheraient les unes vers les autres sans jamais se toucher mais qui boiraient à l’unisson dans la même ombre. L’amour s’échappe comme la vie qui se rassasierait d’illusions.

 Chacun des personnages se cherche à travers l’autre, sans retour avec une certaine tristesse. L’exercice du monologue pourtant agit comme un révélateur. C’est en parlant que les personnages vont se découvrir l’un à l’autre. Il est aussi question de masques, de déguisements et de bal costumé. Masque mortel, masque magique, celui qui colle à la peau, celui que l’on arrache ou celui qui ne sert plus à rien. Tous les personnages en portent un, visible ou invisible, mais le masque agit aussi comme un parchemin où chacun écrit son histoire et Casanova est le seul à ne pas vouloir lire, à essuyer une page blanche  pour demeurer flottant, libre, vivant.

 Bien davantage que Francesca, personnage entier et altier, c’est Casanova qui fait figure d’objet de désir, ou d’instrument. Parce qu’il parait superficiel, velléitaire, le Comte de Parme et Francesca, tous deux fort déterminés croient pouvoir l’utiliser. Du coup, le personnage attire la compassion et l’on découvre au fur et à mesure de la pièce, une étoffe hypersensible.

 Le comédien Jean Marie Galey sait exprimer les aigus et les plaintes qui affleurent le personnage avec un zeste de fantaisie et d’émotion presque féminine, féminin au sens de celui qui ne bruit pas, qui imagine, qui écoute. L’on entend les flammes crépiter autour de  Térésa Ovidio, sous le flux de la passion et Herve Van der Meulen est parfait en Comte subverti par la jalousie.

 La mise en scène inspirée, aussi attentionnée dans l’ombre que dans la clarté, est tout imprégnée du texte passionnant de Sàndar Màrai qui brûle à petits feux. Un spectacle à déguster, les yeux tournés vers … l’amour !

 Paris, le 9 Avril 2012                            Evelyne Trân              

ANTIGONE DE SOPHOCLE au Vingtième Théâtre – 7 Rue des Platrières 75020 PARIS – Mise en scène Olivier BRODA – du 28 Mars au 6 Mai 2012

  Traduction : Jean et Mayotte Bollack

Avec : Alain Macé, Maëlle Dequiedt, Sylvain Fontimpe, Laëtitia Lambert, Claire Mathaut, Anne-Laure Pons, Eve Weiss. Colloboration artistique Jean et Mayotte Bollack.

Que peut-il bien se passer dans la conscience d’hommes et de femmes qui sont témoins d’une guerre fratricide ? Un grand effroi, un sentiment de fatalité, d’impuissance ? Le dénouement de la guerre qui met d’un côté le vainqueur et de l’autre le vaincu, soulignera toujours l’aspect binaire des résolutions humaines. De ce point de vue, Antigone de Sophocle est éminemment politique. Antigone, sœur des deux frères ennemis et Créon, devenu le chantre du pouvoir, occupent des positions sur l’échiquier qui sont censées déterminer leurs choix. Peut-être pourrait-on comprendre avec Sophocle que ce qui oppose Antigone à Créon, n’est pas seulement affaire d’idéologie mais de vécu. Antigone se trouve directement impliquée, moralement, dans le sort réservé à son frère Polynice alors que Créon utilise l’évènement pour asseoir son pouvoir.

Pour faire le deuil d’une guerre fratricide, Antigone n’a pas d’autre choix que d’ensevelir son frère Polynice. Son geste ne devient héroïque que parce qu’il est banni par Créon. Ce qui signifie que la guerre n’est pas terminée. L’avenir des hommes d’après Sophocle dépend de leur capacité à tirer les leçons des désastres qu’ils commettent aveuglément. Pour Sophocle, par la voix d’Antigone, c’est la soumission à la tyrannie qui est fatale pour la communauté.

Le discours de Sophocle apparait très moderne; 2500 avant J.C, il remarque le machisme des hommes et dresse avec Antigone un portrait magnifique de femme qui est devenue une figure de proue de la résistance.

 Cependant le metteur en scène Olivier BRODA n’a pas choisi le paramètre des idéologies. Il entend faire entendre, seul, le texte de la pièce qui se lirait comme sur une toile mouvementée, susceptible de refléter les ombres qui s’y déploient.

