PROUDHON MODELE COURBET de Jean PETREMENT au Théâtre du Lucernaire 53 Rue Notre-Dame des Champs 75003 PARIS

Du 8 Février 2012 au 18 Mars 2012 Du mardi au samedi à 20 H, dimanche à 17 H

Nul n’est censé ignorer la loi. Nul  non plus n’est censé ignorer que  PROUDHON, père de l’anarchisme et COURBET peintre du réalisme étaient amis. Leurs noms nous sont familiers mais nous devons surfer sur plus de 150 pages de notre histoire avant de pouvoir poser un doigt sur leur rencontre. Grâce à Jean PETREMENT, nous voici transportés un jour d’hiver 1854, à ORNANS, dans le DOUBS, dans l’atelier de COURBET qui reçoit en compagnie de sa modèle Jenny, son respectable ami PROUDHON.

Nous savons que les deux hommes chacun dans leur domaine, ont bouleversé l’histoire. Ce que nous ignorons véritablement, c’est ce qu’ils se sont apporté, l’un à l’autre.

 Extérieurement, COURBET a l’allure d’un paysan rougeaud, bon vivant et PROUDHON d’un pasteur ou d’un professeur plutôt renfrogné et peu amène. Ce qui les réunit, c’est ce qui se trame dans leurs corps respectifs, c’est leurs combats, leur idéal qui pousse l’un à bâtir une œuvre picturale destinée à exprimer son propre vécu, pour rendre l’art au peuple d’une certaine façon, et pousse l’autre à rêver de nouvelles fondations pour une société plus juste.

 Nous savons grâce aux correspondances échangées entre les deux amis qu’ils se sont toujours soutenus, PROUDHON ayant salué l’esprit novateur de COURBET, ce dernier l’ayant fait figurer notamment dans sa fameuse toile de l’Atelier.

 Jean PETREMENT s’est intéressé davantage aux différences de ces grands hommes qui sauteraient à l’œil d’un enfant. Différences de sensibilités, de tempéraments, l’un est introverti, l’autre extraverti. C’est assez banal en somme, cela le devient moins si l’on considère que ce qui est inné en soi peut conditionner sinon notre existence, sinon notre manière de penser et d’agir.

 Dans ce court spectacle d’une heure environ, nous pourrions craindre d’assister à des joutes oratoires un peu intello. Il n’en est rien parce que les escarmouches et la vivacité de la discussion entre les personnages restent très naturelles.

 On adore la bonhomie impétueuse d’Alain Leclerc, COURBET, le pinceau à la main. Proudhon, le visage circonspect, aux allures pudibondes est  moins sympathique. Survient aussi, le braconnier de passage, qui va réconcilier tout le monde avec sa liqueur à la mirabelle et son pâté de lapin. Et puis surtout, il y a Jenny, la jolie modèle qui entend faire crépiter son existence dans un monde d’hommes.

 Un cocktail très  explosif ! Pas simple l’espèce humaine, avec toutes ses contradictions, oscillant toujours entre la chair et l’esprit, le fond et la forme, entendez par là, pourquoi pas, Proudhon et son associé, Courbet,  et regardez Jenny;  tous arrivent  tout de même à tenir devant et derrière une même toile, celle de « L’atelier » allégorie réelle, d’une page de vie. C’est formidable !

Jean PETREMENT nous invite à la tolérance et la réflexion, c’est jouissif, et ça s’avale cul sec !

Tous les comédiens sont excellents. Un peu enivrés après le spectacle, gageons que vous penserez encore à PROUDHON et à son modèle COURBET. Des expositions leur sont consacrées mais il fallait réunir les deux amis sur une scène de théâtre, c’est fait !

Merci, Jean Petrement pour cette comédie très vivante, instructive et éloquente !

 Paris, le 26 Février 2011                              Evelyne Trân

 

 

BRASSENS N’EST PAS UNE PIPE AU THEATRE DEJAZET 41 BD DU TEMPLE 75003 PARIS

  • Du  22 février 2012 du  11 mars 2012

Du mardi au samedi à 20 H 30, matinées Samedi et Dimanche à 14 H 30

Distribution : Par la Compagnie G.R.R.R, mise en scène Susana Lastreto. Avec Annabel de Courson, François Frapier, Hélène Hardouin, Cristine Combe, Susana Lastreto, Jorge Migoya Arrangements musicaux :.Annabel de Courson, Jorge Migoya . Lumières :  Stéphane Deschamps. Costumes : Danièle Heusslein Gire.    

Nom d’une pipe, Brassens, Georges B. si vous préférez, ne finira jamais de nous étonner ! « J’étais né pour devenir un arbre «  disait-il. L’arbre n’a pas fini de fleurir, Brassens est chanté dans toutes les langues du monde mais il se moque bien d’être respecté. La Compagnie GRRR  implantée dans le 14ème arrondissement ne hume pas seulement l’air où Brassens a vécu, elle s’en parfume avec humour.

