Edito d’Armand OLIVENNES pour la Rue des Poètes

Faut-il assumer sa surréalité, accepter d’être une pure fiction, ne se reconnaitre dans aucune action entreprise pour changer le monde, adopter n’importe quelle défense, la rêverie, le dilettantisme, l’incompatibilité sans phrase ou l’anesthésie mentale contre les illusions, et surtout les désillusions de tout engagement aux côtés de ceux qui souffrent et qui luttent ?

 Non, non, et non  Si, si, et si ! Nous sommes des toupies, des girouettes, des contraires amalgamés ! Tôt ou tard, nous démentons nos actes gratuits, nous retournons nos vestes, nous nous retrouvons à l’aise dans la peau  du cocu et du traître !

 Finissons en avec la précarité, la volatilité, l’entêtement bête, l’inconsistance des raisons d’affirmer qu’on est ce qu’on est, et que l’absence de preuves qu’on en a n’est pas si absente que cela !

Eclairons la transmutation, la transfusion d’âme, l’alchimie du moi où elle prend sa source et son origine.

 La Tour d’Ivoire n’est pas notre toit ! La Tour d’Ivoire, c’est celle dans laquelle s’enferment la plupart de nos semblables. C’est la tour de béton, de briques, d’agglos derrière laquelle, ils se créent une seconde nature d’adaptation, de compromis, de dialogue et de résignation. L’image qu’ils se font de leurs  pieds sur terre, de la route qu’ils suivent, du but auquel ils sacrifient leurs puériles aspirations, se projette à la place idéale de leurs déceptions, sur l’écran de télévision. Leurs humeurs, leurs turpitudes, leurs déceptions s’envolent en rêves bleus ou gris, en soupirs lyriques dans la cheminée  de leur Goddin ou le fumet de pétrole de leur poêle hollandais. Leur individualité a toute confiance dans celle d’autrui. Elles sont unies les unes aux autres par la fiction, ses murs, ses frontières, ses garde-fous, ses traités. Ce qu’on peut supposer de leur nature première sort de leurs lèvres, ou du tiroir de leur bureau métabolisé en cautères et antiseptiques. A nous l’angoisse, l’autisme, la dysphorie, la graphologie, la déchirure !

 Maisons, raisons, saisons, qu’en connaissons-nous, sauf la rime ? Portes blindées, protections de toutes sortes, au propre et au figuré, contre les défaillances, les laisser-aller, pouvons nous nous en targuer ?

Sur quel grade dans la magistrature, l’armée, la police, l’église, la politique, la finance ou les Ponts et Chaussées, pouvons nous compter pour nous préserver de nous corrompre et de nous salir, nous tenir en réserve de la Justice, de la Paix et autres genèses, un jour réalisées ?

 Ni tombe, ni nuée, ni carapace, ni moral en acier synthétique !  La corde raide et la vulnérabilité ! Dans le secret de son intemporalité chronique, de son assainissement auto-érotique, de ses façades à clins d’œil pulsés, de son génie transitiviste, la Tour d’Ivoire affabulée plutôt qu’affabulée au nom de la Société, nous a rendus poétiques, unis pour le pire du pire et de mieux en mieux, aux enfants du Bon Dieu, aux pommes sur les pins, au lapin dans le chapeau et à la panade dans le pétrin.

 Nous sommes les poètes de la rue ! Nous célébrons une vérité qui n’est pas bonne à médire, une démolition qui ne vaut rien, un fantôme qui ne tient pas debout, une bouée qui se noie dans rien.

N’allons pas imaginer que nous pourrons changer tout  cela du tout au tout, partir à l’assaut de cette Tour d’Ivoire, avec nos invectives ou nos complaintes et faire revenir toutes ces digues élites, ces claustrophobes du chaos, sinon parmi nous, du moins à leurs moutons, c’est-à-dire à leurs déceptions, à leur mal être, à leur divagation.

 N’imaginons pas que nous pourrons faire transparaitre un peu de cet inventif transformisme, que nous arriverons à donner des dehors à cette objective intériorité, du sens commun à tous ces sédentaires simulacres !

Nous sommes les miroirs de l’évasivité, d’une évidence concrète qui ne reste concrète qu’à la condition d’être abstraitement généralisable.

