FINNEGANS WAKE – Chap.1, d’après James JOYCE avec Sharif ANDOURA, mise en scène d’Antoine CAUBET au Théâtre de l’Aquarium

 Cartoucherie de Vincennes, Route du Champ de Manœuvre 75012 PARIS  du 17 Janvier au 19 Février 2012, du mardi au samedi à 20 H 30, le dimanche à16 H

Lumière Antoine CAUBET, Pascal Joris, son Valérie Bajcsa, film Hervé Bellamy

 James Joyce ! N’ayez pas de complexes,  si vous n’avez pas lu FINNEGANS WAKE, que James Joyce a mis 17 ans à écrire, après avoir assisté à l’adaptation théâtrale de son premier chapitre (à partir de la remarquable  traduction de Philippe LAVERGNE de l’ouvrage qui comporte 900 pages) au Théâtre de l’Aquarium, vous pourrez dire : Je connais James Joyce, je l’ai rencontré.

 Si la rivière à portée d’écran sur la scène pouvait cligner de l’oeil et parler, nul doute qu’elle prendrait une sorte de forme féminine, captivée par la voix d’un homme, capable de faire bruire aussi bien le soleil des forêts que le tremblement de terre des êtres qui la parcourent.

 En exergue à la présentation du spectacle, Antoine Caubet un metteur scène habité, rappelle la phrase de NOUGARO : Et tu verras tous ceux qu’on croyait décédés reprendre souffle et vie dans la chair de ma voix jusqu’à la fin des mondes.

 En l’occurrence, le décédé c’est Finnegans lui même, un maçon en état d’ébriété en train de regarder du haut de son échelle, la rivière qui traverse la ville de Dublin avant de se jeter dans la mer. Voici pour l’anecdote, mais à vrai dire, même s’il s’agit d’un éblouissement, il n’est pas besoin de s’harnacher de repères, l’attention requise fait appel à tous ces sens furtifs qui entrainent la voix et l’écoule, un peu comme le bruit d’une source ou même ce qui suinte des murs, la parole d’une main prête à s’envoler au-dessus d’une rame.

 C’est que les mots ici ne prennent leur sens que par la respiration, la transpiration du corps, ils ne sont plus abstraits, ils s‘incarnent  chez un homme, de la même façon qu’un paysage est capable de réfléchir nos états d’âme.

 Comme il existe des bains de boue pour purifier la peau, il faut croire que la langue de Joyce, colorée, sensuelle, nous convie à un bain de mots rendus à  leur origine, celle du jeu et du plaisir, celle des surprises.

 Et la voix de  Sharif Andoura s’étonne sans cesse, tout en restant égale, elle prolonge les éclats parsemés d’une sorte de mosaïque,  ici une aire de jeux pour les enfants, un grand bac à sable recouvert d’un compost de brisures de liège aux lueurs de paille.

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LA CONFERENCE avec EMMA LA CLOWN et CATHERINE DOLTO A L’EUROPEEN – 5, rue Biot 75017 PARIS

Le 19 Février à  17 H 30 et 20 Février à 20 H 30, le 11 Mars à 17 H 30, le 12 Mars à 20 H 30    

Informations – Billetterie :
Tél : 01 43 87 97 13

Avez-vous jamais songé à vous mettre dans la peau d’un clown, en entrant dans le cabinet d’un toubib ? Sûrement pas, par contre vous avez entendu parler de clowns qui rendent visite aux enfants malades hospitalisés.

Catherine Dolto,  auteur du livre « Rire, guérir, des clowns qui guérissent » est haptothérapeute ou haptopsychothérapeute. Elle pratique l’haptonomie qui fait appel au sens du toucher, pour communiquer avec le fœtus en palpant le ventre de la mère. C’est une préparation à l’accouchement, à la venue au monde d’un inconnu ou d’un méconnu, ce cher fœtus, dans notre territoire.

C’est une pratique récente, embryonnaire, enfin elle porte un nom mais elle devait déjà être utilisée par nos ancêtres, instinctivement. Les animaux aussi savent s’occuper de leurs nouveaux nés et entretiennent, pourquoi pas,  des relations privilégiées avec leur progéniture. Mais que vient faire le clown dans ce programme. Eh bien, le clown c’est celui qui met son bonnet d’âne à notre place, celle de l’ignorance. Sans cette espèce d’auréole d’inconscience qui nous dépasse, nous serions souvent en train de nous dire, que nous agissons mal, que nous vivons dans une mauvaise société et surtout que nous sommes très mal équipés pour accueillir des nouveaux nés.