 L’impression générale est d’ordre contemplatif et religieux, Religion dans la mesure où il s’agit d’office de vivants vis-à-vis des morts et que l’argument de la pièce, c’est aussi l’histoire d’un mort qui fait injure aux vivants.

Le chœur composé de femmes à plusieurs voix apporte beaucoup de fraicheur à cette cérémonie de deuils. On pourrait se croire dans un opéra. Les interprètes ne chantent pas, mais leurs accents épousent le tissus organique de solitudes adossées à un voile, symbolisant cette poussière de terre avec laquelle Antigone – dit-on car on le voit pas-  recouvre son frère Polynice.

 La scénographie  à la fois sobre et éloquente fait penser à celle d’un peintre qui exposerait un triptyque formé par le chœur, Antigone et Créon. Antigone jouée par Laetitia LAMBERT possède toute la juvénilité, la vigueur et la beauté que l’on peut rêver pour un tel personnage.

 Un beau spectacle qui permet de faire entendre cette petite musique intérieure, distanciée de SOPHOCLE, vis-à-vis de ces héros. Un spectacle à portée de nombreuses voix qui circulent dans nos consciences.

 Paris, le 8 Avril 2012                            Evelyne Trân              

 

L’AMANT de HAROLD PINTER – Traduction Gérard Watkins – au Théâtre de l’Aktéon 11 rue du Général Blaise 75011 PARIS du 30 mars au 2 juin 2012 les vendredis et samedis à 21h30

 DISTRIBUTION :

mise en scène
Alexandra Dadier
avec : Fabienne Alice Dubois, Laurent Schteiner

Le théâtre de l’AKTEON n’est pas bien grand. Il  fait penser à une petite ruche enfouie sous le feuillage d’un arbre. D’ailleurs, il jouxte un square. Les spectateurs qui s’y rendent apprécient sa modestie parce qu’ils savent qu’elle est souvent gage de qualité. Ces spectateurs qui tels des insectes recroquevillent leurs ailes et dressent leurs antennes pour écouter leurs congénères sur scène.Parce que l’on va souvent au théâtre avec l’espoir d’apprendre quelque chose sur soi et sur les autres.

 Un auteur de théâtre doit  savoir tirer les fils qui relient les spectateurs aux personnages qu’il met en scène. Cela signifie qu’il confère autant d’âme à ceux qui vont assister à sa pièce qu’aux personnages qu’il a créés.

 Harold Pinter a concocté une petite pièce délicieuse intitulée « L’amant » qui traite des rapports de couple. Il n’y a rien de plus banal comme thème. Même dans la rue, vous pourriez demander à  un quidam d’improviser sur ce thème car c’est un peu comme si l’on frottait la poussière au bout de ses chaussures, il y a toujours quelque chose à dire et surtout à inventer. C’est ce qui se passe avec le mari et la femme d’Harold Pinter, cette atroce banalité qui veut que chacun a sa vie extérieure et que lorsqu’on se retrouve à la maison, il ne reste plus que des questions domestiques à partager. Monsieur et Madame X ayant compris qu’ils étaient en train de s’enliser dans un quotidien terriblement poisseux, ont décidé comme des enfants de convier à leur domicile l’amant et l’amante, seuls capables de créer le désordre nécessaire à la survie de leur couple.

 Nous assistons à un thriller psychologique, extrêmement bien dosé où les partenaires un peu comme deux boules de chewing gum se collent et se décollent, avec ce dard d’abord enfoui dans leurs bulles, que l’on voit poindre au fur et à mesure que la tension s’élève, et recouvrir la figure triangulaire de l’amant.

 Le couple de Harold Pinter est possédé par une folie si ordinaire qu’elle fait penser prosaïquement à des brûlures d’estomac sinon à des brûlures d’âme. Quand deux êtres se frottent l’un à l’autre, ils créent l’étincelle.  Mais, il faut recommencer encore et toujours et si c’était facile, notre cœur finirait de battre.