 Voilà une poignée de comédiens musiciens qui paraissent tout droit échappés non pas d’un asile de fous mais de quelque chose d’assez proche, une ruche à chansons, qui électrisent de leurs humeurs saugrenues, fantasques, mélancoliques, une multitude de personnages.

 Des comédiens tisserands en quelque sorte qui glissent sur plusieurs toiles, à plusieurs voix, pour faire saillir de façon tellement accrue, tellement actuelle, « La tondue », « La mauvaise réputation «  et bien d’autres.

 Brassens  est un fablier de la même aune que La Fontaine. Que l’on retourne le sablier dans un sens ou un autre, ce qui est formidable dans ce spectacle, c’est l’incroyable vivacité de tous ces petits grains de vie qui soulèvent des montagnes, quand ils causent de la mort, du sexe féminin et de la connerie humaine. 

 Brassens, homme de cabaret est bien présent dans ce spectacle, et donne carte blanche aux personnages de ses chansons pour revenir après moult aventures,  s’incarner librement et joyeusement à travers quelques  hôtes inspirés de la compagnie GRRR.

 D’ailleurs, qui pourrait dire qu’il ne se trouve pas dans la salle en train de rire avec nous de la mise en scène complètement loufoque de « sa brave Margot ».

Franchement, ses personnages continuent encore de nous regarder dans les yeux, attention !

 La meneuse de revue, drôle et suave joue le rôle de la reine des abeilles

pour nous faire entrer dans la ruche. Le miel conçu à partir d’un florilège de chansons est peu ordinaire, piquant, doux, fort. S’il peut vous faire éternuer, il peut aussi vous guérir de votre rhume, c’est  probablement le meilleur fortifiant dont vous avez besoin pour résister. Vive Brassens !

 Paris, le 25 Février 2012      Evelyne Trân

 

 

HINTERLAND de Virginie Barreteau – Création 2012 de la Compagnie La Mandarine Blanche (Lorraine)

Mise en scène : Alain Batis Scénographie : Sandrine Lamblin Lumières : Jean-Louis Martineau  Costumes : Jean-Bernard Scotto Régie Lumières : Nicolas Gros Régie Son : Emilie Tramier

interprétation Raphaël Almosni, Calypso Baquey, Claude Barichasse, Jérémie Bedrune, Aurore Erguy, Camille Forgerit, Julie Piednoir, Laetitia Poulalion, Joséphine de Surmont

Le 21 Février 2012 à la Salamandre Vitry-le-François (51)

Le 16 Mars 2012au Théâtre Gérard Philipe de Frouard (54)

Le 15 Mai 2012 à la Maison des Arts de Thonon Evian (74)

Du 13 Juin au 24 Juin 2012 au Théâtre de l’Epée de Bois Cartoucherie de Vincennes à Paris

 Hinterland, le titre du spectacle, a cette particularité délicieuse pour ceux qui ne sont pas familiarisés avec la langue allemande, d’évoquer un lieu inconnu qui appartiendrait à sa résonnance propre, un peu comme un nuage qui n’existe que vu de loin ou parce qu’il réjouit notre désir de le regarder dans une durée spectaculaire.

 L’émotion musicale est au cœur du spectacle et cet ailleurs auquel est convoqué le spectateur, c’est un peu comme l’envers de soi, l’idée pourtant banale qu’avant d’entrer dans le monde, nous nous trouvions à l’intérieur, comme un fœtus dans le ventre de la mère.

 Le désir d’autarcie d’une communauté de femmes recluses qui s’adonnent au chant et sont gardiennes du feu, comme les vestales des temples grecs, agit comme un réflexe d’autoconservation, face à l’intrusion toujours possible d’un élément extérieur diabolisé. Comment l’innocence d’adolescentes coupées du monde extérieur, n’agirait-il pas aussi comme un ferment des âmes de nature à les impliquer, dans leur jardin secret, toujours en veille ou en surveillance d’elles-mêmes.

 Cette question d’innocence n’est pas propre à la femme, elle se pose aussi bien à l’homme, elle ne se poserait sans doute pas si elle n’était pas moquée. L’innocence c’est peut être un état d’inconscience ou d’extra-conscience, cela peut être la vérité d’une fleur dans un champ, d’un marin qui regarde l’horizon ou d’un enfant qui reconnait son frère dans la foule. Il n’y a pas d’abois pour l’innocence si proche de l’étonnement des poètes.

 Dans le propos de l’écrivaine Virginie Barreteau, il n’est pas question de dogmes religieux, c’est important de le souligner parce que le besoin de contemplation et d’abstraction est universel. Pas besoin d’étiquettes pour être sensible à une atmosphère d’église ou goûter la musique religieuse de Bach.