Comment les êtres fictifs que nous sommes doivent-ils miroiter leur fiction ? En ouvrant une rue à eux, inconnue de toues les urbanistes et de tous les cadastres, la rue des  Poètes.

Une rue cartésienne où chacun, de naissance, manquerait d’une part de lui même, de celle précisément qu’il serait le plus sûr  d’avoir.

Une rue incomplète au départ, aux pavés incomplets, aux maisons incomplètes, aux habitants incomplets dans leur épiderme, dans leur pelage, dans leurs habits, dans leurs manteaux, dans leurs équipements ménagers, leurs actes de naissance ou de décès.

Les enfants s’y rencontrant s’y raconteraient des histoires. Atteints pas la sagesse, ils seraient hospitalisés. Ils se rétabliraient dans leur extrême vieillesse. A l’âge de deux cents ans, ils pourraient distinguer entre la Tour d’Ivoire et la Tour de Passe-Passe. Chacun, grand et petit, répondrait manquant au secret de Polichinelle. La poésie elle même serait rouge d’avoir couru jusque chez le crémier qui vend des clous à semelle.

On irait lentement de plus en plus lentement jusqu’à s’arrêter de soi même à la fenêtre du couvre-feu.

C’est ainsi que j’aimerais que soit dégagée la rue des Poètes.

 Armand OL IVENNES

Elève honoraire du cours germanique d’accélération linguistique

 P.S : Il s’agit d’un édito publié en décembre 96 pour le  Mensuel Français de Poésie,  Rue des Poètes, fondé par Vincent JARRY.

 

 

La reconnaissance de l’arbre (Photo d’une sculpture de Philippe Jarry par Samuel Jarry, voir lien vidéo, un artiste sur Seine)

« Que croyez-vous que nous soyons venus faire sur terre ? La liberté est égoïste, Messieurs, Dames, la liberté est égoïste » hurlait un sculpteur en envoyant des pierres sur la statue de la liberté. Il était en colère, il était éméché, il était va-nu-pieds. Quand il eût rendu toute sa colère, il s’assoupit contre un arbre et rêva. Il rêva qu’il faisait l’amour avec l’arbre et cela le rendait si joyeux, que son cœur battait  à l’unisson avec les feuilles chafouines de l’arbre.  Il respirait comme un enfant en grommelant des mots étranges et qu’un voyeur impénitent eût pu voir sortir de sa bouche en file indienne bien qu’ils soient un peu transparents. Mais tout le monde sait que les mots naissent dans la bouche avant même qu’on leur jette un sort c’est-à-dire qu’ils soient soumis à l’épreuve du sens. Oui, les mots naissent libres mais cela est une autre histoire. 

 Toute une famille de mots s’était installée au pied de l’arbre et  regardait en rougissant leur géniteur. « Nous sommes la vérité disaient les uns, nous sortons de la bouche d’un dormeur. La vérité est glacée disaient les autres comme la mort. Attention, ne l’oublions pas, même si c’est absurde, nous provenons du coït entre un arbre et un homme, nous parlons une langue étrangère et nous allons disparaitre bientôt parce que monsieur le dormeur va se réveiller et ne se souviendra plus de nous. Profitons de cet instant pour créer un poème inouï que peut être lui seul comprendra. Mais que croyez-vous que nous soyons venus faire sur terre ?

Nous ne connaissons pas notre géniteur, nous devons partir à la reconnaissance de son pays qui n’est autre que son corps après tout. Allons-y, il est encore temps  ».  Aussitôt dit, aussitôt fait, les mots s’éparpillent, courent, jouent à cache à cache sur toutes les parties visibles du dormeur, les pieds, les mains, le visage, les bras, les jambes .C’est une grande bousculade, du toboggan, des montagnes russes, car le dormeur ne cesse de ronfler et son cœur de battre à tout rompre. 