 Catherine Dolto fait office de la gentille thérapeute dans un monde où la gentillesse, ma foi, serait plutôt synonyme de berlue. Vas y que je te pousse ou vas y que je te caresse dans le sens du poil ?  Emma la clown face à la gentille Catherine qui ne bronche jamais, est fagotée comme une vilaine sorcière. .Elle est moche et pas tellement sympathique. Elle est grossière pour mieux sans doute faire entendre notre mauvaise volonté, notre jubilatoire rouspétance, nos « hallu » . C’est son ressort drolatique, c’est le nôtre. Emma c’est la sale gosse pleine de vitalité qui rit aux éclats en se grimant dans le miroir, qui tire la langue et fait les cornes et que tente d’assagir la douce et maternelle Catherine.

 Le péché mignon de Catherine c’est son amour des enfants, alors elle ne peut s’empêcher de voir en Emma, une enfant  clown qui a son rôle dans notre société, celui de faire rire.

 A vrai dire Emma la clown et Catherine la pédiatre n’étaient pas forcément faites pour se rencontrer. Leur réunion sur une scène de théâtre, c’est un numéro de cirque où les mots tiennent lieu d’échafaudage ou de balles de tennis que se renvoient deux prêtresses qui ne parlent pas la même langue. Il y a du funambulisme dans leur démarche. Et puis l’on se prend à rêver que Catherine et Emma vont accoucher ensemble d’un enfant, un extra-terrestre qui montera à son tour sur la scène. Ca va brailler !

 En attendant ce futur enfant, tout attendris, les spectateurs rient de bon cœur dans la salle.

 Paris, le 28 Janvier 2012

 Evelyne Trân

 

 

PHEDRE de RACINE au Théâtre MOUFFETARD – 73, rue Mouffetard 75005 PARIS

Mise en scène Ophélia Teillaud et Marc Zammit
avec Ayouba Ali (Hippolyte), Mona El Yafi (Aricie), Véronique Boutonnet (Ismène et Panope), Camille Metzger (Oenone), Ophélia Teillaud (Phèdre), Marc Zammit (Thésée et Théramène)
Costumes Corinne baudelot – Lumières Benoît Gardent

du 12 janvier au 25 février 2012
du mercredi au vendredi à 20h30, samedi à 17h et 21h, dimanche à 15h
matinées scolaires les 24 janvier et 14 février à 18h
C’est une gageure incroyable, « J’ai peint une tragédie, semble nous dire Racine à partir d’une sorte de récif que j’ai vu émerger des affres d’une conscience tourmentée ». La langue qu’utilise Racine est d’autant plus précieuse et dense que le propos est rude puisqu’il s’agit de dérober aux tabous, aux mythes, leur part d’incandescence. Il n’ y a pas d’autre passerelle que la voix, à la sortie des ténèbres, au  seuil du rêve et de ses interdits pour exprimer la douleur, réalité humaine que paraissent ignorer les éléments. Soleil, ouragan, mer, ciel,  les grecs en ont fait des dieux subvertissant les hommes.

 Les personnages mythiques de Thésée, Phèdre, deviennent intéressants à partir du moment où ils se séparent des dieux .Ce sont des êtres hybrides, des humains issus de dieux. Qui rendre responsable de la calamiteuse condition humaine ? Pouvons-nous, nous, témoins d’une époque où désormais les dieux pourraient s’appeler argent, et commerce, entendre ou imaginer que les êtres ne sont pas si affranchis de leurs émotions animales, de leurs passions. La  preuve s’il en est c’est que pour faire vendre une voiture, les publicistes peuvent associer l’objet à la figure d’une belle femme.

 La scène dans laquelle nous introduit le metteur en scène qui endosse le personnage de Phèdre, à l’apparence d’un mouroir celui où déclinent quelques individus qui n’ont pas d’autres biens à déclarer que leurs histoires d’amour. Alors, nous voyons en Phèdre une aliénée hyper lucide. C’est tellement beau, Phèdre qui délire d’amour. Cela a une intensité, voyez-vous, que les hommes s‘accordent si rarement . Cela peut faire resurgir l’image d’une femme ou d’un homme qui ont besoin de dire ou d’avouer, juste avant de rendre leur dernier soupir « Oui, j’ai aimé ».