Elle explore d’une façon très personnelle des impressions pour donner du grain aux fables que se racontent des hommes et des femmes qui ne se regarderaient qu’à travers un mur ou ne se connaitraient qu’à partir de rumeurs.

 L’argument, le quotidien d’un chœur de femmes dans un sanctuaire, mis en émoi par le rappel des hommes,  est décliné de façon assez abrupte et ostentatoire. Reste un point firmament, qui sonne juste, celui des questionnements de l’adolescente Anne,  superbement interprétée, qui endosse la figure de la dissension au sein de la soumission.

 La scénographie due à Sandrine LAMBLIN offre des tableaux d’une beauté stupéfiante : drap blanc de la virginité qui rougit au soleil ou bien lambeaux de tissus pour suggérer la forêt, la prêtresse presque comique juchée sur une chaise aussi élancée qu’une patte de libellule. Le doigt posé sur la chair de l’homme se « mixte » ou bien alors fusionne avec l’image de la surveillante, les bras levés vers…le ciel.

 La création musicale de Cyriaque BELLOT, par petites gouttes sonores en pointillés, donne l’impression de suinter des peintures elles-mêmes.

 La mise en scène ne manque pas d’humour avec ce clin d’oeil adressé aux hommes réduits à des silhouettes qui ne savent pas comment entrer dans la caverne du deuxième sexe.

 Nous sommes dans un mystère au sens que l’on donnait autrefois aux drames religieux, avec cette espèce de lyrisme et de baroque digne de Victor Hugo qui nous ramène au poème « correspondances » de Baudelaire :

La nature est un temple où de vivants piliers

 Laissent parfois sortir de confuses paroles.

L’homme y passe à travers des forêts de symboles

Qui l’observent avec des regards familiers.

Un spectacle à voir absolument !

Paris, le 19 Février 2012                          Evelyne Trân

 

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NOCES, FANTAISIES NUPTIALES POUR 4 ACTEURS AU THEATRE DE BELLEVILLe 94 rue du Faubourg du Temple 75011 PARIS

Fantaisies nuptiales pour quatre acteurs, une autruche, un coup de foudre, une banane, un corset armani et une mobylette

De Carlotta Clerici, Laurent Contamin, Benoît Szakow, Luc Tartar, Carole Thibaut et Dominique Wittorski, Roland Fichet

Mise en scène Gil Bourasseau et Cécile Tournesol Assistés de Marie-Thérèse Lorenz Avec Eric Chantelauze, Ludovic Pinette, Anne de Rocquigny, Cécile Tournesol, scénographie Jean-Baptiste Manessier, Création lumières et régie générale Chloé Bouju, Univers sonore Jean-Noël Yven, Costumière Elisabeth de Sauverzac, Production L’art mobile, Co-production Cie BlonBa –Théâtre de l’Arlequin . Avec le soutien de l’Adami . Résidences de création Théâtres de Fleury-Mérogis et de l’Arlequin à Morsang-sur-Orge.  Du 14 février au 8 avril Du mardi au samedi à 21H, dimanche à 17H

Noces, c’est un très joli mot et pour peu que l’on ait l’antenne littéraire, André Breton surgit à l’improviste. Subsiste-t-il un seul album de famille qui  n’expose pas sa photo de mariage ? Les robes de mariées dans les vitrines font autant rêver qu’une belle poupée entre les mains de Cosette.

 L’amour canaille, l’amour vache, l’amour fleur bleue d’Autant en emporte le vent, du Docteur Jivago en passant par Jules et Jim, et un homme et une femme,  peuvent bien se donner la main, le cliché du mariage, surtout en rêve, parce qu’il nous tombe  du ciel, est hors concours.

 Plusieurs auteurs se sont donné le mot pour faire rebondir sur scène 4 comédiens, alléchés par l’odeur, capables de cuisiner devant les spectateurs des recettes aussi salées que sucrées.

 Esprits critiques, rassurez-vous, vous ne tomberez pas dans le panneau. Il se promène tout seul sur le plateau, il est géant, il s’ouvre comme un paravent ou un éventail à miroir, refuge des amoureux qui s’y brûlent les ailes.

 C’est l’unique accessoire d’une mise en scène très naturelle qui fait la bise à la fiction comme dans les conversations où en se raclant la gorge, on démolit, on reconstruit des souvenirs où le rêve et la réalité font la paire. Dans ce magasin à textes ou à chaussures, il y a vraiment le choix. En tout cas, les comédiens contaminés par leur sujet, donnent le sentiment de prendre leur pied ou de tendre la main à notre imaginaire, sans complexes comme s’ils étaient toujours en train de rêver eux-mêmes à leurs futures noces.