 « Profitons de cet instant, chantent les mots. Mais que croyez-vous que nous soyons venus faire sur terre ? » Alors l’arbre qui était en songe lui aussi, raconte qu’il s’est longtemps penché dans l’eau du rêve du dormeur, car il avait envie de marcher lui aussi, il avait envie de parler spontanément, n’est-ce pas, et il est devenu poète. D’une branche, il sonne le rappel de tous les mots, sortis de son giron et de celui de l’homme et leur dit : Restez suspendus au-dessus de la bouche de mon ami. Le jour venu, il vous dira et ce sera notre poème, merci ! »

 Paris, le 24 Décembre 2011                   Evelyne Trân

 

AU BORD DE LA ROUTE – CREATION THEATRE DANSE par la COMPAGNIE LA RUMEUR à l’USINE HOLLANDER – 1, rue du Docteur Roux 94600 CHOISY-LE-ROY. Accès REC Choisy-Le-Roy

Réservations 01.46.82.19.63 Du 15 au 18 Décembre 2011

Et du 12 Janvier au 6 Février 2012

Vendredi, samedi à 20 H 30, Dimanche à 17 H

  Conception, mise en scène, chorégraphies Patrice BIGEL

Scénographie, lumière, costumes Jean Charles CLAIR

Textes : Alison COSSON, Conception sonore Julie
MARTIN, Régie son : Julie MARTIN, Jean-Nicolas CASALIS

Avec : Samith ARBIB, Mara BIJELJAC, Adrien CASALIS,
Sophie CHAUVET, Anthony DUARTE, Elsa MACARET, Yasminn NAGID, Anna PERRIN,
Pierre POSSIEN, Erwin SAILLY.

 Le nouveau spectacle de Patrice Bigel, c’est le cœur du poème mobile autour duquel s’enchaine et se détache une fluorescence d’individus happés par cette incongruité excitante et douloureuse d’être à la fois un et plusieurs, seuls et avec.

 On pourrait dire que le thème de la solitude de l’individu noyé, étouffé par une société scrutatrice ou castratrice, est un thème rebattu, crispant, agaçant comme cette chanson enfantine « Alouette, gentille alouette, alouette,  je te plumerai ».

Mais il n’y a pas d’explication de texte, c’est davantage l’insigne qui est
abordé, et tandis que l’objet, le télévisuel apparaissent comme des monstres, à cause de leur sur-représentation,   les êtres retrouvent leurs marques à pieds nus en se découvrant au bord des autres .

 L’imagination du spectateur peut facilement se retrouver grâce aux silences qui succèdent aux goupilles sonores. Les pieds nus qui s’ arquent au-dessus du sol deviennent des visages, toutes les impressions fugitives ont la détente des animaux, la nuit. Avez-vous jamais regardé l’expression d’un lapin éclairé par le phare d’une voiture ?

 Paradoxalement, les deux écrans de cinéma qui projettent  les visages grossissants des individus qui deviennent vedettes d’un soir comme des panneaux publicitaires mais qui n’ont rien d’autre  à dire que ce qui leur passe par la tête, ont une portée théâtrale comique.

 Et ces individus vedettes qui reprennent leur place au cœur du nombre déjouent la fiction, ensuite dans l’infinitésimal, l’accord, l’essentielle brusquerie, un songe hérissé de tous poils, cela s’entend derrière la toile.

 « Il n’y a pas le choix » pourrait dire un des protagonistes comédien danseur, entre la lucarne du surmoi «hyperbolisé» sous les feux du projecteur, et l’individu déraciné qui doit courir à pieds nus vers une autre porte de sortie, sans mode d’emploi.

 C’est le mérite de ce poème spectacle d’ouvrir plusieurs pistes au  spectateur rangé, sans en imposer aucune, parce qu’ « au bord de la route », c’est un parler-visage qui chatouille la ligne d’horizon, qui froisse l’idée de devenir, l’histoire de plusieurs individus qui se déplie comme un éventail, à même la route.

 Ce sont des protagonistes aguerris qui lâchent la bride de la performance au profit d’un poème flottant à mains nues, à taille humaine, tendre et passionné.

 Bravo à toute l’équipe pour le grand rêve-action auquel elle  nous convie, sans prétention, tous les comédiens-danseurs rêvent sur place, on les entendrait presque les yeux fermés.