 Cet aveu qui pourrait être inoffensif, dès lors qu’il s’échappe de la bouche de Phèdre ou de son beau-fils Hyppolyte, prend des allures de braises. Et l’on sent bien que chacun des interprètes marchent sur des braises alors même  que le courant où s’abreuve la langue de Racine est très cru.

 « Cette langue ciselée comme un diamant » nous dit Ophélia Teillaud, pourtant a besoin de s’émousser à travers nos propres gorges. Que  nous  soyons aussi imprégnés de ses silences !

 Phèdre interprétée par Ophelia Teillaud, est émouvante parce qu’elle n’a pas d’apprêts, elle est rendue à sa plus simple expression qui peut nous déranger mais dont les aspects presque ridicules – a-t-on jamais vu une femme se rouler par terre – interpellent notre psychorigidité.

 Le sentiment du ridicule fait partie de nos défenses L’extravagance de la passion est ridicule. Mais Phèdre a cela de humble qu’elle assume collectivement, en prenant à parti son propre père, sa folie. Alors quand la honte surgit, est-ce l’orgueil qui s’exprime ou plutôt la douleur de ressentir qu’elle restera incomprise et qu’elle n’existe pas, en somme, pour celui qu’elle aime.

 A travers le tableau que nous offrent les metteurs en scène, nous pouvons avoir l’impression de nous déplacer dans un rêve qui pourrait être (nous ne verrons jamais le projectionniste) projeté par une figure tutélaire, le dieu des Enfers, le  père de Phèdre, à l’intention de sa propre fille . Aussi bien, toutes les voix de cette tragédie nous parviennent d’un halo de conscience à semi endormie, des voix impossibles,  qui s’entrechoquent, se bousculent comme si elles continuaient à rechercher des passerelles  parmi nous.

 A l’époque de RACINE , les acteurs devaient déclamer leurs vers.Aujourd’hui la déclamation n’est plus de mise mais le texte reste toujours une partition où la musique des mots, il faudrait presque  la laisser couler en soi sans en comprendre la signification comme des étrangers dans un autre pays.

 Cette exploration de l’âme non séparée du corps à laquelle nous convient Ophélia Teillaud et Marc Zammit et leurs partenaires, est pleine de promesses. Si éloigné que nous apparaisse Racine, tel un superbe récif, au milieu de la mer, la traversée de sa partition devient à travers ce spectacle, presque contemplative, un peu comme un miroir de certains de nos rêves aussi beaux que profonds.

 Paris le 21 Janvier 2012                                      Evelyne Trân

 

Evelyne Trân

L’épigone du corps.

Où se niche donc la poésie ?

 Petite réflexion intemporelle telle une goutte d’eau au dos d’une cuillère

Nous aurions  fort maille à partie si notre grosse tête pensante décidait de donner la parole à tous les continents qui constituent notre corps.

 Les chemins de communication sont innombrables, certains sont visibles, d’autres pas, mais machina ex machina, il faut bien reconnaitre que ce sont la tête et le ventre qui s’arrogent  les pleins pouvoirs. Comment dissimuler notre impatience d’ouïr que les mains et les pieds ont beau fébrilement, de concert demander la voix au chapitre, vu qu’ils sont si dépendants du moteur tronc,  on oublie que viscéralement, en réalité, ils font partie de la sphère la plus spirituelle de notre corps.

 Ce sont les peintres qui ont su attirer notre attention sur la capacité d’expression de ces membres, les pieds et les mains en les traitant comme des visages à part entière.

 Quelle politique pour notre corps sinon celle de ne pas s’enorgueillir de résister aux vents  et marées. Quand il ne reste rien à un homme, il lui reste dit-on, les pieds et les mains ou bien ? La peau, oui cet organe malicieux, froid ou chaud ou tempéré, toile à elle seule d’une nudité ressentie à travers tous ses pores.

 J’exagère, mais comment ne pas réagir à ces opinions concernant les minorités silencieuses. J’entends sans cesse dire : nous ne faisons pas partie de la majorité, la poésie n’intéresse qu’un infime  pourcentage de l’humanité. Les médecins seront d’accord pour dire que si nous prêtons de l’attention à l’orteil ou au petit doigt accidentés, c’est parce que  leur infection peut paralyser le corps entier.

 L’homme n’en est qu’au début de l’exploration de tous ses organes qui sont eux-mêmes en relation avec le soleil, la nuit, le jour, enfin pour résumer avec la création.