 Parce qu’on est toujours dans le futur quand on trimbale des histoires qui traversent la passoire de nos émotions. Et on a  beau frotter, rincer,  tordre le linge, ce qui importe à nos yeux c’est que l’image reste belle  aussi naïve, aussi resplendissante qu’un jour de noces.

 Sur la corde à linge, plusieurs textes certes, mais surtout un joli essaim de comédiens, qui les butinent avec ardeur et dextérité.

Comment caresser l’insecte qui butine une fleur ? Pour en éprouver la flagrance, il faut se déplacer. Suspense garanti, clic clac, la jolie photo de mariage a beau être un cliché, elle n’a pas dit son dernier mot et ces comédiens du Théâtre mobile nous le prouvent avec talent. L’on rit à se fendre l’âme, ça fait du bien, et les neurasthéniques ont droit aussi à leur fleur funèbre, un peu trop allongée en fin de spectacle. Oh tant pis, car il y a pour la fine bouche, l’image d’un homme-fleur à genoux qui fait fondre dans notre cœur méli-mélo, le mot Noces en pollen, en poème.

 Paris, le 18 Février 2012                  Evelyne Trân

 

ZAKOUSKI OU LA VIE JOYEUSE d’après des récits de Mikhaïl ZOCHTCHENKO au Théâtre de l’Opprimé

Mise en scène de Serge PONCELET
• Distribution : . Avec Marie Duverger, Olga Sokolow, Stéphane Alberici, Éric Prigent Programmation : Mercredi, jeudi, vendredi, samedi : 20h30. Dimanche : 17h.
• Tarifs : Place 16€, Tarif réduit 12€, GP : 10€
• Adresse : 78 rue du Charolais 75012 Paris 12e Métro : Montgallet (8)
• Réservation : 01.43.40.44.44
• Du 8 Février au 4 Mars 2012 Du mardi au samedi à 21 H 30, le dimanche à 15 H

NB : Monsieur Serge PONCELET et Monsieur Eric Prigent étaient les invités de l’émission « Deux sous de scène « , samedi 18 Février 2012, que vous pouvez écouter ou télécharger pendant une semaine (Grille des émissions de Radio Libertaire 89.4).

Elle est assez insolite la nouvelle création du Théâtre YUNQUE : Zakouski ou la vie joyeuse. D’une part, elle apporte sur un plateau, celui du Théâtre de l’Opprimé, un auteur méconnu, Mikhaïl ZOCHTCHENKO. D’autre part, elle défie les règles classiques d’unités de lieu, d’espace et de temps pour faire exploser sur scène pas moins de 18 personnages qui s’enchainent les uns aux autres comme par magie pour offrir aux spectateurs une sorte de kaléidoscope des années vingt en URSS., issu de la boite de pandore de l’auteur.

ZOCHTCHENKO s’était rendu célèbre en écrivant des nouvelles satiriques : les bains, l’aristocrate. Le spectacle est adapté et inspiré notamment d’un de ses principaux recueils « Contes de la vie tous les jours » par Eric Prigent, également interprète.

Au prime abord, il faut le reconnaitre, les apparitions inopinées des acteurs comme des flashes sur la rétine peuvent déstabiliser les spectateurs. Ceci dit quoique souvent masqués, les personnages ne sont pas des pantins. Nous avons parfois l’impression d’assister à des reportages sur leur vie un peu comme au cinéma avec pour références certains films de Chaplin ou de Buster Keaton.

C’est la perspective de la touche, un zeste comique, qui s’épanouit en aquarelle, sans forcer le trait. Du théâtre suggestif, pour une succession de tableaux extrêmement vivants qui oscillent entre légèreté et gravité, où il ne faut surtout pas enfoncer le doigt, pour ne pas rompre le charme qui se dégage des anecdotes, nous familiarisant au fur et à mesure avec le regard à la fois pétillant et tendre de l’auteur .

Partitions joyeuses dans la mesure où le conteur laisse la porte ouverte à ces personnages en s’abstenant de tout commentaire. C’est l’enfance du regard qui prime où tout découle des figures, des visages. Certains enfants devenus adultes se souviendront avec amusement qu’autrefois ils prenaient pour des monstres aussi bien leurs parents que leurs instituteurs et qu’ils les confondaient volontiers avec les grosses têtes du carnaval.

Ce spectacle est donc tout d’abord un régal pour les yeux quand les visages nus jouent aussi bien masqués. Restituer le fabuleux qui suinte de la comédie des mœurs, c’est un coup de pied au derrière à toutes nos prétentions.
ZOCHTCHENKO, dit-on souffrait de neurasthénie. Curieusement dans ce spectacle, la mélancolie on la ressent comme une couleur capable de rendre humaines les situations les plus grotesques, Cette couleur, cette gaze fine, éclaire la dynamique de la mise en scène.

