« Déshabillez mots » aux Trois Baudets les mardi et mercredi à 21 Heures

Déshabillez Mots
En série AUX TROIS BAUDETS
Ecrit, adapté et interprété par Léonore Chaix et Flor Lurienne
, Mise en scène Marina Tormé
à partir du 2 Novembre 2010 jusqu’au 26 Janvier 2011 à 21 Heures

De la radio à la scène. Franchement nous étions curieux de voir comment ils allaient se comporter ces mots terrés dans l’invisible et la chaleur des studios. Ils faisaient la queue depuis quelques années pour avoir le droit de se faufiler à l’intérieur d’un micro et clamer leur existence à travers les ondes. Leurs attachées de presse, deux comédiennes très attentionnées ont fini par en adopter plusieurs et décidé de leur donner une 2ème chance, celles de sortir de l’invisible. Pour ce faire, elles leur prêtent leurs corps tout simplement, en bonne foi, tout honneur.
C’est une expérience fort époustouflante pour un mot, rendez vous compte : sortir de l’ordinaire, s’habiller, devoir séduire, mettre du rouge à lèvres quand on à l’habitude, soit d’être écrasé sous des lettres d’imprimerie, soit de s’envoler, les extrêmes en quelque sorte.
Mais les comédiennes qui les tiennent en laisse ont su faire mieux que de les balader comme des caniches enrubannés. En vérité, la longe est de nature à leur faire faire un tour de plus d’une heure. Et bien que la scène représente leur studio antérieur plutôt étroit, ils retrouvent sans peine leur verve, et cette jubilation d’être enfin libres.
Il faut bien le dire, les mots adorent se faire déshabiller, il faut rentrer dans leur jeu, leurs rites, leurs vertus, et même leurs rêves ou leur jeter un sort comme ces comédiennes quand on les sort (cruelle répétition) du dictionnaire où ils crèvent d’ennui. Car ce que l’on oublie souvent c’est que de tout temps, ils se sont incarnés et continuent à s’afficher sous la pancarte d’un nom ou d’un prénom. Celui qu’on affublait d’un sobriquet ignorait le transmettre à sa génération. On vous appellera comme ci, on vous appellera comme ça, vous serez appelés à témoigner : Nom, prénom ? Et vous jurerez de dire toute la vérité, toute la vérité qui s’enfouit ou s’enfuit dans les volutes de l’ignorance. Est-ce à dire que l’anonymat soit plus terrible que le vilain patronyme et que l’on puisse être éclaboussé par les odeurs d’un nom qu’on n’a pas commis mais dont on a hérité. Je m’appelle « Connard » et alors, ce n’est pas ma faute !
Un mot tout seul, cela ne rime à rien. Cela commence à devenir drôle lorsqu’ils arrivent plusieurs ou par un tour de magie, se fendent en deux. Ainsi l’infidélité se découvre une amie, grâce sa perspicace intervieweuse, qui n’est autre que son ennemie, ou sa sœur siamoise la fidélité.
Nous assistons donc très souvent à des joutes de mots, servies par des escrimeuses particulièrement douées. Avec leur pèche d’enfer, elles ne laissent guère de répit aux spectateurs qui voient défiler une cavalcade de mots aussi suffisants les uns que les autres. De vraies canailles, ces mots lorsqu’ils s’y mettent. Bonnet blanc ou bonnet noir ? C’est à qui prendra la mine la plus effarouchée ou fera davantage figure de forte tête. De sympathiques canailles, capables de ramasser la paille sous le sabot du cheval pour aller manifester, non Contre mais Pour le mot » onanisme »
Au cas où il ferait partie de quelque espèce en voie de disparition. Combien de mots meurent chaque jour, quelle tristesse !
En attendant, qu’ils s’envoient en l’air à la faveur de ce strip-texte. Nous ne pouvons invoquer ni le diable, ni le bon Dieu, nous voici devenus complices et attendris. Les mots se donnent en spectacle, hélas ! Comment leur en vouloir, ils ont tant besoin de nous pour exister !
Comme ces prêtresses de mots savent fort bien renchérir, gageons que la clé des champs, entre leurs mains, est une bonne fée. Aléa jacta est, le sort en est jeté, Mesdames et Messieurs les mots, vous sortirez du dictionnaire, cette boite à pandore, que vous soyez banaux, obsolètes ou suspects, vous irez porter la bonne parole dans les siècles des siècles. Amen.

L’augmentation de Georges Pérec Mise en scène Marie Guyonnet au Guichet Montparnasse