 Paris, le 17 Décembre 2011

 Evelyne Trân

HARANGUE DE GUY PERROT A SES DISCIPLES

Harangue de Guy Perrot à ses disciples

Post mortem in excelsis moi-même

 

C’est sur mon lit d’hôpital que je m’éveillai, faisant un rêve étrange : une grande Dame m’apparut. Non, ce n’était pas la fée Morgane non plus que la fée Carabosse : une grande Dame vêtue d’une robe peinte de côtes pour le haut, de tibia pour le bas. La robe, ce n’était pas du Jean-Paul Gauthier, non plus que du Paco Rabane.

Elle n’avait pas de peau sur les joues et, d’une joue à l’autre, un grand sourire s’épanouissait.

Elle ne manquait pas d’un certain charme assez bizarre.

Son charme n’avait pas la fluidité ni la grâce d’un Fragonard ou d’un Watteau, non plus que le sourire énigmatique de la Joconde.. Non, elle, c’était plutôt un top modèle vu par Bernard Buffet.

         Je lui demandai son nom.

 

         -Je suis madame AD PATRES et ce sont mes amis, la bonne fée SENILE, responsable de la sénilité ainsi que Monsieur ALTSHEIMER qui m’envoient  prendre de vos nouvelles.

         Je suis d’ailleurs accompagnée de Monsieur ROBLOT, un des designs des POMP. FU., qui est venu prendre les mesures pour votre petit lit futur, à une place et avec des anses pour le porter.

         -Excusez, madame, mais pour me porter où ?

         -Mais là où les  ci-git rejoignent cyprès et où règne un grand silence.

         En tant que poète, vous faisiez des vers de douze pieds. Vous aurez, maintenant des vers à vos pieds.

         Vous taquiniez la muse : eux taquineront vos pieds.

         Ce sera différent .

         -Excusez-moi, madame, la faux que vous avez dans votre main droite, c’est pour quoi faire ?

         -La faux, c’est symbolique. Tenez : fermez les yeux.

         -Je les ferme et j’entends comme le bruit fendant l’air.

         -Vous pouvez les  ouvrir, me dit alors l’étrange Dame.

 

         Je les rouvris et je vis un étrange paysage : des couleurs que je ne connaissait pas et qui s’étalait devant une  étendue inconnue qui n’était ni un désert, ni un océan.

 

         -Voilà où vous serez bientôt me dit la Dame.

         -Oui, mais qu’est-ce ?

         -Le néant ! ! !

         -Le néant ? je serai bientôt chez les néambules, ce qui me changera, moi qui était somnambule.

 

Guy Perrot

 

         Nous devons dire que notre latiniste, ayant beaucoup baguenaudé dans les méandres des fruits de la vigne, il est possible qu’il  se trouve quelques fautes de syntaxe latine. (N.D.L.R.)

 

 

 Tous mes amis sont ivrognes

Et non pas pisse-vinaigre

Et lorsque je vois leurs trognes

Je me sens le cœur allègre

 

L’un d’eux qui boit plus que moi

Un jour qu’il tâtait l’oracle

M’a fait cet acte de foi

D’une voix de tabernacle

 « S’il faut mourir mourons ivre

Et ainsi nous verrons deux morts

Et ainsi nous pourrons revivre

N’est-ce pas là un beau sort

 « Ces gens qui pissent vinaigre

Ne se sentent qu’une issue

Et serrent leurs fesses maigres

Qui tremblotent et qui suent

 « Eux pour qui tout est en un

Ils chopent la chair de poule

Quand vient la sombre catin

Ils ne voient pas qu’elle est double

 « Ils ne meurent qu’une seule fois

Après une seule vie

Ils auraient eu la foi

Ils auraient double vie »

 Aussi mes amis ivrognes

Buvons à brûler nos vie

Buvons à brûler nos trognes

Et rejoignons l’autre vie

 Il y aura des ruisseaux

Des torrents de Beaujolais

Du Mâcon du Bordeaux

Du Brouilly de Verdelay

 Il y aura nôtre ami

Et sa voix de tabernacle

Buvons fort craignons mi

Et profitons de l’oracle

 Déjà le gosier me racle

 Vincent Jarry

 

MAGIE NOIRE Création théâtre-danse-musique menée avec des jeunes artistes des favelas de Recife (Brésil) au Théâtre de l’Epée de bois