Quatre comédiens pour 18 personnages (ouvrier, milicien, balayeuse, popesse .. .) et 23 tableaux (tramway, église, cinéma, tribunal…), qui s’animent aux fenêtres d’un castelet ambulant au théâtre de la vie, c’est une prouesse digne d’être saluée. Zakouski signifie « petits fours ». Gageons que ce spectacle mis en scène avec bonheur et simplicité par Serge PONCELET, ne fera pas un four et sera apprécié aussi bien par les mômes que par des adultes touchés d’être dragués par un peintre aux couleurs chaudes et tendres, Mikhaïl ZOCHTCHENKO car se diluent dans l’‘œil, pour notre plus grand plaisir, des parfums de CHAGALL, SOUTINE ou du DOUANIER ROUSSEAU.

le 12 Février 2012

Evelyne Trân

DIVORCER TUE de Christian Morel de Sarcus au Théâtre de l’Ile Saint-Louis Paul Rey

Mis en scène par Christian Morel de Sarcus, assisté d’Antoinette Guédy, avec Christian Morel de Sarcus et Antoinette Guédy

Prochaines dates :  mercredi 29 février à 21h, jeudi 1er mars à 21 h, vendredi 2 mars, samedi 3 mars, jeudi 8 mars, vendredi 9 mars, samedi 10 mars à 21h et dimanche 11 mars à 17h30.
Théâtre de l’Ile Saint-Louis, 39 quai d’Anjou, 75004 Paris ; réservations : 01 46 33 48 65 et http://www.billetreduc.com

Le Théâtre de l’Ile Saint-Louis pourrait tenir dans le creux d’une main comme la pantoufle de verre de Cendrillon ou la botte de sept lieues du Petit Poucet. Il est aussi irrésistible que ces images d’Epinal, peintes et repeintes à la main par nos arrières grand-mères. Ce théâtre  de contes de fées accueille pour quelques représentations à l’envers du décor, une  fable de Christian Morel de Sarcus, sur le divorce.

 Si nous avions affaire à une diseuse de bonne aventure, nous lui tendrions la main, afin qu’elle lise à travers ses lignes, les points forts de notre destinée. Sur la ligne de cœur, souvent stressée, disons que le divorce amorce une dérivation vers une autre ligne, celle à laquelle reste suspendu en points de suspension, l’écrivain qui la parcourt en paroles, en rêve, en folie, pour mieux la cibler.

 Divorcer cela signifie tout simplement couper les liens du mariage, C’est du domaine des institutions et des cultures parce qu’il y a plusieurs espèces de plantes parmi les humains. Toutes ne parlent pas de divorce. Et pourtant, nous savons que la guerre des sexes existe aussi chez nos confrères, les animaux, pour avoir observé combien les mâles pouvaient s’entretuer pour une femelle. Si poursuivons l’analogie avec les plantes, demandons-nous si nous avons poussé au milieu des artichauts, des cactus, des orties blanches, des coquelicots, des marguerites ou même des chardons. Ridicule n’est-ce pas ? Sauf que cela permet de relativiser nos peines de cœur. Et puis cela nous fait basculer une fois de plus dans les contes de fées quand médusés, nous voyions sortir des serpents ou des rubis de la bouche de deux fillettes.

 Difficile de définir ce qui sort de la bouche des deux personnages de « Divorce tue »L’un prétend avoir tué sa femme, l’autre endure son discours, comme une femme assagie, qui ne s’émeut plus de grand-chose. Il s’agit d’une posture qui tombe à pic pour mettre en valeur la confession d’un homme, victime virulente de l’imposture des institutions humaines, le mariage et donc son corollaire, le divorce.

 Christian Morel de Sarcus dans le rôle de l’homme blessé, fait penser au Garcin du « Huis clos » de Sartre. Il résume à lui seul cette phrase merveilleuse « L’enfer, c’est les autres ». La mise en scène, un brin machiste, ne fait pas la part belle à la maîtresse, une ancienne diva dont on n’aperçoit que la chevelure, le dos tourné sur un violent fauteuil en velours rouge.

 Antoinette GUEDY, cependant, sauve la face grâce à l’humour qui perle à travers sa voix. Du coup elle ravive l’idée que même fanée, une femme a des épaules et pourrait bien sauver la face de l’homme. « La femme est l’avenir de l’homme » disait Aragon. Cela s’entend. Cette vision contrastée des relations  homme-femme justifie alors la quête d’un homme qui érige en idéal juste un peu de sentiment dans les affaires humaines.