 Avec cette pièce, croyez que celui des spectateurs a la chamade. La mise en scène d’Alexandra Dadier dépouillée à l’extrême est axée  sur les évolutions des comédiens qui se dédoublent sur scène avec toute l’ironie, l’émotion, la volupté que Pinter insuffle à ses personnages. Les interprètes, Fabienne Alice Dubois et Laurent Schteiner sont excellents. Un spectacle qui agit comme une piqûre de folie dans le quotidien de Monsieur et Madame presque tout le monde. C’est plus que récréatif, c’est jouissif.

 Paris le 7 Avril 2012             Evelyne Trân

 

 

 

FAIRE DANSER LES ALLIGATORS SUR UNE FLUTE DE PAN : CELINE et Denis LAVANT au Théâtre de l’Epée de Bois du 13 Mars au 15 Avril 2012

 Théâtre de l’Epée de Bois  Cartoucherie – Route du Champs de manœuvre 75012  Paris –

 Du mardi au samedi à 21 H. Dimanche à 16 H.

Un spectacle composé par Emile BRAMI d’après la correspondance de Louis Ferdinand CELINE. Mise en scène et direction d’acteur : Yvan MORANE

En découvrant ce portrait hallucinant de CELINE interprété par Denis LAVANT, l’on ne peut s’empêcher de penser  que cet homme était un personnage de théâtre aussi monstrueux qu’un Richard III ou un Roi Lear. C’est une révélation parce que cela bouleverse l’idée que nous nous faisons de l’écrivain en général toujours trop sage, planqué à l’intérieur de ses livres. L’écrivain CELINE est un artiste et un homme. Il revendique sa vérité charnelle, avec une violence qui n’est pas sans rappeler celle d’Artaud. CELINE a écrit une pièce de théâtre qui a été refusée par les éditeurs. Son théâtre il l’a transposé dans des romans qui dépassent aussi l’idée que nous nous faisons du roman. Comme si CELINE était toujours au travail, au sens noble du travail, celui qui passe par la perception, la conscience, l’engagement et surtout pas la routine.

Emile BRAMI a composé un spectacle à partir d’un choix de correspondances de CELINE où il parle de son rapport à l’écriture. Il s’exprime comme un déchainé, un lion en cage, il parle de l’écriture comme d’une maitresse et quand il dit :  « Je ferai danser des alligators sur ma flute de pan » c’est qu’il ne la veut pas soumise l’écriture, il la veut émotive, aussi  vivante qu’un tableau. Il y a des moments aussi où il fait penser à Frankenstein car c’est tout de même incroyable cette volonté de vouloir pétrir l’écriture comme la chair. CELINE était aussi médecin, médecin des pauvres à CLICHY LA GARENNE. Il a fait la guerre de 14. Alors la chair, il connait,  aussi bien celle des morts que celle des vivants. C’est une expérience à laquelle n’importe quel humain ne peut pas songer sans douleur.

 De fait Denis LAVANT ne joue pas CELINE. Il est CELINE, sa fureur, ses tripes, sa peau, son imagination aussi car il a une façon de bouger spectaculaire comme si les images de CELINE il fallait qu’elles gambadent aussi sur la scène. Mais c’est le corps qui les invente, c’est fantastique comme le rêve pris dans les rets du réel.

 Dans le fond, on a l’impression d’assister au travail de création d’un artiste dans une chambre obscure, celle de la solitude, lorsqu’il déballe ses fantasmes. Quand il jette pêle mêle  les livres de ses contemporains en les traitant de tous les noms, ne serait-ce pas avec l’idée secrête d’en extraire la substantifique moelle pour la pétrir à sa façon.

 La scène de l’Epée de bois pourrait presque faire penser à un vaste grenier dont les objets seraient tous familiers. Le metteur en scène a simplement voulu donner une scène, un espace à l’écrivain pour qu’il devienne à son tour un personnage de théâtre et c’est réussi grâce à Denis LAVANT, indomptable CELINE. C’est vrai qu’avec CELINE, on ne peut s’empêcher  de croire que le mot création dérive du mot chair. Souvenons-nous tout de même que dans l’œuvre de cet écrivain, le meilleur conspire contre le pire.

Aux spectateurs qui ne sont pas fervents du « seul en scène » j’objecterai qu’il ne s’agit pas d’un monologue mais d’une course à l’écriture trépidante, mouvementée et forte en gueule. Un spectacle de nature à séduire même les enculeurs de mouche, c’est rare !

  2  AVRIL 2012                                 Evelyne Trân