Mise en scène Laurent Poncelet Au théâtre de l’Epée de bois – Route du champ de manœuvre 75012 PARIS Réservations 01.48.08.18.75

Du mercredi 7 Décembre au samedi 10 Décembre à 21 Heures, les dimanches 4 et 11 Décembre 2011 à 16 Heures

 Il avait l’air grave le jeune danseur percussionniste à qui nous avons tendu la main, hier soir, à  l’issue du spectacle MAGIE NOIRE. Le metteur en scène venait d’expliquer au public, le pourquoi et le comment de cette grande aventure pour la troupe des jeunes artistes originaires des favelas de Recife au Brésil que constitue leur grande tournée en Europe. Les questions du public étaient appropriées mais nous pouvions ressentir une certaine gêne. Car c’était une façon de les montrer du doigt comme des animaux de cirque de leur dire : « Quelle chance vous avez de pouvoir exprimer vos talents, et maintenant comment allez-vous vous en sortir quand vous retournerez dans vos bidonvilles ? »

En vérité, nous pouvions avoir la conscience presque assommée par le contraste entre ces visages sérieux d’adolescents en survêtement, attendant tranquillement les questions et l’incroyable énergie qu’ils venaient de déployer pour témoigner comme dans un psychodrame de leur vie là-bas à Recife. Comment imaginer cette vie là ? En vérité si leur représentation, nous dispense d’entendre, de savoir, de reculer devant l’insupportable, elle soulève cependant le public vers un ailleurs où il n’y aurait plus de frontières entre la pauvreté et la richesse, entre spectateurs et artistes, mais un désir de partager des expériences en parlant humain. Sont-ils des humains, ceux là qui ne sont pas comme nous ? Nous n’avons jamais vu des individus aussi libres d’exprimer leur allégresse, leurs peines, leur fureur de vivre, se battre, se toucher, s’embrasser, se coucher  au son du tambour. Ils viennent de la jungle, ces gens là, ils sont plus proches des animaux que de nous, les civilisés qui ne savons plus que pianoter sur nos portables et nos ordinateurs puisque nous avons dit adieu à l’ère préhistorique pour franchir l’ère robotique, oh combien plus froide.

Il faudrait arrêter de se regarder comme des étrangers. Le marchand de Venise avait aussi  besoin de dire :  « Ne suis-je pas un homme comme vous, moi qui crie lorsqu’on me frappe, mon sang n’a-t-il pas la même couleur que le vôtre ? »

Le langage de l’homme civilisé serait-il une langue étrangère ? Alors comment ne pas être séduit d’imaginer que le corps puisse  être entièrement porteur de messages parce que si  nous sommes soit pauvres ou riches, soit femmes, ou hommes, il y a une distribution à laquelle, nous ne pouvons pas échapper, celle des émotions, celle des pieds, des mains, du ventre.

C’est ce que tout le long de leur spectacle, nous a démontré avec courage et ferveur, cette jeune troupe de danseurs percussionnistes. Un spectacle poignant, démesuré,  où la nature l’emporte sur le cérébral pour ne pas expliquer, pour suggérer seulement que l’être  n’est pas une big machine : « J’invoque le jour et la nuit, le repos et le désir de courir vers les autres en dansant, la passion et la tristesse,  l’isolement et la joie collective, je me frappe la tête contre les murs, j’appelle ma mère, je me bats contre mon frère,  Non, tu n’es pas mort pour rien, mon frère, j’emporte ton cœur avec moi ! »

Cette pétulance qui est l’apanage de la jeunesse frôle sans arrêt la mort. Mais il y a un tel désir de faire surgir le meilleur, une telle réceptivité au son du tambour que les corps qui se déchainent,  communiquent aussi ce qu’ils reçoivent de la voûte céleste, de la pluie, du soleil, de la terre; ils sont hommes de la nuit et du jour, ils ont beaucoup à nous apprendre.