L’augmentation de Georges Pérec
Mise en scène de Marie-Guyonnet,Avec Jehanne Carillon, Jean-Marie Lallement, Olivier Salon                                 Au Guichet MontparnasseDu 3 Novembre 2010 au 8 Janvier 2011 du mercredi au samedi à 20 H 30 
Georges Pérec ou l’art de transformer un cauchemar en comédie. J’ignore tout de la biographie de cet auteur et ne désire pas m’y pencher. Par contre j’imagine volontiers ce savant des mots avoir voulu soulever par malice la lamelle où s’agglutinent quelques échantillons humains, pour faire de son microscope, un projecteur capable d’insonoriser tous les insomniaques.
Les livres regorgent de titres de recettes alléchantes censées nous instruire, nous expliquer comment se sentir mieux, comment faire l’amour, comment devenir un champion, et pourquoi pas comment demander une augmentation de salaire à son patron. Mais les meilleures perles, vous les trouverez dans le dictionnaire. Oui, ce tombereau de mots, en principe, a réponse à tout. J’y ai trouvé la définition de l’homme : mammifère de l’ordre des primates, vivant dans des sociétés très structurées.
Il faut donc comprendre que la parole qui permet de distinguer l’homme du singe, reste déterminée par une structure inhérente à tous les organismes, ce qui encourage d’ailleurs les savants à comparer les sociétés humaines à celles des fourmis, des abeilles etc.
L’entreprise est donc l’échantillon à taille humaine que le sieur Pérec a choisi d’observer, en faisant gigoter sous sa pince, un de ses éléments ingrats, l’employé. Un employé destiné à mourir, enseveli sous la coulure
de phrases censées l’empêcher d’immerger, pour crier « Euréka, je l’aurai mon augmentation » L’espoir fait vivre et mourir en même temps.
C’est cruel, tellement cruel que cela ne peut porter que le doux nom de cauchemar. L’on se rend compte avec Pérec du pouvoir hypnotique des mots. Le thème du pauvre bougre, humilié, timide, complexé, est exploité par nombre de littérateurs, dans le monde entier, de Dostoïevski à Amélie Nothomb en passant par Kafka, bien entendu et par Dino Buzzati.
C’est dans le rêve, à mon avis, que s’exprime le mieux les complexes d’un individu et c’est cette texture qu’utilise Pérec quand les mots, les phrases deviennent à titre obsessionnel, ces bâtons de chaise impitoyables débités par le bec monocorde d’un perroquet, l’œil moqueur.
La metteuse en scène, d’ailleurs, a eu la sagacité de vêtir ces comédiens d’habits aussi rutilants que les plumes de cet oiseau, jaune, vert, bleu, rouge.
Le personnage central de cette pièce, oui, c’est le perroquet alias Pérec, qui s’obstine à bombarder de mots, un pauvre type qui nous ressemble, qui ne sait pas comment, comment s’en sortir, financièrement, psychologiquement condamné à croire ce qu’on lui dit, même si cela n’aboutit à rien, parce que sous la lamelle du microscope, de toute façon, il est coincé. Alors s’il prend des vessies pour des lanternes, la solution est dans la solution humaine contenue dans une éprouvette qu’un monstrueux démiurge, appelé savant agiterait aussi consciencieusement que précautionneusement. C’est fragile un être humain.
Bravo aux comédiens de jouer le jeu sans d’autre fard que la lumière du texte de l’auteur, aussi doucereux, et loyal qu’une lettre administrative. Que le cil en larmes d’un vulgaire employé cherche à en pénétrer le sens, les sens ou les directives, ses revendications tout à fait honorables ne serviront qu’à justifier l’existence d’un chef de service même invisible.
Au moins, méditerons-nous, après les salves de Pérec, sur l’ironie du sort de la condition humaine comme si tout était déjà contenu dans les mots, les petites phrases de politesse dont nous nous servons quotidiennement, pour mettre des clapets à toutes les petites émotions contenues et rentrées d’un pauvre employé. Restons économiques et simples. Qu’est ce à dire, si nous disons tous la même chose. Essayez d’aller au bout d’une phrase de politesse, et songez que vous vous battrez contre un mur, sauf quand en rêve flotte le drapeau insoumis d’un complexe. Cependant, ce que nous sert en filigrane le savant des mots, c’est que si nous répétons toujours la même chose au point de nous agacer nous-mêmes, nous avons quand même le droit de teinter nos paroles d’humour et de rêver qu’il y a mille façons de dire « je t’aime » ou « va te faire foutre ». Sous les mots, peuvent bien se cacher quelques manipulateurs plus ou prou aussi féroces que Pérec.
Si vous manquez de gentillesse dans la vie allez donc écouter Pérec, à dose homéopathique, vous verrez que quelques béquilles de mots qui bornent la surface de nos rêves, peuvent vous armer de courage pour affronter sinon un chef de service, la valeureuse société dont vous faites partie. Ah les gens les gens, les pauvres et les nantis !

Paris, le 20 Novembre 2010
Evelyne Trân

Bonjour tout le monde !

Dédicace

 Une indigne petite exposition de mots dont certains feraient du tapage nocturne et d’autres le tapin au coin d’une rue. Quoiqu’il en soit la plupart de ces textes n’ont vu le jour qu’à l’idée de pouvoir être déclamés à travers l’oreille musicale et curieuse de l’émission de Nicolas CHOQUET « Deux sous de scène » magazine de la chanson vivante à Radio Libertaire. Militant pour un théâtre d’odeurs et piaffant sur les sentiers battus en brèche, j’ai voulu les faire galoper, trottiner comme autrefois, on attelait les chevaux sur les pavés ou comme aujourd’hui je flâne dans les rues de Paris. Ces textes s’adressent donc en première ligne aux théâtreux et n’ont pas la prétention d‘apporter beaucoup de grain au moulin. Ils se sont échappés comme des souris d’une boîte de pandore, d’une mémoire certes un peu exaltée, mais toujours ambulante; c’est pourquoi je les dédie aux poètes en glissant un signe tout particulier à Vincent JARRY créateur de l’association « Poèmes en gros et demi gros » histoire de faire du troc avec ces drôles d’animaux, ces maîtres chanteurs qui s’abusent, n’est ce pas qui s’abusent.

 Evelyne Trân