 Il est évident que l’auteur ne s’enrichit pas du peu mais du plus, à la sueur de sa plume trempée dans le joli encrier du Théâtre de l’ile Saint Louis. Il s’agit d’un étrange spectacle que tous les amateurs de curiosités, nostalgiques des duels romantiques apprécieront. Sauf qu’ici le héros, pourrait sans frémir, revendiquer le titre de » l’homme aux camélias ». Un homme est aussi sensible  qu’une femme. La dame aux camélias n’a-t-elle pas été écrite par un homme ? Ceci dit, le thème du divorce est résolument moderne et antique. Si vous ne voyez pas sur les quais de Seine, un bateau nommé divorce, vous en trouverez sûrement un avec l’inscription vaporeuse, à l’encre de la mer «Oh temps suspend ton vol !»  

 

Paris, le 11 Février 2012

 

Evelyne Trân

 

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IDA OU LE DELIRE D’Hélène Bessette – conception et jeu Anaïs de Courson, à la Maison de la Poésie 157 rue Saint Martin 75003 PARIS

Du 25 Janvier 2012 au 19 Février 2012 Petite salle 

mercredi, jeudi, vendredi, samedi : 20h00 dimanche: 16h00

NB : Anais de COURSON était l’invitée de l’émission « Deux sous de scène « , samedi 11 Février 2012, que vous pouvez écouter ou télécharger pendant une semaine (Grille des émissions de Radio Libertaire 89.4).

Qui n’a jamais blêmi en écoutant parler des absents ? Qui ne s’est jamais dit en entrant dans une pièce où la conversation va bon train « Mais de qui parlent-ils ? »

Des voix qui paraissent surgir des briques de la cave voûtée de la Maison de Poésie, des voix glacées qui chutent, dégringolent, montent. Toutes ces voix, elles semblent être passées par la tête d’Ida. Toutes ces voix appartiennent à la mémoire d’Ida.

Seulement Ida est morte, c’est ce que nous finissons par comprendre à travers le remue ménage des voix et c’est terrible. Dans les murs, dans la tête d’Ida, nous savons que toutes les méchantes petites réflexions mesquines et pleines d’aigreur qu’elle a ramassées ont embourbé son chemin vital, ont creusé insidieusement aussi un désespoir infini.

C’est une histoire banale de toute façon. Ce n’est pas Ida que nous entendons  parce que figurez-vous Ida a toujours été silencieuse sauf pour dire quelques bêtises par exemple « Je suis un oiseau de nuit ».Mais bizarrement à travers tous les « on dit » se dessine le visage et même l’esprit d’Ida.

Cette présence d’Ida grâce à Anaïs de COURSON, elle est salutaire, elle nous réjouit. Oui, pendant une heure, enfin, nous voilà au pied du mur, celui  d’écouter quelqu’un qu’on n’écoute jamais, qu’on regarde avec mépris parce qu’il parait faible, sans défenses, et sans revendications non plus. Quelqu’un d’effacé, de solitaire, d’endeuillé sans doute, considéré comme un meuble avec indifférence.

Ecrasée, Ida ne pouvait pas se révolter, mais tous ces petits martèlements de voix agissent presque comme un lynchage qui finit par effleurer notre conscience et la fait réagir. C’est idiot, mais cela peut toucher au  plus profond de soi, si Ida nous parle d’un de nos proches absents.

Ida est morte, Ida est vivante grâce à la voix musicienne et ailée d’Anaïs de COURSON. Il faut coûte que coûte  aller découvrir ce texte étrange d’Hélène BESSETTE, passionnément mis en voix par Anaïs de COURSON.

 Paris, le 7 Février 2012                            Evelyne Trân

LE MISANTHROPE DE MOLIERE AU THEATRE DU LUCERNAIRE – Mise en scène de Dimitri KLOCKKENBRING

Du 1er Février au 29 Avril 2012

Du mardi au samedi à 21 H 30, le dimanche à 15 H

Distribution :  Avec Tristan Le Goff, Lorraine de Sagazan, Thomas Zaghedoud, Joséphine Mikorey, Pierre Buntz, Benoît Moret, Nicolas Lumbreras, Inès De Broissia et Blandine Bellavoir (en alternance)

Ce qui est juste s’énonce clairement. Ils parlent si bien les personnages de Molière, avec une telle élégance, que nous attachant à la forme, nous pourrions oublier le tragique de leur condition. Mais sous le vernis de la rhétorique et de l’éloquence, que se cache-t-il ? J’ai entendu récemment à la télévision, une écrivaine raconter qu’elle connaissait des gens intelligents capables de décoder toutes les formes de langage, notamment politique et d’être séduits néanmoins pas les propositions les plus primaires.