 La poésie est un fait de nature, c’est un beau paysage qui nous éblouit, c’est une jolie voix qui nous émeut, c’est à travers un rayon de soleil, l’étonnement de s’éprouver tout à coup très proche d’une fourmi porteuse d’une miette de  pain, s’enfouir sous une feuille. Et vous voudriez nous priver de cette vision sous prétexte que la terre tourne et nous avec. Mais ce minimal végétal, ce froid, ce chaud qui affleurent la largeur d’un poignet, c’est une richesse éprouvée qui vaut bien mille tempêtes dans un verre d’eau.

 C’est étrange, ce chaud et ce froid que nous n’entendons pas à travers les écrans de télévision. Que dit l’homme de si important qu’il ait besoin d’installer partout des miroirs chancelants qui brouillent sa piste ?

A force de se croire le nombril de l’univers, l’homme ne s’entend plus, il devient sourd et aveugle à son environnement. Que nous disent les montagnes, les abeilles en écho aux paroles et gesticulations des hommes ?

Donnant, donné. Les relations entre hommes ne seraient que des rapports de marchandage, il faut lutter pour vivre. Alors supprimons tous ces arbres sauvages, au bord des routes qui donnent  encore des fruits sans que nous les ayons sommés d’être.  Vendons nos places au soleil, vendons la terre, vendons nous ! Somme toute, restera le désert dont personne ne veut, et puis  la faim, la soif et tout recommencera  tandis que les océans et les montagnes parleront poésie à notre place. Quel rêve ! Où sont les spectateurs ?

 Paris, le 14 Janvier 2012                  

 Evelyne Trân

 

 

 

La tête des autres d’après Marcel Aymé au Centre dramatique de La Courneuve

Centre culturel Jean-Houdremont, 11 avenue du Général-Leclerc,
Réservations : 01 49 92 61 61.
Du 11 janvier au 29 janvier 2012
Les mercredis, vendredis et samedis à 20h30, Les jeudis à 19h, Les dimanches à 16h30.

Mise en scène Elisabeth Hölzle  avec
Marc Allgeyer ● Bernard Daisey ● Myriam Derbal . Damiène Giraud ● Maria Gomez ● Jean-François Maenner. Jean-Luc Mathevet ● Jean-Pierre Rouvellat.

Scénographie et costumes : Loïc Loeiz Hamon. Création lumière et régie générale : Julien Barbazin.

Un plaidoyer contre la peine de mort traité comme une farce où tous les convives devenus justiciers de leur propre vie, devraient se demander quelle est cette tête qui trône sur leur table.

 Ah messieurs les procureurs, magistrats, avocats  quand vous vous bousculez pour vous payer la tête des autres, c’est votre métier après tout, vous êtes-vous jamais demandé quelle mine vous feriez si les rôles étaient renversés  si vous deviez vous mettre à table devant un condamné à mort, assoiffé de justice.

 Marcel Aymé se paye la tête de la Justice avec une telle insolence dans sa pièce « La tête des autres » qu’une levée de boucliers de ses représentants, demanda son interdiction, à sa création au Théâtre de l’Atelier en 1952.  Figurez-vous que cette comédie est toujours d’actualité puisque la troupe Avoc’art, composée d’avocats, bordelais, l’a jouée tout récemment « pour faire allusion aux liens de subordination qu’il peut y avoir entre le pouvoir et la magistrature dont nous allons donner une image quelque peu caustique » .

 Qui veut faire l’ange fait la bête. Cette courte sentence de PASCAL, Marcel Aymé la fait sienne  pour dresser le portrait d’une société qui apparait dans toute sa grossièreté, dès lors que les gros fils qui la sous-tendent, se lâchent pour devenir les croche-pattes, les nœuds des futurs pendus à la langue trop pendue etc.

 Vérité et justice ne font pas bon ménage, il n’y a qu’une clé pour redorer leur blason, la communion de leurs intérêts. A chacun sa vérité,  il faut attendre que la roue tourne comme au manège. Maintenant conclure que celui qui tire le pompon est peut être celui qui envoie la tête des autres au panier, c’est une conclusion qui n’a pas fini de faire grincer le carrousel.

 Dans ce manège, bien installés sur leurs dadas, des notables tournent et font les beaux en nous saluant tour à tour, en nous agrémentant de joyeuses ritournelles de Boris Vian, d’Henri Salvador, ce qui est tout de même assez incongru. L’habit ne fait pas le moine. Chacun sait qu’un homme peut très bien aller à l’église, s’agenouiller devant Dieu, et signer ensuite le papier qui condamnera à mort son prochain. Et cela n’empêche  pas la terre de tourner, bien au contraire.