Ce spectacle rondement mené par Laurent Poncelet, est le fruit mûr d’un  travail de plusieurs années effectué, par ses jeunes au sein d’ateliers de rue, créés par l’ONG  «  O grupo Pé No Châo », les pieds sur terre, pour les sortir « de la spirale infernale, drogue-gang-violence » Ceci dit, ce qui est création dépasse aussi bien les bornes du  genre sexuel que celles de l’origine sociale.

La meilleure façon de remercier ces jeunes artiste brésiliens qui ont fait leurs bagages   pour aller à la rencontre d’un public européen, c’est de nous déplacer à notre tour, nous public parisien, de ranger nos pantoufles  et vite… car les représentations se terminent le 11 Décembre 2011. Les amateurs de danses afro –brésiliennes, hip-hop, capoeira et percussions, seront conquis et les autres dont je fais partie auront l’impression d’avoir fait un grand voyage, corps et âme confondus.

Paris, le 4 Décembre 2011

Evelyne Trân

 

 

 

 

« Elle était une fois » Anne Baquet. Un drôle de conte musical au Théâtre du Ranelagh – 5, rue des Vignes – 75016 PARIS

du 25 Novembre 2011 au 17 Mars 2011 – Vendredi, samedi à 19 Heures, et dimanche à 11 H 30, le dimanche, brunch musical après la représentation

Sur une idée originale d’Anne BAQUET

Mise en scène : Jean-Claude COTILLARD

Direction musicale : Damien NEDONCHELLE

Lumière : Jacques ROUVEYROLLIS

Textes : Flannan OBE, Frank THOMAS, Frédéric ZEITOUN

Musiques : Thierry BOULANGER, Jérôme CHARLES, Thierry ESCAICH, JULIETTE, Damien NEDONCHELLE, André PETROFF, Philippe TASQUIN, Roland VINCENT, Reinhardt WAGNER

Arrangement : Jérôme CHARLES, Damien NEDONCHELLE

Chorégraphie : Alexandra GONIN

Elle a un petit côté animal qui sort de son terrier, d’une boîte à musique, d’une vitrine de farces et attrapes, elle est la souris blanche qu’accouche, un soir de Noel, une reine du haut de sa fabuleuse pièce montée, une robe montagneuse.

Reine réalité qui finit par s’affaisser à la naissance du conte et des mécomptes d’une histoire en escalier sur laquelle glisserait n’importe quel magicien.

Onze compositeurs, pas moins, sont accourus pour faire sortir  de leur chrysalide, d’un joli dé à coudre, chacune des elles qui se traversent sous la pluie de leurs conversations musicales.

Elle est passée par toutes les baguettes, Anne : le chant, la comédie, le mime, la danse. Il n’ y a pas de figures de femmes qu’elle ne puisse
explorer sous les cernes d’une vieille mère ou d’une adolescente complexée. Quelle belle occasion de mettre en musique toute la gamme de sentiments de la vie d’une femme, pour la confusion des sens et surtout pour déboucher sur la liberté d’être et de jouir au milieu d’un fagot de rêves.

Et c’est parce qu’elle s’amuse, qu’elle ne peut pas se prendre au sérieux, qu’elle nous offre sous l’œil d’un pianiste amphitryon, un spectacle d’une fraicheur inouïe.

Comme si elle savait que tout peut sortir d’un rêve, qu’il n’y a de prétexte que le bonheur de jouer, elle s’accorde avec le pianiste, Damien NEDONCHELLE,  pour lui conter qu’après tout elle n’est qu’un petit bout de femme éternelle,  au bout de la baguette d’un orchestre, une créature musicale qui goutterait entre les touches d’un piano.

Le metteur en scène, Jean Claude Cotillard, d’une main de maître,
orchestre ce ballet ; il est le chevalier servant d’un conte où, elle était
une fois, Anne, Pierrotte au clair de lune, joue, chante, s’émancipe, se
déboite comme une poupée russe, comique tendre et délurée. C’est un spectacle rare à voir et à revoir car sous l’eau du baquet, la musique court, n’en finit pas de refléter nos songes.

Merci pour cette éclaboussure dont on suit à la trace les notes, un conte de quelques pages pianotées, éventées, inventées « Je serai artiste de ma vie » Bravo aux artisans de ce spectacle, merci pour ce joyeux message !

Paris, le 3 Décembre 2011

Evelyne Trân

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