 Comme quoi l’écoute serait toujours subjective, et plus nous croyons être objectifs, plus nous nous dirigeons inconsciemment, cela va de soi, vers l’irrationnel. Il semblerait que dans la pièce du Misanthrope, les personnages  soient convaincus de leur bonne foi, chacun utilisant la diatribe de l’autre pour faire rebondir ses propres propos. Ils ne lâchent pas un pouce de leurs certitudes sauf en coulisses. Il faudrait être versé dans l’art de la comédie pour prétendre y avoir accès à ces coulisses et c’est tout l’art aussi du comédien de faire entendre ce qui peut  bien grincer derrière la façade.

Vous pourrez dire tout ce que vous voulez,  il n’empêche que …Ou bien, dîtes, dîtes ce que vous ressentez, exprimez-vous, n’ayez crainte ! Qui sait, vous serez entendus …  

Molière a dû se régaler en mettant en scène son atrabilaire amoureux, il le montre du doigt, il le ridiculise d’autant plus violemment qu’il sait à travers lui épancher ses propres amertumes. Nous l’imaginons volontiers plus proche du misanthrope que de Philinte. Molière a toujours dénoncé l’hypocrisie dans ses comédies. Certes, Alceste s’écoute parler et emporter par la violence de ses sentiments comme un adolescent qui claquerait la porte de la maison familiale. Mais la douleur qu’il exprime est suffisamment universelle, pour ne pas faire de lui un simple crétin. Aboyer, médire, raisonner, toutes ces façons de s’exprimer, Molière peut les exposer dans une seule comédie à seule fin de laisser ouïr qu’elles dépendent les unes des autres.

Dans la mise en scène de Dimitri Klockenbring, les personnages ont quitté le 17ème  siècle pour investir le 21ème. Qu’il soient habillés en jean ou même en jupette, n’a rien de choquant. Qu’un divan d’occasion puisse trôner dans le salon de la coquette Célimène, nous fait seulement penser que nous sommes plus pauvres aujourd’hui (Quid des classes sociales ?). Les jeunes prétendants (Romain Cottard et Romain Lumbreras)  en look déguenillé et frimeur sont très amusants. Il ne leur manque que les écouteurs aux oreilles. La gracieuse Célimène nous la verrions bien dans un sitcom, genre « Plus belle la vie » ou « Hélène et les garçons ». Est-ce à dire que Molière serait l’ancêtre des feuilletons de télé ?  Etudie-t-on Molière en première année de psychologie ?

Avec une vigueur toute juvénile, les comédiens jouent à fond leurs personnages, Tristan Le Goff est un Alceste attendrissant, émouvant à bien des égards, Lorraine de Sagazan est une Célimène extrêmement piquante, Philinte, qui pourrait faire penser à un copain de classe, est naturel à souhait. Leurs comparses, Joséphine Mikorey Arsinoé, Ines De Broissia, Eliante sont aussi convaincantes.

  Nous n’oublierons surtout pas Pierre Buntz qui joue un Oronte désopilant. Impossible de se passer de la scène du poète du Dimanche qui déclenche la fureur d’Alceste.

En résumé, un  spectacle fort agréable  qui devrait mettre l’eau à la bouche des apprentis de la  langue de Molière. Molière c’est un puits sans fond,  capable de refléter pour peu que l’on s’y penche tous les remous  de nos désirata !  

 

Paris, le 5 Février  2012                              Evelyne Trân

 

 

 

DES RUINES de RAHARIMANANA à LA MAISON DE LA POESIE – Passage Molière, 157 Rue Saint Martin 75003 PARIS

Mise en scène Thierry BEDARD

Avec Phil Darwin Nianga
Création sonore Jean-Pascal Lamand
Lumière Jean-Louis Aichhorn

Du 18 Janvier au 12 Février 2012

Du mercredi au samedi 20 H, dimanche 16 H Grande salle

 Billets couplés « Des ruines… » et « Excuses et dires liminaires de Za » Plein tarif 30 € – tarif réduit 25 €

 Ruines, voilà un titre d’emblée qui fait sourciller l’âme. Les murs ont-ils des esprits, les corps abritent-ils des âmes ? Avec Phil Darwin Nianga, on pense à Saint François d’Assise, qui devenait un arbre pour les oiseaux.On a l’impression qu’il lit à cœur ouvert, à même le sol, des mots qu’il ramasse comme des branches et qui frémissent entre ses mains

Paysager les mots, devenir non pas un épouvantail qui les attirerait, mais plutôt un passant qui les accueille, qui ne recule pas devant eux.

Donc, voici Phil Darwin Nianga, passeur du long poème, monologue de RAHARIMANANA qui charrie un peu comme le bateau ivre de Rimbaud, la mélancolie, sorte de sève du poète qui recycle avec des phrases sa collection d’intimités, et devient réceptacle de la douleur humaine.

 Tout de même, Phil Darwin Nianga arrive à nous faire sourire en jouant de son corps et de sa rondeur comique, il ne se prend pas au sérieux, ce qui donne une certaine liberté aux auditeurs. Les mots, les pensées du poète pourraient être des revenants pour celui qui a choisi d’être leur passeur.