 Faute de pleurer, nous rions beaucoup à ce spectacle où les comédiens font surenchérir leurs personnages jusqu’au bout de leur vérité haletante, à savoir sauver leur tête, au lieu et place de celle du condamné à mort qu’ils se renvoient comme un vulgaire ballon de foot sans craindre de se salir les mains.

 Elisabeth Hölzle à la mise en scène déploie toute sa virtuosité. On a l’impression qu’elle souffle sur les personnages pour créer une sorte de tsunami impitoyable. Le décor très raisonnable : un perron à l’italienne et  terrasse à volonté,  a un côté pastille de foire foraine ou de pièce montée, où il ne manquerait que les Jésus en sucre. Fi du décor, puisque nous assistons très rapidement à des combats échevelés de coqs et  de poules qui finissent par nous devenir familiers, à tel point que  lorsque le manège s’arrête, et que l’on entend sourdre le mot innocence de la bouche du condamné, il se produit une sorte de glissement de terrain dans nos méninges. Faut-il que nous ayons besoin de nous pincer pour y croire !

 Il y a du Labiche dans cette comédie, du Ionesco, du Jarry également Bien sûr, le propos a quelque chose d’ostentatoire mais il touche aussi, par des réflexions toutes simples, non maquillées. Le temps de nous débarbouiller de nos grimages, on est heureux de l’ouïr presque naïve, toute nue, la vérité par la plume de Marcel Aymé,  capable de faire s’ébrouer en chœur, l’intrépide et talentueuse  Compagnie du Centre Dramatique de la Courneuve.

 Paris, le 15 Janvier 2012

Evelyne Trân

MOI, CARAVAGE AU THEATRE DU LUCERNAIRE

Auteur : Cesare Capitani
d’après le roman de Dominique Fernandez La Course à l’abîme (Grasset)
Mise en scène : Stanislas Grassian
Avec : Cesare Capitani et Laetitia Favart
Du 10 janvier au 7 mars 2012
Du mardi au samedi à 20h
Les dimanches à 17h
Relâche le 31 janvier 2012

Est-il raisonnable de donner la parole à un peintre quand le rayonnement de ses œuvres dépasse l’entendement du commun mortel ? Aussi romanesque  tumultueuse et sulfureuse qu’ait pu être la vie de Caravage, cette fameuse distance que travaille l’artiste en qualité de voyeur face à sa toile lui confère une perspective qui donne le tournis à notre aveuglement.

 Faut-il voir en Caravage le porte flambeau d’un inconscient collectif  ravageur, sous la tutelle du clergé et de l’inquisition ? Quoiqu’il puisse nous inspirer, comment ne pas rester dominés par l’idée que Caravage fut élevé au rang de maître par le pouvoir en place et que la légende du peintre forban et assassin servait certainement ses intérêts.

 Entre mysticisme et mystification, se cale la lueur de l’authenticité, celle-là même qui éclaire ou obombre le regard de l’infini voyageur de portraits.

 Nous pourrions nous acheminer  comme dans un rêve sous la veilleuse d’une flamme dévorant une toile de CARAVAGE. C’est ce que semble signifier la mise en scène du spectacle, d’une sobriété proche du dénuement. La clarté quant à elle surgit de la jolie voix de Laetitia Favart et de celle de Cesare Capitani ,  l’interprète de CARAVAGE, fabulateur de sa propre vie dont les mécomptes s’ils ne sont pas un passeport pour l’au-delà, en font un personnage presque truculent, bon vivant, très éloigné de ces peintres planqués dans leur intériorité invisible, donc une espèce de voyou, un peintre slameur avant l’heure qui fréquente les bouges, prend pour modèles des mendiants et des prostituées afin de redonner de la couleur aux vierges et aux anges.

 Caravage, sous la plume de Cesare Capitani, est  doué d’une bavardise à bon escient, capable de guider le spectateur même inculte dans la pénombre d’une église pour prouver que c’est bien un homme en chair et en os qui a réalisé des toiles destinées à impressionner les âmes des pêcheurs.

 C’est le message que nous retiendrons de ce spectacle, porte ouverte sur l’inconscient d’une œuvre qui crépite de vie sous le manchon du clair-obscur, une palabre bienvenue aux confins de nos mirages.

  Paris, le 11 Janvier 2012

 Evelyne Trân