COUP DE THEATRE DANS LES QUARTIERS A LA COURNEUVE du 22 au 25 JUIN à 21 H 30 Réservations 01.48.36.11.44

TCHEKOV, côté jardins, en plein air : La demande en mariage, L’ours, Les méfaits du tabac,  par le Centre dramatique de la Courneuve

Mise en scène Rainer Sievert avec Marc Allgeyer,Damiène Giraud, Maria Gomez, Jean-Luc Mathevet, Jean-Pierre Rouvellat

Découvrir Tchekhov en plein air, c’est génial ! Quels meilleurs terrains d’atterrissage pour des comédiens extra-terrestres, que des cours de récréation en vacances !

La nature a horreur du vide, c’est bien connu. Alors pour maquiller le silence, faire rêver les grands immeubles, plongés dans la pénombre, oui dans cette grande forêt anonyme, quelques lutins « crétins » (c’est le titre d’une chanson) investissent tous les jardins d’aération qu’ils appellent quartiers, en référence à la lune, et proposent aux habitants et même aux étrangers,  leurs spectacles.

Les comédiens sont si bien imprégnés de leurs personnages qu’ils pourraient jouer sur les cratères de la lune, mais les cratères des cours de récréation de la COURNEUVE, c’est encore mieux !

Un petit théâtre sur tréteaux qui a l’air d’être descendu du ciel,donne l’impression aux spectateurs d’être en parachute. Comment se fait-il que toutes les portes de la scène donnent sur la cour, et que même à l’intérieur de leur petit espace dérisoire, les personnages se retrouvent toujours dehors et surtout hors d’eux.

Tchekhov a l’âme d’un conteur. Les entrées et les sorties, il connaît. Il était médecin et avait toujours, en ligne de mire, la fameuse salle d’attente de tous les personnages qu’il s’apprêtait à ausculter. Il leur disait à tous « Je vais vous prendre la tension » Et fort de sa souveraine expérience, il livre quelques solutions, très prosaïques, très proches de la saignée préconisée par les médecins de Molière. Quand ses patients ont bien hurlé, pour soulager leur rate ou leur foie, exténués, ils consentent au mariage des sens, ils subliment leur bile et en viennent à se lécher les uns les autres, un peu comme des animaux. Mais « qui veut faire l’ange fait la bête », c’est Pascal qui l’a dit et il n’était pas bête.

Sous la férule d’un metteur en scène très attentif aux petites choses de la vie, de sorte que tout ce qui parait rudimentaire devient essentiel (une sonnette, un affreux rideau, un vieux magnétophone ou un lampadaire qui louche),  l’ours, le futur beau père, la fille à marier, la veuve éplorée, le mari persécuté, deviennent très réels, nous renvoient à nos propres clameurs étouffées, les dialogues de sourds qui gondolent, hérissent, tapissent nos atermoiements. Et à la fin, nous ne pouvons plus pleurer que de rire !

Cependant Tchekhov ne serait pas Tchekhov, si derrière la farce, comme un très mince croissant de lune, ne s’agitait pas la finesse de son sourire.

 Les comédiens l’expriment aussi cette finesse. De sorte que sous ses dehors burlesques, beaucoup de poésie se dégage de ce spectacle qui a vraiment du charme et se porte comme un arbre en pleine cour de récréation, le soir à LA COURNEUVE.

 Paris, le 25 Juin 2011                                  

 Evelyne Trân

SALIERI ou le mal-aimé de Dieu au Théâtre du Lucernaire de et par Jean HACHE

   Mozart âgé de 14 ans, par le peintre Louis Gabriel Blanchet, 1770Mise en scène : Jean HACHE et Roland HEGAULT. Avec la voix d’Emmanuel RAY (Mozart) . Du 2 Juin au 28 Août 2011. Du mardi au samedi 18 H 3O, durée 1h 15 – 53 Av de Notre Dame des Champs 75006 PARIS.

 P.S. Monsieur Jean HACHE était l’invité de l’émission “Deux sous de scène” du samedi 2 Juillet 2011 que vous pouvez écouter et télécharger pendant une semaine sur le site de Radio Libertaire (grille des émissions).

 Salieri ou le mal-aimé de Dieu, voilà un titre de pièce qui nous immerge, une fois de plus, entre ciel et chair. Dans les coulisses de l’âme d’un musicien, il n’y aurait qu’un seul Dieu, une seule instance, une seule raison de vivre, la musique elle-même.

Il importe peu, in fine, de savoir si Salieri, tel qu’il se présente sur scène, a réellement existé. En tant que personnage, il surgit des limbes de tout artiste tourmenté, en quête d’absolu ou de miséricorde. Si nous prenons conscience que ce sont les passions humaines qui s’expriment à travers toute création musicale, il n’y a pas de quelconque orchestration pour celui qui rentre dans l’orchestre. Qu’il soit béni ou non, il en fait partie et c’est cela seul qui compte.

Le théâtre ne peut se passer de ses personnages mal dans leur peau, et Salieri auquel Jean HACHE prête son verbe et son corps est d’une étoffe très Shakespearienne.

Il fallait un  pendant à Mozart, enfant prodige, pour magnifier le mythe, il fut tout trouvé en la personne de Salieri, son contemporain et collègue en quelque sorte. Pour faire bonne figure face à ce génie, ne convient-il pas de revenir sur terre. Comment s’étonner qu’à l’autre bout de la magnificence, les ténèbres s’agitent et accouchent d’individus malheureux et prisonniers qui doivent se contenter du reste pour continuer à vivre.

Et pourtant la geôle sordide de l’asile dans laquelle se démène ce pauvre Salieri est un décor de maître, de nature à faire résonner ses propres symphonies, de façon spectaculaire, comme si la musique pouvait se lire dans un  miroir, celui de l’âme, bien sûr.

C’est Mozart alors, l’enchanteur qui en projetant sa clarté sur Salieri nous éclaire sur sa condition d’être brimé, condamné soit à la décrépitude, soit à la faim, à la soif.

L’artiste solitaire finit par devenir solidaire de ses démons. C’est la dérive des sentiments, toujours le spectre d’Aguirre ou la colère de Dieu. C’est ce qui n’est pas exploitable, cette partie de chair délictueuse ou bienvenue  qui échappe à toute politique ou norme, indomptable car démesurée, la musique à fleur de peau pour seule raison d’être.

Tous ceux qui guettent la charrue avant les bœufs seront sensibles à cette exploration à voix humaine, comme la main sur l’instrument de celui qui reste à l’affût des crispations, vibrations, pour à chaque point du ciel de leur partition, n’attendre que d’être émus.

Jean HACHE, Salieri, offre la vision d’une petite pièce mentale ourdie de notes, pour le do d’une cuillère musicale, quand la mer monte, chez Mozart, Salieri ou Bach.

La mise en scène, très impressionniste, ose l’ombre de la musique elle même.

A toute ouïe, bon entendeur, parmi les maillons de la chaine musicale, Salieri possède corps et âme, son interprète, Jean HACHE.

 Evelyne Trân