 Voici ce que dit Raharimanana :

 « Je ruse, je ruse…

Faut-il ruser pour que vous entendiez cette douleur ?

Réellement ?

La réalité m’entre par la bouche et me dépose ses mots.Ce qui entre par la bouche, ce  qui entre par la bouche. »

 Dire que la langue de Raharimanna est belle, bien sûr, mais cela ne suffit pas. Il faut y être pour l’entendre. Phil Darwin Nianga s’y trouve et lui apporte sa coriacité d’homme colleur d’affiches, pétrisseur de pain. Il pourrait faire penser à ces africaines qui portent de lourds paniers sur leurs têtes, sans trébucher. Phil Darwin Nianga est un porteur de mots comme un facteur.

 La mise en scène de Thierry Bedard est  judicieusement  très dépouillée. S’offre au regard juste un grand rideau, qui essuie les mouvements du poème, à travers Phil Darwin Nianga, réjouissant éclaireur de la langue, oh combien buissonnière et touffue de RAHARIMANANA.

 Paris, le 4 Février 2012                            Evelyne Trân

 

 

 

 

EXCUSES ET DIRES LIMINAIRES DE ZA de RAHARIMANANA à LA MAISON DE LA POESIE 157 RUE SAINT MARTIN 75003 PARIS

Mise en voix Thierry BEDARD
Musique Tao Ravao
Avec
Rodolphe Blanchet et Tao Ravao

dimanches 22, 29 janvier, 5 et 12 février 2012 à 18h00
grande salle
Billets couplés « Des ruines… » et « Excuses et dires liminaires de Za » Plein tarif 30 € – tarif réduit 25 €

 La poésie peut prendre plusieurs formes. Ce n’est pas une arme fatale, c’est une arme qui se relève, nous venons d’en avoir la révélation ou la confirmation à l’issue de la représentation d’Excuses et dires liminaires de Za du poète malgache Jean-Luc RAHARIMANANA à la  Maison de la Poésie.

 Quand il ne reste plus rien à l’homme victime de la violence  d’autres hommes, quand il ne dit plus mot parce qu’il vient d’être assassiné, il faut croire que son souffle qui n’est pas le dernier va se répandre parmi nous pour donner de la voix et du courage aux faibles trompés par la force aveugle des plus forts.

 Voilà un propos bien manichéen, d’un côté les forts, d’un côté les faibles. Non ça n’est pas si simple. L’écrivain est avant tout un homme qui doute et qui entend seulement  offrir sa part d’ignorance, sa page blanche à certaines voix qui, pour se faire entendre, doivent passer par un corps qu’on devine non pas seulement sujet de douleurs physiques mais aussi de douleurs morales.

 L’homme déchiré qui vocalise en la personne de Za est un fou raisonnable, il est celui qui dénonce toux ceux qui disent « Ne criez pas » Comme si les cris pouvaient être plus insoutenables que les actions qui les engendrent.

 Nous trimballons tous un caillot de la folie humaine, nous avons tous quelque part au fond de soi, des peurs inavouées, inanimées, des crédulités et de formidables défenses et souvent nous laissons parler à notre place les plus inconscients, les fous, quitte à les enfermer. Quand les paroles confuses des malades  et des fous sont récupérées par des écrivains, elles nous paraissent plus acceptables.

 Mais en vérité en écoutant  ZA, Rodolphe Blanchet , et son compagnon musicien Tao Ravao, extraordinairement inspirés tous deux, nous entrons dans la rue même, nous apprenons à lire sur les lèvres muettes des anonymes qui nous dévisagent, nous entrons dans leurs silences, leurs mystères et des milliers d’histoires qui fusionnent parfois par simple reconnaissance, par échange de regard .

 Alors avec le compagnonnage de la langue aux mots simples et clairs de Raharimanana, pour avec le tumulte du verbe, avoir embrassé les gestes d’un homme, d’être plus voyants, ma foi, nous revigore, ne serait-ce qu’un instant dans l’idée que la poésie est  factrice de reconnaissance.

 C’est une belle clé que nous offre les organisateurs de ce spectacle pour entrer dans la Maison de la poésie, elle s’agite encore pour deux représentations, ne la laissez pas échapper. Ceci dit, la poésie, elle court, elle court, elle respire, il faut la humer, qu’elle soit contagieuse c’est tout le bien que nous pouvons lui souhaiter avec ceux qui la cultivent et la récoltent à la Maison de la Poésie.

Le titre du spectacle du spectacle « Excuses et dires liminaires de Za » est déjà éloquent, mais  sa réception nous laisse  comme qui dirait un petit parfum sur la langue, c’est étonnamment gratifiant !

 Paris, le 3 Février 2012      Evelyne Trân